La dernière tentation de Judas

Philippe Battaglia a bien révisé son cathé pour nous pondre ce Da Vinci code mâtiné de Ghostbuster et de Massacre à la tronçonneuse vs L’exorciste au final apocalyptique dantesque digne des pires cauchemars de Jérôme Bosch. Quelle folie jubilatoire (au message d’amour universel) et hallucinée ! Woaw, voilà bien longtemps que je n’avais lu un tel ovni.

Jésus ramassa une branche sèche et se leva. Lentement, il fit quelques pas, et dans la terre humide de la berge traça, tout aussi précautionneusement, le mot amour. Puis il revint s'asseoir auprès
 - Un jour, il pleuvra. Ou il y aura des vagues ou du vent. Un jour, ce mot s'effacera. Mais toi, mon doux, tu l'as vu et tu sais qu'il est là. Et quand tu regarderas cette berge, peut-être même toutes les berges du monde, tu le verras, aussi clairement que si tu venais de le tracer toi-même.
Il prit la main de Judas et le tira doucement à lui. Le visage à quelques centimètres du sien, il ajouta :
 - Les symboles, mon amour, ne s'effacent jamais.
Puis il l'embrassa.
La dernière tentation de Judas de Philippe Battaglia

Judas face à un Dieu schizophrène, jaloux, aimant et cruel dans un combat qui ne se terminera que par K.O. Judas vs God, The Revenge aurait titré Hollywood si l’humour existait encore là-bas.

 - Tu te fous de moi ?
La femme éclata en sanglots, les deux mains sur son ventre déjà légèrement arrondi. Elle n'osait le regarder dans les yeux.
 - Non, Joseph, je te le jure. Je n'ai pas fauté. C'est le Seigneur qui le désire. Un ange est venu me l'annoncer. Je ne pouvais pas refuser au Seigneur de porter Son fils...
 - Tu espères vraiment que je vais te croire ? Que je vais avaler que si tu es enceinte, c'est parce que tu as couché avec un ange ?
Les larmes coulèrent de plus belle.
- Je n'ai couché avec personne, je te le promets. Je suis encore vierge, comme au jour de nos fiançailles...
Joseph fulminait. Il était un travailleur honnête, compétent dans son métier et respecté dans tout Nazareth. De quoi aurait-il l'air lorsque la nouvelle s'ébruiterait ? Un ange ? Sérieusement ? C'était ça, sa meilleure excuse ? Elle le prenait pour la queue d'un âne ! C'est toute la Galilée qui le pointerait du doigt en riant.

Puritains, grenouilles de bénitiers et intégristes : lisez, cela ne pourra que vous faire beaucoup de bien. Et n’oubliez jamais : aimez-vous les un-e-s les autres

Génial et époustouflant !

PS : voilà un livre sorti le 6 février 2025 qui a pour Pape Leo Quartus Decimus… ça donne quand même à penser… non ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Au sein du spacieux bureau où il officiait, le pape Leo A Quartus Decimus dormait à poings fermés dans un large fauteuil. Il était plus de trois heures du matin, mais personne n'avait songé à le déranger. Tant qu'il dort, au moins, il ne cause pas de tort, avait-on coutume de dire parmi ses proches. Quand on frappa à la porte, il ne fut pas le moins du monde incommodé et continua de ronfler.
Votre Sainteté ?...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Rome, de nos jours. Immortel et séparé de Jésus depuis quelque deux mille ans, Judas trouve enfin une raison de sortir de sa léthargie : réaliser une ancienne prophétie. Après la découverte d'un évangile apocryphe écrit par Satan lui-même, il part à la recherche des trente deniers payés par les Romains pour la dénonciation de son amant, fort de la promesse que cela lui permettra de le retrouver dans l'au-delà. Alors, le monde saura qu'il n'était pas le traître dépeint par tous.

Accompagné d'une partie des apôtres, combattu par les autres, aidé par Marie de Magdala et Lazare, sa quête aux accents de thriller religieux le bringuebale des sphères huppées de Wall Streef aux bas-fonds de Londres, du tombeau maltais de Jean de La Valette au Vatican à la botte d'un Pierre, qui n'a de saint que le nom.

Philippe Battaglia peint, dans un esprit résolument punk, une galerie de personnages et d'histoires au coeur de notre imaginaire collectif. Drôle et érudite à la manière de Terry Pratchett, cette apocalypse survitaminée bouscule notre vision des apôtres.

Après tout, la Bible, c'est de la pop-culture.

- Tu savais ! Tu savais mes sentiments pour Jésus et tu connaissais aussi les siens ! Tu étais mon ami ! Et tu as tout de même écrit ce torchon !
- Ce torchon ? Mon Évangile ? s'offusqua le Publicain.
- Ouais ! Ce ramassis de conneries ! Tu m'as fait porter le chapeau alors que tu étais un des seuls à connaître la vérité.

