Et rendez la monnaie !

Pas de faux semblants, c’est un vrai polar à l’ancienne avec un privé bien baraqué, buvant des doubles bien tassés, emballant les poupées, cynique, macho, sûr de lui et ne craignant pas le contact physique.

Elle rougit de colère. Reprenant sa respiration, elle murmura, d'une voix à peine perceptible :
 - Il y a des minutes ou je crois que je vous tuerais avec joie! Vous êtes l'être le plus méprisable que j'aie jamais  rencontré...
Il répliqua, souriant :
 - C'est déjà quelque chose! La nature des sentiments d'une femme m'est indifférente, dès l'instant qu'elle veut bien s'intéresser un peu à moi.
Furieuse, elle tourna les talons et repartit vers l'escalier. Callaghan la regarda monter. Elle venait de disparaitre à sa vue quand, quelque part, une sonnerie de téléphone tinta.
Et rendez la monnaie ! de Peter Cheyney

Oui, Slim Callaghan [sic] a des méthodes bien particulières et n’hésite pas à rudoyer un peu la viande pour l’attendrir et qu’elle s’offre, d’elle-même, trop heureuse de céder.

Elle tira de la poche de sa veste un mouchoir minuscule, avec lequel elle se tamponna les paupières.
 - Je me demande pourquoi j'ai fait ça, murmura-t-elle, ou, plutôt, pourquoi je vous l'ai laissé faire !
Callaghan sourit.
 - Vous n'avez là-dedans aucune responsabilité, dit-il. Elle est mienne entièrement. J'espère seulement que, la prochaine fois, l'idée viendra de vous.
Il était sur le seuil. II alluma une cigarette et, d'une voix douce, ajouta :
 - Je vous ai dit que j'avais mon prix. Vous vous rendez compte, maintenant, que je suis un détective extrêmement couteux ...
Elle le regarda s'en aller sur le sentier. Quand elle ne le vit plus, elle s'assit sur le banc. Callaghan lui avait dit de se reprendre. Elle essaya. Au bout de quelques minutes, elle était presque redevenue elle-même. Sur quoi, elle décida de pleurer encore un peu...

L’histoire ? Qu’importe ! Des bijoux volés dans une famille aristocratique anglaise en proie à des difficultés. Des complications, des coups de feux, des femmes splendides (les plus belles sont les plus inaccessibles), des petits malfrats, des policiers dépassés… Un roman de gare parfait pour une après-midi devant la cheminée avec un Havane pas trop cher et whisky pas trop vieux

Pleins feux sur Sylvie

Un petit polar de gare bien sympa, vraiment !

Un type d'une soixantaine d'années, aux cheveux tout blancs, qui portait des lunettes. Pardessus assez vétuste, mais du bon faiseur. L'inspecteur dit:
 - Asseyez-vous.
L'homme obéit, ouvrit son pardessus, et commença d'essuyer ses lunettes avec sa cravate. II dit:
 - Monsieur le commissaire...
 - Je suis inspecteur.
 - Monsieur l'inspecteur, dit l'homme d'une voix cassée de vieillard, je viens me constituer prisonnier. C'est moi qui ai assassiné Sylvie Sarment.
L'inspecteur puisa dans sa réserve de cigarettes.
Ça pouvait être intéressant.
Pleins feux sur Sylvie de Michel Lebrun

Ce grand prix de la littérature policière en 1956, raconte une histoire surprenante. L’assassinat de Sylvie Sarment, starlette de cinéma que tout le monde (j’exagère un peu) s’accuse d’avoir tué.

Des dialogues peut-être un poil vieillots (on écrit plus vraiment comme ça) pour un polar très cinématographique.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Une vedette de cinéma assassinée. »
Sensation dans le Tout-Paris. De l'Elysées-Club au Fouquet's, d'Epinay à Boulogne, chacun se demande qui a bien pu assassiner Sylvie Sarment. Certains ont leur petite idée. « C'est un drame passionnel », dit l'un. « II paraît qu'elle se droguait », murmure une bonne âme. « Son mari va hériter », insinue un fauché, « Elle n'avait aucun talent », affirme une starlette.
Les journaux proclameront demain SYLVIE N'AVAIT QUE DES AMIS. Parmi tous ces amis se trouve l'assassin de Sylvie

Une vie comme neuve

Voilà une bien curieuse vie comme neuve, qui m’a dérouté, intrigué et perdu sur de fausses pistes tant je ne savais pas où le Georges voulait amener ce guère sympathique Dudon qui, suite à un grave accident, trouve l’opportunité de commencer une toute nouvelle vie.

