Les coquelicots

Malgré un prélude aguicheur, il ne s’agit pas vraiment d’un texte érotique débordant de fantasmes sensuels débridés.

Certes, les coquelicots, c’est la vie d’une prostituée, c’est parfois rude et le langage est cru (et c’est très drôle). Mais c’est bien plus de sa condition, de l’hypocrisie religieuse et du Magreb dont il est question ici.

Les coquelicots de Nedjma

Une vie où l’amour est rare et où se mélangent la colère et le dépit face aux fiertés nationalistes et islamistes. Des désirs pourris par les inégalités et gangrenées par les drogues dans une société écrasée par les tabous et les interdits.

Heureusement, il y a la cuisine, les saveurs, les goûts et les épices

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À Bab el-Oued vivait une dinde grassouillette et timide, fille unique d'un maître d'école et d'une postière moi. Nous créchions dans un deux pièces hérité d'une famille juive qui l'avait quitté dès janvier 1963 pour s'installer dans le Sentier parisien. L'immeuble était et reste vétuste, la rue était et reste crade. Alger était irascible. Elle est devenue apathique


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Il m'a fallu traverser la mer, supplier la pierre, vendre mes illusions au premier vent qui se lève et qui promet liberté, dignité et sérénité, avant d'intégrer quelques évidences qui décryptent notre chaos neuronal collectif.

Cette affreuse mélasse où fermentent des millions de zombies ahuris résulte d'une seule cause : la faim. Une faim obsédante, qui ulule même quand les placards débordent de victuailles. Une faim absurde, irrationnelle et obscène, nourrie par les disettes cycliques, engraissée par la cupidité des maîtres successifs et abusifs, excitée par des prêcheurs aux yeux révulsés et à la voix stridente, qui décrivent le paradis comme une foire gargantuesque où les musulmans se bâfrent tels des cochons de tout ce qui leur tombe sous la dent.

Chômeurs et chômeuses, pauvres et pauvresses, gueux et gueuses, déchets scolaires, accros au shit, à la seringue, aux médocs, à la colle forte, ne restent aux inutiles que la mer à traverser clandestinement ou les barbus à servir ouvertement.

J'ai fait semblant de servir les barbus parce que moi aussi j'avais (et j'ai encore) faim. »

Francia

Rubén est devenue Francia. Arrivée en France, elle devient une TdS, une travailleuse du sexe au bois de Boulogne.

À dix-huit ans, au terme de son année de bac philo à Janson, Ernest a perdu la foi de façon aussi subite que radicale. Un jeune prof leur ayant fait faire un tour rapide de l'histoire des religions, il lui est devenu évident que, vu le nombre et la variété des salades que les humains se sont racontées au long des millénaires sur les cinq continents, les chances pour que la salade locale corresponde à la vérité sont équivalentes à zéro.
Hélas, c'était trop tard : Ernest avait été marqué au fer rouge. L'Église avait imprimé à son corps-âme une méchante torsion, impossible à redresser. Le désenchantement de l'ado ne guérissait pas les blessures infligées à l'enfant. Rien n'effacerait jamais ces stigmates. Pour autant, à la différence de tant de garçons rendus fous par ce beau quartier, il n'a envie ni d'apprendre à parler fort en roulant les mécaniques, ni de s'improviser gay par compensation. Ce serait trop facile. De quoi a-t-il envie alors ?
Francia de Nancy Huston

Francia, c’est la vie des prostituées, la drogue, l’insécurité, la précarité, la violence, la vulnérabilité, le sexe et l’argent. C’est aussi les clients, 17 portraits (trop) rapides intercalés dans la vie de Francia.

Elle a trouvé ce garçon touchant. Il a juste envie de vivre un peu, mais dans son milieu c'est trop demander. Les Français blancs et riches c'est de vrais nœuds, se dit-elle, c'est la règle ! Ils ont le cerveau hypertrophié et le corps figé, débile, immobile. Ils se prennent la tête, ne savent ni qui ils sont ni ce qu'ils veulent ni ce qu'il leur faut, et le désir les tétanise au point qu'ils n'osent plus remuer le petit doigt. Comment font-ils pour s'embrouiller et s'emberlificoter à ce point ?

