La jument perdue

Voilà un roman dur bien atypique que cette jument perdue. Plutôt un western avec des chevaux, des revolvers et des Stetson.

Une émotion vague pénétrait Curly John. Des images passaient toujours devant ses yeux, souvent informes, comme quand on cherche en vain le sommeil, parfois des lignes, des points lumineux, parfois un visage, un objet, un paysage tout blanc et des silhouettes d'enfants se lançant des boules de neige, un train qui s'arrêtait quelque part, un tout petit train, pas de gare, sans doute leur arrivée à Sunburn ?
Et Andy, toujours Andy, avec sa peau mate, son regard aigu...
Bon Dieu! Comment lui, Curly John, avait-il pu se tromper à ce point? On se croit un homme, puis un vieil homme. On s'imagine volontiers qu'on a tout appris. On s'enfonce bêtement dans l'amertume et on est tout prêt à blasphémer Dieu et la vie parce que, simplement, on est passé à côté des gens sans les comprendre.
La jument perdue de Georges Simenon
Une histoire de vieille rancune entre deux amis qu’une découverte vient complètement remettre en question.

Un roman dur qui surprend aussi par son message plutôt positif avec un droit à l’erreur et des sentiments généreux.

Oui, vraiment atypique. Hélas un peu longuet, presque mièvre et sans beaucoup de suspense

Le 62e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il ne s'était pas réveillé de mauvaise humeur. Pas d'humeur enjouée, évidemment, ni particulièrement de bonne humeur. Il savait qu'on était mardi, puisque c'était le jour d'aller à Tucson. Il y verrait Mrs Clum, qu'il appelait Peggy, et c'était déjà une satisfaction dussent-ils passer leur temps à se chamailler tous les deux. C'était une autre satisfaction, le mardi, de ne pas se raser et de ne pas s'occuper des bêtes dès la pointe du jour.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pour Curly John, son associé Andy était devenu "l'innommable", depuis ce jour de 1909 où il avait tenté de l'assassiner afin de posséder à lui seul le ranch de la Jument-Perdue, et les riches gisements de son sol. Mais voilà que, trente-huit ans plus tard, une lettre à demi effacée, découverte dans une malle ayant appartenu à un géologue, ébranle ses certitudes en désignant un autre coupable par une initiale. Et l'homme vieillissant va vouloir faire toute la lumière sur cet épisode qui a bouleversé sa vie... Georges Simenon nous entraîne ici loin de son univers habituel, vers l'Amérique brutale des pionniers et des aventuriers.

Antoine et Julie

Un roman dur affligeant, plein de fatalisme. Aucun espoir pour les alcooliques, et tant pis pour ceux qui les aiment.

Il vivait un peu à la façon d'un poisson rouge dans un bocal, et son regard devenait celui d'un poisson rouge. Il tournait en rond, lui aussi, s'appliquait à faire chaque jour les mêmes gestes, sans passion, sans y croire, parce que, paraît-il, c'est la vie. Quand l'effet d'un verre était passé, c'était l'heure d'un autre, qui le remettait automatiquement dans l'état voulu.
Peut-être était-ce la réponse à une au moins de ses questions, la raison pour laquelle tant de gens ne se suicident pas un moment vient, si on sait s'y prendre, où ce n'est plus nécessaire.
Julie était là. Il était marié à Julie. Elle était devenue son témoin, un témoin muet, qui le regardait vivre en évitant d'intervenir.
Antoine et Julie de Georges Simenon
Antoine, prestidigitateur alcoolique et Julie, malade du cœur dans un couple usé. Elle encore amoureuse et lui prisonnier de ses propres barreaux.