Tout se joua en un quart de seconde. Il avait dit, avec une fausse désinvolture, en glissant sur les syllabes : 
 ...j'étais seul dans l'auto...
Or ce n'était pas vrai. S'il n'avait pas mis Dudon en garde, celui-ci ne se serait peut-être aperçu de rien. Mais, depuis que Lacroix-Gibet était entré dans la chambre, il guettait ses mots un à un et ceux-là, justement parce que débités trop vite, trop légèrement, firent naître une image dans son esprit. Il n'était pas seul dans son auto. A côté de lui, Dudon en était sûr, très près de lui, se trouvait une femme qui portait un chapeau clair, probablement blanc, et que Dudon n'avait pas revue parmi les gens qui piétinaient autour de lui, tandis qu'il était étendu par terre. 
Il ne protesta pas, ne dit rien. Il eut seulement un sourire à la fois amusé et complice. Ce sourire n'échappa pas au conseiller municipal, qui garda un moment de silence.
Lorsqu'il ouvrit à nouveau la bouche, ce fut pour prononcer
 - Vous voyez ce que je veux dire ?
 - Je vois.
Une vie comme neuve de Georges Simenon

Mais peut-on changer de vie ? Nos anciens démons, nos culpabilités, nos vices et toutes nos petites pourritures peuvent-elles disparaître par enchantement ?

Un livre qui pose plus de questions que Maigret n’aurait bien pu résoudre dans ses enquêtes. Un Simenon sans inspecteur, mais qui fouille dans les turpitudes des âmes

Le 73e roman dur de Simenon

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Maurice Dudon, un étrange personnage qui mène une vie de cloporte, est renversé par une voiture. L'homme qui la conduisait l'installe à ses frais dans une clinique. Confié à Anne-Marie, une charmante infirmière qu'il épouse, il connaît un destin nouveau.

Maigret et la jeune morte

Alors que le seul Maigret que je n’ai jamais lu (les scrupules de Maigret) m’avait stupéfait par sa faiblesse, je m’étais dit que j’avais dû tirer une mauvaise pioche.

Effectivement !

Toutes ces images-là se mêlaient, encore confuses, et quelque chose finirait bien par sortir. Il y en avait une, surtout, dont il ne parvenait pas à se débarrasser, celle d'un corps nu sous un violent éclairage électrique, avec la silhouette du docteur Paul, en blouse blanche, qui enfilait ses gants de caoutchouc.
 - Un Pernod ! dit-il machinalement.
Est-ce que Paul ne lui avait pas dit qu'avant de recevoir des coups sur la tête la jeune fille était tombée à genoux ?
Maigret et la jeune morte de Georges Simenon

Sans être un sommet du polar, cette enquête reste bien sympathique avec quelques rebondissements bienvenus et une galerie de personnages joliment croqués

Maigret 73/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Maigret bâilla, poussa les papiers vers le bout du bureau.
- Signez ça, les enfants, et vous pourrez aller vous coucher.
Les « enfants » étaient probablement les trois gaillards les plus durs à cuire qui fussent passés par la P. J. depuis un an. L'un d'eux, celui qu'on appelait Dédé, avait l'aspect d'un gorille, et le plus fluet, qui avait un œil au beurre noir, aurait pu gagner sa vie comme lutteur forain.
Janvier leur passait les papiers, une plume, et, maintenant qu'ils venaient enfin de lâcher le morceau, ils ne se donnaient plus la peine de discuter, ne lisaient même pas le procès-verbal de leur interrogatoire, et signaient d'un air dégoûté.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le cadavre d'une jeune fille est découvert place Vintimille, à Paris. Maigret parvient à identifier la victime : il s'agit de Louise Laboine, d'origine niçoise. En venant tenter sa chance à Paris quelques années plus tôt, elle se lie d'amitié dans le train avec Jeanine Armenieu, une jeune Lyonnaise. A Paris, tandis que Jeanine réussit à se faire ouvrir les portes de la haute société, Louise végète et sombre peu à peu dans la misère...

Les oiseaux du ciel

C’est avec le souvenir en tête de la sublime trilogie du jardin d’hiver (Les habits neufs de Margaret, Les ivresses de madame Monro et Les égarements de Lili) que je me suis lancé dans ces oiseaux du ciel.

