Le coup de lune

Ce coup de lune ressemble furieusement au Long cours que Simenon publiera en 1936. Certes, sur un autre continent, mais avec la même folie qui frappe un homme dans les colonies.

Au pied des arbres hauts de cinquante mètres, dans cette forêt dont nul ne connaissait les limites, il n'y avait, sur les nattes, que quelques poignées de manioc, quelques bananes, quatre ou cinq petits poissons fumés. Les vieilles femmes étaient nues. Deux d'entre elles fumaient la pipe. La troisième allaitait un gamin de deux ans qui, de temps en temps, se tournait avec curiosité vers les blancs.
Aucun contact entre ceux-ci et les indigènes. Pas un salut. Adèle marchait la première, regardait les petits tas de marchandises, se penchait pour jeter un coup d'œil dans les cases. Elle se baissa et prit une banane qu'elle ne paya pas.
Il n'y avait pas d'hostilité non plus ! C'étaient des blancs ! Ils faisaient ce qu'ils voulaient, parce qu'ils étaient blancs !
Le coup de lune de Georges Simenon
Un homme qui perd pied (un gros coup de lune), fou de jalousie, épuisé par la dengue, écrasé par la chaleur étouffante et abruti par l’alcool.

Un roman au Gabon des années 30, à Libreville et dans la forêt intérieure, l’occasion d’un portrait écœurant du racisme et de l’entre-soi des colons

Le 4e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avait-il une seule raison grave de s’inquiéter ? Non. Il ne s’était rien passé d’anormal. Aucune menace ne pesait sur lui. C’était ridicule de perdre son sang-froid et il le savait si bien qu’ici encore, au milieu de la fête, il essayait de réagir.
D’ailleurs, ce n’était pas de l’inquiétude à proprement parler et il aurait été incapable de dire à quel moment l’avait pris cette angoisse, ce malaise faits d’un déséquilibre imperceptible.
Pas au moment de quitter l’Europe, en tout cas. Au contraire, Joseph Timar était parti bravement, rouge d’enthousiasme.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Parti plein d’enthousiasme pour les colonies, Joseph Timar ressent, dès son arrivé au Gabon, un malaise indéfinissable qui n’est pas seulement dû à la moiteur accablante du climat. Il s’installe dans l’unique hôtel de la ville. Dès son arrivé, la patronne, Adèle, s’offre à lui...

L’évadé

En reconnaissant une femme de son passé criminel, la vie de Jean-Paul Guillaume bascule.

Nous informons notre aimable clientèle que nous nous sommes adjoint le concours de Madame Mado la réputée manucure parisienne
Mme Mado était là, dans la boutique parfumée ! On ne la voyait pas, mais J. P. G. n'avait pas besoin de la voir.
Ce n'était pas une jeune manucure, ni une jolie femme. C'était une personne de cinquante ans, grasse et molle, aux doigts boudinés et aux jambes enflées par toutes les fatigues de la vie.
Si J. P. G. entrait, brusquement, et se campait devant elle sans rien dire ?
Il ne le ferait pas, non ! Il savait bien qu'il n'en arriverait quand même pas là. Mais si pourtant cela se produisait, qu'adviendrait-il ?
Et si, le matin même, au lieu de la voir de dos il s'était trouvé face à face avec elle, si elle l'avait vu également ? Elle l'aurait reconnu, malgré ses mous-taches et sa tête de bois.
L’évadé de Georges Simenon
Dans ce court roman Simenon s’amuse un peu aux dépens de ce pauvre J.P.G., évadé du bagne qui croise Mado, elle qui l’avait aidé à s’enfuir et qu’il avait volé. Toute sa nouvelle vie, sa femme, ses enfants, son travail… tout vacille.

Il en perd même sa moustache.