« Je ne me permettrai pas de poser de jugement sur la foi. Tout comme les histoires, elle peut être capable de grandes choses ou se révéler destructrice. Je dois néanmoins confesser une quelconque méfiance à l'égard des porte-étendards autoproclamés. Voilà pourquoi j'ai voulu raconter une histoire qui parle d'histoires, de la manière dont elles impactent celles et ceux qui les entendent et, à travers eux, le monde. La mienne n'a aucune prétention, si ce n'est, comme toutes ses sœurs, celle d'exister et peut-être, avec bienveillance, de se frayer une toute petite place en vous. »
Philippe Battaglia

Dans le ventre de Klara

Régis Jauffret a le don de s’intéresser au pire. Au pire du pire, aux saletés et à la merde. Claustria m’avait choqué et retourné. Là encore, il s’attaque a un indicible.

Une femme comme moi ne devrait jamais donner la vie.
Notre famille est pleine de fous. Des êtres qu'on a enfermés dans des chalets perdus dans la montagne, dans de profondes caves et quand on les entendait crier même s'il était minuit tout le monde faisait semblant de croire que le coq chantait.
Dans le ventre de Klara de Régis Jauffret

Enfin… il ne s’y atèle pas directement. Cette fois-ci il s’y prend par la bande, il remonte plus loin pour voir à l’origine des pires travers et (les psy tous en cœur approuveront), quel coupable plus facile et évident que la mère ?

Je lui ai avoué mes coupables rêveries quant à la destinée du petit humain que Dieu avait mis dans mon ventre.
— Dieu n'a rien mis dans votre ventre. Vous prendriez-vous par hasard pour la mère de Jésus-Christ ensemencée par le souffle divin?
— Qu'il m'en garde.
— Vous portez en vous un être déjà mauvais, porteur du péché originel qui une fois purifié par le baptême continuera à fauter jusqu'à sa mort et finira peut-être damné.
Ses yeux dans la demi-obscurité comme deux pierres noires et luisantes.

Mais, Régis ne cède pas à la facilité. Si c’est bien dans le ventre de Klara que grandit le futur génocidaire, c’est plus de l’entourage dont il est sujet. Bondieuserie, clergé culpabilisateur, mari abusif et manipulateur (et un peu consanguin…), isolement et rabaissement systématique…

Le soir il m'a obligée à dîner deux fois. Il voulait que je mette au monde un gros poupon qui plus tard occuperait un poste honorable, pas un avorton ivrogne tout juste bon à entrer dans les ordres. 
— Je te rappelle qu'à cause de toi, j'ai déjà donné mon nom à deux cadavres.
J'ai éclaté en sanglots. Il m'a prêté son mouchoir froissé.

De quoi devenir fou et…

Un livre dans un milieu sale et puant. Terreau fertile pour annoncer pire encore

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
De juillet 1888 à avril 1889, Klara Hitler porte dans son ventre celui qui est destiné à devenir l'incarnation du mal absolu.

Pour la première fois, la mère du monstre prend la parole sous la plume magistrale de Régis Jauffret, et nous confie le récit de sa grossesse funeste.

Neuf mois de violence et de religiosité étouffante, desquels naîtra celui qui incarnera le nazisme et la Shoah. Neuf mois durant lesquels Klara est traversée, habitée, possédée déjà par l'innommable, partagée entre l'amour pour son enfant à venir et les visions qu'elle reçoit malgré elle des crimes que ce fœtus, une fois devenu homme, commettra contre l'humanité tout entière.

Peu d'auteurs ont su explorer l'indicible avec le génie narratif dont fait preuve Régis Jauffret. Lui seul pouvait faire ce voyage dans les abysses, avec la conscience que seule la littérature peut explorer profondément l'âme humaine.

Un roman sombre, violent et magnifique.

Le moine

Une fable morale comme une tragédie grecque revisitée par un sombre démon gothique au milieu de l’inquisition espagnole, des amours interdits, des tabous violés (et ils ne sont pas les seuls) et une lente descente aux enfers la main dans les griffes de Lucifer.

Une histoire de la corruptibilité de la recherche de la vertu pour elle-même.

Le  moine de Lewis raconté par Antonin Artaud
Le moine de Lewis raconté par Antonin Artaud

Sublime, décadent et religieusement érotique.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il est des âmes plus succulentes que d'autres à corrompre. Pour le diable, s'entend. Ainsi ce fameux père Ambrosio -le plus rigoriste, le plus saint homme de Madrid et son confesseur le plus en vue.

Quand la jeune et naïve Antonia, nouvelle en ville, lève les yeux vers la chaire, comment peut-elle se douter des tentations qui hantent le prêcheur, des tourments de la chair et de l'esprit, des vices rampants qui déjà le rongent ? Sévices souterrains, nonnes sadiques, messes noires, viols, incestes, parricides, enlèvements et labyrinthes... bientôt c'est tout Madrid qui sombre dans le péché. Un sommet du roman gothique