Un livre comme un constat – un peu stéréotypé – sans jugement ni moralisation… mais aussi sans trop de point de vue.

Et si on ressent une vraie empathie de Nancy Huston pour Francia… Zut. Me reste le sentiment de n’avoir que survolé le bois

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La conscience qui lui revient petit à petit.
Toujours allongée les yeux fermés, elle prend 'air dans ses poumons et laisse l'oxygène voyager jusqu'aux extrémités, ses vingt doigts aux ongles multicolores, les racines noires de ses cheveux orange aux boucles serrées, une allégresse verdienne dans chaque cellule de son nouveau corps - elle adore Verdi enfin elle ouvre les yeux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Enfant à Girardot, en Colombie, Rubén préférait le monde des femmes. Adolescent il part pour Bogota, se travestit, se prostitue. Après sa transition, elle choisit le nom du pays où elle a décidé de s'installer : Paris - et devient pour toujours Francia.

Au fil des années, cette femme généreuse, fascinante, voluptueuse, cette combattante de chaque instant donne tout ce qu'elle a pour vivre et faire vivre les siens. Entre puissance et lucidité, violence et engagement, tendresse et espérances, son histoire se déploie au rythme effréné d'une de ses journées de travail : le bois de Boulogne, dix-sept clients, quatorze passes acceptées, autant dire une kyrielle d'hommes venus la prendre, se perdre ou revenir à eux-mêmes. Mais le roman ne s'arrête pas à l'expérience de Francia, car il donne corps à ces inconnus, ces mâles, ces clients, en évoquant qui ils sont, et dans quelles circonstances ils viennent là.

Un livre politique, toujours plus près du réel, plus sensible aux interconnexions humaines. Un roman d'espoir, de survies, mais également un portrait kaléidoscopique de la France contemporaine.

Stella et l’Amérique

Voilà une bien grosse poilade, un bon moment de polar old-fashioned à l’américaine avec des tueurs, de l’humour (plein d’humour !), un petit peu de sexe, des interdits et des tabous, et plein de brigands bien mal intentionnés (à commencer par Sa Sainteté).

Santa Muerte se pencha et cracha dans la bassine en plastique à ses pieds. Elle s'essuya la bouche avec un mouchoir de tissu sale et but au goulot une lampée de mezcal. Lequel, avec les cigarettes sans filtre, est une belle tentative d'écourter le temps long. Le ver dans la bouteille chatouilla ses lèvres avant de s'en retourner au fond. Santa passa sa petite langue noire sur sa bouche.
« Assieds-toi et parle, ma jolie. Mes clients attendent.
 - J'ai vu personne dehors.
 - Je parle aussi avec des fantômes, la plus grande part du boulot est invisible. »
Stella et l’Amérique de Joseph Incardona

Un roman noir dans la lumière sainte.

Deux balles franchirent le verre, la peau et l'os. 
Dans ces conditions, la vie, quelle qu'elle soit, s'efface. 
Et on tuera tous les affreux.

Et une fin avec un clin d’œil à Vernon Sullivan bien mérité

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut savoir que Stella n'était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Stella fait des miracles. Au sens propre. Elle guérit malades et paralytiques, comme dans la Bible. Le Vatican est aux anges, pensez donc, une sainte, une vraie, en plein vingt et unième siècle ! Le seul hic, c'est le modus operandi : Stella guérit ceux avec qui elle couche. Et Stella couche beaucoup, c'est même son métier...

Pour Luis Molina, du Savannah News, c'est sûr, cette histoire sent le Pulitzer. Pour le Vatican, ça sentirait plutôt les emmerdements. Une sainte-putain, ça n'est pas très présentable. En revanche, une sainte-martyre dont on pourrait réécrire le passé...

