Le fils du yéti

Si ce fils du Yeti est bien moins pathétique que Jean-Claude Tergal, il en devient bien plus touchant, tout en conservant le même humour auto-dépité.

Tout en me mordant la lèvre inférieure, je fus visité par l'idée que les mères, en tout cas celles de cette époque, ne voulaient pas vraiment notre bonheur. Mais avant tout nous « caser ». Avec n'importe qui, la première venue, ouf, ça, c'est fait, et par pitié offrez-nous l'image d'un couple épanoui, peu importe la vérité, vite, glissez la poussière sous le tapis, si nécessaire. Le bonheur, c'est un plus, un hasard. Pour elle, comme le veut la formule, le bonheur n'est que « du malheur qui se repose ». Ce qu'elle cherchait pour moi était un bien plus précieux aux yeux de quelqu'un qui a connu la tourmente la sécurité.
Le fils du yéti de Didier Tronchet

Une histoire qui pêche peut-être par un trop grand nombre d’entrées (la voisine, le père, la grand mère, Laurence et Anthony…), pour autant, c’est un portrait avec beaucoup de tendresse maladroite que Didier Tronchet nous dresse ici.

Un livre doux comme le parfum des mandarines avant Noël

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Samedi 25
Vers quatre ou cinq heures du matin, un vacarme effroyable. J'enfile un pantalon à la hâte et file vers la porte. La verrière de la cage d'escalier tombe par pans entiers qui se brisent au contact du sol. Des flammes viennent lécher le plafond, juste au-dessus de moi, au dernier étage. Elles pro- viennent de chez mes voisins du dessus. Je me souviens à cet instant qu'ils sont absents.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« C'est ainsi qu'a commencé cette semaine extravagante. Extravagante à l'échelle d'une vie où il ne s'était finalement rien passé de fracassant. Un peu comme si quelqu'un là-haut s'était souvenu de mon existence, et décidait de me faire payer les arriérés... De me livrer mon lot d'événements, d'un bloc. Et sur huit jours. »
Un incendie nocturne, la mort d'un ami (mais lequel?), l'étrange photo de son père et cet album de Tintin dans lequel il croit se reconnaître... Voilà une semaine agitée pour notre héros, qui tient de sa mère une indécision maladive, et de son père une tendance déraisonnable à la nostalgie...
Avec l'humour et la distance qu'on lui connaît, Didier Tronchet nous livre une réflexion émouvante sur la filiation et la paternité.

Il pleut bergère

Simenon a regardé tomber la pluie bergère par la fenêtre un peu comme Hergé avait recherché les bijoux de la Castafiore. Une histoire construite autour de pas grand chose, un suspense vide, un soufflé tenant juste le temps du service. Un exercice de style en creux.

J'ai été gratifié, ce matin-là, d'un réveil aérien, un de ces réveils qui vous imprègnent de joie pour toute la journée. Encore fort avant dans le sommeil, à peine conscient du tambourinage d'une pluie fine sur les toits de zinc, un frôlement plutôt, comme la vie d'un nid de souris qu'on perçoit dans l'épaisseur d'un mur, je retrouvais confusément la promesse d'un jour exceptionnel. Mais cette promesse, je ne mettais aucune hâte à la préciser. Je me couvrais frileusement, au contraire, de toutes les bribes de sommeil que je pouvais ramener à moi.
Il pleut bergère de Georges Simenon

Oui, ça fonctionne presque et c’en devient même fascinant, hypnotique. On regarde avec Jérôme cette pluie noire avec attention, on la sent même sur la peau, pesante, froide, oppressante. Autant que la repoussante tante Valérie.

Mais quand même un peu vide, non ?