Un roman qui peine à démarrer mais qui installe à coup de cognacs et de marcs un climat glauque et oppressant aux verres pleins de culpabilité

Le 77e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le déclic, cette fois-ci, se produisit quand, sans raison particulière, sans y attacher autrement d'importance, il intercala le numéro de la montre magique entre les anneaux du fakir et le dé voyageur. II ne l'avait pas inscrit au programme, mais il avait l'habitude, même pour une soirée peu importante comme celle-ci, de préparer quelques tours de supplément, de façon à pouvoir effectuer des changements selon les réactions du public.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Antoine et Julie se sont mariés aux alentours de la quarantaine. Leurs premières années de mariage n'ont pas été sans nuages : la mère de Julie n'aimait guère son gendre dont elle méprisait la profession de prestidigitateur et qu'elle accusait d'avoir épousé Julie pour son argent. La belle-mère morte, les époux vivraient heureux, n'était le penchant d'Antoine pour la boisson. De temps à autre, sa représentation terminée, il s'attarde seul dans de petits cafés. Une nuit, en rentrant, Antoine trouve le médecin au chevet de sa femme...

Au bout du rouleau

Il ne se passe pas grand chose ici, juste l’inéluctable et lamentable fin d’un jeune homme, un peu voyou, joueur, jaloux et violent… Après être allé trop loin.

Il connaissait la place du soleil dans cette pièce à toutes les heures de la journée.
Il aurait bien aimé vivre, pourtant, vivre n'importe comment. Garçon de café, par exemple, comme Raphaël. C'est un rêve qu'il avait fait souvent. Ranger la terrasse, le matin, après avoir descendu à la manivelle le vélum à rayures rouges. Allumer le percolateur. Passer les miroirs au blanc d'Espagne. Pourquoi cela lui semblait-il si plage de las miroir au blanc d'Espagne ? Et de passer le torchon, d'un geste de prestidigitateur, sur le marbre des tables ?
Et d'être aimable avec les clients, tout en n'en pensant pas moins d'eux...
Cela ne durerait pas. Voilà le malheur. Quoi qu'il fasse, cela ne durerait pas, et il recommencerait parce qu'il serait repris par ses fantômes. Cela débuterait sourdement, par de petites humiliations, par des regards en dessous, puis, un beau jour...
A quoi bon penser à tout cela, puisque c'était fini ?
Au bout du rouleau de Georges Simenon
En fuite en compagnie d’une jeune femme il ne saisira aucune occasion de s’en sortir, ne voyant là que rabaissement. Il mérite la peine qui le grandira et il boira le calice jusqu’à la lie.

Une sombre peinture des rapports humains avec bonne dose d’autoflagellation… souffrir et faire souffrir

Le 58e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Tu ne crois pas que tu bois un peu trop ?
Était-ce « trop » qu'elle avait dit ? Peut-être que non. Peut-être qu'elle s'était contentée de dire « beaucoup », parce que c'était une femme qui avait appris comment on parle aux hommes, à certains hommes en tout cas, et justement aux hommes dans le genre de Viau. Elle ne le disait pas sèchement, sur un ton de reproche, ou de mépris, comme les épouses qui ne savent pas s'y prendre. Elle ne le disait pas non plus avec des lèvres pâles qui frémissent, comme d'autres épouses ou maîtresses qui ont peur d'être battues.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Elle, entraîneuse dans une boîte de nuit, n'était pas faite pour cela : c'était une femme qui savait se taire comme personne. Lui, un flambeur, trichait aux cartes et n'était pas né pour cela non plus. Rapprochés par hasard, leurs destins resteront unis une semaine. Au bout du rouleau, il faut jouer franc et parler franc. Pour eux, il est déjà trop tard…

Les innocents

Dernier des romans durs de Simenon, les innocents est paru en 1972. Et c’est un très bon Simenon ! Alors, certes, la fin s’annonce aussi évidement que le camion du début. Pas vraiment de suspense ici. Mais comme souvent dans ses livres, c’est par sa connaissance de l’âme humaine et son talent à la décrire que Simenon impressionne.

D'évoquer ainsi ses souvenirs du passé ne l'empêchait pas de rester attentif, malgré lui, à ce ce qui se passait autour de lui. Il aurait voulu que la vie soit finie, que la terre cesse de tourner parce que Annette était morte, mais il avait, en arrivant dans l'atelier de la rue de Sévigné, un coup d'œil vers la baie vitrée qui découvrait un ciel qui, depuis quelques jours, restait d'un même bleu pastel, avec le rose des poteries de cheminées qui tranchait sur le gris des toits.
Il saluait chacun d'un mot gentil et ils devaient être persuadés qu'il allait mieux.
Il réalisait maintenant, à son établi, le bijou qu'il dessinait quand le brigadier était venu lui annoncer son malheur. Et il le faisait avec amour, comme s'il le dédiait à Annette.
Pour lui, elle restait vivante et parfois, quand il était boulevard Beaumarchais, il était sur le point de lui adresser la parole.
Les innocents de Georges Simenon
Un homme perd sa femme brutalement, shootée par un camion. Son monde s’écroule.

