Le voleur d’amour

Après la magnifique bande dessinée illustrée par Yannick Corboz, j’ai immédiatement recherché l’origine, ce roman de Richard Malka, l’avocat aux remarquables plaidoiries des procès de Charlie Hebdo.

Le romantisme des premières années passé, le cours des existences de mes parents bifurqua sans se séparer. Leur cheminement intérieur se cristallisa presque simultanément. Lavinia sut qu'elle ne pourrait vivre sans amant et Cesare comprit qu'il ne toucherait plus son épouse. L'amour peut se décider, jamais le désir.
Le voleur d’amour de Richard Malka
La première chose qui m’a marqué, c’était la fidélité de l’adaptation en images. Les éléments, la trame et les personnages et le déroulé de l’histoire y étaient parfaitement rendus. Toutefois, dans ce roman, c’est le journal des deux protagonistes qui sert de fil naratif. Une écriture qui permet d’approfondir les émotions et personnalités d’Anna et Adrian.[...] je respecterais les souhaits de la vie et poursuivrais mon chemin. Sans Dieu. Sans diable. Libre.
Je devais vivre et donc, me nourrir.
Le lion doit-il être condamné quand il dévore sa proie ? L'araignée est-elle coupable de tisser sa toile ? J'avais une place dans la chaîne alimentaire et il n'y avait nulle honte à l'occuper.
Le monde était resté sourd et aveugle à mes demandes d'amour. J'en disposerais dorénavant en quantité illimitée. Une juste compensation. Ce pouvoir était ma revanche.Une histoire de vampire atypique et – en même temps – fort classique. L’histoire d’une blessure originelle on ne peut plus bateau : le manque d’amour de maman et papa.

Une amusante digression sur la culpabilité… au regard de la profession de l’auteur

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La mémoire ne peut remonter qu'au temps où le langage a été acquis. Avant, c'est impossible. Sans mots, nul souvenir. Pourtant, je me rappelle au-delà de ma naissance. Une sensation, une certitude prénatale : mes parents ne m'aimaient pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qui est Adrian van Gott, le collectionneur d'art sans âge dont nul ne connaît la fortune ? Quel drame a-t-il connu dans la Venise des années 1780 avant de découvrir son étrange et monstrueux pouvoir ? Celui de traverser les siècles. Mais l'éternité a un coût. Mystérieux, douloureux, épuisé par les siècles déjà vécus, Adrian ne peut toucher la femme qu'il aime... Pour lui, l'amour se vole et ne se gagne jamais.

La cité aux murs incertains

Voilà une critique bien difficile à rédiger tant ce chef-d’oeuvre m’a semblé inabouti. Oui, c’est un chef-d’oeuvre, nul doute. C’est beau, prenant, envoûtant et questionnant. Je suis resté sous le charme de ce livre aux nombreux tiroirs (enfin, aux nombreuses étagères de bibliothèques).

 - Mais vous l'aimez encore et vous ne pouvez pas l'oublier ? »
J'ai de nouveau hoché la tête sans me prononcer davantage.
C'était probablement l'explication qui passait le mieux. Et l'on ne pouvait même pas dire qu'elle était inventée.
« Avez-vous quitté Tōkyō et déménagé dans les montagnes pour l'oublier ?
 - Non, ai-je répondu en riant. Je n'avais pas de motif aussi romantique. Qu'importe où l'on se trouve, dans une ville ou à la campagne, rien ne change vraiment. Je me laisse simplement emporter au gré du courant.
 - Ce devait être une femme remarquable.
 - Je n'en sais rien. Qui donc a dit un jour que l'amour était une maladie mentale que la Sécurité sociale ne couvrait pas ? » 
Mme Soeda a ri doucement et a ajusté ses lunettes. Elle a bu une gorgée de café dans son mug à l'oiseau sauvage et est retournée à son travail. Cela a marqué la fin de notre conversation.
La cité aux murs incertains de Haruki Murakami
Comme l’auteur s’en explique dans la postface, ce livre est une extension d’une nouvelle du même titre de 1980. Elle servit de matière pour La fin des temps paru en 1985 (que je m’en vais m’empresser de relire et qui – dans mes souvenirs – me semble avoir tant de points communs). Insatisfait, Murarami s’est remis au travail en 2020 et ce livre en est une reprise complète.