Voilà un travail sur mesure pour les affreux jumeaux Bronski, les meilleurs pour faire de bons martyrs. À condition, bien sûr, de réussir à mettre la main sur l'innocente Stella. C'est grand, l'Amérique.

Avec sa galerie de personnages excentriques tout droit sortis d'un pulp à la Tarantino et ses dialogues jubilatoires dignes des frères Coen, Joseph Incardona fait son cinéma.

Une femme simple et honnête

Un premier roman vertigineux, terrible et sensuel !

En virtuose, Robert Goolrick dévoile une femme superficielle d’une grande profondeur ainsi qu’un homme richissime rongé par les regrets et les remords dans un poker menteur où personne ne semble pouvoir (ou même vouloir) gagner.

« Il est des choses auxquelles on échappe, pensa-t-il. Mais contre la plupart d'entre elles on ne peut rien, et le froid en fait partie. On n'échappe pas à ce qui est écrit pour nous, surtout au pire. La perte de l'amour. La déception. Le fouet aveugle de la tragédie. »
Une femme simple et honnête de Robert Goolrick

L’histoire de vies perdues, comme cela arrive.

Étourdissant et magistral !

Il faut lire Robert Goolrick !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le froid était glacial, l'air électrique, chargé de tout ce qui allait advenir. Le monde se tint en arrêt, à quatre heures pile. Rien ne bougeait, nulle part, pas un corps, pas un oiseau ; une seconde durant, il n'y eut que le silence et l'immobilité. Des silhouettes gelées sur la terre gelée, hommes, femmes et enfants.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Que vaut une relation qui commence par un mensonge ?
Winsconsin, automne 1907. Ralph Truitt, magnat local, craint et respecté, attend, fébrile, sur un quai de gare enneigé. Ce train en retard renferme son dernier espoir. Après vingt ans de veuvage, l'homme a enfin décidé de se remarier et a placé, plusieurs mois auparavant, une petite annonce dans un journal de Chicago. Et Catherine Land a répondu.
Se décrivant comme "une femme simple et honnête", elle est celle qu'il appelait de tous ses vœux. Mais les apparences peuvent être très trompeuses. Et l'épouse modèle cacher bien des secrets...

Pute n’est pas un projet d’avenir

Vous êtes curieu-se-x ? Vous souhaitez savoir ce qui se passe dans ces salons où des femmes nues massent des hommes (tout aussi nus, d’ailleurs) ?

Ce livre est pour vous !

Ce n'est pas la prostitution qui est sordide. Ce n'est pas l'acte de sucer ou de baiser qui est salissant. Ce n'est même pas le fait de payer pour ça. Ce qui est dérangeant, c'est d'utiliser un corps. Une personne dont le consentement est forcé par la nécessité. Personne ne devient pute par plaisir ou par vocation. Il n'y a aucun accomplissement de soi, aucune poésie dans la puterie.
On a beau s'y efforcer, impossible de distinguer son corps de soi. Notre corps, c'est notre intégrité. En devenant une fille publique, l'intégrité est réduite à peau de chagrin. Toutes ces mains étrangères qui se baladent sur ton corps te donnent la sensation de ne plus t'appartenir, de n'être plus à toi-même. Quand un client ne respecte pas les limites que tu as posées, alors tu ne sais plus s'il paie pour une prestation ou s'il paie pour louer une personne. Mais ce distinguo fait toute la différence.
Pute n’est pas un projet d’avenir de Louise Brévins

Louise a une fille dont le père est absent, elle est endettée et ne trouve plus aucune autre solution que la prostitution.

Elle raconte ces trois années de travail dont elle est désormais sortie, elle raconte les hommes, les relations facturées et asymétriques (souvent ambiguës pour les clients mais absolument très cadrées pour elle), les gros lourds, les crados et les sympa aussi (oui, il y en a !)