Le 42e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis par terre, près de la fenêtre en demi-lune, au milieu de mes petits meubles et de mes animaux. Mon dos touchait presque l'énorme tuyau de poêle qui, venant du magasin et traversant le plancher, allait se perdre dans le plafond après avoir chauffé la pièce. C'était amusant car, quand le feu, en bas, ne ronflait pas, le tuyau conduisait le son et j'entendais distinctement tout ce qui se disait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand il avait sept ans, Jérôme passait toutes ses journées à la fenêtre, regardant le spectacle de la rue. Dans la maison en face de la sienne il y avait un petit garçon, Albert, qui, lui aussi, était toujours à sa fenêtre. Une grande sympathie naquit entre les deux enfants et Jérôme peu à peu découvrit le secret de son petit voisin. Le père de celui-ci était un assassin recherché par la police et dont la tête était mise à prix. Et, de sa fenêtre, Jérôme put voir la police resserrer lentement son étreinte et finalement arrêter le père du petit garçon qui, comme lui-même, regardait toujours à sa fenêtre.

Triste Tigre

Quel tigre impressionnant ! Un livre qui me laisse sans voix, sidéré.

Ami lecteur, amie lectrice, ma semblable, ma sœur, voici donc un aveu que je me dois de te faire, car je ne nourris point le désir de te fourvoyer : prends garde à mes propos, ils avanceront toujours masqués. Ne prends pas ce texte dans son ensemble pour une confession. Il n'y a pas de journal intime, pas de sincérité possible, pas de mensonge non plus. Mon espace à moi n'est pas dans ces lignes, il n'existe qu'au-dedans.
Triste Tigre de Neige Sinno

Neige Sinno a été violée, abusée par son beau-père de sept à quatorze ans. Elle racconte. Les abus, le jugement, le coupable, la famille, le village, la justice… Et elle
Chapitre II
Fantômes
(and then I see a darkness) | Will Oldham
Et soudain, je vois comme une ombre 
Trente ans plus tard, quelques considérations sur le trauma
Un jour j'ai compris que c'était terminé tout ça, le viol, l'enfance, la famille. Maintenant je pouvais partir vivre ma vie. J'ai cru que j'étais libre. Mais on n'est jamais complètement libre, puisque rien ne finit vraiment et que si on devient quelqu'un d'autre, cette part de nuit continue son chemin elle aussi. Il n'était plus là. Il ne pouvait plus m'atteindre. Je pouvais sortir dans le monde, rencontrer des gens, parler, rire, sans qu'il ne vienne plus jamais me reprendre. Seulement, partout où j'allais, à n'importe quel moment, je tournais la tête et je voyais son ombre.

Un livre majeur, puissant. Qui n’évite rien, met les mots et regarde au fond des yeux, sans baisser le regard

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Portrait de mon violeur
Car à moi aussi, au fond, ce qui me semble le plus intéressant c'est ce qui se passe dans la tête du bourreau. Les victimes, c'est facile, on peut tous se mettre à leur place. Même si on n'a pas vécu ça, une amnésie traumatique, la sidération, le silence des victimes, on peut tous imaginer ce que c'est, ou on croit qu'on peut imaginer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
J'ai voulu y croire, j'ai voulu rêver que le royaume de la littérature m'accueillerait comme n'importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l'art, on ne peut pas sortir vainqueur de l'abjection. La littérature ne m'a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.

Jolies ténèbres

Quelle incroyable bande dessinée !?! Je n’en reviens toujours pas. Malaisant, cringe, bizarre, gore, étrange ou indéfinissable ?

Jolies ténèbres de Marie Pommepuy et Fabien Vehlmann, dessins de Kerascoët

Des petits enfants cruels et sans filtres sortent du corps d’une petite fille morte en décomposition au milieu de la forêt. Déjà là, le pitch est curieux.

Le reste est à l’avenant.

Un dessin féerique pour une histoire monstrueuse au message un peu cryptique.

Une réussite désarçonnante

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il arrive
il arrive !
Mais je ne suis pas prête !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans le palais imaginaire de la presque princesse Aurore, le plafond se met soudain à dégouliner, les murs s'effondrent d'eux-mêmes et tous les invités s'en échappent pour ne pas finir engloutis sous des marées nauséabondes. Parce que la demeure d'Aurore n'est rien d'autre qu'une enfant gisant abandonnée dans les sous-bois, sans que quiconque sache ni comment ni pourquoi elle s'est retrouvée là. Au fil des saisons, la minuscule souveraine se démènera pour faire de son monde un conte de fées comme elle en a toujours rêvé, en compagnie de créatures telles que l'Orgueilleuse, ou l'Aventurière, et bien entendu le Prince m'as-tu-vu.