Un roman dur bien bref, un peu cruel avec cet évadé qui perd pied

Le 16e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le tout premier grincement se produisit le lundi 2 mai, à huit heures du matin.
A huit heures moins cinq, comme d'habitude, la cloche du lycée de garçons avait sonné et les élèves épars dans la cour pavée de briques roses s'étaient groupés en longues files devant les classes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jean-Paul Guillaume, irréprochable professeur d'allemand depuis plus de dix-huit ans à La Rochelle, marié, sans histoires et père de deux enfants, change un matin radicalement de comportement. Il frappe un élève.
Rêve en classe. Ne rentre plus chez lui et ne fait même plus semblant de supporter sa femme. Rien ne laissait prévoir un tel revirement chez cet homme qui s'était évertué depuis des années à ne montrer de lui que le profil vide d'un homme craintif.
Que s'est-il passé ? Qui se cache réellement derrière cette identité ? Une sorte de Docteur Jekyll. Comment ne pas perdre pied ? Comment, après avoir contenu depuis tant d'années sa nature profonde, ne pas ressentir enfin l'indicible joie de redevenir soi-même, assassin peut-être, mais si parfaitement heureux !

Long cours

Long cours est une plongée profonde dans les torpeurs de Mittel, rongé par la tuberculose et la jalousie. Un homme fidèle à l’ombre qu’il s’est forgée de lui-même, incapable de reprendre un nouveau souffle.

A présent, ils étaient une dizaine à venir plusieurs fois par jour, à s'accouder au comptoir, à passer quelques minutes en tête à tête avec Charlotte, qui avait pour tous le même sourire, le même rire vulgaire et sonore. Elle prenait son rôle au sérieux ! Elle se sentait désirée et elle devait se croire aussi puissante qu'une courtisane romantique.
Il la détestait, c'était sûr ! Il voulait la détester, mais il était incapable de partir.
 - C'est à cause du petit... se répétait-il.
En était-il si certain que ça ?
Et n'était-il pas pris dans la même glu que les autres ?
Elle n'était pas belle. La maternité, certes, n'avait pas déformé son corps, mais la moindre fille était plus désirable.
Alors, par quoi attirait-elle ? Elle n'était même pas intelligente! Et elle était méchante, vulgaire, avec le besoin inné de faire preuve de sa méchanceté et de sa vulgarité.
Car, à tout moment, elle éprouvait comme le vertige de la gaffe.
 - On ne rencontre ici que des gens qui ont un casier judiciaire, disait-elle par exemple à Tioti.
Celui-ci faisait semblant de rire, mais son rire manquait de sincérité.
Au docteur, elle lançait.
 - En somme, après vingt ans de colonies, tout le monde est parfaitement abruti ?
Long cours de Georges Simenon
Accroché à Charlotte qui doit fuir la France après avoir assassiné son patron poussée de vagues motivations anarchistes, ils se retrouvent sur le bateau de Mopps, qui s’occupera bien de Charlotte pendant que Mittel s’esquintera à la chaudière. Après l’or de la Colombie, Mittel et Charlotte retrouvent Mopps à Tahiti.

Dans ce Long cours, Simenon n’est pas plus tendre avec les colons – épaves alcooliques, qu’avec les principaux protagonistes, piégés dans leur propres filets, tous aussi malades et dysfonctionnels à leur façon.

Un très bon roman dur, glauque et oppressant où la jalousie tourne à la paranoïa

Le 17e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une auto qui venait en sens inverse éclaira un instant la borne kilométrique et Joseph Mittel se pencha juste à temps pour lire : Forges-les-Eaux, 2 kilomètres.
Cela ne l'avançait guère, car il ne savait pas à quel endroit de la route Paris-Dieppe se situe cette ville.
Il se rassit sur le tonneau vide et s'accrocha de la main droite à un montant de fer, de sorte que la bâche mouillée touchait sa main et la glaçait. On roulait vite. La camionnette était légère. A l'avant, le chauffeur, un grand garçon au nez cassé, était assis avec Charlotte, mais, de l'intérieur, Mittel ne les voyait pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après avoir assassiné son patron, Charlotte, une jeune anarchiste, s’enfuit avec son amant Jef Mittel. À Dieppe, ils embarquent sur le Croix de vie, un cargo à destination de l’Amérique du Sud. Au fil de la traversée et de ses péripéties, des liens se tissent avec le capitaine Mopps, vieux contrebandier et trafiquant d’armes, obsédé par Charlotte.

