Mon vrai nom est Elisabeth

En partant de son histoire familiale (d’où un possible parti pris qui n’enlève pas grand-chose au sordide), Adèle Yon peint l’écœurant tableau d’une époque que je croyais plus lointaine. Celle où des médecins apprentis-sorciers venaient triturer les cerveaux (majoritairement féminins) au pic à glace. Celle où l’on se débarrassait des encombrantes dans des asiles. Celle où la femme se devait d’être fertile, docile et ménagère.

Lorsque j'interroge les membres de ma famille sur la lobotomie de Betsy, leur réponse à tous est peu ou prou la même.
La lobotomie, c'est le fait qu'on lui a enlevé une partie du cerveau qui soi-disant ne fonctionnait pas.
C'est ce qu'on faisait à l'époque.
On pensait qu'en enlevant des morceaux ça allait... je ne sais pas... se régénérer... en mieux ?
Ils ont voulu enlever la partie défaillante, un peu comme un cancer.
Si la lobotomie a pour fonction de réguler les comportements divergents, pourquoi les journaux de l'époque diffusent-ils l'idée que la lobotomie est capable d'intervenir sur la cause de la maladie mentale ? Pourquoi ma famille a-t-elle majoritairement retenu l'idée que le neurochirurgien était en mesure d'ôter la folie comme un cancer, alors que son ambition était, comme ce qu'on appellera plus tard la lobotomie chimique (les médicaments), non pas de guérir mais de contenir ? Comment comprendre la pérennité de cette représentation de la lobotomie chez les descendants de Betsy soixante-dix ans après les faits ?
Mon vrai nom est Elisabeth de Adèle Yon
Une biographie familiale autour de Betsy qui a subit lobotomie, comas, électrochocs et qui fut finalement enfermée plus de 15 ans. Une enquête personnelle entre archives, souvenirs familiaux, interviews et visites durant laquelle les révélations tissent patiemment le portrait de la misogynie patriarcale d’alors enfouie sous les tabous et possiblement une certaine culpabilité.

Mais cette époque… c’est pas si loin ! C’est les années 50.

Une histoire qui rappelle évidement celle de Rosemary Kennedy lobotomisée par le fameux Walter Freeman ; mais aussi les questionnements autour de l’internement forcé de Camille Claudel

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Objet: Jean-Louis Important
Date: 4 janvier 2023 à 02:18:49
À: LA FILLE CADETTE
Quand tu liras ces mots, j'aurai fini mes jours après avoir basculé dans le vide depuis le balcon de l'appartement que j'ai loué au 7e étage.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une chercheuse craignant de devenir folle mène une enquête pour tenter de rompre le silence qui entoure la maladie de son arrière-grand-mère Elisabeth, dite Betsy, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950. La narratrice ne dispose, sur cette femme morte avant sa naissance, que de quelques légendes familiales dont les récits fluctuent. Une vieille dame coquette qui aimait nager, bonnet de bain en caoutchouc et saut façon grenouille, dans la piscine de la propriété de vacances. Une grand-mère avec une cavité de chaque côté du front qui accusait son petit-fils de la regarder nue à travers les murs. Une maison qui prend feu. Des grossesses non désirées. C'est à peu près tout. Les enfants d'Elisabeth ne parlent jamais de leur mère entre eux et ils n'en parlent pas à leurs enfants qui n'en parlent pas à leurs petits-enfants. « C'était un nom qu'on ne prononçait pas. Maman, c'était un non-sujet. Tu peux enregistrer ça. Maman, c'était un non-sujet. »

Mon vrai nom est Elisabeth est un premier livre poignant à la lisière de différents genres : l'enquête familiale, le récit de soi, le road-trip, l'essai. À travers la voix de la narratrice, les archives et les entretiens, se déploient différentes histoires, celles du poids de l'hérédité, des violences faites aux femmes, de la psychiatrie du XXe siècle, d'une famille nombreuse et bourgeoise renfermant son lot de secrets.

J'aime quand les archives perdent les pédales. Quand les mots ne rentrent plus dans les cases. Quand les registres et les voix s'entremêlent. C'est là qu'ils montrent leur vraie nature. Leur polyphonie. Leur artifice.

Le roitelet

L’écrivain a la soixantaine, il est marié et il a un chien et un chat. Et un frère schizophrène.