Et ce n’est pas fini

Le 117e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Même la giboulée de mars qui tombait depuis une heure était savoureuse, car elle donnait à l'atelier une couleur plus intime. On retrouvait les toits de Paris que la pluie laquait d'un noir bleuâtre et le ciel était d'un gris qui gardait une certaine luminosité.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Depuis seize ans, Georges Célerin est associé à son ami Brassier dans une entreprise de bijouterie : le premier dessine les bijoux et dirige l'atelier, le second s'occupe des commandes et de la vente. Célerin vit en parfaite harmonie avec sa femme Annette, leurs deux enfants et ses collaborateurs. Un accident stupide va changer la destinée de cet homme heureux : Annette, qui travaille comme assistante sociale dans le quartier de la Bastille, se fait écraser par un camion en traversant la rue Washington, dans un quartier où, apparemment, elle n'avait rien à faire.

Après ce coup terrible, Célerin n'est plus le même homme. Sur les traces de la morte, il cherche à savoir ce qui s'est passé.

La mort d’Auguste

Personne ne s’entend vraiment bien, ni mal non plus d’ailleurs. Ils ont été enfants ensemble, ils sont restés frères et… Maintenant que le père est mort ? Les petits sous, les biens, et sous le matelas, et le petit coffre, la banque, le restaurant… ? Ça fait combien tout ça ?

 - Celui qui me déçoit, c'est Ferdinand... Je ne m'attendais pas à ce qu'il se mette de son côté...
Antoine ne répondit pas. Son frère ne s'était pas mis carrément du côté de Nicole. Il était plutôt resté neutre. C'était à cause de sa femme. Si Véronique n'avait rien dit, c'est qu'elle savait l'attitude que prendrait son mari.
 - Bonne nuit, soupira-t-il.
 - Bonne nuit, Antoine...
Il restait un vide, dans le lit, entre eux deux. Aujourd'hui, il y avait des vides partout.
 - Tu crois qu'Antoine sait où ton père a placé son argent?
Ferdinand ne répondit pas tout de suite. Tassé sur le siège, à côté de sa femme qui les conduisait à la porte d'Orléans, il était maussade, mal à l'aise. Ce qui venait de se passer l'affectait et il prévoyait d'autres difficultés dans l'avenir.
 - Mon père n'a jamais parlé de ces choses-là... murmura-t-il enfin.
La mort d’Auguste de Georges Simenon
Surpris par le décès du père, mort sans laisser de testament, trois frères se retrouvent (accompagnés de leurs femmes à qui Simenon fait tenir des rôles caricaturaux et guère flatteurs)… à se partager le magot autour d’un corps encore tiède.

La mort d’Auguste, l’occasion d’une photographie de la cupidité familiale

Le 107e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
De la caisse où elle était assise, sereine et vaguement souriante, Fernande avait vu entrer le couple et elle avait compris tout de suite qu'ils venaient pour la première fois. Ils étaient très jeunes tous les deux, vêtus de neuf des pieds à la tête comme de nouveaux mariés qu'ils étaient sans doute, et, la porte franchie, ils s'étaient efforcés de cacher leur surprise et leur hésitation.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
A l'enseigne de « Chez l'Auvergnat », rue de la Grande-Truanderie, dans le quartier des Halles, on trouve un bistrot réputé. La modestie du décor contraste avec la clientèle aisée et mondaine qui s'y presse chaque soir. Le vieil Auguste, son propriétaire et fondateur, vient de mourir subitement. Réunis à l'occasion du deuil, ses trois fils cherchent en vain un testament, des papiers, l'argent que leur père avait accumulé, en comptant chaque sou, depuis l'âge de douze ans.

La fortune reste introuvable et les regards se font lourds, le climat pesant, les paroles dures. Auguste n'a laissé qu'une clé, celle d'un coffre bancaire du quartier. Il faut attendre, puisque la banque n'ouvre que lundi.