Ce triangle amoureux tragique les conduira en Colombie puis à Tahiti au gré de leurs errances...

Je vous écris de Porrentruy

Voilà bien un livre qui réjouira tous les helvètes et évidement les jurassiens… à l’exception peut-être des genevois un peu trop fiers, gaussés de leur prétendue importance, repus, fats et vaniteux.

Quand elle survient, le 1 août, Suisses et non-Suisses se réunissent autour de feux de joie que surveillent attentivement les pompiers, car en Suisse on est prudent. Les enfants portent des lampions et les sapeurs veillent. Les édiles font des discours. Plus ou moins les mêmes à chaque fois, sauf la fin qui cible et qui flatte généralement la commune d'accueil. La fanfare joue le Cantique suisse, hymne national dont le nom est honnête puisqu'il en dit l'ennui et la lenteur. Dans les champs où sont dressées de grandes tentes, on va manger des frites que les sociétés locales décon gèlent dans des machines louées comme le Seigneur et des saucisses servies avec de la moutarde Thomy. L'armée, la monnaie et le schüblig scellent la nation.
A me lire ça ne se voit pas, mais j'adore ces moments villageois.
Je vous écris de Porrentruy de Andre Klopmann
Car oui, la grande Genève s’en prend un peu plein sa légendaire grande gueule. Et c’est très drôle !

Alors certes, ce n’est pas si drôle que ça, parce que derrière l’humour – oui, j’ai bien ri – se retrouvent bien des vérités que les petits roitelets aveugles préfèrent ne pas regarder, préférant l’entre-soi suffisant autour d’un Spritz à la Clem…

… tant que ça dure

Allez, on se tire aussi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je vous écris de Porrentruy.

C'est inattendu et moi-même je m'en étonne.

Beaucoup de mes proches quittent Genève. Le plus souvent, ils s'installent en Valais. Moi, c'est le Jura.

De Genève, je connais chaque pierre et chaque brin d'herbe par son prénom. Je pensais ne jamais la quitter. Oui, la quitter, parce que Genève est féminine. Déjà là, on flaire la coquetterie.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Genève se tient en haute estime mais ses veaux d’or vacillent. Elle répète des mantras, les cales prennent l’eau et la société se fend comme la coque du navire. Elle s’agite dans l’insouciance du naufrage qui vient.

Un peu plus loin, le Jura, terre de luttes devenue indépendante à coups de bélier. L’auteur découvre en Ajoie une histoire singulière et puissante dont il s’empare.

Il suit les traces de la Mère Royaume, de Guillaume Tell et de la Sorcière d’Asuel. Il voit apparaître un trésor et va commettre un crime. Vrai ? Faux ?

Ce roman au vitriol questionne les mythes et les illusions collectives. C’est un récit sur le pouvoir, sur les valeurs et sur l’esprit de révolte.

Stardust : poussière d’étoiles

Que faisons nous ? Quelle est cette folie qui continue à nous pousser à courir encore et encore et plus vite encore vers cette fin que nous savons, à chaque pas, plus proche encore ?

Avons-nous oublié que nous faisons partie du monde ?
Stardust : poussière d’étoiles de Hannah Arnesen
Un livre magnifique sur le déni ahurissant de l’humanité du XX et XXIe siècle.

Nous sommes les industriels de notre destruction !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je pense à toi, je pense que j'ai vécu une vie entière sans me soucier d'apprendre à te connaître.
Je veux apprendre à te connaître.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Voici trois lettres, trois lettres poignantes adressées à trois destinataires : une à la Terre, une à celui ou celle en train de lire ce livre, et la dernière, à un possible enfant à naître.

