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Simenon s’attache ici à rendre des sentiments et des émotions subtiles et sensibles. Hélas, l’argument semble un peu faible et c’est avec grand peine qu’il semble arriver à justifier une fin qu’il aurait probablement souhaité plus glauque.La vieille de Georges SimenonUne grand-mère et sa petite fille peu liées et alcooliques peinent à se retrouver, à tisser un lien alors qu’elles se retrouvent à vivre ensemble.
Sans être complètement loupé, Georges a été plus inspiré pour mettre en lumière toutes nos noirceurs
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Sous la voûte, aussi froide et humide qu'une cave, le commissaire de police s'arrêta un instant, regarda l'heure à son bracelet-montre et, secouant son par-dessus, envoya des gouttes de neige fondue sur le carrelage où elles s'agrandirent comme sur du buvard.
Il était onze heures cinq.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Le commissaire de police Charon vient solliciter l'aide de Sophie Emel, dont la grand-mère,qu'elle a perdue de vue depuis longtemps, refuse farouchement de quitter l'immeuble qu'elle habite et qui est voué à la démolition. Elle menace, si on l'y contraint, de se jeter par la fenêtre. La grand-mère accepte finalement de « faire son coin » chez sa petite-fille. Sophie, vedette sportive très connue, mène une vie quelque peu bohème.
Une histoire de faillites, un jeune veuf, sa sœur, sa fille, un palace… Rien ne va très bien, et ça sera pire, doucement, mais pire.Les trois cœurs du poulpe de Raluca AntonescuRaluca Antonescu nous dresse une galerie de portraits touchants mais qui semblent aussi désincarnés et inhabités que ce grand hôtel qui va ouvrir.
Trois cœurs en deuil dans une construction brutaliste, comme des poulpes piégés dans une amphore vide, dans l’attente d’un salut, perdus dans le brouillard.
Un roman au décor inspiré par une histoire invraisemblable, un lieu mythique
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le gardien partit un mardi de mars 2009. Il siffla son chien, qui furetait sous une bruyère que plus personne n'avait pris la peine de tailler. À l'extérieur du Lagoa Palace, le désordre brouillait les frontières des constructions. Les herbes pullulaient dans le gravier, les joints des dalles verdissaient et les mousses s'agrippaient partout : au béton et à la pierre, aussi bien qu'au métal. Telle une infection, du lichen orange vif perlait sur les grilles du portail.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Suite à un drame, Evan devient propriétaire d’un hôtel luxueux aux Açores, sur un site époustouflant mais difficile d’accès. L’ouverture est imminente et l’échec inconcevable, selon le mot d’ordre tu veux, tu peux.
Sa fille Anël, neuf ans, dotée d’une mémoire prodigieuse et d’un vif intérêt pour les animaux, veille sur lui. Leur quotidien est millimétré jusqu’à l’arrivée de Vicki, sœur aînée d’Evan à qui il fait appel après un silence de plus de dix ans.
Rien ne se passera comme prévu sur cette île volcanique où règne une météo déroutante.
Le roman s’inspire de l’histoire du Monte Palace à São Miguel, dont les immenses ruines incarnent la discordance entre luxe et nature sauvage.
Typique des derniers romans dur de Simenon, ces noisetiers racontent un homme au moment du bilan de sa vie. Apaisé, enfin, l’homme regarde avec satisfaction son oeuvre : famille, argent, réalisations et quelques regrets quand même… point trop de brillance n’en faut pour celui qui résidait alors en Suisse protestante.Il y a encore des noisetiers de Georges SimenonMais là, alors que la dernière ligne semblait bien droite et déblayée, tout s’emballe : des tristes nouvelles d’une ex outre-Atlantique, à Paris son fils se marie avec une femme de l’âge de sa fille qui en profite pour annoncer qu’elle est enceinte d’un homme qu’elle ne veut pas revoir…
Et Simenon de lui donner l’occasion de briller enfin dans la famille, vieux sage, patriarche généreux. Un peu mélo, mais sympa.