Je crois que le jour où le docteur Dumontier a dit que mon frère souffrait d'une maladie grave, quelque chose s'est brisé. Sauf erreur, et puisqu'il est vrai que les mots donnent sa forme à l'esprit, le fait d'avoir simplement mis le mot schizophrénie sur ce mal a en quelque sorte accéléré la dégringolade de mon frère. Sa jeunesse, que j'avais observée s'enfuir au cours des quelques mois précédents, laissait place désormais à autre chose qui n'était pas encore le déclin mais qui s'y préparait.
Le roitelet de Jean-François Beauchemin

Et très simplement il raconte sa vie, son enfance, la maladie de son frère, la mort de leurs parents… Et ça semble tout simple et c’est pourtant beaucoup plus que ça. C’est toute la tendresse, l’amour, l’accompagnement, la vie, les oiseaux qui chantent, les crises, les peurs, le bonheur d’être là.

Un livre bouleversant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il avait à peine treize ans (et moi quinze) lorsqu'il a sans le savoir planté les premières bornes de son terrible destin. Sur la ferme où on nous avait confié la tâche de ramasser les œufs et de distribuer le foin, une vache que nous connaissions bien s'est écroulée un matin sous nos yeux, prête à accoucher. Restés seuls sur les lieux en l'absence du fermier, mon frère et moi avons dû préparer nous- mêmes, dans une totale improvisation, la mise au monde du veau.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un homme vit paisiblement à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Pour cet écrivain parvenu à l’aube de la vieillesse, l’essentiel n’est plus tant dans ses actions que dans sa façon d’habiter le Monde, et plus précisément dans la nécessité de l’amour. À intervalles réguliers, il reçoit la visite de son frère malheureux, éprouvé par la schizophrénie. Ici se révèlent, avec une indicible pudeur, les moments forts d’une relation fraternelle marquée par la peine, la solitude et l’inquiétude, mais sans cesse raffermie par la tendresse, la sollicitude.

Ces jours qui disparaissent

Acrobate dans une troupe, Lubin se cogne la tête et depuis… il disparait un jour sur deux. Jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’une autre personne prend possession de son corps ces jours-là. Un autre lui, plus travailleur, investi professionnellement et aussi, bien plus propre… même s’il mange un peu n’importe comment et qu’il est bien moins sportif.

Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher

Mais alors… qui est-il ? Qui est le vrai ? Lui ou son autre lui ? Comment s’accrocher à sa vie ? Lutter pour elle ? Qui est légitime ? Peut-on partager une vie ? Et ses amours ?

Une bande-dessinée qui m’a bien scotché, me laissant plein d’empathie pour celui qui s’est fait faucher sa vie un jour sur deux… pour le moment ! Et dans cette BD qui fait la part belle au looser, difficile de ne pas espérer jusqu’au bout.

Un album porté par un scénario brillant et un dessin très frais à la ligne claire. Une grosse réussite !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Lubin... Ta tête ?
Ça va, je sens presque plus rien...
J'ai juste perdu un paquet de neurones.
Encore faudrait-il qu'il y en ait eu.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Que feriez-vous si d'un coup vous vous aperceviez que vous ne vivez plus qu'un jour sur deux ? C'est ce qui arrive à Lubin Maréchal, un jeune homme d'une vingtaine d'années qui, sans qu'il n'en ait le moindre souvenir, se réveille chaque matin alors qu'un jour entier vient de s'écouler. Il découvre alors que pendant ses absences, une autre personnalité prend possession de son corps. Un autre lui-même avec un caractère bien différent du sien, menant une vie qui n'a rien à voir. Pour organiser cette cohabitation corporelle et temporelle, Lubin se met en tête de communiquer avec son « autre », par caméra interposée. Mais petit à petit, l'alter ego prend le dessus et possède le corps de Lubin de plus en plus longtemps, ce dernier s'évaporant progressivement dans le temps. Qui sait combien de jours lui reste-t-il à vivre avant de disparaître totalement ?

Au-delà d'un récit fantastique vraiment prenant, Ces jours qui disparaissent pose des questions fortes sur l'identité, la dualité de l'être et le rapport entre le corps et l'esprit.

Famille

Pas besoin de plus pour décrire une situation qui dérape.

Famille de Lydie Salvayre

Avec un grand talent Lydie Salvayre expose le drame avec une parfaite économie de moyen. Un fils schizophrène paranoïaque hurlant sa détresse à une mère obstinément aveugle et un père dépassé. Une descente aux enfers

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le spécialiste a dit que le fils était schizophrène. Quelle honte dit le père.

Ça ne doit pas sortir de la famille dit la mère