Le chat

C’est affreux, cette histoire. Il n’y a rien qui va et pourtant, je suis sûr que nous connaissons tous un couple pareil. Oh, bien sûr, peut-être pas aussi pire (… regardons bien), mais un vieux couple, attachés par leur haine de l’un pour l’autre. Ensemble. Et le jour où l’un s’en va, c’est sa meilleure maladie qui meurt. Quelle horreur, quel enfer.

Est-ce que, en son absence, elle osait battre le chat ? Il en doutait, car elle en avait trop peur. Elle en aurait certainement été soulagée. Elle avait fait mieux. Elle l'avait tué. Et ce n'était pas seulement à Joseph qu'elle s'en prenait de la sorte, c'était à lui, Émile, dont elle n'aimait pas davantage la présence et l'odeur que celles de l'animal. Elle avait attendu l'occasion pendant des années. Elle n'avait pas eu la patience d'attendre un an, deux ans peut-être, que le chat meure de sa mort naturelle. Bouin buvait, mais se sentait l'esprit froid, il était convaincu qu'il voyait les choses plus clairement, plus objectivement que jamais. C'était une garce. Il n'y avait qu'à voir, sur les photographies, la dégaine de son premier mari, le fameux premier violon de l'Opéra, pour savoir que c'était un mou qui s'était laissé berner pendant plus de trente ans.
Le chat de Georges Simenon
Ne me rappelant que vaguement de l’adaptation avec Gabin et Signoret, j’ai découvert une histoire qui m’a fait frémir. Quelle misère.

Un tout grand Simenon, sans polar, sans artifice

Le 108e roman dur de Simenon

Adapté en 1971 par Pierre Granier-Deferre avec Jean Gabin et Simone Signoret

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
II avait lâché le journal, qui s'était d'abord déployé sur ses genoux puis qui avait glissé lentement avant d'atterrir sur le parquet ciré. On aurait cru qu'il venait de s'endormir si, de temps en temps, une mince fente ne s'était dessinée entre ses paupières.
Est-ce que sa femme était dupe ? Elle tricotait, dans son fauteuil bas, de l'autre côté du foyer. Elle n'avait jamais l'air de l'observer, mais il savait depuis longtemps que rien ne lui échappait, pas même le tressaillement à peine perceptible d'un de ses muscles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Emile, ancien ouvrier au naturel bourru, est un homme sans détour. Marguerite, à l'opposé, est une femme délicate, d'une douceur affectée, sournoise et avare. Elle provient d'une famille de propriétaires, dont on démolit les nombreux immeubles dans le quartier. Ils étaient voisins, tous deux veufs, et se sont mariés, lui à 65 ans, elle à 63, peut-être par peur de la solitude. Leur incompatibilité de tempérament ne tarde pas à se muer en sourde hostilité. Joseph, le chat d'Emile que Marguerite n'a jamais accepté, disparaît.