Mais pourtant, à la fin de cette lecture, il me semble qu’encore, de grands pans restent inexplorés, de nombreuses portes ouvertes restent béantes et les incessantes répétitions m’ont beaucoup troublé. Choix délibérés de l’auteur ou travail inachevé ?

Une histoire fantastique, d’amour impossible, de disparition et de questionnement sur la propre vie de nos inconscients

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est toi qui m'as parlé de la Cité.
Ce soir d'été, respirant les effluves de l'herbe tendre, nous avons marché vers l'amont de la rivière. Nous avons traversé une succession de gradins formant de petites cascades, et nous nous sommes arrêtés de temps en temps pour observer des poissons argentés, filiformes, qui nageaient dans les nappes d'eau. Nous étions tous deux pieds nus depuis un bon moment. L'eau claire lavait et rafraîchissait nos chevilles, le sable fin de la rivière nous enveloppait les pieds, comme un nuage doux dans un rêve. J'avais dix-sept ans, toi, un an de moins.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tu dis : « La Cité est entourée de hauts murs et il est très difficile d'y pénétrer. Mais encore plus difficile d'en sortir.
- Comment pourrais-je y entrer, alors ?
- Il suffit que tu le désires. »

La jeune fille a parlé de la Cité à son amoureux. Elle lui a dit qu'il ne pourrait s'y rendre que s'il voulait connaître son vrai moi.
Et puis la jeune fille a disparu.
Alors l'amoureux est parti à sa recherche dans la Cité. Comme tous les habitants, il a perdu son ombre. Il est devenu liseur de rêves dans une bibliothèque.
Il n'a pas trouvé la jeune fille. Mais il n'a jamais cessé de la chercher...

Avec son nouveau roman si attendu, le Maître nous livre une oeuvre empreinte d'une poésie sublime, une histoire d'amour mélancolique entre deux êtres en quête d'absolu, une ode aux livres et à leurs gardiens, une parabole puissante sur l'étrangeté de notre époque.

Un Noël avec Winston

Homme d’état, écrivain, buveur, fumeur, mangeur, hyperactif, brillant, joueur, dispendieux, charismatique… Churchill a marqué l’histoire.

Avant le succès de sa production, d'abord journalistique puis littéraire, dépassant allègrement les honoraires de sa fonction au gouvernement, Winston a eu du mal à faire bouillir la marmite. Cette année 1940 serait sans doute très difficile. Un poulet ? Sauté ou marengo, alors. Quant aux vieux coqs et aux vieilles poules, flanquez-les au pot, gardez le bouillon et donnez la viande à vos ennemis, avec des cure-dents! Mais la providence ou la chance ont chaque fois suppléé. S'il se moque des conventions, Winston vénère la tradition.Le premier dimanche de l'Avent, lors du Stir-up Sunday, le pudding a été remué avec une cuillère, en faisant un vœu, avant de le mettre dans un moule pour lui donner sa forme finale. Et la veille de Noël, les cadeaux ont été déposés dans une housse d'oreiller suspendue au bout du lit.

Un Noël avec Winston de Corinne Desarzens

Corinne Desarzans en dresse une biographie volontairement atypique, sautillant de l’anecdote à la grande histoire tout en passant par des pensées plus personnelles. Tant de choses ont été déjà écrites sur ce personnage hors du commun.Lui qui savait, à 24 ans déjà, qu'il serait un jour Premier ministre : terrible qu'il me reste si peu de temps... Du héros écrasant mieux vaut ne retenir que le vivant. La sève, et les pensées qui la zèbrent. La ténacité. Ce mordant qui incite à voir le monde comme un faucon, sans négliger de vérifier que les accoudoirs de la salle à manger sont à la bonne hauteur.