Or, dans cette fable-là, les princesses ne deviennent guère des reines. Et Aurore l'apprendra à ses dépens, lorsqu'il lui faudra prendre de cruelles décisions...
C'est une "Alice au pays des merveilles" de David Lynch, mélange de la poésie de Miyazaki et de l'insolite de Tim Burton, que ce conte noir brodé par Fabien Vehlmann et les Kerascoët.

Envoûtantes autant que morbides, ces "Jolies ténèbres" parues pour la première fois en 2009 font désormais leur entrée chez "Aire Libre" : une réédition à la hauteur de l'ouvrage, qui se voit ainsi couronné par le prestigieux label et prend place à son tour aux côtés des grands noms de la bande dessinée romanesque.

Maud Martha

Maud Martha, c’est l’enfance, la jeunesse, le mariage et la famille d’une femme noire à Chicago dans les années 40.

Ses rêveries n'appartenaient qu'à elle. Elle aimait rêvasser à des textures aussi douces que de la mie de pain, à la lumière, à la beauté sophistiquée, à des surfaces aussi étincelantes que des joyaux. Il n'y avait aucun mal à cela, n'est-ce pas ? Par ailleurs, qui pouvait jurer qu'elle ne réaliserait pas son rêve? Pas complètement, d'accord! Mais au moins en partie ?
Elle avait dix-huit ans et le monde attendait. De pouvoir la caresser.
Maud Martha de Gwendolyn Brooks

C’est donc aussi la violence du racisme, l’inexorable patriarcat, la pauvreté, les petits appartements miteux, les boulots avilissants…

Elle avait aspiré à quelque chose de solide. Elle avait aspiré à quelque chose de chatoyant, de chaleureux, mais qui fût dur aussi, comme du roc, incassable. Elle avait aspiré à établir... une tradition. Elle avait aspiré, pour leur propre usage, pour elle, pour lui, pour la petite Paulette, à un ensemble de coutumes inébranlables. Elle avait aspiré à de la pierre ; seulement voilà, elle se conduisait comme son épouse, apaisante, attentive en tous points, maternante - bref, la voilà qui fêtait Noël en faisant passer des bretzels et des bières.

Mais aussi, les joies de l’enfance, de la maternité, les rêves de l’amour et l’humour cruel de la vie.

Il y avait aussi Clement Lewy, un petit garçon qui vivait au premier étage, dans l'un des logements donnant sur la cour de derrière.
La vie des Lewy n'était pas très animée. Elle était même plutôt sans saveur. Comme une pâte à gâteau pas mélangée. Avec des grumeaux.

C’est écrit magnifiquement bien, les phrases y sont les bijoux d’un collier et les petits chapitres, des tranches de vies comme des peintures évidentes de réalisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ce qu'elle pouvait aimer les bonbons boutons, et les livres, et peindre la musique (do bleu profond, ré délicatement argenté), et le ciel de l'ouest, si changeant, vu des marches de la véranda de derrière; et les pissenlits.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Publié en 1953, Maud Martha est le premier et unique roman de l'immense poétesse américaine Gwendolyn Brooks. Largement inspiré de la vie de l'autrice, Maud Martha retrace en trente-quatre brefs tableaux les différentes étapes de son existence : enfance, jeunesse, mariage, vie conjugale, maternité... Les épisodes de la vie, qui sont les mêmes pour tous, éprouvés par une jeune femme noire de Chicago dans les années 1940.

À partir des petits riens qui forment le tissu de l'existence et épousent la courbe de la mémoire, Gwendolyn Brooks a composé une grande oeuvre littéraire traversée par les questions raciales et leurs violences silencieuses. Un roman magnifique sur une femme qui doute d'elle-même et de la place qu'elle tient dans le monde.

Leur séparation

Au travers de ses souvenirs d’enfance Sophie parle de cette blessure inguérissable, de ce deuil impossible, de cette séparation qui n’est pas la sienne. Le divorce de ses parents.

