La route

Ils sont deux, l’homme et l’enfant. Ils marchent vers le Sud, vers la mer. Au milieu d’un monde post-apocalyptique et des hordes cannibales. Charognards opportunistes, survivants dans un monde déjà mort.

Assis en face d'elle de l'autre côté de la flamme de la lampe il lui avait dit: On est des survivants.
Des survivants ? dit-elle.
Oui.
Pour l'amour de Dieu qu'est-ce que tu racontes ? On n'est pas des survivants. On est des morts vivants dans un film d'horreur.
Je t'en supplie.
Ça m'est égal. Ça m'est égal que tu pleures. Ça ne signifie rien pour moi.
S'il te plaît.
Arrête.
Je t'en supplie. Je ferai n'importe quoi.
Quoi par exemple ? Il y a longtemps que j'aurais dû le faire. Quand il y avait trois balles dans le revolver au lieu de deux. J'ai été idiote. On a déjà parlé de tout ça. Ce n'est pas moi qui en suis arrivée là. On m'y a amenée. Et maintenant c'est fini pour moi. J'ai même pensé ne rien te dire. Ç'aurait sans doute mieux valu. Tu as deux balles de revolver et alors ? Tu ne peux pas nous protéger. Tu dis que tu mourrais pour nous mais à quoi ça nous avance. Je l'emmènerais avec moi et c'est pour toi que je ne le fais pas. Tu sais que je le ferais. C'est ce qu'il faut faire.
La route de Cormac McCarthy

Lu juste après la fidèle adaptation de Larcenet, le roman n’en est pas moins impressionnant.

Une père qui veille sur son fils. Ils avancent. Pourquoi ?

Quelle est cette pulsion de vie qui ne lâche jamais et qui m’a rappelé Quand on eut mangé le dernier chien de Justine Niogret ?

En bien plus sombre, sous une pluie de cendres

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand il se réveillait dans les bois dans l'obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l'enfant qui dormait à son côté.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur voyage ?

K comme Almanach

Les petits livres de Marie-Jeanne Urech ne sont pas très faciles d’accès et pourtant, ils méritent qu’on rame un peu dans cette écriture désarçonnante. Ne pas abandonner, dirait Simon le lampiste, le premier à éclairer la nuit.

De sa fenêtre, Simon ne voyait ni mer ni lac, mais une colline rabotée, lyophilisée à grands frais afin d'y construire une muraille et un complexe hôtelier. La muraille pour décourager les étrangers et le complexe hôtelier pour en accueillir d'autres.
K comme Almanach de Marie-Jeanne Urech

Car de l’abandon, il y en a partout dans ce K. Tout le monde fuit pour Belgador. Ne restera bientôt que la mauvaise herbe dans une ville fantôme, le lampiste et un enfant abandonné recueilli, bon gré, mal gré ?

Une fable absurde sur une humanité qui s’est perdue, abandonnée

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Bientôt la navette à destination de Belgador s'arracherait de terre. Une foule sans bagages se massait devant l'aérogare. Seuls les souvenirs, en lambeaux ou confettis, étaient autorisés. Il fallait voyager léger pour tout quitter. Marchait sur le trottoir opposé Simon le lampiste, premier à éclairer la nuit.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La ville se vide de ses habitants. Tous se pressent quotidiennement dans les navettes vers Belgador, nouvel Eden aux vertes prairies promises, planète lointaine dont on ignore tout. Face à l'exode, Simon le lampiste est déterminé à rester quoi qu'il en coûte. En plus de son métier, il s'improvise pêcheur, jardinier et travailleur social dans une ville s'effondrant sur elle- même, envahie par la jungle et le désert. Au Lacmer, il recueille le petit, un perdu-retrouvé, recraché par les flots, traumatisé et muet. Simon apprend alors à être pédagogue, et à transmettre ce qui lui est cher : le travail bien fait, l'entretien du monde, le soin aux autres et le langage. Mais peut-on véritablement habiter un monde seul à deux ?

Après Malax (2016) et la Terre tremblante (2018), Marie-Jeanne Urech continue son exploration des désenchantements contemporains sous la forme de fables explorant nos fragilités, nos forces et sensibilités

La route

Quelle claque !

La route de Manu Larcenet, d’après le roman de Cormac McCarthy

Manu Larcenet retourne dans les ténèbres. Il sombre dans la route de McCarthy. Une histoire sans espoir, une marche pour la vie… mais quelle vie ? Un père et son fils au milieu des cendres, du froid et des hordes cannibales.

Un chef d’oeuvre oppressant et hypnotique !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et sa fille errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites, censés les aider dans leur voyage. Sous la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur périple ?

La bête : tome 2

Quelle réussite, quelle brillante adaptation !

