Cécile est morte

Encore un Maigret qui commence par une boulette du commissaire. Il y a vraiment des paterns qui se retrouvent dans les différentes enquêtes : la victime qui aurait pu être évitée, la personne qui revient toujours au Quai pour voir le commissaire en personne… Les deux se retrouvent ici.

Au cours de chaque enquête retentissante, ou presque, il y avait au moins un journaliste pour publier un papier devenu en quelque sorte traditionnel : Les méthodes du commissaire Maigret.
Qu'il y vienne donc, le journaliste !... Maigret sortait du cinéma... Il mangeait... Il buvait de la bière... Il avait l'air, près de la vitre embuée de La Coupole, d'un gros bourgeois de province sidéré par l'activité de Paris...
À vrai dire, il ne pensait à rien... Il était boulevard Montparnasse et il n'y était pas, car il emmenait partout la maison en tranche napolitaine avec lui... Il entrait... Il sortait... Il guettait Mme Sauf-Votre-Respect dans son antre... Il montait et descendait l'escalier...
Cécile est morte de Georges Simenon

Une enquête où le commissaire se retrouvera accompagné d’un homologue de Philadelphie, M. Spencer Oats, venu en France pour tenter de comprendre les fameuses (fumeuses) méthodes du commissaire Maigret qui s’en sortira un peu miraculeusement in-extremis.

Maigret 42/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La pipe que Maigret alluma sur son seuil, boulevard Richard-Lenoir, était déjà plus savoureuse que les autres matins. Le premier brouillard était une surprise aussi plaisante que la première neige pour les enfants, surtout que ce n'était pas ce méchant brouillard jaunâtre de certains jours d'hiver, mais une vapeur laiteuse dans laquelle erraient des halos de lumière. Il faisait frais. Le bout des doigts, le bout du nez picotaient et les semelles claquaient sec sur le pavé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Maigret s'en veut. Il aurait dû savoir. Elle lui avait pourtant demandé de l'aide.
Cécile venait chaque matin, les derniers temps, l'attendre dans l'antichambre de son bureau de la P. J., à tel point que ses collègues jasaient et se moquaient de lui. Elle attendait, espérait, racontait à nouveau que quelqu'un, chez sa tante, entrait sans laisser de traces. Visitait... Maigret était occupé. Un gang de Polonais. Les affaires courantes...
Il aurait dû savoir

Maigret au Picratt’s

Un opus qui aurait pu aussi s’intituler Chasse à l’homme à Montmartre ou Maigret au striptease. Hélas, il aurait pu tout aussi bien titrer Sale époque pour les homos ou Ici, on aime pas les toxicos. Oui, pas terrible ! Alors que d’habitude Maigret ne juge pas avec une écoute généralement bienveillante, ici, c’est pas vraiment ça. Et c’est désagréable !

 - Je peux entrer, patron?
C'était Lapointe, qui tenait une feuille de papier à la main et paraissait très excité.
 - Tu as téléphoné pour de la bière ?
 - Le garçon de la Brasserie Dauphine vient de monter le plateau.
On ne l'avait pas encore porté dans le cagibi de Torrence et Maigret prit le demi tout frais, tout mousseux, le vida d'une longue lampée.
 - Il n'y a qu'à téléphoner qu'il en apporte d'autre !
Maigret au Picratt’s de Georges Simenon

Un tome malheureux qui ne passera pas aux filtres du wokisme. Témoignage d’une époque

Maigret 64/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pour l'agent Jussiaume, que son service de nuit conduisait quotidiennement, à quelques minutes près, aux mêmes endroits, des allées et venues comme celle-là s'intégraient tellement à la routine qu'il les enregistrait machinalement, un peu comme les voisins d'une gare enregistrent les départs et les arrivées des trains.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Personne, à la PJ, n'a pris au sérieux l'avertissement d'Arlette, une strip-teaseuse de Pigalle, ivre de surcroît : un nommé Oscar se dispose à assassiner une comtesse - dont le nom demeure inconnu. Pas pour longtemps... On la retrouve morte étranglée... et Arlette a subi le même sort. Installé au Picratt's, l'établissement montmartrois où travaillait la jeune femme, Maigret n'a plus qu'à observer et à questionner, dans ce milieu interlope où se côtoient filles faciles et mauvais garçons. Dans l'espoir de reconstituer la personnalité et les liens qui unissent trois personnages dont deux sont morts, et le troisième - le mystérieux Oscar - introuvable... Et nous découvrirons, de la Côte d'Azur à paris, l'inéluctable déchéance d'une femme fortunée, qui a peu à peu basculé dans un univers sordide

Maigret se trompe

Lorsqu’on lui pose la question de savoir s’il pense que… ? Maigret à l’habitude de répondre qu’il ne pense pas ! Dès lors, comment pourrait-il se tromper ?

Elle n'était pas jolie dans le sens habituel du mot, pas belle non plus, en dépit de ses traits réguliers. Mais elle était plaisante à regarder. Il y avait en elle comme une influence calmante. Malade, Maigret aurait aimé être soigné par elle. Et c'était aussi la femme avec qui on pouvait aller déjeuner ou dîner quelque part sans se soucier de lui tenir la conversation. Une amie, en somme, qui comprenait tout, ne s'étonnait, ne se choquait, ne s'indignait de rien.
Maigret se trompe de Georges Simenon

Et ici, comme à son habitude, Maigret questionne, tourne autour de son sujet, tâtonne, s’imprègne et évite une confrontation trop rapide et brutale.

Terne, la bibliothèque l'était encore davantage, mal éclairée, silencieuse comme une église vide, et à cette heure-là, il n'y avait que trois ou quatre personnes, des habitués probablement, à consulter des ouvrages poussiéreux.
Antoinette Ollivier, la sœur de Mme Gouin, le regardait s'avancer, et elle paraissait plus que ses cinquante ans, elle avait l'assurance un peu méprisante de certaines femmes qui semblent avoir découvert toutes les vérités.

Un opus avec de délicieuses descriptions de femmes, épouses, assistantes, bibliothécaires, bonnes, concierges qui gravitent toutes autour du mâle. Médecin brillant et homme à femmes.

 - Vous ne vous sentez pas parfois seul, dans le monde tel que vous le voyez?
 - L'être humain est seul, quoi qu'il en pense. Il suffit de l'admettre une bonne fois et de s'en accommoder.

Alors… Maigret s’est-il trompé ?

Maigret 71/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était huit heures vingt-cinq du matin et Maigret se levait de table tout en finissant sa dernière tasse de café. On n'était qu'en novembre et pourtant la lampe était allumée. A la fenêtre, Mme Maigret s'efforçait de distinguer, à travers le brouillard, les passants qui, les mains dans les poches, le dos courbé, se hâtaient vers leur travail.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qui a tué Louise Filon, alias Lulu, ancienne prostituée du quartier de La Chapelle, alors qu'elle était enceinte ? Et qui payait son appartement cossu, dans le quartier des Ternes ? En cherchant la réponse à ces questions, Maigret va découvrir deux hommes dans la vie de la victime : Pierrot, le musicien de musette, et le professeur Etienne Gouin, une sommité du monde médical. Il va aussi plonger dans deux Paris on ne peut plus dissemblables : celui des pauvres et des mauvais garçons, celui - feutré, silencieux, orgueilleux aussi - d'une bourgeoisie opulente...Reste à découvrir le coupable. Et son mobile. Et pour cela, à affronter la personnalité imposante du médecin, que Maigret semble redouter...

Un échec de Maigret

C’est clair, des fois, Maigret se plante. Mais en même temps, pour ne pas trop égratigner la légende, Simenon lui trouve bien des excuses, rend la victime détestable, les coupables presque légitimes ou alors même… innocents voir inexistants ?

Maigret était découragé d'avance. Il se sentait mal parti. Fumal était venu réclamer sa protection. Le commissaire ne l'avait pas cru et Fumal avait été tué d'une balle dans le dos. Tout à l'heure, sans doute, le ministre de l'Intérieur téléphonerait au directeur de la P.J.
Un échec de Maigret de Georges Simenon

Alors… échec ou demi-échec ?

Il semblait que c'était là le vice de Fumal: ruiner les autres, non seulement ceux qui se trouvaient sur son chemin ou qui lui portaient ombrage, mais ruiner n'importe qui, pour affirmer sa puissance, pour s'en persuader lui-même.

L’histoire du meurtre d’un odieux personnage qui serait certainement étiqueté aujourd’hui « pervers narcissique » et paranoïaque. Un ancien camarade d’école de Maigret, ami de ministre et sujet de lettres anonymes lui prédisant sa mort toute prochaine.

Un livre avec une toute-fin un peu trop morale pour être honnête

Maigret 77/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La vieille dame de Kilburn Lane et le boucher du parc Monceau.
C'est à peine si Joseph, le garçon de bureau, fit, en grattant la porte, le bruit léger d'une souris qui trottine. Il entrouvrit l'huis sans un craquement, surgit si silencieusement dans le bureau de Maigret qu'avec son crâne chauve auréolé de cheveux blancs presque immatériels, il aurait pu jouer les fantômes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le commissaire reçoit la visite de Fumal, homme d'affaires de grande envergure qui se plaint d'être l'objet de lettres anonymes menaçantes et demande à être protégé en raison de son importance financière et politique.
Maigret, qui l'a connu dans son enfance, le trouve toujours aussi antipathique et s'occupe de lui à contrecœur.
Bien que sa maison ait été surveillée, Fumal est découvert assassiné le lendemain matin.

Maigret et le client du samedi

Un homme – un faiblard que Maigret aimerait bien secouer – vient lui annoncer après pas mal d’hésitations qu’il va bien finir par tuer sa femme et son amant qui couchent dans son lit alors que lui est relégué au salon sur un lit pliable.

Ce fut un dimanche matin comme les autres, paresseux et vide, un
peu terne. Maigret avait l'habitude, ce jour-là, quand, par chance, il le passait chez lui, de faire la grasse matinée et, même s'il n'avait pas sommeil, il restait au lit, sachant bien que sa femme n'aimait pas « l'avoir dans les jambes » tant qu'elle n'avait pas fini le gros du ménage. 
Presque toujours, il l'entendait se lever avec précaution, vers sept heures, se glisser hors du lit, gagner la porte sur la pointe des pieds; puis il entendait le déclic du commutateur dans la pièce voisine et un trait lumineux se dessinait au ras du plancher. 
Il se rendormait, sans s'être éveillé tout à fait. Il savait que les choses se passaient ainsi et cette certitude pénétrait son sommeil.
Maigret et le client du samedi de Georges Simenon

Mais voilà que trois jours après, il disparaît.

Il mangea son rôti de veau sans appétit et sa femme se demanda pourquoi il lui disait tout à coup: 
 - Demain, tu nous feras des andouillettes...

Une enquête pas vraiment intéressante et qui tient avec des bouts de ficelles mais raconte une bien navrante histoire. Et si Maigret n’a pas beaucoup d’empathie pour les soumis, il semble franchement détester les forts-à-bras

Maigret 90/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Certaines images, sans raison, sans que nous y soyons pour rien, se raccrochent à nous, restent obstinément dans notre souvenir alors que nous sommes à peine conscient de les avoir enregistrées et qu'elles ne correspondent à rien d'important. Ainsi, sans doute, Maigret, des années plus tard, pourrait- il reconstituer minute par minute, geste par geste, cette fin d'après-midi sans histoire du Quai des Orfèvres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Léonard Planchon est un homme médiocre et faible, qui a repris, à la mort de son patron, une petite entreprise de peinture assez prospère. Plusieurs samedis consécutifs, on l'a vu à la P.J. faisant antichambre pour parler au commissaire Maigret, mais repartant toujours avant d'être reçu. Ce « client du samedi », comme on l'appelle au quai des Orfèvres, se présente – un samedi également – à l'appartement du commissaire ; il veut s'ouvrir à lui d'une idée qui l'obsède : tuer sa femme et son amant, Roger Prou, un bel homme, qui travaille chez Planchon où, peu à peu, il prend la place du patron

La colère de Maigret

Voilà donc un excellent Maigret ! Une intrigue pas trop compliquée, quelques chausses-trappes, un commissaire qui doute, un Maigret humain, véritable !

 - Cela fait un bout de temps... s'exclamait-il en regardant autour de lui, sa casquette à la main. Vous vous souvenez du Tripoli et de la Tétoune?
A deux ou trois ans près, les deux hommes devaient avoir le même âge.
- C'était le bon temps, dites donc!...
Il faisait allusion à une brasserie qui existait jadis rue Duperré, à portée de pierre du Lotus, et qui avait eu, avant la guerre, tout comme sa patronne, son heure de célébrité.
La Tétoune était une opulente Marseillaise qui passait pour faire la meilleure cuisine méridionale de Paris et qui avait l'habitude d'accueillir ses clients par de gros baisers et de les tutoyer.
C'était une tradition, en arrivant, d'aller la voir dans sa cuisine, et on rencontrait chez elle une clientèle inattendue.
La colère de Maigret de Georges Simenon

Et aussi un petit polar de rien du tout qui raconte Paris, un vieux Paris avec ses cabarets, sa faune interlope, ses petits brigands, et le milieu presque gentillet de Paris la nuit.

Avec une bonne grosse colère qui lui donne son titre… et sa saveur

Maigret 89/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était midi et quart quand Maigret franchit la voûte toujours fraîche, le portail flanqué de deux agents en uniforme qui se tenaient tout contre le mur pour jouir d'un peu d'ombre. Il les salua de la main, resta un moment immobile, indécis, à regarder vers la cour, puis vers la place Dauphine, puis vers la cour à nouveau.
Dans le couloir, là-haut, ensuite dans l'escalier poussiéreux, il s'était arrêté deux ou trois fois, faisant mine de rallumer sa pipe, avec l'espoir de voir surgir un de ses collègues ou de ses inspecteurs. Il était rare que l'escalier soit désert à cette heure mais cette année, le 12 juin, la P.J. avait déjà son atmosphère de vacances.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La colère de Emile Boulay, patron de plusieurs cabarets montmartrois, est découvert étranglé près du Père-Lachaise. Avec qui avait-il rendez-vous ? Pourquoi, quelque temps plus tôt, cet homme habituellement si économe a-t-il retiré 500 000 francs de son compte bancaire ? Peu à peu, Maigret reconstitue les faits et découvre que Boulay est soupçonné de n'être pas étranger à la mort d'un racketteur du nom de Mazotti. Et, lorsqu'il s'apercevra que son nom a été cité, dans une sordide escroquerie, comme celui d'un policier corruptible, sa colère éclatera...

Maigret hésite

Ce Maigret commence bien printanièrement, avec un commissaire qui goûte à un mois de mars ensoleillé.

 - Salut Janvier
 - Bonjour, patron. 
 - Bonjour, Lucas.
 - Bonjour, Lapointe...
En arrivant à celui-ci, Maigret ne pouvait s'empêcher de sourire. Pas seulement parce que le jeune Lapointe arborait un complet neuf, très ajusté, d'un gris pâle moucheté de minces fils rouges. Tout le monde souriait, ce matin-là, dans les rues, dans l'autobus, dans les boutiques.
On avait eu, la veille, un dimanche gris et venteux, avec des rafales de pluie froide qui rappelaient l'hiver, et soudain, bien qu'on ne fût que le 4 mars, on venait de se réveiller au printemps.
Certes, le soleil restait un peu acide, le bleu du ciel fragile, mais il y avait de la gaieté dans l'air, dans les yeux des passants, une sorte de complicité dans la joie de vivre et de retrouver la savoureuse odeur du Paris matinal.
Maigret hésite de Georges Simenon

Et le commissaire divisionnaire a bien l’intention d’en profiter.

Maigret tricha, ce jour-là. Il téléphona à sa femme qu'il était retenu par son travail. Il avait envie de fêter ce soleil printanier en déjeunant à la brasserie Dauphine où il s'offrit même un pastis au comptoir.
Si des emmerdements l'attendaient, comme disait Lapointe, tout au moins commençaient-ils d'une façon agréable.

Mais voilà qu’une lettre anonyme le prévient qu’un meurtre aura lieu pour une sorte de chronique d’une mort annoncée. Mais où, qui et quand ?

« Il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. »
 - Qu'en pensez-vous? questionnait le gnome en se penchant vers lui.
 - Je préfère ne pas être magistrat. Ainsi, je n'ai pas à juger...
 - Voilà ce que j'aime vous entendre dire...

Un opus qui plonge dans une famille bien aisée, pour un questionnement autour d’un fameux article 64 du code pénal français abrogé en mars 1994

Maigret 96/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Salut Janvier
- Bonjour, patron.
- Bonjour, Lucas. Bonjour, Lapointe...
En arrivant à celui-ci, Maigret ne pouvait s'empêcher de sourire. Pas seulement parce que le jeune Lapointe arborait un complet neuf, très ajusté, d'un gris pâle moucheté de minces fils rouges. Tout le monde souriait, ce matin-là, dans les rues, dans l'autobus, dans les boutiques.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Averti par lettre anonyme qu'un meurtre se prépare au domicile de l'avocat Emile Parendon, Maigret obtient de ce dernier l'autorisation de séjourner chez lui. Avec son inépuisable et patiente curiosité envers les êtres, le taciturne commissaire comprend vite tout ce qui sépare l'avocat, physiquement disgracié mais prodigieusement brillant, passionné par le thème de la responsabilité du criminel, et sa femme, grande-bourgeoise éprise de mondanités, qui ne l'empêche plus de chercher un réconfort affectif et moral auprès d'Antoinette, sa secrétaire.
Mais qui va tuer qui ? La présence de Maigret suffira-t-elle à conjurer le drame ?
Fascination pour les passions secrètes qui mûrissent derrière la façade des convenances et du quotidien ; imminence d'une mort annoncée, de plus en plus obsédante et palpable...

Maigret et l’affaire Nahour

Suite à ma précédente lecture, je remarquais l’image de Paris et de la France qu’offraient les Maigret. Sortes de photographies nous racontant la vie d’alors, les concierges, les relations de couples (et extra-conjugales) et la vie des hommes avec la consommation d’alcool ou du tabac (pas vraiment compatible avec la loi Évin)

Vingt minutes plus tard, Maigret, attablé en face de sa femme, dégustait une savoureuse choucroute à l'alsacienne comme on n'en trouve que dans deux restaurants de Paris. Le petit-salé était particulièrement « goûteux » et le commissaire avait ouvert des bouteilles de bière de Strasbourg.
La neige tombait toujours de l'autre côté de la fenêtre et il faisait bon être au chaud, sans avoir à s'aventurer sur les trottoirs glissants comme le port d'Amsterdam.
 - Fatigué ?
 - Pas trop.
Il ajouta après un silence, avec un regard un peu narquois à sa femme:
 - Au fond, un policier ne devrait pas être marié.
 - Pour ne pas devoir rentrer chez lui et manger de la choucroute ? répliqua-t-elle du tac au tac.
Maigret et l’affaire Nahour de Georges Simenon

Mais aujourd’hui, il est tout aussi intéressant de voir quel est la place des femmes chez Simenon. Certes, l’homme aux 10’000 femmes a déjà du tirer l’oeil là dessus. Reste qu’il est fort amusant de s’attarder sur Madame Maigret, son rôle d’épouse, de ménagère, de cuisinière (et quelle cuisinière, misère !), de confidente, de supportrice inconditionnelle ou chauffeuse (oui, elle a son permis de conduire, Monsieur non !).

Une fois dans son bureau, il ouvrit la porte de celui des inspecteurs. 
 - Lucas!... Janvier!... Lapointe!...
On aurait dit qu'ils l'attendaient tous les trois.
 - Mettez votre pardessus et venez avec moi...
Ils le suivirent sans lui demander où ils les conduisait. Quelques minutes plus tard, ils montaient les marches usées de la Brasserie Dauphine.
 - Alors, monsieur Maigret, cette affaire Nahour? lui lançait le patron.
Il regretta sa question, car le commissaire le regarda en haussant les épaules.
Il se hâta d'ajouter :
 - Vous savez, aujourd'hui, il y a de l'andouillette...

Et la cuisine française !

Un meurtre dans le monde du jeu, celui de l’illusion et du mensonge

Maigret 91/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il se débattait, acculé à se défendre puisqu'on l'empoignait traîtreusement par l'épaule. Il tenta même de frapper du poing, avec l'humiliante sensation que son bras ne lui obéissait pas et restait mou, comme ankylosé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En pleine nuit, le docteur Pardon alerte son ami Maigret : un inconnu vient de lui amener une jeune femme, Lina, légèrement blessée par balle. Puis le couple a disparu ; donnant de la blessure une explication très sommaire... Le lendemain, un Libanais du nom de Félix Nahour, joueur professionnel, est découvert assassiné, dans son hôtel particulier. Il n'était autre que le mari de la jeune. femme, dont la police retrouve la trace à Amsterdam, où elle s'est enfuie avec son amant, Vicente, un étudiant colombien. Nahour a-t-il tiré sur sa femme, comme celle-ci le prétend, parce qu'elle voulait demander le divorce ? Faut-il croire le secrétaire de Nahour, aux yeux de qui le meurtrier est évidemment l'amant de Lina ? Maigret ne parvient pas à : se contenter de ces explications trop claires. Il lui faudra toute son intuition pour comprendre la mentalité des étrangers dont il s'occupe, et tout son. ascendant pour leur faire avouer peu à peu la vérité

Le voleur de Maigret

Les Maigret sont de véritables capsules temporelles. Ils nous racontent Paris et la France des années 30 à 60 (à peu de choses près, mais sans la guerre). Une époque où les hommes portaient un chapeau, fumaient la pipe et des cigarettes partout où c’était possible (et c’était possible partout !). Ces années qui verraient arriver les yéyés et sonnerait la fin des maisons closes.

Il avait eu la chance de voir arriver un autobus à plate-forme, ce qui était déjà un sujet de satisfaction. Ces voitures devenaient de plus en plus rares, car on les retirait peu à peu de la circulation, et bientôt il serait obligé de vider sa pipe avant de s'enfermer dans un de ces énormes véhicules d'aujourd'hui où on se sent prisonnier.
Le voleur de Maigret de Georges Simenon

Les concierges étaient omniprésentes (oui, souvent des femmes) et seraient bientôt remplacées par des digicodes et des cameras de surveillance. Une époque où le petit vin blanc démarrait la journée et où les hommes pichtronnaient du matin jusqu’au soir (le commissaire le premier !).

 - Je suis à votre disposition...
Maigret lui désigna le bistrot du bougnat.
 - Vous ne voulez rien boire?
 - Non, merci.
Dommage, car Maigret aurait volontiers commencé cette journée printanière par un petit vin blanc.

Ici, c’est une histoire un peu alambiquée (pas forcément le meilleur opus) dans laquelle le commissaire commence par se faire voler son portefeuille avec sa médaille !

Le jeune homme désignait à Maigret la porte, fermée celle-ci, qui se trouvait devant eux et le commissaire fit ce qu'on lui demandait.
Son compagnon ne s'enfuit pas. L'odeur, pourtant, était écœurante, malgré la fenêtre ouverte.
Près d'un divan transformé en lit pour la nuit, une femme était étendue sur le tapis marocain à dessins multicolores et des mouches bleues tournoyaient en bourdonnant autour d'elle.

S’en suit une plongée dans le monde des petites mains du cinéma, auteurs en devenir, petit producteurs et starlettes prêtes à tout pour un petit rôle. Tiens, rien n’aurait changé ou oserait-on croire que #metoo viendra casser tout ça ?

La plupart sont prêtes à tout pour obtenir un bout de rôle.
 - C'est exact.
 - Je crois savoir qu'il vous arrive d'en profiter ?
 - Je ne m'en cache pas...
 - Même de Nora?
 - Je vais vous expliquer... Que je profite de temps à autre, comme vous dites, d'une jolie fille, Nora ne s'en inquiète pas trop, à condition que ce soit sans lendemain... Cela fait partie du métier... Tous les hommes en font autant, sauf qu'ils n'ont pas tous les mêmes occasions... Vous-même, commissaire...
Maigret le regarda lourdement, sans sourire.

Maigret 94/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Pardon, Monsieur...
- De rien...
C'était la troisième fois au moins, depuis le coin du boulevard Richard-Lenoir, qu'elle perdait l'équilibre, le heurtait de son épaule maigre et lui écrasait son filet à provisions sur la cuisse.
Elle demandait pardon du bout des lèvres, ni confuse, ni navrée, après quoi, elle se remettait à regarder droit devant elle d'un air à la fois tranquille et décidé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un matin, sur la plate-forme d'un autobus, on vole le portefeuille de Maigret. Le matin suivant, son portefeuille lui est restitué par la poste et il reçoit un appel téléphonique du voleur lui demandant un rendez-vous. Maigret s'y rend et apprend de son voleur, François Ricain, que sa femme, Sophie, a été assassinée

Maigret

Les Maigret, il y en a des bons et des autres. C’est plutôt un autre. Une nouvelle, en fait.

Maigret haussa les épaules, enfonça ses mains dans ses poches et s'éloigna sans répondre. Il venait de passer une des plus sales journées de sa vie. Des heures durant, dans son coin, il s'était senti vieux et mou, sans ressort, sans idée.
Le décalage s'était produit. Une petite flamme avait jailli. Mais il fallait en profiter tout de suite.
 - On verra bien, nom de Dieu! grogna-t-il pour achever de se donner confiance.
Les autres jours, à cette heure-là, il lisait son journal, sous la lampe, les jambes allongées vers les bûches.
Maigret de Georges Simenon

Pourtant, il y a plusieurs éléments amusants, à commencer par le titre de ce Maigret intitulé Maigret. Oui, simplement !

Il s'essuya la bouche du revers de la main, tapota la table avec une pièce de monnaie pour appeler le garçon.
 - Laissez ça ! C'est ma tournée.
 - Si tu veux. On boira la mienne quand ce sera fini. Au revoir, Lucas.
 - Au revoir, patron.
La main de Lucas s'attarda une seconde dans la main rugueuse de Maigret
 - Prenez garde quand même, dites!
Et Maigret, debout, de prononcer à voix haute : 
 - J'ai horreur des couillons!
Il s'éloigna tout seul, à pied. Il avait le temps, puisqu'il ne savait même pas où il allait.

Mais aussi parce que cette nouvelle écrite en 1934 (au tout début, donc) se passe après la retraite du commissaire.

Et le voilà forcé de quitter ses campagnes pour aider son neveu (policier, lui aussi) coincé dans une sombre affaire de meurtre.

Maigret 19/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avant d'ouvrir les yeux, Maigret fronça les sourcils, comme s'il se fût méfié de cette voix qui venait lui crier tout au fond de son sommeil :
- Mon oncle !...
Les paupières toujours closes, il soupira, tâtonna le drap de lit et comprit qu'il ne rêvait pas, qu'il se passait quelque chose puisque sa main n'avait pas rencontré, là où il eût dû être, le corps chaud de Mme Maigret.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Avant d'ouvrir les yeux, Maigret fronça les sourcils, comme s'il se fût méfié de cette voix qui venait lui crier tout au fond de son sommeil :
- Mon oncle ! ...
Les paupières toujours closes, il soupira, tâtonna le drap de lit et comprit qu'il ne rêvait pas, qu'il se passait quelque chose puisque sa main n'avait pas rencontré, là où il eût dû être, le corps chaud de Mme Maigret. Il ouvrit enfin les yeux. La nuit était claire. Mme Maigret, debout près de la fenêtre à petits carreaux, écartait le rideau cependant qu'en bas quelqu'un secouait la porte et que le bruit se répercutait dans toute la maison.
- Mon oncle ! C'est moi...