Des années après, ma mère m'avait confié qu'en réalité ce séjour avait été houleux et avait sans doute hâté la fin de leur histoire. Je n'avais pas envie qu'elle me le raconte. Je voulais seulement garder la douceur de ces jours, le ronronnement du chaton noir que nous avions prénommé Myrtille, le goût du sorbet à la fraise fondant dans ma bouche, l'éclat de nos rires d'enfants quand nous avions tour à tour essayé le casque prêté par un pompier venu détruire un nid de frelons, les accents chantants de la langue italienne, gatto, signora, buongiorno.
Leur séparation de Sophie Lemp

Des instants, des lieux, des émotions… comme une longue liste qui peine à prendre, à reprendre et se recoller. Un livre qui m’a semblé aussi fragmenté que la petite Sophie à pu l’être

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans un album sont réunies mes photos de classe. Sur celle de l'année 1987-1988, tous les élèves sont déguisés, c'est mardi gras. Je porte une robe jaune à volants et un jupon qui appartenaient à ma mère. Mon visage est plein, souriant, lumineux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ce samedi matin de janvier, ma mère m'attend à la sortie de l'école. Comme les autres jours, nous remontons la rue des Boulangers mais, au lieu de nous arrêter au carrefour, nous prenons à gauche dans la rue Monge. Je me retourne et aperçois un camion de déménagement garé en bas de notre immeuble. Ma mère serre ma main dans la sienne. Je n'ai pas envie de parler, je pense au camion, aux cartons, au salon qui demain sera à moitié vide. Je pense à mon père. Désormais, j'irai chez lui tous les mercredis soir et un week-end sur deux. Ma mère s'est organisée pour que je passe l'après-midi et la nuit chez une amie. Avant de partir, elle me dit Profite bien de ta journée, amuse-toi, essaye de penser à autre chose. Je hoche la tête mais je sais que jamais plus je ne penserai à autre chose. »

Sophie Lemp fête ses dix ans quand ses parents divorcent. Trente ans plus tard, c'est avec le regard d'une petite fille devenue adulte qu'elle revit cette séparation.

Pourquoi cette blessure, commune à tant d'enfants, est-elle si difficile à cicatriser ?

Le vent léger

Le vent léger, c’est l’enfance heureuse, joyeuse et insouciante. La vie qui naît, ensemble, en famille avec une sœur et des frères. La musique des saisons et l’amour qui porte et transporte.

Mon grand-père justement avait répandu toute sa vie cette légende jamais démentie: « Un jour, dans la petite vallée où nous avions notre ferme, le grand char du vent, passant en trombe dans le pacage, a soulevé notre plus grosse vache et l'a déposée sur le toit de la grange. Parce qu'il ne disposait pas d'une grue, mon père a dû grimper là-haut avec sa scie et découper la portion du toit où reposait l'animal. Aussitôt la dernière planche sectionnée, la vache a traversé le grenier à la verticale pour aller lourdement finir sa course dans l'énorme tas de foin aménagé sur le plancher du bâtiment. » Voici ce que j'en pense : ça ne s'est pas passé comme ça. Mais je considère cette histoire merveilleuse comme étant l'origine familiale de notre intérêt pour un usage, disons, poétique de la vie, et pour une certaine refonte du réel appuyée aux ressorts de l'imagination, à sa cause agissante, sa force occulte et morale.
Le vent léger de Jean-François Beauchemin

Et la maladie et la mort qui s’invitent.

Et c’est très beau, même si ça force un peu sur le mélo et le « c’était plus authentique avant »

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un matin de l'été mille-neuf-cent-soixante-cinq, peu après le passage de la benne à ordures, la verroterie des dernières étoiles a cessé de scintiller, et la nuit noire du monde a majestueusement cédé sa place aux rayons poétiques et très anciens du soleil.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À l’automne de l’année mille-neuf-cent-soixante-et-onze, une famille composée de six enfants délurés et de leurs parents vit une existence paisible à la campagne. La mère, bientôt malade, est l’objet de l’attention tendre et des soins empressés du père et de ces enfants aimants, à la fois graves et légers, introspectifs et expressifs. À leur récit de ce passage obligé par le malheur et le chagrin s’enchevêtrent divers événements ponctuant l’histoire récente du Québec et du monde. Comme si l’aventure humaine n’était en vérité ni petite ni grande, mais jalonnée de faits, de courants et de hasards, tragiques ou frivoles, formant à la fin un collier, ou une chaîne, celle de cette existence dérisoire et merveilleuse que nous traversons tous.