Trois lettres qui racontent les merveilles de notre planète, la douleur de sa fin éventuelle, l'espoir insensé qu'il ne serait pas trop tard.

D'une beauté étourdissante et porté par une émotion palpable à chaque page, Stardust, Poussière d'étoiles nous embarque dans un voyage révolutionnaire, qui dépasse les frontières entre art et science, poésie et philosophie.

Une plongée dans le passé, le présent et le futur de la planète.

Un livre pour la Terre, pour nous, et pour toutes celles et ceux qui viendront après.

« La Terre pourrait-elle se réveiller un jour et être devenue une autre ? Envolées, barrières de corail et forêts ; envolées, neige et moussons. Les mers ont une fin, les icebergs aussi. Même les déserts et les grandes dunes de sable du Sahara, qui se fondent à l'horizon avec le ciel. Le Soleil va s'éteindre. Tout ce que nous possédons, on nous l'a prêté, c'est tout. »

L’arpenteur

Un gros flash que cet arpenteur !

L’arpenteur de Viktor Hachmang
Et si l’histoire de cette bande dessinée de sf dystopique a des airs de déjà vu, le traitement graphique est très original et bourré de talent. Du fluo à toutes les pages, certes, mais avec de nombreux traitements différents, des pleines pages graphiques, des cases hallucinées, des aplats et des dégradés… Chaque planche est originale pour créer un sombre tableau pétant de couleurs

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Trois semaines...
Tu te dis que ça doit faire trois semaines...
Trois semaines sous cette chaleur abominable.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans un futur lointain, l'humanité a trouvé refuge sur une planète artificielle, tandis que la Terre est abandonnée et réduite à l'état de décharge.

Geo, un simple éboueur de l'espace, s'échoue accidentellement sur cette planète hostile. Livré à lui-même, il découvre un exemplaire de La Tempête de Shakespeare.

Fasciné, il s'en inspire pour guider son exploration. Et si ce monde qu'il croyait inhospitalier cachait une vérité différente ?

Puisant son inspiration dans les plus belles pages de Métal Hurlant et le meilleur de l'imaginaire SF, V. Hachmang nous invite à un voyage graphique éblouissant.

Le confessionnal

Un couple malade sous les yeux de leur fils.

 - Tu es là, André ? 
La voix de son père, au bas de l'escalier. 
 - Oui, papa.
 - Tu descends ?
 - Dans un moment. Je me change. 
Il lui semblait qu'une sorte de mystère s'était glissé dans la villa en même temps que le crépuscule. Il avait hâte qu'on ferme les volets, hâte de se trouver comme à l'abri dans l'atmosphère de tous les jours, avec les lampes allumées.
Le confessionnal de Georges Simenon
Dans ce confessionnal, la chambre du fils – principalement, père et mère viennent plaider leur cause sans même trop savoir comment. Une valse hésitante et gênée devant un ado solitaire qui ne rêve que de s’échapper de ce qui ne le concerne pas et partir retrouver Francine, manger des glaces et préparer son bac.

Un roman fin à l’ambiance lourde

Le 106e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Qu'est-ce que tu prends ?
- Et toi ?
Il n'hésita que quelques secondes, mais pourquoi aurait-il joué un rôle, pourquoi ne se serait-il pas montré tel qu'il était, avec ses véritables goûts ?
- Un frappé au chocolat.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À la suite des retrouvailles de deux anciens compagnons d'études, le dentiste Bar et le médecin Boisdieu, l'un pratiquant à Cannes et l'autre à Nice, leurs enfants ont sympathisé : André, nature solitaire, qui vit replié sur lui-même, trouve en Francine une jeune fille pure, très spontanée, issue d'un foyer uni, ce qui n'est pas du sien. Un jour, à Nice, en compagnie de Francine, il voit sa mère sortir d'une maison et regagner sa voiture. Une petite enquête lui apprend qu'elle y avait un rendez-vous galant.