La bête : tome 2 de Zidrou, dessin de Frank Pé, couleurs de Elvire de Cock

Si vous cherchez un Marsupilami tout choupinou, une histoire pour endormir les petits enfants avec des blagounettes un peu niaiseuses générées à la pelle par une IA dégénérée… passez votre chemin !

La bête, une histoire de caractère, avec quelques messages biens vus au milieu d’un Bruxelles au sortir de la 2e guerre. C’est dur et violent, ça parle d’amour, d’enfance et d’animaux. Une histoire qui peut déraper à tout instant et qui reste sur le fil tout du long.

Et si ce deuxième tome est peut-être un micro-poil en dessous de mes attentes, reste une magnifique réinterprétation de la créature de Franquin !

Et le tome 1, c’est ici

Candy

Ils sont deux, portés par une passion, Candy et Mathurin.

Les amants voguent sur l'Atlantique depuis un moment déjà...
Le temps se noie dans les vagues se brisant sur la coque de leur vaisseau... 
Candy et Mathurin sont allongés côte à côte dans leurs cercueils au fond de la cale...
Un lourd grondement de machines, d'hélices et de contre-courants marins endigue leur dérive vers le de large...
Candy de Gagnon Chainey Benjamin

Dans ce petit livre à l’écriture originale, soignée et créative, nous les suivons de Paris au Canada, dans une fuite qui ressemble à une quête (ou serait-ce le contraire ?), un amour fou et aveugle.

Un peu trop fou pour moi tout de même, je me suis perdu

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mon corps est un chaos qui jamais ne se coagule.
Les nuits me suivent mais ne me ressemblent pas.
Seule en silence au creux de ma loge, je m'assieds devant mon miroir, fébrile et nerveuse. Mon spectacle va bientôt commencer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Candy, drag queen étoile du cabaret Rocambole, à Villecresnes, en a assez de mourir à la chaîne toutes les nuits. Dansante diva dans sa robe de paillettes, elle rêve de devenir une icône. Une nuit hantée de janvier 198*, Candy prendra la fuite au bras de son amant Mathurin, jeune carabin de l'Université Paris-Descartes. Au détour d'une ruelle, les amoureux tomberont sur une étrange apparition. Ce sera leur premier meurtre. Cette nuit-là, les fugitifs passeront à l'acte. Ils uniront leurs destins de parias dans le sang et mettront le cap sur le paradis. Candy raconte une histoire d'amour, d'aventures et de métamorphoses... Une cavale fantasmagorique contre la montre, la maladie et la mort

Sa préférée

La violence est-elle contagieuse ? Se retrouve-t-on forcément un jour à rendre les coups reçus, peut-on pardonner, comment se reconstruire ?

Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait
« Elle peut pas la boucler, cette gamine ». Mais elle continuait ses babillages. Elle était naïve, joyeuse, un peu sotte, drôle et gentille. Elle apprenait tout avec lenteur a l'ecole. Elle ne sentait pas lorsque le souffle de mon père changeait, quand son regard annonçait qu'on allait prendre une bonne volée.
Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel

Un livre puissant, rude. Une famille avec un père violent, abuseur, incestueux, imprévisible et pervers. Une grosse saloperie ! Une femme et deux filles prises dans ses griffes dans un petit village du Valais (mais il y en a partout) où chacun regarde ailleurs, refuse de voir, d’aider, d’intervenir.

C'etaient invariablement les memes scènes. Il rentrait après sa journée sur les routes. Il empestait l'alcool. S'il s'asseyait au salon dans le canapé en cuir décrépit, s'il s'endormait, on savait alors que nous serions, toutes les trois, en paix pour quelques heures. S'il posait son corps massif sur une chaise de la cuisine, s'il prenait un couteau pour ouvrir des noix ou pour trancher un morceau de ces fromages qu'il faisait vieillir dans la cave au sol terreux, on n'y couperait pas. C'etait d'une banalité désolante. Un scenario usé jusqu'à la corde, ou chacun jouait le rôle qui lui était prédestiné.
Personne n'avait le recul du spectateur. Nous étions tous les quatre embarqués dans la même valse, ou chacun posait les pieds au bon endroit. Nous n'avions ni la conscience, ni l'imprudence de risquer un autre pas.

L’histoire d’une fuite, d’une reconstruction, des cicatrices qui ne se referment pas. L’histoire des victimes et du bourreau.

Un roman qui ne se referme pas sans malaise et questionnements. Une fiction qui dépeint une affreuse réalité, celle de la maison d’à côté, de l’étage en dessus, la porte du voisin

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait « Elle peut pas la boucler, cette gamine ».


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa soeur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l'assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.

Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l'École normale d'instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa soeur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.

