Toutes les époques sont dégueulasses : ré(é)crire, sensibiliser, contextualiser

De la marchandisation de l’art…

Réécrire ou récrire des ouvrages pour ne pas blesser ou pour mieux vendre ? Dans ce petit, tout petit livre, Laure Murat tente de préciser la question et d’éclaircir un peu le sujet afin d’arrêter de tout mélanger. Et elle le fait très bien !

Une affaire de gros sous
Dans la plupart des cas, la visée n'est pas prioritairement la morale, l'antiracisme ou la lutte contre les violences sexistes, comme on essaie de nous le faire croire, mais plus simplement l'argent. Car ces œuvres, qui sont toutes des best-sellers mondiaux, sont en passe de ne plus correspondre aux attentes des nouvelles générations. C'est exclusivement pour conserver leur valeur lucrative que les éditeurs ont procédé à ces nettoyages approximatifs, avant que les héros canoniques comme Miss Marple ou James Bond, notoirement racistes et sexistes, ne deviennent complètement ringards. Et ce n'est évidemment pas un hasard si les œuvres de Roald Dahl ont été récrites juste avant la vente massive des droits à Netflix.
Toutes les époques sont dégueulasses : ré(é)crire, sensibiliser, contextualiser de Laure Murat
Mais ça ne va pas beaucoup plus loin que l’éclaircissement. Et même si elle y précise bien son point de vue, le sujet est bien vite clos.

Une excellente introduction pour commencer à penser sur de bonnes bases en ayant précisé de quoi il était sujet

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Faut-il réécrire les classiques de la littérature ? », « Doit-on réécrire nos livres pour ne pas offenser les sensibilités ? », « Faut-il adapter les classiques à leur époque ? », « Réécriture de romans, une histoire ancienne ? »... Difficile, ces derniers temps, de ne pas tomber sur ces questions pointant, ici, la nécessité de réviser le sexisme de James Bond et le racisme d'Agatha Christie, ou, là, l'antisémitisme de Roald Dahl, en remplaçant des termes jugés offensants pour les minorités.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Depuis quelques années, un malaise s'est installé dans la culture contemporaine. Ici on récrit des textes classiques ou certains best-sellers pour les purger du racisme et du sexisme, ailleurs on en appelle à une surenchère de contextualisations.

Et si la question qui sous-tend ce vaste débat était mal posée ? S'il s'agissait, dans bien des cas, d'argent et non d'éthique ? Et si la censure n'était pas du côté qu'on croit ? Et si les précautions prises à tout contextualiser produisaient à terme un effet pervers ?

À l'aide de quelques exemples, Laure Murat tente de rebattre les cartes d'une polémique qui, à force d'amplifier, brouille les vrais enjeux de la création et de sa dimension politique.

Sensibilités

A l’heure de la polémique autour de Que notre joie demeure, prix Décembre et Médicis, de Kevin Lambert et de la relecture prépublication par un sensitivity reader, ce livre tombe juste !

En plus, il est très drôle !

FEEL GOOD, UN MOMENT DE BONHEUR !
Partout sur les écrans, des femmes, des hommes, des enfants, des trans, des bis, des gays, des hétéros, des asexuels, de toutes les couleurs, tous les continents, tous les pays, tous les âges, tous les poids, toutes les tailles, tous les handicaps, toutes les religions, lisaient, au ralenti, des livres Feel-Good.
ET SI VOUS VOUS FAISIEZ DU BIEN? susurrait la voix moelleuse et sucrée qui accompagnait ces moments de pur bonheur.
Sensibilités de Tania de Montaigne

Sensibilités est une fable qui se passe dans une maison d’édition feel good et qui, suite au poignardage d’un auteur qui avait heurté la sensibilité d’un lecteur, se dote d’un code de bienveillance ! Mais est-ce possible, souhaitable, réaliste ?

Bienvenue dans une entreprise woke suiviste et jusqu’au-boutiste, secouée par la versatilité des réseaux sociaux et aveuglée par ses profits

Et bravo encore pour le nouveau titre de Noire qui devient Bus. Remarquez que j’aimais bien Jante aussi

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un écrivain venait d'être poignardé à dix- huit reprises. Elle se rappellerait toujours que, le matin même, Feel Good s'apprêtait à entrer en Bourse. La journée, qui avait commencé dans la joie, s'était poursuivie dans le sang.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un écrivain est sauvagement poignardé. Son crime ? avoir heurté les sensibilités.

Immédiatement, une salariée de Feel Good, maison d'édition à la pointe du progrès, décide de tout mettre en oeuvre pour qu'une telle tragédie ne se reproduise jamais.

La méthode est simple et radicale : effacer certains mots des manuscrits, pour que plus personne ne soit heurté dans sa sensibilité. Corriger, couper, remplacer. Que chacun se sente heureux et calme. Les écrivains s'interrogent, luttent, mais le marché et les actionnaires applaudissent, les lectrices et les lecteurs adorent.

Pourtant, chaque jour apporte son lot de violence, de haine, de racisme, d'incompréhension. Ces maux n'ont-ils pas été eux aussi effacés de la société ?

Situations justes et terribles, où l'ironie se mêle à la tendresse. Dialogues acides et hilarants. Sensibilités est une fable de notre temps