L’occasion de jeter encore une fois un œil sur la position de la femme dans les années 60. L’époque où les mères célibataires étaient des filles-mères, stigmate honteux
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Étais-je, ce matin-là, plus ou moins heureux que les autres jours ? Je n'en sais rien et le mot bonheur n'a plus beaucoup de sens pour un homme de soixante-quatorze ans.
En tout cas, la date reste dans ma mémoire: le 15 septembre. Un mardi.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Le banquier Perret-Latour vit retiré dans son appartement de la place Vendôme, entouré de quelques domestiques et protégé par sa gouvernante. Dans son existence régulière et ordonnée surviennent trois événements qui vont réveiller le passé et rendre sa vitalité au vieil homme.
Appelé depuis l’hôpital à Paris, Cookie traverse l’Atlantique pour venir au chevet de son père victime d’un AVC.
Débute la rééducation d’un père dont il n’avait jamais été proche et qui ne peut plus dire que « Merveilleux » et trois ou quatre autres mots. Une histoire de relations de famille recomposée et dispersée gravitant autour d’un malade qui ne se fait comprendre que difficilement.
Merveilleux de Cookie Kalkair, couleurs de William Wagner
Un album aux graphismes colorés avec une histoire touchante, tant pour son regard sur les proches aidants, que pour le portrait de famille qu’il propose
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Je n'ai jamais été très proche de mon père. Un océan nous sépare. Littéralement - depuis que je vis au Québec. Pourtant, lorsque j'apprends son AVC, je saute immédiatement dans un avion. À l'hôpital, dans un temps suspendu, je retrouve une petite soeur que je n'ai pas vue depuis des années. C'est l'attente... et le couperet tombe : notre père restera aphasique, il a perdu l'usage de la parole. Il lui reste à peine quelques mots... dont "Merveilleux". »
Alors que Cookie et ses proches réalisent peu à peu les conséquences de cet événement, tous doivent apprendre à vivre avec le handicap. Mais dans la tragédie, les réactions de chacun se révèlent parfois inattendues. Ce drame pourrait-il être une nouvelle chance ? La chance de se parler, de renouer les liens et de construire ensemble une nouvelle famille...
Cookie Kalkair nous offre ici, avec tendresse et humour, son récit le plus personnel.
Jules est heureux, à peu près, enfin… s’il ne se pose pas trop de questions. Certes ses sœurs l’écrasent un peu, mais c’est si confortable.
Jusqu’au jour où il renverse et tue un petit garçon qui traversait la route.Les demoiselles de Concarneau de Georges SimenonUne histoire de remords, de volonté maladroite de réparer et finalement… (on ne se refait pas) de soumission à ses sœurs.
L’histoire d’un homme ─ bien inconsistant ─ dans les tourments. Le drame d’un faible comme Simenon l’aime à raconter
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Il y avait trop de tournants, et aussi de montées, des descentes, pas très longues, mais brutales.
Il y avait aussi et surtout la question des cinquante francs qu'il fallait résoudre coûte que coûte avant d'atteindre Concarneau.
Seulement voilà : Jules Guérec n'arrivait pas à penser, du moins à penser cinq minutes durant à la même chose. Des tas d'idées venaient le distraire, tandis qu'il restait immobile sur son siège, les mains au volant, le corps raidi, la tête en avant.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Mentir. Chaque jour. Être surveillé dans ses moindres faits et gestes. Avoir deux sœurs qui lisent dans vos pensées et comptent le moindre centime. Jules Guérec a quarante ans. Il est le frère qui subit. Celui qui cache ses désirs, ses passions. Jusqu'au jour où l'irréparable arrive. Un accident. Le drame. De ces enchaînements de circonstances qui mènent au tragique.
Roman de l'intime et de l'égoïsme, roman d'une ville vouée à la mer et au crachin, Les demoiselles de Concarneau est aussi le portrait d'une époque et d'un milieu, celui de la pêche, où l’œil de Simenon aura su, une nouvelle fois, voir tout ce que l'humanité aimerait tant cacher d'elle-même.