L’homme de Londres

Dans ce roman dur des débuts (écrit en 1933 et publié en 34), Simenon pose un homme face à sa conscience.

Pour entendre ce qu'on disait, il lui suffisait d'ouvrir l'autre œil, de lever la tête et de tendre l'oreille. A côté de lui, la place que sa femme avait occupée pendant la nuit dans le même lit était marquée par un creux et, quand il avançait la tête, il frôlait un oreiller qui avait une autre odeur que le sien.
Il se demanda s'il allait écouter ou dormir, préféra dormir, d'un sommeil qui ne l'empêchait pas d'avoir conscience qu'il dormait, ni de savoir qu'à son réveil il lui faudrait penser à des choses ennuyeuses.
L’homme de Londres de Georges Simenon
Un homme simple face à un problème qui va lui faire perdre pied.

Un roman dur plutôt léger et pourtant d’une grande profondeur

Le 9e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Au moment même, on les prend pour des heures comme les autres et après coup seulement, on s'aperçoit que c'étaient des heures exceptionnelles, on s'acharne à en reconstituer le fil perdu, à en remettre bout à bout les minutes éparses.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une nuit, à Dieppe, à l'arrivée du bateau de Newhaven, Teddy Baster est assommé par Pitt Brown et coule à pic dans l'eau du port en entraînant avec lui une valise. Louis Maloin, qui a tout vu de sa cabine d'aiguilleur, la récupère à l'insu de tout le monde. Il se trouve alors, à son grand étonnement, en possession d'une fortune : le produit du vol que Pitt Brown vient de commettre à Londres au préjudice de Harold Mitchel, le directeur du Palladium où il était engagé.

Lettre à mon juge

Voilà un bien sale bouquin. La confession d’un meurtrier ayant tué sa maîtresse. On parlait alors de crime passionnel. Aujourd’hui on appelle ça un féminicide.

Quand il a fallu avoir recours au forceps, on m'a appelé. La sueur qui me coulait sur les paupières m'empêchait presque de voir. Mon beau-père était là aussi, à aller et venir comme ces petits chiens qui ont perdu la piste.
— Vous verrez que cela ira très bien... Très bien... répétait-il.
J'ai eu l'enfant, en effet. Une énorme fille, à qui il ne manquait que quelques grammes pour faire les douze livres. Mais la mère mourait deux heures plus tard, sans un regard de reproche, en balbutiant :
 — C'est bête que je ne sois pas plus forte...
Lettre à mon juge de Georges Simenon
Un sale bouquin parce qu’une sale époque pour les femmes. Choses des hommes.

Ici, un pauvre chouchou à sa môman, un médecin de campagne qui vit enfin une passion et qui finit, comme un enfant gâté, par tuer l’objet de son amour. - Tu as de la veine d'avoir déniché une pareille femme !
Oui, mon juge. Oui, messieurs. Je m'en rends compte humblement. Et c'est parce que je m'en suis rendu compte jour après jour pendant dix ans que...
Allons ! Je déraille à nouveau. Mais j'ai tellement l'impression qu'il suffirait d'un très petit effort pour aller une fois pour toutes jusqu'au fond des choses !
En médecine, c'est surtout le diagnostic qui compte. La maladie dépistée, ce n'est plus qu'une question de routine ou de bistouri. Or c'est bien un diagnostic que je m'acharne à faire.
Je n'ai pas aimé Jeanne et je ne me suis jamais demandé si je l'aimais. Je n'ai aimé aucune des filles avec qui il m'est arrivé de coucher. Je n'en éprouvais pas le besoin, ni le désir. Que dis-je ? Le mot amour, sauf dans la locution triviale faire l'amour, m'apparaissait comme un mot qu'une sorte de pudeur empêche de prononcer :
Je préférais le mot vérole qui dit exactement ce qu'il veut dire.
Est-ce qu'on parle d'amour, à la campagne ?
Chez nous, on dit :
 - Je suis allé faire une saillie dans le chemin creux avec la fille Untel...Dans une longue confession il tente d’expliquer à son juge comment il en est arrivé là.