« Prenez donc un sherry, dit finalement Mme Marsh, dont la pitié était éveillée par la mine abattue de son amie.
 - Ça fera beaucoup de bien à Mary, dit Evelyn. Ça lui donnera quelque chose à quoi penser. » Elle était intimement convaincue que le chagrin des gens ayant subi un deuil les rendait malades. « Voyez les veuves, dit-elle. Elles finissent toutes par avoir le cancer ou par se mettre à boire.
- Pas moi », lui fit remarquer Mme Marsh.
Evelyn eut un sourire entendu - peut-être pensait-elle que le chagrin, dans ce cas, n'avait pas tout à fait commencé à faire son effet.
« Vous êtes hors du commun », dit-elle avec paternalisme.
Les oiseaux du ciel de Alice Thomas Ellis

Certes, la satire sociale des familles anglaises est délicieuse et l’humour grinçant bien présent. Pour autant, j’ai trouvé que ce petit livre manquait un peu de tonus et peinait à conclure, malgré l’annonce du désastre annoncé

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mrs. Marsh a deux filles : Mary et Barbara. Mary a perdu son fils, Robin. Seule, désemparée, elle revient vivre chez sa mère. A la veille de Noël, toute la famille se rassemble chez Mrs. Marsh, dans un charmant cottage en lisière d'un bois. Mais le drame couve sous les bons sentiments. Malaise, frustration, jalousie, tout finit par éclater au grand jour. Comme dans la Trilogie du jardin d'hiver, Alice Thomas Ellis scrute avec tendresse et cruauté les efforts pathétiques de ses semblables pour trouver ce qui leur tient lieu de bonheur : l'oubli, la consolation, le silence

Mort sur le Nil

Des enquêtes qui ont quand même un peu vieilli et qui peuvent sembler bien tirées par les cheveux… un poil, en tout cas.

- Vous allez me faire le plaisir de vous tenir tranquille. Tranquille, je vous dis.
 - Ah oui ? fit-elle en le regardant avec un sourire de defi.
 - Mademoiselle, je vous en conjure, cessez ce que vous êtes en train de faire.
 - Vous voulez que je laisse cette chère Linnet en paix ?
 - ça va beaucoup plus loin que ça. N'ouvrez pas votre ame au mal.
Elle le regarda, un peu ahurie.
 - Parce que, poursuivit Poirot d'un ton grave, si vous continuez, le mal prendra possession de vous. Oui, sans aucun doute il viendra... II vous submergera. Et il vous sera bientôt impossible de l'en chasser.
Elle leva sur lui un regard vacillant.
 - Je... je ne sais pas... (Puis elle s'ecria, catégorique :) Vous ne pourrez pas m'empecher de continuer !
 - Non, je ne peux pas vous en empêcher, dit Poirot avec tristesse.
 - Meme si je voulais la tuer... vous ne pourriez pas m'en empêcher.
Mort sur le Nil de Agatha Christie

Et pourtant, grâce à un Hercule flegmatique et perspicace, à l’humour et aux personnages so british, les polars d’Agatha Christie restent des divertissements de gare bien sympathiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Tiens donc, mais c'est Linnet Ridgeway !
- Hé oui ! c'est bien elle ! confirma M. Burnaby, l'aubergiste des Three Crowns.
Du coude, il écarta son compagnon.
Bouche bée et les yeux ronds, les deux hommes s'en mettaient plein la vue.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce n'est pas très joli de voler le fiancé de sa meilleure amie. Et même si l'amie en question semble se résigner, la ravissante et riche Linnet Ridgeway a bien des raisons d'être inquiète... Surtout quand le hasard les rassemble, pour une croisière sur le Nil, avec de troublants personnages, dans une atmosphère lourde de sensualité et de cupidité

Sa préférée

La violence est-elle contagieuse ? Se retrouve-t-on forcément un jour à rendre les coups reçus, peut-on pardonner, comment se reconstruire ?

Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait
« Elle peut pas la boucler, cette gamine ». Mais elle continuait ses babillages. Elle était naïve, joyeuse, un peu sotte, drôle et gentille. Elle apprenait tout avec lenteur a l'ecole. Elle ne sentait pas lorsque le souffle de mon père changeait, quand son regard annonçait qu'on allait prendre une bonne volée.
Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel

Un livre puissant, rude. Une famille avec un père violent, abuseur, incestueux, imprévisible et pervers. Une grosse saloperie ! Une femme et deux filles prises dans ses griffes dans un petit village du Valais (mais il y en a partout) où chacun regarde ailleurs, refuse de voir, d’aider, d’intervenir.