Et c’est assez sympa même si, il est vrai, je m’y suis parfois perdu. Tant de personnages, d’événements, une vie tellement folle ne se laisse pas facilement apprivoiser.

Reste le ton et le style de l’écriture, et là, c’est quand même très sympa, un vrai bon moment avec l’exubérant Winston

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le meilleur moment, lors d'une fête, c'est l'avant et l'après.
L'avant, plein d'appréhension, à élaborer les étapes des préparatifs, saisi par l'envie de fuir loin des aiguilles de la montre et d'ignorer le coup de gong à l'arrivée des premiers invités. L'après, une cuisse de poulet à la main, très tard, un sourire ruisselant de graisse, se laissant accueillir par la nuit ouverte.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tournant le dos à la biographie linéaire en préférant un montage stylistique libre, Corinne Desarzens accueille les moments décisifs, les anecdotes et les histoires qui dessinent le portrait monstre d’un Winston Churchill éclatant et imprévisible. On découvre ainsi, cheminant par séquences dans sa vie, la tension lors du vote de remplacement de Chamberlain, l’atmosphère de la conférence de Yalta, les méthodes mnémotechniques du vieux lion pour retenir ses mille-sept-cents discours, sa demeure qui est un monde en soi, ses dettes, son combustible...

Ce portrait intime d’un homme excessif décrit, par-delà ses défauts et ses qualités, un sauvage, un phénix, un être que rien n’abat.

Ce qu’il reste de tout ça

C’est très doux, calme, assez suisse en fait. Un peu comme ces reportages Passe-moi les jumelles.

L’histoire d’un couple, une famille, le temps qui passe et la transmission, l’héritage que l’on laisse à ses enfants. Bien plus qu’une somme d’argent, une histoire, une vie.

L'idée était toujours dans sa tête, mais c'est qu'on ne veut pas y penser. C'est plus facile de garder ça bien caché, alors à la longue ça fait comme si on oublie. Il y a une place particulière pour ce genre de folie dans un cerveau, dans un cœur, mais pas forcément dans la vie. La vie est prenante, alors on donne. Mais c'est qu'une idée s'abîme si on n'en fait rien. Elle s'étend de la tête jusqu'à la poitrine, et puis partout. Comme un œuf qui se répand lorsque sa coquille est brisée.
Ce qu’il reste de tout ça de Fanny Desarzens
Rien de fou-fou, juste la vie.

Avec beaucoup de tendresse, Fanny Desarzens raconte, et c’est beau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ce n'est ni la montagne ni la mer. Ça se passe entre les deux, c'est un plateau dans ce niveau du monde. Et ce qui surprend d'abord c'est la couleur. La même teinte qui se décline dans tout ce grand espace. Partout, c'est vert. Ce sont tous ces champs qui quadrillent la terre. Arrangés comme ça ils sont comme des carreaux d'une grande nappe, les uns à côté des autres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Ça fait comme dans une file de gens, on est chargé par exemple d’un paquet et on le donne au suivant parce que c’est trop lourd. Ou au contraire c’est quelque chose de léger qu’on confie au creux de la main à celui qui suit, on referme les doigts sur la paume pour dire : prends en soin. »

Ce qu’il reste de tout ça met en lumière des gens apparemment sans histoire. Mais c’est justement cette banalité qui décuple la portée de leurs actes. Comme ces menues privations pour mettre à l’abri ceux qui leur succéderont.

Un roman qui dit l’attention de toute une vie pour transmettre un bout de soi et léguer des possibles.

Après Galel et Chesa Seraina, qui lui ont valu plusieurs prix littéraires et un accueil élogieux, Fanny Desarzens confirme avec ce troisième roman son statut d’une des autrices les plus talentueuses de sa génération.

