Armer la rage : pour une littérature de combat

Alors que l’on me demandait, en me voyant ouvrir ce livre, si je n’en avais pas un peu marre de lire encore des bouquins de ce genre (entendons par là : féministes et révoltés). J’avais répondu que non, vraiment pas ! J’y trouvais de la rage, une écriture nouvelle et politique. Une littérature jubilatoire et engagée pleine de convictions, armée de revendications solides et argumentées.

Ce livre en est un parfait exemple !

Je ne suis plus une enfant. J'ai derrière moi des années de psychothérapie. Que je ne sois en rien responsable de la négligence criminelle de mes parents, je le comprends désormais. Mes études universitaires ont porté sur la violence contre les femmes, j'ai ainsi lu des centaines de romans, d'essais et d'articles sur le sujet. J'ai dénoncé le climat incestueux dans lequel j'ai grandi. J'ai choisi un nouveau nom de famille. J'ai écrit un roman sur la misogynie de mon père (je pensais qu'après Chienne, j'en aurais fini d'écrire sur sa violence; c'était surestimer mon livre). Malgré tout cela. Malgré une lutte de plusieurs années censée briser tous les reflets entre lui et moi, la honte demeure entière.
Armer la rage : pour une littérature de combat de Marie-Pier Lafontaine

Un essai qui tient entièrement dans son titre, 100 pages qui disent fièrement : ne nous chiez plus dans les bottes où vous allez vous les prendre dans le cul ! (notez que c’est beaucoup mieux dit que ça !)

Brillant !

Je me permet de copier ici l’intro qui annonce bien la couleur

J’imagine cet essai comme un combat. Je voudrais écrire un essai-colère, un essai-rage. Qu’il soit reçu comme une avalanche de coups. Entre chaque phrase, il faudra visuliser une énergie qui se déploie. Il faudra voir les muscles de mes cuisses se contracter, mon centre de gravité s’abaisser et mes poings en position de garde. Il faudra comprendre pourquoi je m’efforce de maintenir mes épaules détendues et mes réflexes alertes, imaginer avec précision un coude qui se baisse légèrement, des hanches qui se tournent. Voyez leur rotation, voyez comme elles suivent l’élan du bras, le propulsent vers sa cible. Entre chaque mot de chacune des phrases qui composent ce texte, il faudra entendre le bruit d’un corps qui en cogne un autre. Les martèlements de ma colère ne suffiront peut-être pas à faire éclater l’histoire de ma famille. Alors, il vaudra mieux garder en tête l’image de bandages noirs autour de mes jointures. Ils enrubannent leur tranchant, empêchent la peau de se fendre, me protègent des fractures aux poignets. Ils me permettent surtout de frapper plus fort.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'agression de trop
Un des conseils qui me mettait le plus hors de moi après qu'un homme m'a agrippé les fesses sur le quai d'une station de métro à Montréal était de ne plus prendre les transports en commun.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Armer la rage est une charge contre la culture du viol, la violence familiale et une société qui, plutôt que d’apprendre aux femmes à contre-attaquer en cas d’agression sexuelle, préfère les mettre en garde contre le risque de se défendre.
Cet essai jette un regard à la fois intime et politique sur les traumas sexuels dans leurs différentes modalités (directe, indirecte et insidieuse), sur le droit des femmes à l’autodéfense et sur le pouvoir de l’écriture pour un sujet qui n’a su qu’à l’âge adulte qu’il existe des familles préservées de la terreur.

Phallers

Voilà un petit bouquin qui vaudrait bien 5 étoiles rien que pour son trigger warning hilarant ! Merci Chloé de penser à nous, petites choses fragiles !

Calmez-vous, Messieurs, ça va bien se passer
Le trigger warning est un avertissement au public. Il prévient qu’une œuvre contient des éléments pouvant déclencher le souvenir d’un traumatisme.
Personnellement je ne suis pas pour, mais il faut tout envisager tant la situation est actuellement tendue.
Certaines diront que, une femme étant agressée sexuellement ou violée toutes les sept minutes, ce qui se passe dans cette fiction relève du cathartique.
Certains agiteront Freud, tous les petits garçons connaissent « l’intense angoisse de castration ».
C’est par égard pour eux que se trace cet encadré.

Et si certaines femmes, par la grâce du fantastique, devenaient des super héroïnes ?

Marcia a beau parler de légitime défense autant que de protection, Violette reste lucide : faire imploser les bites, elle sait que c'est illégal. Mutilation génitale d'un humain, quand bien même en réponse à un viol ou une agression sexuelle, quelque chose dans sa tête lui hurle que si la police, suivie par la justice, suivie par les médias, découvrait ce qu'elle a fait et tout ce qu'elle pourrait faire, ses chances de s'en sortir seraient égales au néant.
Phallers de Chloé Delaume

Une bonne blague, (zut, c’est juste une blague ?) sans beaucoup plus de prétentions, mais qui m’a bien fait rigoler !

… Et derrière la blague… toutes les sept minutes !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Noël se meurt dans les vitrines de la galerie marchande.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Comment cela a été rendu possible, personne n'en sait rien. C'est en train d'arriver, c'est tout. Ainsi, très soudainement, un certain nombre de filles et de femmes ont la capacité psychique de faire imploser les phallus. Ces super-héroïnes d'un genre particulier ont pour nom les Phallers.

Violette a dix-sept ans et se serait bien passée de cet étrange pouvoir. Mais elle aimerait, comme toutes, apporter une réponse à cette question cruciale qui hante notre société : comment faire pour que les hommes cessent de violer ?