C'etaient invariablement les memes scènes. Il rentrait après sa journée sur les routes. Il empestait l'alcool. S'il s'asseyait au salon dans le canapé en cuir décrépit, s'il s'endormait, on savait alors que nous serions, toutes les trois, en paix pour quelques heures. S'il posait son corps massif sur une chaise de la cuisine, s'il prenait un couteau pour ouvrir des noix ou pour trancher un morceau de ces fromages qu'il faisait vieillir dans la cave au sol terreux, on n'y couperait pas. C'etait d'une banalité désolante. Un scenario usé jusqu'à la corde, ou chacun jouait le rôle qui lui était prédestiné.
Personne n'avait le recul du spectateur. Nous étions tous les quatre embarqués dans la même valse, ou chacun posait les pieds au bon endroit. Nous n'avions ni la conscience, ni l'imprudence de risquer un autre pas.

L’histoire d’une fuite, d’une reconstruction, des cicatrices qui ne se referment pas. L’histoire des victimes et du bourreau.

Un roman qui ne se referme pas sans malaise et questionnements. Une fiction qui dépeint une affreuse réalité, celle de la maison d’à côté, de l’étage en dessus, la porte du voisin

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait « Elle peut pas la boucler, cette gamine ».


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa soeur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l'assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.

Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l'École normale d'instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa soeur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.

Réfugiée à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d'apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu'elle s'accorde. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d'êtres bienveillants que sa sauvagerie n'effraie pas, s'essayant même à une vie amoureuse.

Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite.

Sa préférée est un roman puissant sur l'appartenance à une terre natale, où Jeanne n'aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n'avoir su la protéger de son destin

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent

Quelle merveille, quel cadeau !

Apres l'aveu, j'alternais entre les benzodiazepines en sublingual et l'alcool.
Quand je revis ma mère dans le sous-sol d'un restaurant japonais je ne sus rien faire d'autre qu'aboyer. C'est qui ? Tu dois bien savoir quelque chose ? Pourquoi tu m'as rien dit ? Qui d'autre est au courant ? Quoi vous saviez tous ? Elle aussi ? Eux ? Les salauds. Je me sentais trahie jusqu'au cul.
No te pongas furiosa. Ne sois pas furieuse. Tu rigoles ? Ironie, le restaurant s'appelle ZEN. Ne plus rien digérer, pas meme la soupe miso. Avoir les boyaux qui hurlent à chaque aliment, les sucs digestifs provoquant mon agonie à chaque phrase de la puta madre. Enfin, quitter la table.
Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea

Maria Larrea nous offre un livre en deux parties d’une même quête, celle de son identité et ça commence par celle de ses parents. Et puis, tout bascule.

Hegoak ebaki banizkio
Neuria izango zen
Ez zuen aldegingo.
Bainan honela
Ez zen gehiago txoria izango.
Eta nik,
Txoria nuen maite.
Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait jamais reparti.
Mais, ainsi,
Il n’aurait plus été un oiseau.
Et moi,
J’aimais l’oiseau.

Un livre bouleversant sur l’identité, la filiation et les origines

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le poulpe crachait encore une bave mousseuse sur les rochers quand Dolores s'en saisit.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tout commence en Espagne. En juin 1943, une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon quelle confie aux jésuites. Plus tard, en Galice, une femme accouche d'une fille qu'elle abandonne aux soeurs d'un couvent. Les deux orphelins connaissent la misère et Franco mais se rencontrent, se marient, partent à Paris. La Galicienne devient femme de ménage, le Basque gardien du théâtre de la Michodière. Ils auront un enfant, Maria. C'est notre narratrice.

À vingt-sept ans, celle-ci croyait s'être arrachée à ses origines : la loge de ses parents, la violence de Julian et les silences de Victoria. Mais un tirage de tarot va renverser son existence et l'obliger à replonger dans le passé des siens. Pour comprendre de qui elle est la fille, elle devra enquêter et revenir là où tout a débuté, à Bilbao, où naissent les secrets.

Étourdissant de style, d'énergie et de vie, ce premier roman mené tambour battant nous embarque instantanément. Avec maestria, Maria Larrea y recompose pièce à pièce le visage de sa famille et le puzzle de sa mémoire. On court et rit et pleure ensemble. Une écrivaine est née

Perdre haleine : phrase autoérotique

Une longue, longue, très longue phrase de cent vingt pages, sans reprendre son souffle pour un orgasme livresque.

Longtemps, je me suis branlée de bonne heure, à peine la sonnerie de mon reveille-matin arrêtée, mes doigts se glissaient entre mes cuisses et je n'avais pas le temps de me dire « je me branle » que déjà c'était l'embarquement pour Cythère en solitaire
Perdre haleine : phrase autoérotique de Anne Archet

Anne Archet s’autofictionne, se masturfictionne, désire, fantasme, jouit et jouit encore.