Un témoignage cru et impudique, touchant et éclairant qui tente de ne rien éviter et qui, tout au long du livre, colle au titre comme un avertissement

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Julien était venu à ma rencontre, et m'attendait au bas de l'immeuble. En le voyant de loin, je soupirai. Il était grand et maigre, les épaules légèrement voûtées, les mains croisées derrière le dos. Il portait une de ces chemises brillantes, à la mode dans les années 70, et un foulard autour du cou à la façon bourgeoise.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Aujourd'hui, devenir pute est encore plus facile que de créer un compte Instagram. Notre ère 2.0 a déplacé le tapin de la place publique à l'intimité de nos smartphones et les hommes peuvent désormais se commander une fille aussi facilement qu'on commande un Uber. Moi, je suis entrée dans la puterie pour subvenir aux besoins de ma môme et je suis devenue Alma, masseuse naturiste et sensuelle qui monnaie ses charmes pour 120 € l'heure. Je pensais déjà tout savoir et j'y ai tout appris : les hommes, avec tout ce que leurs désirs révèlent, les femmes, avec tout ce qu'elles ignorent, les ravages de la morale, le mythe de l'argent facile, l'hypocrisie d'une société biberonnée au porno. J'ai reçu vos maris, vos fils, vos patrons et vos potes. J'ai connu tous les âges, tous les milieux sociaux et toutes les religions. J'ai joué la farce de la professionnelle exerçant par passion et, 800 clients plus tard, je n'en tire qu'une seule conclusion : pute n'est pas un projet d'avenir. »

Arpenter la nuit

Elle est noire, à Oakland, elle a 17 ans et se retrouve seule à faire face aux les merdes qui s’accumulent. Et tout va aller très vite.

Son regard est dur et tranchant.
 - Alors tu t'es dit que t'allais faire le trottoir ?
 - J'ai fait ce que j'avais à faire pendant que toi tu restais le cul sur ta chaise. Je serais pas obligée de faire ça si tu m'aidais et que t'arrêtais tes conneries.
 - Tu m'as dit que t'étais d'accord pour que je tente ma chance, me répond-il, et bizarrement sa voix devient de plus en plus aiguë. Tu crois que j'ai pas essayé ? J'essayais déjà de te protéger avant même que maman foute tout en l'air. Putain, je suis le seul à m'être vraiment soucié de toi! Et tu m'en veux parce que j'ai enfin envie de faire quelque chose pour moi ?
Arpenter la nuit de Leila Mottley

Une dénonciation des abus policiers, du pouvoir des grosses merdes qui abusent de leurs insignes, de la violence de la pauvreté, du sexisme et du racisme systémique d’une société qui échoue à protéger les plus vulnérables.

Avec une voix claire et un style froid, Arpenter la nuit est un excellent roman qui malheureusement ne doit pas être très fictionnel tant de telles histoires semblent se répéter sans fin

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La piscine est pleine de merdes de chien et les ricanements de Dee nous narguent dans le petit matin. Ça fait une semaine que je lui répète qu'elle ressemble vraiment à une toxico, ce qu'elle est bel et bien, à se marrer toujours pour la même blague comme si la chute pouvait changer. On dirait qu'elle s'en fiche que son mec l'ait quittée, qu'elle n'en avait même carrément rien à foutre quand il s'est pointé près de la piscine mardi dernier après avoir fait toutes les poubelles du quartier à la recherche de crottes emballées dans des sacs en plastique.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En Californie, une adolescente noire est décidée à survivre, coûte que coûte, dans un monde qui se refuse à la protéger. Un premier roman coup de poing.

Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d'East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa soeur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s'accumulent et l'expulsion approche.

Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s'en sortir. Elle décide de vendre son corps, d'arpenter la nuit. Rien ne l'a préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation qui va la précipiter dans un enfer qu'elle n'aurait jamais imaginé.

Un roman à la beauté brute, porté par la langue à fleur de peau de Leila Mottley

Confidences à Allah

Le roman duquel est tirée cette bande dessinée est un chef d’œuvre. Remarquez que tous les livres de Saphia Azzeddine valent le détour ! Mais Confidences à Allah est son premier roman et c’est vraiment un livre qui m’avait marqué par sa puissance !

Confidences à Allah de Saphia Azzeddine, dessin et couleurs de Marie Avril, récit de Eddy Simon

Mais alors, que dire de cette adaptation ? Oui, forcément, j’ai été un peu déçu. J’aurais imaginé des visages différents, d’autres corps, couleurs… Mais surtout, un trait moins lisse, un rendu plus râpeux, rêche, rude comme le désert et toutes ces personnes qui se trouvent sur le chemin de Jbara.

Alors certes, la bande dessinée est fidèle et il est difficile de lui faire d’autres reproches que : « je n’aurais pas vu ça comme ça ».

Je vous laisserais donc vous faire votre avis, mais avant tout : lisez le roman et vous aussi, vous serez envoutés par l’écriture de Saphia Azzeddine

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Allah, si j'étais née dans une famille bien, dans une ville bien, avec une éducation bien, j'aurais forcément été une fille bien. Mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé au départ, Tu avoueras que je suis partie avec vachement plus d'emmerdes.

Eddy Simon et Marie Avril adaptent le monologue fiévreux de Saphia Azzeddine, portrait sans concession d'une jeune femme qui rêve d'émancipation et refuse de se soumettre

Mademoiselle Baudelaire

A la suite des cahiers préparatoires Baudelaire, voici l’impressionnant résultat. Un chef-d’œuvre aux dessins oniriques et érotiques avec quelques pleines pages époustouflantes ! Une histoire qui a gagné en consistance et cohérence, un dessin qui a pris encore plus de force et de matière et des personnages plus incarnés et vivants dans une époque plus réaliste.

Mademoiselle Baudelaire de Yslaire

Un résultat beaucoup plus sexuel que les cahiers – en tout cas dans la première partie – pour terminer dans une sombre torpeur.

Une histoire racontée par Jeanne Duval, Vénus noire adorée et détestée, muse sulfureuse. Une passion violente ; sous le regard réprobateur de la mère de Charles, l’aigre Madame Aupick.

Jeune modèle, drapée de velours noir, les cheveux défaits
Nadar (1820-1910). Photographe
[Jeanne Duval]
gallica.bnf.fr

Et si quelques pages un peu moins folles ou une typo un peu lassante m’ont chagriné, cette Madame Baudelaire témoigne magnifiquement de la puissance d’un embrasement venimeux qui ne sut s’éteindre

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Madame Aupick,
À vous, je peux le dire qui me demandez qui je suis.
Mais, au risque de paraître orgueilleuse,
aucun lecteur des Fleurs du mal n'oubliera
la Vénus noire de Charles Baudelaire,
la muse immorale, damnée du plus grand des poètes maudits.
Oui, c'est moi, la belle ténébreuse, cette chère
indolente, qui marche en cadence, belle d'abandon,
comme un serpent qui danse...


Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et l'ombre portée de son (oeuvre plane sur celle d'Yslaire depuis ses origines.

C'est Jeanne Duval, la femme que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie comme narratrice pour revisiter la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal. De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien : il reste une photo de Nadar non authentifiée, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, et surtout les poèmes qu'elle lui a inspirés. Jeanne, « c'est l'invisible de toute une époque » qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Stigmatisée comme mulâtresse, surnommée « Vénus noire », elle aimante tous les préjugés d'un siècle misogyne et raciste. Mais c'est avant tout une histoire d'amour, âpre et sensuelle, destructrice et illuminée, dont s'empare Bernard Yslaire. Avec pertinence et maestria, son trait aiguisé ravive le parfum de scandale et la sexualité crue d'une poésie en quête d'absolu. Avec cette Mademoiselle Baudelaire, l'artiste signe ici son chef-d'oeuvre de la maturité.

Une vie comme neuve

Voilà une bien curieuse vie comme neuve, qui m’a dérouté, intrigué et perdu sur de fausses pistes tant je ne savais pas où le Georges voulait amener ce guère sympathique Dudon qui, suite à un grave accident, trouve l’opportunité de commencer une toute nouvelle vie.

Tout se joua en un quart de seconde. Il avait dit, avec une fausse désinvolture, en glissant sur les syllabes : 
 ...j'étais seul dans l'auto...
Or ce n'était pas vrai. S'il n'avait pas mis Dudon en garde, celui-ci ne se serait peut-être aperçu de rien. Mais, depuis que Lacroix-Gibet était entré dans la chambre, il guettait ses mots un à un et ceux-là, justement parce que débités trop vite, trop légèrement, firent naître une image dans son esprit. Il n'était pas seul dans son auto. A côté de lui, Dudon en était sûr, très près de lui, se trouvait une femme qui portait un chapeau clair, probablement blanc, et que Dudon n'avait pas revue parmi les gens qui piétinaient autour de lui, tandis qu'il était étendu par terre. 
Il ne protesta pas, ne dit rien. Il eut seulement un sourire à la fois amusé et complice. Ce sourire n'échappa pas au conseiller municipal, qui garda un moment de silence.
Lorsqu'il ouvrit à nouveau la bouche, ce fut pour prononcer
 - Vous voyez ce que je veux dire ?
 - Je vois.
Une vie comme neuve de Georges Simenon

Mais peut-on changer de vie ? Nos anciens démons, nos culpabilités, nos vices et toutes nos petites pourritures peuvent-elles disparaître par enchantement ?

Un livre qui pose plus de questions que Maigret n’aurait bien pu résoudre dans ses enquêtes. Un Simenon sans inspecteur, mais qui fouille dans les turpitudes des âmes

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Maurice Dudon, un étrange personnage qui mène une vie de cloporte, est renversé par une voiture. L'homme qui la conduisait l'installe à ses frais dans une clinique. Confié à Anne-Marie, une charmante infirmière qu'il épouse, il connaît un destin nouveau.

Confidences à Allah

Et dire que je n’avais pas lu ce premier roman. Quelle erreur (heureusement réparée !)

Comme une bonne claque à ceux qui confondent foi et religion, clergé et Dieu, parole des hommes et message divin.

Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.
Ça baise comme des salauds chez les pauvres, parce que c'est gratuit.
Confidences à Allah de Saphia Azzeddine

L’histoire de Jbara, pauvre bergère du Maghreb qui deviendra prostituée. Une histoire qu’elle raconte elle même au travers de ses conversations avec Allah.

Mes copains n'étaient pas là pour se foutre de moi, alors j'en ai ouvert un, j'ai même osé en lire quelques lignes. Puis une page. Et j'en ai ouvert d'autres. Une fois, j'ai lu un livre entier.
J'apprenais qu'un homme pouvait prendre quatre cents pages pour dire à une femme qu'il l'aime. Quatre cents pages avant le premier baiser, trois cents avant une caresse, deux cents pour oser la regarder, cent pour se l'avouer. À l'heure où on envoie des textos quand on a envie de baiser, je trouvais ça prodigieux, vertigineux, fou, démesuré, extravagant, insensé, grandiose... Voilà, j'apprenais des mots en faisant le ménage. Au moins ça...

Un chef d’oeuvre contre l’obscurantisme, les patriarcats, les religieux qui transforment et utilisent les saintes écritures pour avilir, soumettre et dominer. Des religions comme pouvoir, royaume des hypocrisies !

Et là, au milieu, un message magnifique de tendresse et de candeur

En conclusion : lisez Saphia Azzeddine !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vers qui se tourner quand on vit dans la misère ? À qui parler lorsqu'on est perdu et rejeté par la société ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, choisit Allah. Dans un monde qui ne voulait pas d'elle, Il deviendra son unique confident. C'est à Lui que s'adresse ce monologue fiévreux et enragé, où l'humour perce souvent, celui d'une jeune fille qui tente d'échapper à l'enfermement