L’enterrement de Monsieur Bouvet

Voilà un roman dur vraiment très Maigret avec Quai des Orfèvres, mort et enquête, concierges, et même Lucas qui apparaît. Une enquête autour d’une mort naturelle toutefois. Ici, c’est l’identité du mort qui semble mystérieuse.

L'homme était banal, pourtant, mais d'une banalité louche. Si quelqu'un avait crié au voleur, dans n'importe quel endroit public, c'est vers lui que les regards se seraient tournés.
Et on l'imaginait encore mieux guettant les petites filles à la sortie des écoles.
Peut-être cela tenait-il à sa peau très blanche sur laquelle tranchaient d'épais sourcils noirs, à ses yeux globuleux, un peu fixes, à ses lèvres trop rouges qui avaient l'air peintes ?
L’enterrement de Monsieur Bouvet de Georges Simenon
Un petit roman parisien pas trop dur aux rebondissement multiples mais avec guère de suspense ou de mystère, les éléments s’ajoutant simplement les uns aux autres. On a vu Georges plus inspiré durant sa période étasunienne

Le 68e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'arroseuse passa, avec le crissement de son balai tournant qui remuait l'eau sur l'asphalte, et c'était comme si on avait peint en sombre la moitié de la chaussée. Un gros chien jaune était monté sur une toute petite chienne blanche qui restait immobile.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un tranquille petit-bourgeois, M. Bouvet, est mort sur les quais de la Seine, tandis qu'il feuilletait un livre à l'étalage d'un bouquiniste. Rien de suspect dans cette fin, mais, comme on ne lui connaît pas de famille, on publie tout de même sa photo dans la presse. Cette publication va provoquer une cascade de révélations successives, qui plongeront l'inspecteur Beaupère, chargé du dossier, dans une perplexité croissante. Comment s'appelait réellement M. Bouvet ? Et qui était-il ? Un aventurier américain, un truand parisien lié des décennies plus tôt aux milieux anarchistes ? Ou quelqu'un d'autre encore ?

Mes battements

Croquis de voyages et souvenirs d’enfance, anecdotes et amusements, Albin de la Simone ouvre des petites fenêtres sur son intimité, c’est chou, poétique, délicat.

Ce que j'aime le plus dessiner, après mes instruments de musique, ce sont mes instruments de cuisine: mes condiments !
Ici, vinaigres de kaki, de riz, de prune Ume, de calamansi, de Banyuls, de xérès, balsamique blanc, huiles d'olive et de tournesol, sel de Guérande, poivre sanshō-ko et poivre noir.
Et ailleurs, nuoc-mam, yuzukoshō, kabosukoshō, huile de sésame, tsuyu, dashi concentré, ponzu, gingembre, citron vert, petimezi, shiso à l'huile d'olive, purées de piment, toutes sortes de sauces pimentées, miso, yaki niku sauce, mirin, sésame...
J'oubliais cette belle boîte en fer de chocolat en poudre hollandais Haarlem. Je l'ai toujours connue. Sur la face rouge, la sorte de religieuse porte un plateau sur lequel est posée une boîte de ce même chocolat, sur laquelle la sorte de religieuse porte un plateau sur lequel est posée une boîte de ce même chocolat...
Mon esprit d'enfant plongeait dans l'infiniment petit de cette mise en abyme tous les matins.
Mes battements de Albin de la Simone
Et comme pour ses chansons, ces textes courts partagent des instants pour s’évader, rire ou sourire.