Une peinture impressionnante de profondeur d’une société patriarcale ou mères, femmes, bonnes et maîtresses se retrouvent au service de Monsieur. Certaines y laissent leur vie

Et visiblement, cela devait quand même bien interpeller Simenon

Le 60e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À M. Ernest Coméliau,
Juge d'instruction,
23 bis, rue de Seine, Paris (VI)

Mon juge,

Je voudrais qu'un homme, un seul, me comprenne. Et j'aimerais que cet homme soit vous.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La cause est entendue : crime passionnel. Charles Alavoine, respectable médecin de La Roche-sur-Yon, assassin de Martine Englebert, sa maîtresse, est en prison. Mais au-delà du verdict, il reste la vérité humaine... Dans cette longue lettre au juge, peu après sa condamnation, Alavoine retrace les étapes du chemin qui l'a conduit au meurtre : l'autorité possessive d'une mère qui a décidé de ses études et de son mariage, puis d'une seconde femme, qui à son tour, supplantant la mère, va régenter sa vie. L'apparition de Martine, venue occuper un emploi de secrétaire après avoir mené à Paris une existence des plus libres, a d'abord été comme un grand souffle de liberté et de passion... Mais certaines rencontres ne sont-elles pas trop fortes pour un caractère timide et soumis ? La crainte, la jalousie, le confinement de la vie provinciale et du rôle social, l'explosion des pulsions trop longtemps contenues... Ces thèmes obsédants de l'univers romanesque propre à Georges Simenon trouvent ici une expression lucide, dépouillée, quasi désespérée.

Un nouveau dans la ville

Un étranger débarque dans un bar dans une petite ville du Nord des États-Unis et s’installe dans la ville. Peu causant, la méfiance monte.

C'était idiot, il le savait. Il le savait si bien que sa lèvre se mettait à trembler et qu'il se disait pour se donner du courage: « Il a peur ! Il a peur ! »
Il se rappelait, exprès, la ruelle où il avait vu Justin se faufiler le long des poubelles comme une bête poursuivie. 
Mais, dans sa tête, malgré lui, au lieu des mots « il a peur » qu'il s'efforçait de penser, c'étaient les mots « il me hait » qui se formaient.
Il lui semblait qu'il n'avait jamais vu autant de haine au monde que dans ces deux yeux qui continuaient à le fixer. Il avait assisté à des bagarres, parfois à de ces combats où un des deux hommes n'est pas sûr de se relever. Il avait vu celui qui était par terre, et que l'autre attendait de voir à nouveau debout pour lui donner le coup de grâce, fixer son adversaire avec de la bave à la bouche et du sang dans les yeux.
Un nouveau dans la ville de Georges Simenon
Et monte encore, l’air s’épaissit dans l’ambiance des années cinquante, raciste et xénophobe ou les truands faisaient encore régner la terreur.

Un roman dur qui tente d’installer une tension et la faire grossir…. parfois au risque d’utiliser quelques ficelles un peu grosses pour tenir les 200 pages

Le 69e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il se trouva installé dans la ville sans que personne l'eût vu arriver, et on en ressentit un malaise comparable à celui d'une famille qui apercevrait un inconnu dans un fauteuil de la salle commune sans que personne l'ait entendu entrer, ni que la porte se soit ouverte.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Au début de l'hiver, dans une petite ville, débarque un inconnu, vêtu de façon anonyme, quelconque à tout point de vue. Malgré son apparence, Justin Ward possède une grosse liasse de billets qu'il porte toujours sur lui. Ce n'est pas son statut d'étranger à la région qui attire l'attention (la tannerie voisine emploie des immigrés), mais bien son extrême réserve : il vit une vie fort réglée, se conforme aux habitudes de la population ; il rachète même un café-billard, mais ne livre jamais rien de lui-même. Il semble être sans passé, sans pensée et sans ombre. Mais sa seule présence a pour effet de faire naître l'hostilité.