Le dernier rêve

Et il s’en explique très bien ! Un bon réalisateur ou scénariste ne fait pas forcément un bon romancier. Ce n’est pas le même métier – ou le même art.

CONFESSIONS D'UNE SEX-SYMBOL
Je veux bien me reposer un instant, si cela ne vous dérange pas, a-t-il prétexté pour rester ce monsieur était très lent à se décider, je vous raconterai ensuite pourquoi.
Je vous en prie.
Ensuite, tout a été assez rapide. Je veux dire que si jusque-là on avait énormément parlé, pendant les deux heures de repos que le nabab a prises en ma compagnie, on n'a quasiment plus rien dit. Le mon- sieur a été très occupé à rendre hommage aux trois orifices principaux de mon organisme. Je ne vous dirai pas lesquels.
Le dernier rêve de Pedro Almodóvar
Hélas, cela se confirme bien dans ce tutti-frutti de petits textes – autobiographiques, pures fiction, pensées ou anecdotes… Difficile d’y voir une quelconque cohérence.

Le style est brutal, descriptif et, si les images sont parfois belles, elles ne sont que rarement mises en valeur.UN MAUVAIS ROMAN
J'ai toujours rêvé d'écrire un mauvais roman. Tout au début, quand j'étais plus jeune, j'aspirais à devenir écrivain, à signer un grand roman. Avec le temps, la réalité m'a montré que mes textes finissaient par se transformer en bouts de films, d'abord en super-8, puis en longs-métrages qui sortaient au cinéma et obtenaient un certain succès. J'ai compris qu'il ne s'agissait pas de récits littéraires, mais d'esquisses de scénarios.Et pourtant, il se dégage de ces textes – et certains sont fort réussis – une sorte de poésie nostalgique à laquelle il est difficile de résister

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours refusé d'écrire mon autobiographie, bien qu'on me l'ait souvent proposé. On m'a également proposé de l'écrire à ma place, mais j'éprouve, encore aujourd'hui, une sorte d'aversion à l'idée d'un livre qui parlerait intégralement de moi en tant qu'individu. Je n'ai jamais tenu de journal intime: chaque fois que j'ai essayé, je n'ai pas dépassé la deuxième page. Ce livre constitue donc ma première contradiction.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Je suis né au début des années 1950, une sale époque pour les Espagnols, mais formidable pour le cinéma et la mode. »

Dans ce recueil qui associe récits de fiction et d'autofiction, réflexions et souvenirs, Pedro Almodovar livre son « autobiographie morcelée, incomplète et quelque peu cryptique ». Le Dernier Rêve offre une plongée drôle et poétique dans l'univers du cinéaste de la movida, pour qui tout est matière à récit : les amours, les amants, les muses, les stars de roman-photo et les figures maternelles s'y côtoient dans un flamboyant déchaînement vital. On y retrouve les motifs qui lui sont chers - le rapport au temps, à la religion et au sentiment national, les violences sexuelles, les questionnements sur le genre... - tout en décelant, entre les lignes, son intimité profonde.

Écrits entre la fin des années 1960 et aujourd'hui, les douze textes qui composent Le Dernier Rêve proposent une incursion fascinante dans l'imaginaire baroque de l'un des plus grands réalisateurs européens, qui s'invite avec maestria en littérature.

Nord Sentinelle : contes de l’indigène et du voyageur

Et voilà que je ressors de ce livre essoufflé. Mais bon… oui, je lis pour ça.

Des histoires anodines, des faits divers, des tranches de vies… qu’importe. Mais qui nous renseignent sur nous. Qui suis-je ou qui sommes-nous ? C’est moi là ?