Un livre qui s’offre avec une magnifique bande son

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Rome le 30 septembre 2024. Il est 11h du matin. Parti à 4h30 de chez moi, j'arrive à la Villa Médicis qui me fait le beau cadeau de m'inviter en courte résidence pour finir le livre que vous tenez entre les mains. Donc à l'heure où j'écris ces lignes, ce n'est encore qu'un tas de dessins et de textes plus ou moins ordonnés. J'ai du pain sur la planche. Car un premier livre de ce type, comme un premier disque, est un peu constitué d'une vie entière, et quand on a 50 ans passés, il y a du tri à faire. À partir du deuxième, si on a bien fait son boulot dans le premier, on part d'une page blanche ou, au pire, d'une page beige. Nous verrons.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pour Albin de la Simone, avant la musique était le dessin. À la sortie de l'adolescence, l'envie de jouer, de composer, de chanter, a éclipsé tout le reste. Les encres et autres aquarelles ont été réduites au silence. L'éclipse a duré trente ans, jusqu'à ce qu'un nouvel accord se trouve. Aujourd'hui, le chanteur dessine et le dessinateur chante. Il dit son enfance, son chemin ; les couleurs de ses souvenirs, l'âme des lieux qu'il traverse, ce qui fait vibrer sa vie et la rythme.

Feux rouges

Monsieur se sent brimé, diminué par son épouse qui, elle, réussi fort bien sa vie professionnelle. Et lors d’un voyage en voiture alors qu’ils vont chercher leurs enfants, dans un geste d’affirmation fort maladroit de monsieur… tout dérape. N’est pas macho qui veut !

Il sortit de l'auto dont il referma la portière en évitant de regarder sa femme et s'efforça de marcher d'un pas ferme vers la porte du bar. Quand il se retourna, sur le seuil, elle n'avait pas bougé et il voyait son profil laiteux à travers la vitre.
Il entra. Des visages se tournèrent vers lui, que la fumée déformait comme des miroirs de foire et, lorsqu'il posa la main sur le comptoir, il sentit celui-ci gluant d'alcool.
Feux rouges de Georges Simenon
Et comme dans de très nombreux Simenon… L’alcool, beaucoup ! Cette fois-ci, du Rye (oui, c’est la période étasunienne), et cela m’a un peu rappelé Maigret voyage, mais l’ivresse était tout aussi délirante dans Betty que j’ai lu voilà deux jours.

Les temps changent-ils ? S’il vivait encore aujourd’hui, parsèmerait-il ses ouvrages d’autant de drogues diverses ? Cocaïne, héroïne, MDMA, crack, Fentanil, GHB, Oxycodone, kétamine, 4-MMC, méthamphétamine…

Un roman adapté par Cédric Kahn avec Jean-Pierre Darroussin, Carole Bouquet et Vincent Deniard

Le 79e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il appelait ça entrer dans le tunnel, une expression à lui, pour son usage personnel, qu'il n'employait avec personne, à plus forte raison pas avec sa femme. II savait exactement ce que cela voulait dire, en quoi consistait d'être dans le tunnel, mais, chose curieuse, quand il y était, il se refusait à le reconnaître, sauf par intermittence, pendant quelques secondes, et toujours trop tard. Quant à déterminer le moment précis où il y entrait, il avait essayé, souvent, après coup, sans y parvenir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Steve, qui souffre de la réussite professionnelle de sa femme, de son attitude protectrice et, surtout, d'une incapacité à «sortir des rails », demande parfois à l'alcool de mettre un peu de fantaisie dans son existence. C'est ce qui se produit, le jour où ils vont rechercher leurs enfants au camp de vacances. Mais bientôt une altercation s'élève entre eux et sa femme décide de rejoindre leurs enfants par le bus. Steve dispose d'une nuit de liberté qu'il passe à boire.

La vie continuée de Nelly Arcan

Nelly Arcan fascine pour beaucoup de raisons… certaines plutôt tordues. Toutefois, il me semble difficile de l’aborder en dissociant l’autrice de son oeuvre tant sa vie et ses livres se sont répondus dans une danse schizophrène.

La publication d'À ciel ouvert constitue un soubresaut médiatique. Certains s'amusent à exploiter le champ lexical érotique pour en rendre compte. Ils évoquent un quickie, sourient de ses vêtements sexy. L'allure un brin cagole de Nelly Arcan est évoquée dans chacune des rencontres. Le caractère irréconciliable de ce qu'elle dénonce dans ses livres et auquel elle prête pourtant le joug est reçu en paradoxe. Jamais il n'est affronté comme démonstration de son propos. Jamais il n'est traité pour ce qu'il est : le cœur du sujet.
La vie fait des farces.
Elle se charge de le prouver par l'exemple.
La vie continuée de Nelly Arcan de Johanne Rigoulot
Un grand écart, jamais satisfaisant entre le besoin de plaire et la douleur de cette injonction. Mais comment croire une victime aussi pratiquante ?

