La fenêtre des Rouet

Dominique ne s’est jamais mariée et pour vivre très chichement elle est contrainte de louer une chambre de son appartement et entendre le jeune couple qu’elle loge jouir de leur amour. Alors, quand elle voit par sa fenêtre une voisine laisser mourir son mari sous ses yeux, elle prend conscience du vide abyssal de sa propre vie.

Furtive, consciente de sa déchéance, elle se frottait à la foule qu'elle reniflait. Déjà des rites s'étaient établis, à son insu : elle traversait toujours la place au même endroit, tournait à tel coin de rue, reconnaissait l'odeur de certains petits bars, de certaines boutiques, ralentissait le pas à certains carrefours dont l'haleine était plus forte que celle des autres.
Elle se sentait si misérable qu'elle aurait été capable de pleurnicher en marchant. Elle était seule, plus seule que n'importe qui. Qu'arriverait-il si elle venait à tomber au bord du trottoir? Un passant buterait sur son corps, quelques personnes s'arrêteraient, on la porterait dans une pharmacie et un agent tirerait un calepin de sa poche.
 ─ Qui est-ce ?
Personne ne saurait.
La fenêtre des Rouet de Georges Simenon
Un livre plein de désirs inassouvis, tellement profonds, tabous, impensables

Le 51e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La sonnerie triviale d'un réveille-matin éclata derrière la cloison, et Dominique sursauta, comme si c'était elle que cette sonnerie ─ mais n'allait-on donc pas l'arrêter ! était chargée de réveiller, à trois heures de l'après-midi. Un sentiment de honte. Pourquoi? Ce bruit vulgaire ne lui rappelait que des souvenirs pénibles, vilains, des maladies, des soins au milieu de la nuit ou au petit jour, mais elle ne dormait pas, elle ne s'était même pas assoupie. Pas une seconde sa main n'avait cessé de tirer l'aiguille; elle était à vrai dire, l'instant d'avant, comme un cheval de cirque qu'on a oublié à l'exercice et qui a continué de tourner, qui tressaille et s'arrête net en entendant la voix d'un intrus.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dominique Salès, vieille fille déchue et déçue, vit une existence confinée et insipide dans son logement exigu, dérangée par la seule vitalité du jeune couple, les Caille, ses proches voisins... En face, dans une maison bourgeoise, vivent de riches industriels, les Rouet: au second, les parents Rouet, au premier le fils et son épouse Antoinette...
La vieille fille vit sa vie par procuration en observant et guettant les moindres faits et gestes du jeune couple Rouet, elle est témoin de la crise cardiaque du fils Rouet que sa femme laisse mourir sans lui venir en aide... La suite des événements va tout d'abord offusquer Dominique, puis peu à peu elle se prend à envier le goût du plaisir et de liberté qui dévore Antoinette, lui offrant le spectacle d'un scandale délectable...
Mais Antoinette est bientôt chassée par ses beaux-parents et les Caille déménagent, emportant avec eux leur bonheur exubérant... Dominique confrontée au vide qui l'entoure prend alors conscience de l'échec de sa vie...