J'ai tué les frères Dominati.
Pierre-Marie ne s'était à vrai dire pas contenté de les tuer. On raconte encore que ceux qui entrèrent les premiers dans la bergerie où se trouvaient les cadavres se signèrent devant ce qui ne pouvait être que l'œuvre du démon. Une épaisse couche de sang gelé recouvrait le sol. De larges taches brunâtres s'étalaient sur les murs. Les deux frères gisaient sur le dos, le pantalon baissé. De leurs paupières grandes ouvertes sur des yeux d'une étrange couleur uniforme, où l'on ne discernait plus ni iris ni pupille, coulait une longue larme gélatineuse parcourue de filaments vermillon. Leur bas-ventre était réduit en bouillie par des tirs de chevrotines. Ils avaient le crâne défoncé et portaient la marque de multiples coups de couteau sur les membres et la poitrine. Ils avaient été châtrés. Les deux verges aux chairs livides étaient posées sur la tablette de la cheminée. Leurs testicules avaient été enfoncés soigneusement dans leurs orbites vides mais leurs yeux demeurèrent introuvables.
Tu as tué les frères Dominati ? Toi? 
Oui, père. Moi. 
Et que comptes-tu faire ? Te rendre ? 
Non, père. Je ne me rendrai pas. 
D'accord. Nous prendrons nos dispositions
Et Pierre-Marie comprit que, pour la première fois, son père était fier de lui.
Nord Sentinelle : contes de l’indigène et du voyageur de Jérôme Ferrari
En plus, c’est drôle, tragique, quasi burlesque… et le coup d’œil est impitoyable.

Une histoire corse au cœur de la bêtise des hommes.

Mais quand-même… quelles phrases !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
On raconte encore que, dans l'après-midi du 3 janvier 1855, malgré la vénérable prophétie annonçant la ruine de la ville sainte peu de temps après qu'un infidèle l'aurait impunément souillée de sa présence, le sultan Ahmad ibn Abu Bakr consentit à ce que le capitaine Richard Francis Burton franchit les portes inviolées de sa cité de Harar.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pour une banale histoire de bouteille introduite illicitement dans son restaurant, le jeune Alexandre Romani poignarde Alban Genevey au milieu d'une foule de touristes massés sur un port corse. Alban, étudiant dont les parents possèdent une résidence secondaire sur l'île, connaît son agresseur depuis l'enfance.

Dès lors, le narrateur, intimement lié aux Romani, remonte - comme on remonterait un fleuve et ses affluents - la ligne de vie des protagonistes et dessine les contours d'une dynastie de la bêtise et de la médiocrité.

Sur un fil tragicomique, dans une langue vibrante aux accents corrosifs, Jérôme Ferrari sonde la violence, saisit la douloureuse déception de n'être que soi-même et inaugure, avec la thématique du tourisme intensif, une réflexion nourrie sur l'altérité. Sur ce qui, dès le premier pas posé sur le rivage, corrompt la terre et le cœur des hommes.

Mon assassin

Essai, roman, autobio, autofiction ou inclassable ? Cet assassin est bien insaisissable !

Mon seul espoir devant le bilan désastreux que m'inspire mon époque est d'être devenu un vieux con qui dresse des bilans désastreux, un de ces alambics à désillusions où peuvent germer des personnages aussi noirs que Pépère. Après tout, il faut bien qu'il vienne de quelque part, cet assassin.
Mon assassin de Daniel Pennac
S’il n’est pas indispensable d’avoir dévoré tous les épisodes de la famille Malaussène, leur connaissance – voir même de vieux souvenirs – en facilitera bien la compréhension.Acheter l'affection de mon bourreau... Cette infamie fut le berceau de ma honte. Il me semble avoir passé ma vie à l'expier. Sur le cahier où, quelques années plus tard, je notais mes aphorismes d'adolescent, j'ai retrouvé celui-ci : « Tous les malheurs de l'homme viennent de ce qu'il peut désirer l'affection d'Adolf Hitler. »Un livre comme une déclaration d’intimité (voir d’amour) à ses personnages, directement inspirés par ses relations, et plus encore, par ses amitiés.

