Album sans famille

David Gagnebin-de-Bons est photographe, et, tombant sur un album photo dans lequel en manquent certaines, il entreprend de le décrire.

Ce doit être à nouveau un site de la guerre. Pas un champ de bataille, mais une plaine commémorative, comme celles qui s'étendent d'ouest en est sur la ligne de l'acien front. Je peux le dire par la végétation rase et primitive que foulent au pied les marcheurs équipés pour parcourir une distance de plusieurs heures. Visible, l'horizon paraît très abaissé, écrasé par le stratus et incertain dans la brume qui se lève sur l'étendue plate et herbeuse, presque sans collines ni vallon. Assurément, si des hommes se sont battus ici, ce n'était que pour mourir.
Album sans famille de David Gagnebin-de-Bons

Avec un style poétique et intemporel, il raconte, les paysages, les personnage, les natures mortes… Un album dont la vie s’est enfuie.

Cette photographie est un dessin crépusculaire: des points et des lignes sur un plan sans perspective. Une idée de l'organisation du monde qui s'embrasse d'un regard. L'univers apaisé.
Hors champ: les luttes des hommes, le commerce, la clameur de l'histoire, le temps qui a passé si vite et les vies en morceaux. Mais sur l'image: les formes.

Mais on s’y ennuie un peu jusqu’à ce qu’il nous parle hors cadre, de ce qui n’est pas visible… hélas, trop rarement

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Album sans famille est un corpus uchronique d’images décrites où l’auteur tente de reconstruire un lien d’apaisement et d’espoir avec le monde. Dans une langue riche et jalonnée d’indices, le récit fait émerger des scènes définitives et sensorielles: celles d’une suite possible de notre monde, toujours imparfaite et incomplète, mais en apparence toujours inéluctable. Des images nous parviennent, racontées par une voix solitaire et perdue dans le temps. Celles de cet album de photographies retrouvé mais auquel manque pour toujours une famille. Cet album sans sorties dominicales, sans fêtes… Aucun enfant assis sur le muret, aucune grande roseraie; ni mariages, ni hasard d’un instant domestique.
Dans l’album, se révèlent entre les vides laissés par les pages arrachées, les plaines commémoratives d’une guerre trop proche, les mégapoles inhumaines et la présence insistante de sa créatrice, une femme, photographe comme l’auteur du livre. Parfois accompagnée, elle traverse ce «pays d’après», étonnamment semblable au nôtre, miroir familier de nos fantasmes littéraires d’un monde qui s’affaisse lentement et sans bruit sur sa fin. Dans ses photographies, pourtant, la force silencieuse des compositions semble tenir ses sujets dans un tout porteur, sinon d’espoir, du moins de sens