Les battantes

Une histoire de village, d’Italie et de guerre. Une histoire de haines ancestrales, de jalousies, de rivalités et… au milieu, un terreau fertile pour les amours interdites des jeunesses qui se découvrent.

Les plus petits mangeaient à contrecoeur mais mangeaient. La tentation était trop forte. Les grands résistaient, se montrant au-dessus de ces bestialités terrestres. Au mieux, ils picoraient.
Qu'il s'agisse de repas de fête ou ordinaires, le rituel était le même: porcelaine fine, argenterie, nappes damassées, cristal de Daum.
Même en temps de guerre, paraît-il, l'étiquette avait été respectée. Dans des assiettes peintes à la main, ciselées d'or, on consommait les miettes que la campagne offrait en période de disette. Mais avec des couverts en argent et des mains propres, la misère vous semble moins misérable, proférait zio Umberto d'un air supérieur.
Ces repas se déroulaient plus ou moins en silence, peu de mastication, aucun plaisir puisque le plaisir, nous le savions, était réservé aux besogneux et aux indigents.
Les battantes de Simona Brunel-Ferrarelli

Malgré plusieurs époques et leur traitement un peu brouillon (ou trop emmêlé pour moi), le style et la passion emportent ce livre très touchant.

Il ne manque qu’un balcon pour se croire à Vérone…

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Lundi 6 septembre 1943
Premier jour d'école. Je ne sais pas si je tiendrai. Ils m'ont amené leurs gosses avec une méfiance de paysans obtus et coincés. C'est parce que je ne suis pas d'ici. Et que je suis une femme.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
"Dans ma famille, aucun évènement, pas même la guerre, ne pouvait enfreindre les certitudes d’un nom qui se savait fort pour sa discrétion, sa respectabilité. Aucune faute, commise ou non, ne serait jamais avouée. On trouverait le moyen de l’étouffer, de la rendre invisible et non advenue.
C’est ainsi que les histoires de famille, racontées à demi-mot par des tantes radoteuses, réchappées à l’enclos du silence pendant les fugues de mon enfance, constituèrent, à l’insu de tous, les vraies bases de mon éducation."
Âpre et rude est la vie à Rocca Patrizia ; frustres et obtus sont ses habitants. Dans cette atmosphère où l’on s’observe, se toise et se jalouse évoluent les familles du village. Leurs liens se dévoilent subtilement au fil des pages. Simona Brunel-Ferrarelli redonne vie avec fougue à cette Italie d’autrefois, aussi dramatique qu’envoûtante. Un roman que porte une écriture musicale et charnelle.

Milch Lait Latte Mleko

Une petite fille raconte son arrivée en Suisse, depuis l’ex-Yougoslavie.

La maîtresse suisse était grande avec des cheveux ondulés son nom chantait c'était un peu le contraire de la maîtresse du pays qui était large et qui fumait comme un pompier.
Milch Lait Latte Mleko de Ed Wige

Elle parle de ses découvertes, du goût du lait et de la Bündnerfleisch… Mais aussi de l’absence du père qui lui… s’est retrouve à la Hague […]

Et puis la Suisse a décidé: on pouvait rester en Suisse. Mama a pleuré de joie et moi je comprenais pas. Je comprenais pas pourquoi on restait en Suisse. Je comprenais pas pourquoi la Suisse voulait qu'on reste en Suisse. Je comprenais pas pourquoi c'était une bonne nouvelle que la Suisse veuille qu'on reste en Suisse. En Suisse je comprenais pas mama. J'ai dit non. Quoi? Non. Non quoi? Je reste pas en Suisse et je te déteste. Mama m'a collé une gifle pour la première fois. La bague de papa sur son doigt était froide et lourde contre ma joue. J'ai pleuré.