Un livre qui brille principalement par sa construction désarçonnante autant que délicate

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est un enfant assis dans un train, une pancarte autour du cou : Enfant Lassalve, dit la pancarte. Elle indique aussi ses gares de départ et d'arrivée : Châlons-sur-Marne, Paris gare de l'Est. La pancarte précise qu'il sera « réceptionné » par ses parents, Hubert et Geneviève Lassalve. À l'époque, il était fréquent de trouver dans les trains un enfant ainsi étiqueté. Des pensionnaires souvent, qui rejoignaient leur famille en fin de semaine ou retournaient à l'internat le lundi matin. Le petit voyageur était confié au personnel de la SNCF, cette pancarte autour du cou. Parfois c'était une ardoise.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La plupart de mes amis deviennent personnages dans mes romans. Mais cet assassin que j'ai imaginé sans le connaître, mon épouvantable assassin, d'où vient-il, lui ?

D.P.

Fort Alamo

Fabcaro explore l’humour des petites choses, de l’intime, des petits dérèglements de nos vies. Ces petites choses qui ne sont pas à leur place et qui brisent quelque chose en nous. Nous désarçonnent.

En rentrant, Léonie m'a demandé comment les obsèques s'étaient passées. Je lui ai raconté le moment émouvant où la nièce était venue lire un texte à propos de leurs séjours rituels dans le Cantal. Ce faisant, je me suis demandé ce que mes neveux pourraient bien venir raconter d'émouvant, au pupitre, le jour de mes obsèques. Un jour il nous a acheté des CD, on savait pas trop quoi en faire, c'était gênant.
Fort Alamo de Fabrice Caro
C’est drôle et touchant.

Avec une fin un peu… désarçonnante, elle aussi. Zut

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'étais absenté une minute à peine, le temps de retourner chercher les sacs-poubelle que j'avais oubliés. Quand je suis revenu à la caisse, un type avait fait passer son caddie devant le mien et avait commencé à déposer ses produits sur le tapis roulant. Je me suis retrouvé derrière lui, hagard et désemparé. Il m'a lancé un regard furtif, a replongé le nez dans ses courses, puis m'a regardé à nouveau.
- Oh, le caddie était à vous?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Alors qu'autour de moi tombaient les corps, fort Alamo était en passe d'être pris. »

Devant la caisse du supermarché, Cyril maudit en silence le type qui l'a doublé l'air de rien. Quelques minutes plus tard, le resquilleur s'effondre sur le carrelage, foudroyé. Pour Cyril, père de famille sans histoires, c'est le début d'une série de faits similaires qui le plongent dans une angoisse existentielle. Ou est-ce plutôt la disparition récente de sa mère, la nécessité de vider la maison de son enfance ? À moins que ce ne soit Noël qui approche, les cadeaux à trouver, le repas chez la belle-soeur...

Mêlant l'humour et la mélancolie, l'acidité et la tendresse, Fabrice Caro excelle dans l'art du gag métaphysique.

Albert Cohen et Genève : guide littéraire

Ce petit guide Cohen-Genève est un petit trésor d’anecdotes et d’humour.