Une biographie pleine de tendresse et d’empathie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Blonde aux cheveux longs, les traits délicats, elle offre un sourire constant, éclairé par des dents parfaites. Une poitrine atomique surplombe sa taille de guêpe. Ses jambes de plastique tendre et légèrement articulé sont fuselées. Quant aux pieds, minuscules, ils ont la cambrure d'un stiletto Louboutin.

Elle est haute de 28 centimètres.

La poupée Barbie apparaît entre les mains des fillettes dans les années 1960. Son corps répond aux normes de perfection de l'époque.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une enquête intime dans l'oeuvre et la vie de Nelly Arcan, une réflexion sur l’écartèlement identitaire du féminin.

Dans un récit vif, interrogeant son propre rapport à la féminité et à l’évolution des codes de la séduction, Johanne Rigoulot explore les ferments que l’écrivaine Nelly Arcan nous a légués. Indissociable de la parution en 2001 de Putain, ovni littéraire sur son quotidien d’escorte à Montréal, et d’une image ultra-travaillée de blonde fatale, Nelly Arcan, qui s’est suicidée à 36 ans, est longtemps restée en marge du panthéon intellectuel. Trop sexy, trop fragile, trop québécoise. Pourtant, elle a exploré en visionnaire toute la complexité de la condition des femmes, prises entre besoin d’exister et impératif de plaire.

Betty

C’est une question qui me revient sans cesse en lisant Simenon aujourd’hui. Était-il raciste, sexiste, antisémite, colonialiste… ? Et à la fin, je retombe toujours sur la même réponse : c’était un témoin incroyablement doué de son époque.
Finalement, qui était-il importe moins que ce qu’il a écrit. Témoin d’une époque raciste, colonialiste, antisémite, patriarcale et sexiste.

Elle avait fini par y croire, était entrée, pleine de bonne volonté, d'enthousiasme, dans la peau de son nouveau personnage.
Tout cela était une erreur. Pas seulement à cause de son passé.
C'était une erreur parce que Guy et elle ne cherchaient pas la même chose. Il disait, fier et protecteur :
 - Tu es ma femme!
Est-ce que cela ne suffisait pas ? Sa femme! La mère de ses enfants! Celle à qui il revenait chaque soir pour lui raconter ses ennuis et ses espoirs.
Betty de Georges Simenon
Et ainsi, ce séducteur insatiable qui enchaînait pathologiquement les aventures comme les prostituées réussi à créer ce portrait d’une femme brisée à la dérive avec une grande sensibilité et beaucoup de finesse

Le 97e roman dur de Simenon

Un roman adapté au cinéma par Claude Chabrol en 1992 avec Marie Trintignant dans le rôle titre

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Vous désirez manger quelque chose ?
Elle fit non de la tête. Il lui semblait que la voix qu'elle entendait n'avait pas un son naturel, comme si on avait parlé derrière une vitre.
- Remarquez que quand je dis manger quelque chose, cela veut dire du lapin, car, comme vous pouvez le voir autour de vous, aujourd'hui c'est le jour du lapin. Tant pis si vous n'aimez pas ça. Lorsque c'est le jour de la morue, il n'y a que de la morue...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après trois jours d'errance et d'alcool, épuisée et à bout de nerfs, Betty a l'air d'une bête blessée. Comment est-elle arrivée dans ce restaurant-boîte de nuit des environs de Paris, triste refuge d'une faune bourgeoise et cossue ? Pourquoi Laure, une habituée de l'endroit, recueille-t-elle cette fille à la dérive ? Entre la bourgeoise vieillissante et déchue et l'étrange créature, naissent de mystérieuses relations d'hostilité et de secrète affection. Lentement, Betty reprend ses esprits et révèle à sa bienfaitrice l'enchaînement d'échecs et de vices qui l'a détruite.
Laure ignore encore la vraie nature de Betty. Est-elle une mal-aimée ou un être foncièrement pervers ? C'est alors qu'un homme entre en scène et la vérité, peu à peu, apparaît, imprévisible et fatale.