Raphaël Enthoven, écrit bien, très bien ! C’est clair, on a le sentiment de comprendre et même d’apprendre et de réfléchir. Mais tout cela, après quelques chapitres, m’a semblé tellement scolaire. Oui, tout est bien déroulé, c’est même parfois drôle ou même personnel (comme le veut la consigne ?). Les digressions permettent de s’échapper pour mieux revenir et bim : voilà ! C’est ça.
Alors, peut-on le lui reprocher ? Je ne sais pas, mais tout cela me laisse quand même l’impression d’avoir écouté un beau parleur.
Et pour le fond ? L’auteur prend le pari que la machine ne pourra jamais philosopher, qu’à tout jamais cela lui restera hors de portée. Et c’est là, justement, que se situe notre humanité.
Attend-on le tome deux, notre humanité n’est pas algorithmique ?
Imaginez qu'un beau jour votre conjoint vous demande pour quelle raison vous l'aimez. Et que vous, malheureux, vous aventuriez à répondre à cette question piège...
On peut douter que votre histoire d'amour y survive.
De la science au droit, de la médecine aux questions militaires, l'intelligence artificielle bouleverse tous nos champs de compétence. Tous ? Non ! En philosophie, l'IA ne sert à rien. Le prototype d'agent conversationnel ChatGPT, qui peut répondre à toute question, trouver une recette de cuisine à partir du contenu d'un réfrigérateur, rédiger un article ou composer un poème sur le sujet de notre choix, qui puise dans l'intégralité du savoir disponible pour en livrer une synthèse en quelques secondes... se trouve comme une poule devant un couteau quand on lui demande de réfléchir.
Quelle énigme ! Pourquoi le geste tout simple qui consiste à trouver une problématique, c'est-à-dire à transformer une question en problème pour en faire la colonne vertébrale d'une réflexion, demeure-t-il hors de sa portée ? À quoi tient cette singularité, ce je-ne-sais-quoi ? Pourquoi la pratique de la philosophie est-elle inaccessible à l'intelligence artificielle ? Et pourquoi l'humanité demeure-t-elle un casse-tête pour la machine ? C'est la même question.