[...] je me suis souvent retrouvée fort dépourvue quand la bise et la baise fut venue, dans une chambre d'hotel, chez des amies, au bureau ou en camping, sans avoir accès à mes précieux godemichés, contrainte d'utiliser à des fins pénétratives des objets qui n'ont vraiment pas été conçus pour ça, c'est fou ce que ma chatte en a vu passer des trucs étranges, les histoires qu'elle pourrait raconter si elle savait parler, ce serait incroyable, elle dirait « je me suis fait limer par une bouteille d'eau minérale, un concombre (c'est un classique), une statuette de la Sainte Vierge qui brille dans le noir, une banane verte pelée, le manche d'un rasoir à jambes et celui d'un pinceau a calligraphie japonaise, un maïs (certifié bio et sans OGM), un lecteur MP3 de 120 MO qui ne donnait plus de son mais savait encore donner le rythme, toutes les figurines originales de Star Wars, un tuba (pas l'instrument de musique hein, le truc pour respirer sous l'eau), un saucisson rosette, le goulot d'une bouteille, la télécommande du climatiseur, une manette de Xbox, un rouleau à pate modèle mince et sans poignées, une cannette de mousse pour cheveux tenue extraferme, le levier de vitesse d'une Yaris 2008, une sucette glacée de marque Popsicle® (méfiez-vous des imitations), le talon d'un escarpin, le manche d'un marteau, un tube de gloss, le manche du bidule qui sert à enlever le poil et la charpie sur les vêtements et dont [...]

Et c’est très drôle, sexe, brut et explicite. Une lecture jouissive et jouissante sur le plaisir

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Longtemps, je me suis branlée de bonne heure,


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Avec Perdre haleine, l'inimitable Anne Archet vous convie à une séance d'autoérotisme littéraire, une ode jubilatoire et irrévérencieuse à la masturbation féminine, de la lente montée du désir en passant par les savantes mécaniques de l'excitation, le troublant plateau des fantasmes jusqu'à la grande explosion orgasmique et sa résolution. Entrez dans une phrase longue de 26 000 mots à lire d'une seule main et d'un seul souffle, une traversée de toutes les déclinaisons du plaisir intime, cet acte de liberté, de gratuité et d'amour-propre, où l'on n'est jamais si bien servie que par soi-même: ses doigts, ses peluches, son ameublement, son lubrifiant et ses projections intérieures les plus déraisonnables

Héros anonymes

Quel numéro d’équilibriste que ces Héros anonymes.

Mon père voulait à tout prix faire plaisir à sa panthère qui, tout droit sortie de sa favela, raffolait de ces endroits aristocratiques et commandait un jus d'orange de pomme s'il vous plaît... Elle nous fichait la honte avec son accent de péquenaude mais sa plastique de rêve déviait illico nos oreilles sur ses seins juteux compressés dans un corsage zébré et rehaussés par un soutien-gorge rembourré.
Héros anonymes de Saphia Azzeddine

Car voilà un livre qui paradoxalement brille par son ambiguë absence de traitement. Un délire au premier degré.

Ma plomberie interne se remit à déconner et je pleurai pendant des plombes comme un con devant mon écran d'ordinateur. J'étais le plus grand coulage de l'histoire depuis Jeanne Mas et, plus grave encore, personne ne prédisait son retour.

Un jeune franco-marocain cynique en errance, troll du web sans convictions, un jeune qui bascule sans même se comprendre. Mais comment le raconter ? Comme ça ? L’amok !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'aurais bien aimé que ce soit vraiment des Arabes qui pulvérisent les tours jumelles. Ça aurait enfin signifié qu'ils sont de nouveau capables de flirter avec le grandiose.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
"J'aurais bien aimé que ce soit vraiment des Arabes qui pulvérisent les tours jumelles. Ça aurait enfin signifié qu'ils sont de nouveau capables de flirter avec le grandiose. Fini la dérive, bonjour l'audace. Du travail d'Arabes mais de chirurgiens arabes s'il vous plaît. Fiérot, je visionnais en boucle ces images délirantes depuis mon réveil. Très vite le réel détrôna la fiction et je compris tout seul que mon peuple était bien trop étriqué dans son calbute pour foutre un bazar aussi démesuré. Les images n'en perdaient pas pour autant de piquant mais ce jour-là je troquai mon keffieh pour ma casquette des Yankees. Je m'étais réjoui trop vite, aucune performance à signaler du côté des merguez ce 11 septembre 2001."

Dans son nouveau livre, Saphia Azzeddine nous invite à entrer dans la tête d'un " héros anonyme " et à mesurer à quel point c'est effrayant d'être un " lambda " et de se sentir, pourtant, tout-puissant.