Dans ce roman d’ambiance (malsaine), Simenon explore avec talent des relations familiales sinistres et étouffantes. Ici, rien ne va ! Le fils couche avec la bonne, ce qui donne des idées au père qui s’y met aussi, la mère passe d’épisodes alcooliques en épisodes alcooliques et la fille – qui nous en dresse le tableau – couche avec son patron dans une dévotion absolue.Novembre de Georges Simenon… Jusqu’à la rupture.
Un sombre tableau que Simenon va salir encore. Une lecture idéale pour un mois froid et humide, au fond d’une grange avec une bouteille de mauvais alcool et une corde à la main
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je ne crois pas avoir assisté auparavant à ce phénomène. On était le second vendredi de novembre, le 9 novembre exactement. Nous étions tous les quatre à dîner autour de la table ronde, comme les autres soirs. Manuela venait d'enlever les assiettes à soupe et de servir une omelette aux fines herbes que ma mère était allée préparer à la cuisine.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Dans la grisaille de l'existence qu'ils vivent en banlieue, les membres de la famille Le Cloanec se côtoient, mais ne se parlent guère. La mère est alcoolique, le père, indifférent et lointain ; le frère et la sœur ont chacun leurs occupations précises et leur vie à part.
Une bonne récemment engagée va jeter le trouble dans la maison. Devenue la maîtresse du jeune Olivier, qui en est très épris, Manuela éveille les désirs du père Le Cloanec auquel elle accordera également ses faveurs.
Ce roman dur est bien atypique. Car si la situation est ─ comme à l’habitude ─ sordide, l’ambiance y est légère, presque drôle. La maison des sept jeunes filles de Georges SimenonEncore une vue de l’époque (révolue ?) où les filles devaient se marier sans tache et où les mariages étaient sources de revenus et d’arrangements économiques.
Une bien drôle de maison, que celle de Monsieur Guillaume Adelin
Le châle de Marie Dudon
Une nouvelle complète cette édition, et là aussi, il sera facile d’en rire… jaune ! Marie Dudon, témoin d’un meurtre, se sent pousser les ailes de la richesse…Le châle de Marie Dudon de Georges SimenonUne nouvelle, encore une fois, bien éclairante pour saisir la vie des femmes de l’époque entre lessives, enfants, cuisine et autres tâches ménagères et manuelles
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Il marcha encore de la fenêtre à la bibliothèque, ce qui représentait trois bons pas, puis de la bibliothèque à la porte. C'était tout le parcours qu'il pouvait se permettre dans son bureau, la plus petite pièce de la maison en même temps que celle où on avait entassé le plus de meubles.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Guillaume Adelin a une épouse «absente» pour ne pas dire folle, une maison à rembourser et sept filles à marier. L'une est courtisée par un ancien marchand de fromages, une autre par un fils de général. Le premier épouserait bien Rolande mais elle a disparu. Le second, sans le savoir, serait le fiancé d'Huguette mais tombe amoureux de Coco qui reste insaisissable. Il va falloir trancher : cela pourrait être un vaudeville, cela reste du Simenon : les huissiers rôdent, la faillite guette… Comment tenir une maison, seul, même solide, au milieu de huit femmes à ce point surprenantes ?
Des strips d’une page, parfois un peu plus, sur les plaisirs de la drague, du couple, de la famille, des enfants et des vieux ! Et c’est bien décalé, absurde, coquin, désabusé… ou tristement réaliste (les plus drôles !)Linge sale, amour et céréales de PozlaUn gros bol de rigolade à goûter de bon cœur avant que les gamins ne se réveillentUn album avec des vélos et des playmobils
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Moi, Rémi, 10 ans et demi, je jure devant moi-même que je ferai mieux que mon père, ce traître.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Joyeuse et réconfortante, conflictuelle, aliénante ou merveilleuse... La famille : un environnement semé d’embûches ! Pozla, par le biais d'une galerie de personnages hauts en couleurs, ouvre de petites fenêtres sur ce monde relationnel complexe sans jamais oublier la question du couple. Il parle sans tabou de fidélité, de regret, de sexualité, de séparation, de transmission et de doute...