Un petit (vraiment tout petit) morceau de tendresse et d’émotions toutes aussi contradictoires que viscérales…

Un livre au curieux début qui, finalement, éclaire toute l’histoire

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je me souviens très bien de notre arrivée en Suisse. Il faisait gris. 13°C. Les douaniers parlaient une langue bizarre comme dans les films sur la guerre mondiale et quand ils nous ont mis contre le mur j'ai regardé mama et elle m'a dit de sourire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une petite fille arrive en Suisse avec sa mère pour fuir la guerre. Ballottée entre les langues, les souvenirs et les combines de survie, elle raconte son nouveau quotidien, marqué par la Bündnerfleisch et le chocolat. Mais une question se fait lancinante : où est passé son père ?

Avec un tact d’une rare maîtrise, Ed Wige aborde les sujets graves que sont l’exil et les conséquences de la guerre, sous l’apparence de la légèreté. Un texte plein de malice.

Ombeline & Rodogune

Il y a la forme et il y a le fond. La forme est superbe, l’édition, la typo, la mise en page, l’écriture et le style sont soignés, presque précieux.

Pour ce qui est du fond… désolé, je n’y ai pas compris grand-chose. Ébahi par le style, gêné par une lecture trop rapide ou handicapé par un manque de culture littéraire, religieuse ou historique je n’ai pas réussi à comprendre où Alice Bottarelli avait souhaité m’emporter.

Le garçon la trouva dans les sous-bois, occupée à la récolte de l'ail des Jours et de la petite oseille, couvée par le regard d'un autour dodelinant du bec sur un buisson touffu, mais ne la surprit pas, elle qui n'avait jamais été surprise, sauf une fois, et justement par lui, le garçon, l'enfant encore, qu'elle voulait faire homme, voulait avec ardeur, une ardeur qui faisait fondre la neige d'avril et même pousser les glaïeuls droit hors de terre, alors elle se tourna vers lui et désigna le lit d'aiguilles sèches, sur lequel il s'agenouilla béat, muet, puis elle tendit ses doigts et leurs doigts se touchèrent, ce qui les fit tous deux frissonner fort comme par un coup de bise noire et ils restèrent là  de longues minutes avant qu'elle ne glissât sa main sur le bras du jeune homme, et ce geste s'éploya avec la douceur d un songe.
Ombeline & Rodogune de Alice Bottarelli

Une histoire moyenâgeuse un peu surréaliste au drôle style impressionnant où je n’ai (je l’avoue) pas dû (su) comprendre ou saisir tout ce qui était proposé.

Imier, le saint patron des orphelins ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le petit Rodogune, dont l'éloignement de la mer et de son air iodé ainsi que le vent continu qui descend la vallée avaient eu sur le cerveau un effet dévastateur, le privant de certaines facultés de raison, comme à vrai dire un certain nombre d'autres habitants de la région, profita d'un instant de distraction de sa sœur qui avait craint que la soupe brusquement ne brûlât, s'échappa de la cuisine pour filer à travers le potager puis le champ où le second mari de sa mère entre deux gros bœufs était occupé au labour, sa mère le dos courbé sur un poireau le voyant courir, puis bientôt courant après lui, et criant, passa entre la charrue et les bœufs qui d'un même élan se retournèrent et se retrouvèrent avant celle-ci, inversion à la source d'un proverbial désordre et d'un affolement total des bêtes, qui quittèrent le chemin de terre puis le champ pour s'enfuir vers la grand-route au grand dam de leur propriétaire terrifié; l'enfant, les animaux, la charrue puis la mère criant affluèrent dans cet ordre courant sur la grand-route chassés comme par un furieux démon, lorsque saint Imier, pèlerin et missionnaire mais non encore saint en vérité au moment où commence ce récit, Imier donc, entrait pour la première fois dans la petite ville délicatement sise entre deux pans de collines, et pour une fois inondée de soleil.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un naïf et un saint, un curé ventripotent, une pèlerine et un enfant, se heurtent et rebondissent dans un moyen âge extravagant, pétri d'anachronismes, affabulé des pieds à la tête. Un pied devant l'autre et la tête légère, pourtant, c'est ainsi qu'avancent ces quelques destinées accessoires, dont nous n'attraperons qu'un aperçu, un parfum, un éclair, un rien.