« Jamais plus je ne la verrai
descendre du train, épanouie, confuse. Jamais plus ses valises démantibulées, pleines de cadeaux qui la ruinaient.
C'était sa grande aventure, ces expéditions vers son fils, longuement préparées et économisées. Son souci de faire bonne impression à la gare et ses vertueuses élégances, le premier soir de l'arrivée. »
Albert Cohen et Genève : guide littéraire de Pierre-Louis Chantre, Marie-Luce Desgrandchamps, Idit Ezrati Lintz, Thierry Maurice, Bruno Racalbuto, Noémie Sakkal Miville et Yan Schubert
Au travers de la brève biographie d’introduction, les liens entre l’auteur et la ville du bout du lac apparaissent rapidement pour tisser leur forte relation.Albert et Bella Cohen quittent la rue du Léman pour emménager dans le quartier de Champel en 1962. Cet immeuble moderniste caractéristique du courant architectural de l'époque vient d'être achevé. Le quartier est alors en pleine mutation et accueillera la synagogue Hekhal Haness, qui y sera édifiée entre 1970 et 1972. Les époux vivent au septième et dernier étage du bâtiment, depuis lors surélevé de deux niveaux.
C'est à l'intérieur de ce logement surchauffé, derrière de larges baies vitrées, souvent obscurcies par de lourds rideaux de velours brun, qu'Albert Cohen passe désormais la majeure partie de son temps. Il y finalise Belle du Seigneur, qu'il dicte à Bella.L’occasion de parcourir Genève et de goûter à toute la finesse de l’humour d’Albert Cohen au travers de ses petites piques sur la ville et ses habitants qui parsèment ses écrits

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Albert Cohen, le plus grand écrivain genevois depuis Jean-Jacques Rousseau » titre la manchette de la Tribune de Genève au lendemain de la mort de l'auteur.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Albert Cohen (Corfou, 1895 - Genève, 1981) a vécu près de cinquante ans à Genève, où il a écrit la majeure partie de son oeuvre.

Ce guide littéraire interroge les rapports contrastés de l'écrivain à la Cité de Calvin. Il propose six promenades explorant vingt-neuf lieux emblématiques, des organisations internationales à Cologny, en passant par la Vieille-Ville, le Jardin Anglais et le parc des Bastions. Une riche introduction, des notices illustrées, des citations, des cartes et des documents inédits restituent la géographie personnelle de l'auteur de Belle du Seigneur.

Prodigieux satiriste, incurable inquiet, autofabulateur, Cohen fut dans sa ville d'adoption étudiant en droit, militant sioniste, fonctionnaire international, et écrivain consacré.

Le nombre de fois où je suis morte

Combien de fois meurt-on dans une vie ? De faim, de honte, d’ennui, de désir, d’impatience, de jalousie, de culpabilité, de chaud, d’angoisse, de chagrin, de froid, de peur ou de rire ?
Marie-Christine Horn ne mourra en tout cas pas sans y avoir réfléchi, avec un sourire mi-tendre et mi-moqueur et avec beaucoup de talent !

Ainsi donc, je me souviens de ma première mort. La mort de l'enfance qui s'enterre sans pelle mais avec des fleurs, une plus précisément. La fameuse petite fleur qu'on offre à celui qu'on choisit, à seize ans, pour la vie et qu'on quitte quelques mois plus tard pour un autre, plus grand, plus beau, plus brun, plus « quelque chose » qu'on estimera suffisamment primordial pour rompre le serment qu'on avait scellé plus tôt.
Le nombre de fois où je suis morte de Marie-Christine Horn

Ces nouvelles, parfois graves mais souvent très drôles, portent un regard coquin et acidulé sur des instants de vie de femmes, joyeux ou tristes, drôles ou cruels…
Moi qui me lève chaque matin pour gagner ce salaire qui me sert à payer les traites de cette voiture dont j'ai besoin pour aller gagner ce salaire qui me sert à payer les traites de cette voiture.… des grandes et petites morts qui rapprochent de la dernière

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il est des peines, comme des joies, qui vous surprennent un beau jour comme un vilain, sans qu'on les ait vraiment choisies, provoquées ou même attendues. Il est des joies, comme des peines, qui vous émeuvent plus ou moins, et dont les larmes ont autant un goût de rire que de chagrin.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Morte de faim, morte de peur, morte d’ennui…Femmes tantôt fragiles, en colère ou désespérées, les protagonistes dansent sur le fil, frôlent les précipices en quête de réponses, d’ailleurs ou de sens.
Treize nouvelles, autant de petites morts. Avec lucidité et humour noir, l’auteure signe un texte puissant dont le fil rouge est l’exploration de la psyché féminine dans toute sa complexité.