Autant de sujets existentiels croqués avec un humour absurde, cru, doux-amer ou grinçant, saupoudré de tendresse et de poésie.
Quelles émotions, quelle histoire ! Une bande dessinée qu’on termine avec un voile humide sur les yeux.Son odeur après la pluie de José Luis Munuera, d’après le roman de Cédric Sapin-DefourL’histoire d’un chien qui entre dans la vie d’un homme et qui la partagera plus de 10 ans.
Adapté du roman de Cédric Sapin-Dufour (que je n’ai pas lu et dont j’hésite maintenant à en ouvrir les pages), cette bande dessinée est un vrai trésor qui m’a laissé le souffle coupé.
Et pour la team chats, je ne peux que conseiller Toi de Hélène Gestern
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La vie, pour qui veut la voir, est partout.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) C'est une histoire d'amour, de vie et de mort, entre un homme, Cédric, et son chien, Ubac, un bouvier bernois dont la présence devient vite essentielle. Mais le vrai héros, c'est leur lien : unique, universel, dépassant bien des relations humaines. Pendant treize ans, ils partagent rires, inquiétudes et moments fugaces d'intensité, jusqu'à ce que la mort impose son absence.
Véritable ode à la vie, ce récit explore l'amour inconditionnel, la vie qui file trop vite, et ces souvenirs persistants, comme une odeur aimée qui reste gravée, même après la pluie.
Voilà un livre qui pourrait être vraiment drôle s’il n’était aussi désespérément réaliste. (Bon, j’avoue, je me suis bien marré quand-même !)La confession de Romane LaforeLa confession, c’est une jeune croyante intégriste catholique, mariée à un militaire, pro-vie convaincue et militante, qui se désespère, mois après mois, règles après règles, de voir son ventre rester vide.
Plongée au cœur d’un activisme crasse et d’une mauvaise foi absolue. Un livre brillant qui, par la candeur d’une confessée, décrit les affres de la prise de conscience d’une jeune femme en plein désespoir face aux injonctions de son éducation, de sa famille, de ses amies, son milieu social et de son église. À la découverte de ses propres désirs, de sa liberté
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Vous avez l'air étonné que je sois revenue. Moi aussi. Après tout, je n'ai pas besoin de vous pour recevoir ma pénitence. Jusqu'au bout, j'ai hésité à faire demi-tour. Il y avait un homme effrayant en bas des marches. Il n'était pas là, la première fois, ou bien étais-je trop bouleversée pour le remarquer. Entortillé dans son sac de couchage, affalé sur un carton, il avait l'air de dormir ─ et puis il s'est redressé d'un coup en m'entendant approcher.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Quel crime a commis Agnès pour ressentir aujourd'hui l'impérieux besoin de se confier ?
Cette jeune catholique pratiquante était pourtant parvenue à rendre sa vie conforme à son rêve de petite fille et au scénario souhaité par son milieu : à vingt ans, elle avait rencontré son futur mari au très prisé bal du Triomphe des saint-cyriens, elle avait abandonné sans regret ses études pour le suivre en régiment à Bayonne, où elle avait attendu tranquillement que s'accomplisse sa destinée de mère de famille nombreuse. Engagements, foi, sociabilité : elle avait tout bien fait. Mais les années ont passé, et son ventre est resté vide. Cette maternité qui se refuse, en instillant chez Agnès le sentiment de son imperfection et de son inutilité, a provoqué en elle une fissure. Au point de la pousser à commettre ce qui ressemble au pire, à ses yeux comme à ceux de sa communauté.
Dans ce roman haletant et glaçant, Romane Lafore met en scène une jeune femme, hantée par le bien et le mal, qui tente de trouver son chemin entre culpabilité et liberté.