Réfugiée à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d'apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu'elle s'accorde. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d'êtres bienveillants que sa sauvagerie n'effraie pas, s'essayant même à une vie amoureuse.

Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite.

Sa préférée est un roman puissant sur l'appartenance à une terre natale, où Jeanne n'aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n'avoir su la protéger de son destin

Le jeu des si

Et si… ?

Et si à la sortie de l’aéroport, en fin de soirée, épuisée, fatiguée et lasse d’attendre un conjoint qui ne viendrait pas, vous suiviez une personne tenant une pancarte au nom de Emma Auster ? L’héroïne de ce jeu des si tente l’expérience.

Le jeu des si de Isabelle Carré

Un livre un peu convenu qui tout à coup, bim ! sans prévenir, saute dans l’autofiction (pour en revenir plus tard) tout en tissant des parallèles entre celle qui aurait osé s’échapper et l’autrice coincée par le confinement. Amusant et déroutant !

Mais voilà, Isabelle Carré m’a semblé bien plus convaincante lorsqu’elle ne se cache pas

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le visage collé au hublot, j'admirais les montagnes qui s'étalaient autour du long ruban goudronné de la piste d'atterrissage. Les lignes blanches et les pointillés défilaient à toute vitesse, tels d'impeccables formulaires à découper.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Et si vous pouviez changer de vie ? Jeu des si, mode d'emploi :
Règle n° 1 : Trouvez un nouveau nom.
Règle n° 2 : Remplacez vos proches par des inconnus.
Règle n° 3 : Modifiez votre personnalité, cessez de mentir par exemple.

N'oubliez aucune piste. Peut-être vous embarquerez-vous sur un coup de tête dans le taxi d'une autre, comme Élisabeth. Et peut-être serez-vous plus libre à l'arrivée.
Isabelle Carré nous invite à découvrir un jeu fascinant, tendre, cruel, parfois dangereux. Les strates de la fiction s'y déplient pour dessiner le portrait d'une femme bouleversante et singulière qui pourtant nous ressemble. Qui n'a jamais songé à disparaître, pour mieux recommencer ?

Hallali

Une BD difficile à positionner. Plutôt une œuvre graphique onirique quasiment sans paroles.

Hallali de Claire Malary

Hélas, le propos n’est pas suffisant pour en trouver une interprétation univoque. Certes, pas indispensable, mais…

Des fils trop légers pour en faire un bon album. Vraiment dommage, j’aurais bien aimé apprécier cette chasse, cette femme rousse… Mais je n’ai pas compris grand chose à ces 60 toutes petites pages

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'hallali est le dernier temps de la chasse à courre. Celui où la bête pourchassée est mise à mort

L’axe du loup : de la Sibérie à l’Inde sur les pas des évadés du Goulag

En 1950 paraissait « À marche forcée », récit de l’évasion du Goulag de Slavomir Rawicz. Une fuite de Iakoutsk à Calcutta.

L’axe du loup : de la Sibérie à l’Inde sur les pas des évadés du Goulag de Sylvain Tesson

Malgré des doutes sur son authenticité, ce livre fascine Sylvain Tesson qui décide d’en refaire le trajet sans utiliser de moyens de transports motorisés, by fair means.

Le récit d’une longue marche, de rencontres, de faim et de froid, de douleurs et d’émerveillements comme un hommage à la soif de liberté

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pendant huit mois, Sylvain Tesson a refait le long voyage de la Sibérie au golfe du Bengale qu'effectuaient naguère les évadés du goulag. Pour rendre hommage à ceux dont la soif de liberté a triomphé des obstacles les plus grands, seul, il a franchi les taïgas, la steppe mongole, le désert de Gobi, les Hauts Plateaux tibétains, la chaîne himalayenne, la forêt humide jusqu'à la montagne de Darjeeling. À pied, à cheval, à vélo, sur six mille kilomètres, il a connu ce qu'il a cherché de plein gré : le froid, la faim, la solitude extrême. La splendeur de la haute Asie l'a récompensé, comme les mots d'une très ancienne déportée heureuse de se confier à lui : «On a le droit de se souvenir.»

«Le récit de voyage qu'il a rapporté est plein d'intelligence, d'authenticité, d'âpreté et d'émotion, traversé de bonheurs d'écriture qui sont la patte d'un écrivain.»

Personne n’a peur des gens qui sourient

Une femme qui se retrouve à faire ses valises, prendre un flingue et ses deux filles et à fuir, loin, sans laisser de traces pour se protéger, elle et ses filles.

Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé

S’en suit un roman très bien construit, fait de flash-back pour comprendre pourquoi et par qui ?

Et, petit à petit, la personnalité de la mère apparaît, son histoire, enfance, mariage, Tonton Gio, Santini… Le voile se lève

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine ? Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever...