Le crime du golf

Pour son troisième roman, Agatha Christie rappelle Hercule Poirot et l’envoie en France, appelé par un homme qui se sent menacé… Il arrivera prestement avec son ami Hastings… juste un peu trop tard.

 — Ta ta ta ! » Poirot poussa son exclamation d'impatience préférée. « Vous ne comprenez pas encore! On peut avoir un crime sans assassin, mais, pour avoir deux crimes, il est indispensable d'avoir deux cadavres. »
Sa remarque me parut si peu claire que je le dévisageai avec une certaine inquiétude. Pourtant, il paraissait parfaitement normal. Tout à coup, il se leva et alla vers la fenêtre.
 « Le voici ! s'écria-t-il.
 — Qui ça ?
 — M. Jack Renauld. Je lui ai fait porter un mot à la villa lui demandant de venir nous retrouver ici. »
Le crime du golf de Agatha Christie

Et commence une enquête bien tarabiscotée, pleine de retournements de situations dans une enquête menée par un policier français bien prétentieux

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dois-je rappeler cette anecdote bien connue d'un jeune écrivain qui, pour forcer, dés le premier mot de son roman, l'attention de l’éditeur le plus blasé, écrivait la phrase suivante :
« Enfer! dit la duchesse... »


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une fois n'est pas coutume, cette enquête d'Hercule Poirot nous mène en France d'où M. Renauld - un monsieur qui semble avoir des moyens - a lancé un SOS impérieux au détective. Une limousine attendra Poirot et son ami Hastings à Calais...
Mais à Calais, point de limousine : c'est que M. Renauld a été assassiné dans la nuit. On l'a trouvé lardé de coups de couteau dans le dos, au fond d'une tombe ouverte, creusée dans un terrain de golf...
L'enquête ne sera pas facile : M. Renauld était bien discret sur son passé en Amérique du Sud ; et bien mystérieuses sont les deux femmes qui, aux dires des domestiques, le rencontraient souvent le soir... Mais Poirot est là, furetant partout, à récolter le moindre indice...

Mr. Brown

Pour son deuxième roman, Agatha Christie avait déniché deux jeunes désœuvrés, Quat’sous et Tommy pour un roman d’espionnage et d’enquête au rythme endiablé.

 - Commencerons-nous : jeune homme sans emploi, au cœur sensible.
 - Par exemple !
 - Comme vous voudrez. Mais ça pourrait toucher une vieille fille qui vous adopterait illico, avant que vous n'ayez eu le temps de vous lancer
dans des aventures.
 - Je ne veux pas qu'on m'adopte.
 - J'ai oublié que vous étiez contre l'adoption. Allons, c'était pour vous taquiner. Certains journaux sont pleins d'annonces de ce genre ! Trouvons quelque chose de mieux. Par exemple : Deux jeunes aventuriers à louer. Prêts à n'importe quoi, n'importe où. Salaire élevé. (Il faut qu'on sache à quoi s'en tenir la-dessus dès le début.) Nous pourrions aussi ajouter: « On ne répond qu'aux offres sérieuses », ça se fait quelquefois.
 - Je suis complètement sûr que toutes les offres en réponse à une annonce pareille ne seront pas sérieuses !
 - Tommy ! Vous êtes un génie. C'est beaucoup plus chic: « On ne répond pas aux offres sérieuses. »
 - Qu'en dites-vous? Attendez, je vais relire :
Deux jeunes aventuriers à louer. Prêts à n'importe quoi, n'importe où. Salaire élevé. On ne répond pas aux offres sérieuses.
Mr. Brown de Agatha Christie

Tout va très vite et les retournements de situations sont incessants. Impossible de reprendre son souffle dans cette histoire d’espions très fraîche et sympathique.

Une histoire un peu légère, certes, mais très vivante à la recherche de Jane Finn dans l’ombre d’un mystérieux Monsieur Brown

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le Pacific coulait. Il avait eu de grandes avaries pendant la tempête, et maintenant, bien que la mer fût déjà calmée, le naufrage était imminent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
C'est toujours après le drame qu'on s'avise qu'un personnage falot a traversé la scène sans que personne lui prête attention.

Et justement, dans le bureau de Mr Whittington, il y avait un clerc qui se faisait appeler Mr Brown. Mais voilà ! Personne n'est capable de se rappeler quoi que ce soit de Mr Brown. Pas même son visage. La description qu'on donne invariablement de Mr Brown, c'est qu'il ressemble à tout le monde.

La mystérieuse affaire de Styles

Après la lecture de tous les Maigret l’hiver passé, je me suis dit que je remettrais bien ça avec un autre classique des polars. Et pourquoi pas Agatha Christie.

Mais voilà, rien à voir ni rien à comparer. Dans les Maigret, c’est l’humain qui est au centre, et Simenon – en véritable ethnologue – propose un portrait de la France et des français des années 30 à 60.

Il se leva et se dirigea négligemment vers la fenêtre.
 - J'ai admiré ces corbeilles. A propos, combien de jardiniers emploie-t-on ici ?
 - Seulement trois maintenant. Nous en avions cinq avant la guerre, lorsque la propriété était tenue comme celle d'un gentleman devrait l'être. Ah! si vous l'aviez vue alors, monsieur. C'était une merveille 1 Mais aujourd'hui il n'y a que le vieux Manning, le jeune William et une femme-jardinier en culottes! Ah ! dans quel temps affreux vivons-nous !
 - Le bon temps reviendra, Dorcas. Du moins, nous l'espérons. Maintenant, voulez-vous m'envoyer Annie.
La mystérieuse affaire de Styles de Agatha Christie

Chez Agatha Christie, c’est l’enquête qui est au centre. Et c’est qui a tué qui crée le suspense…. Un peu moins ma tasse de thé. Darjeeling ?

Une enquête empoisonnée pour Hercule Poirot

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il n'y a pas qu'Alfred Inglethorp qui tire profit du meurtre de sa femme : il y a aussi ses beaux-enfants et Cynthia, protégée de la défunte. Tous auraient pu se procurer la strychnine qui a tué Mrs Inglethorp.

Mais cela n'explique ni l'obstination qu'Hercule Poirot met à empêcher l'arrestation d'Inglethorp ni la passivité d'Inglethorp devant les charges qui pèsent sur lui. Il est vrai aussi qu'on n'a trouvé aucun indice. Et pourtant, il y en a...

Grâce à un feu allumé au cœur de l'été, à une empreinte sur une plate-bande et à une tache de café, Poirot arrachera des aveux au meurtrier et trouvera la solution de cette affaire de Styles qui, pour être le premier roman d'Agatha Christie, n'en est pas le moins ingénieux.

La femme de trente ans

Séparé en 6 chapitres dont l’unité est quelque peu brinquebalante, cette femme de trente ans dépeint la condition de la femme au 19e. Et ce n’est pas folichon, tant à cette époque, une femme n’existe pas sans mariage.

 - Vous aimez donc bien mon pauvre Victor ? demanda la marquise à sa nièce en l'interrogeant par un de ces savants regards que les vieilles femmes jettent aux jeunes.
 - Hélas ! madame, répondit Julie, ne faut-il pas bien aimer un homme pour l'épouser ?
Cette dernière phrase fut accentuée par un ton de naïveté qui trahissait tout à la fois un cœur pur ou de profonds mystères. Or il était bien difficile à une femme amie de Duclos et du maréchal de Richelieu de ne pas chercher à deviner le secret de ce jeune ménage. La tante et la nièce étaient en ce moment sur le seuil de la porte cochère, occupées à regarder la calèche qui fuyait. Les yeux de la comtesse n'exprimaient pas l'amour comme la marquise le comprenait. La bonne dame était Provençale, et ses passions avaient été vives.
 - Vous vous êtes donc laissée prendre par mon vaurien de neveu ? demanda-t-elle à sa nièce.
La comtesse tressaillit involontairement, car l'accent et le regard de cette vieille coquette semblèrent lui annoncer une connaissance du caractère de Victor plus approfondie peut-être que ne l'était la sienne. Mme d'Aiglemont, inquiète, s'enveloppa donc dans cette dissimulation maladroite, premier refuge des cœurs naïfs et souffrants. Mme de Listomère se contenta des réponses de Julie ;
La femme de trente ans de Honoré de Balzac

Balzac féministe ? Il semblerait qu’il y ait débat. Mais ici, quelle empathie pour Julie. Mal mariée. Enfin… mal, pour qui ? Pour elle, en tous cas ! Pour son grand malheur.

Un mot sur les destinées de M. d’Aiglemont sous la Restauration.
Ne se rencontre-t-il pas beaucoup d’hommes dont la nullité profonde est un secret pour la plupart des gens qui les connaissent ? Un haut rang, une illustre naissance, d’importantes fonctions, un certain vernis de politesse, une grande réserve dans la conduite, ou les prestiges de la fortune sont, pour eux, comme des gardes qui empêchent les critiques de pénétrer jusqu’à leur intime existence. Ces gens ressemblent aux rois, dont la véritable taille, le caractère et les mœurs ne peuvent jamais être ni bien connus ni justement appréciés, parce qu’ils sont vus de trop loin ou trop près.
[…]
Songez maintenant au rôle que doit jouer une femme d’esprit et de sentiment en présence d’un mari de ce genre ; n’apercevez-vous pas des existences pleines de douleurs et de dévouement dont rien ici-bas ne saurait récompenser certains cœurs pleins d’amour et de délicatesse ? Qu’il se rencontre une femme forte dans cette horrible situation, elle en sort par un crime, comme fit Catherine II, néanmoins nommée la Grande.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Premières fautes
Au commencement du mois d'avril 1813, Il y eut un dimanche dont la matinée promettait un de ces beaux jours où les Parisiens voient pour la première fois de l'année leurs pavés sans boue et leur ciel sans nuages.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un des mythes fondateurs de l'histoire de la condition féminine. Avec La Femme de trente ans, le thème immémorial de l'émancipation des femmes sort de la fable ou de l'illusion comique pour s'insérer dans le contexte de la société libérale issue de la révolution de 1830. La liberté politique, c'est aussi, pour la femme jusque-là enfermée dans ses devoirs d'épouse et de génitrice, le droit à l'indépendance morale et au désir. «À trente ans,» l'héroïne de Balzac découvre que non seulement elle peut encore être aimée mais qu'il ne lui est plus interdit de devenir un être humain à part entière. Au prix de quelles luttes ! Comme l'écrit Pierre Barbéris, «Balzac a découvert la femme de trente ans comme Marx a découvert le prolétariat».
Trente ans, c'est l'âge de la vérité, l'âge où se concentrent toutes les forces vitales avant le déclin, où le besoin de vivre devient impérieux. À trente ans, Julie d'Aiglemont, dont ce roman nous retrace la vie, cède à l'adultère, pour échapper à un mariage décevant... De la jalousie au meurtre, du meurtre à la fuite, cet acte coupable mènera, implacablement, à la ruine de la famille tout entière. La Femme de trente ans, œuvre noire et mystérieuse, est l'un des grands romans de Balzac sur la femme et sa condition.

Encabanée

Si Gabrielle a bien vécu 10 jours dans une cabane en plein hiver et coupée de tout, difficile de connaître la part authentique dans cette autofiction.

La lune illumine le désert blanc. Immense. Immortel. La cabane se tient là dans son ombre, comme un perce-neige. Assoupie dans la chaise berceuse, je rêve à Cerbère et me réveille en sursaut au son des glaçons qui tombent du toit et se fracassent en mille éclats. Je gagne mon lit de fortune au bord du poêle, et la souris dans le mur ne fait plus un bruit. Je suis dans de beaux draps, mais au moins, ce n'est pas un nid de laine minérale. L'ennemi a quitté son siège, mais des fantômes me tenaillent.
Encabanée de Gabrielle Filteau-Chiba

Reste que la plume est très belle, légère et amusée !

Je gagne la cabane tête baissée, comme un chien, la queue entre les jambes. Le miroir me renvoie un visage qui m'est étranger.
 - Miroir, ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ?
 - T'avais une chance avant de te hacher le visage en deux.
 - Ça y est. Je parle toute seule.
Mon visage est un barbeau de couleurs blessées. Une prune fendue. Je retourne dehors. Boules de neige se tachent de sang une à une, me suivent comme les pierres de lune du Petit Poucet dans la forêt. Je ne pense ni au sang, ni aux coyotes, ni à ma défiguration. Je ne pense qu'à ma survie. Aussi que ma première erreur a été d'hésiter en hachant la glace.

Une jeune femme décide de quitter la société dans laquelle elle ne se reconnait plus. Et c’est cool, vraiment cool. Icy, même.

Le froid et la solitude comme obsession avec un fond éco-féministe plutôt bien vu

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai filé en douce. Saint-Bruno-de-Kamouraska, ce n'est pas la porte à côté, mais loin de moi le blues de la métropole et des automates aux comptes en souffrance.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lassée de participer au cirque social qu'elle observe quotidiennement à Montréal, Anouk quitte son appartement pour une cabane rustique au Kamouraska, là où naissent les bélugas. Encabanée dans le plus rude des hivers, elle apprend à se détacher de son ancienne vie et renoue avec ses racines. Couper du bois, s'approvisionner en eau, dégager les chemins, les gestes du quotidien deviennent ceux de la survie. Débarrassée du superflu, accompagnée par quelques-uns de ses poètes essentiels et de sa Marie-Jeanne, elle se recentre, sur ses désirs, ses envies et apprivoise cahin-caha la terre des coyotes et les sublimes nuits glacées du Bas-Saint-Laurent.

Agatha Christie, le chapitre disparu

En 1926, la mère de Agatha Christie meurt et son mari infidèle lui annonce son intention de divorcer. Elle disparaît alors durant une dizaine de jours. Disparition qu’elle n’expliquera jamais.

 « Bon sang, pourquoi ai-je fermé les yeux en lançant la voiture dans la pente », articulai-je. 
 « Puisque c'est comme ça, tant pis, c'est que je dois vivre ! » Je me souviens avoir prononcé cette phrase et je me rappelle également sur quel ton je l'ai émise.
Je me sentis soudain soulagée d'un immense poids, je ne mourrai pas aujourd'hui, ni demain, plus question de mettre fin à mes jours. À la seconde que je crus être la dernière de ma vie, je dois l'avouer, j'avais supplié à la voiture de stopper son allure, à ma mère de me sauver, « non, je ne veux pas mourir, Maman, Maman ». La peur avait été si grande.
Agatha Christie, le chapitre disparu de Brigitte Kernel

Brigitte Kernel s’empare de cette rocambolesque histoire et comble les vides de cette affaire dont toute l’Angleterre parla.

Leeds Mercury - Wednesday 15 December 1926
Leeds Mercury – Wednesday 15 December 1926

C’est drôle, pétillant et léger (un peu beaucoup, même), comme une enquête menée par la protagoniste de son propre rapt

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
The End.
Voilà, le livre est fini.
J'y ai posé le point final vers quinze heures.
Le titre : Une autobiographie. Il n'y a pas plus simple.
Juste au-dessus, en lettres capitales, mon nom, Agatha Christie.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hiver 1926. Agatha Christie disparaît. L'Angleterre retient son souffle. Pourquoi et comment la reine du crime s'est-elle volatilisée dans la nature ? Qu'a-t-elle fait pendant onze jours ? Cette histoire vraie demeure comme une zone d'ombre dans la vie de la plus célèbre des romancières anglaises et personne encore n'est parvenue à élucider cette énigme.

Dans ce roman passionnant, Brigitte Kernel se glisse dans la peau d'Agatha Christie pour revenir sur cet épisode mystérieux, reconstituer l'étrange disparition, déterrer une sombre affaire de vengeance et même découvrir une histoire d'amour.

Maikan

Un livre comme un film d’horreur, mais en pire. Car tout cela a réellement existé. Et pire encore.

Quelques jours plus tard, quand les élèves se lèvent, personne ne remarque le lit vide. Personne ne note l'absence du numéro vingt. C'est en allant chercher du bois de chauffage, Charles qui, dans la remise. Elle se balance dans la pénombre Sa tête est bizarrement inclinée, ses yeux exorbités semblent fixer le mur de planches, comme si Jeanne avait tenté de voir au-delà.
Charles soulève le corps inerte. Il lui paraît étonnamment léger. Il retire délicatement la corde qui ceint le cou de Jeanne. Puis pose la jeune fille sur le sol. Charles secoue la dépouille déjà refroidie. Isolerait que Jeanne s'éveille, qu'elle a battre et yeux. Il aimerait que son cœur se remette à réchauffe sa poitrine. Mais Jeanne est déjà ailleurs. Son visage, purgé de sang, offre une blancheur qui en rappelle une autre à Charles et qui fait monter en lui une rage sourde et irrépressible.
Maikan de Michel Jean

Acculturation, viols, disparitions, violences systématiques et encore pire (oui, vraiment !), en témoignent les macabres découvertes des dernières années. Des crimes perpétrés par l’église et l’état, main dans la main.

Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC, fonds Deschatelets, Z SS20 D15-3.
Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC

Pourtant, Maikan, reste un beau livre sous la plume de Michel Jean, un très beau livre même grâce à l’humanité et la sensibilité de l’auteur de Kukum ou Atuk. Un livre qui persiste à croire en l’amour, la fraternité et la solidarité, même dans les pires moments

Note en fin d’ouvrage :
Le pensionnat catholique de Fort George a ouvert ses portes en 1936 et les a fermées seize ans plus tard, en 1952. On ne connaît pas avec certitude le nombre de pensionnats ayant existé au Canada. De la fin du XIX siècle à la fin du XX siècle, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens en a répertorié cent trente-neuf, dont douze au Québec. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996, en Saskatchewan.
Cent cinquante mille enfants autochtones ont fréquenté ces établissements. Plus de quatre mille y sont morts. Les conditions de vie difficiles qui prévalaient dans les pensionnats sont le plus souvent attribuables au financement insuffisant du gouvernement canadien. Elles ont entraîné des problèmes sanitaires, un régime alimentaire inadéquat et un manque de vêtements et de médicaments pour les enfants sur place.
La situation est devenue si inquiétante qu’au début du XX siècle le médecin et directeur de la santé du ministère des Affaires indiennes, Peter H. Bryce, a sonné l’alarme et a rédigé pour ses supérieurs de nombreux rapports qui indiquaient que les Autochtones du Canada risquaient d’être décimés, par la tuberculose notamment. Le gouvernement canadien ignora les recommandations de Bryce et le démit de ses fonctions. Dans un ouvrage publié en 1922, Bryce qualifia l’attitude du Canada de « crime national ».
Aujourd’hui, les Nations unies considèrent comme un génocide le fait de retirer les enfants de leurs foyers en se basant sur leur appartenance ethnique pour les placer dans un environnement étranger afin de les endoctriner. Le Canada reconnaît maintenant publiquement que l’objectif des pensionnats était d’assimiler les Autochtones, en somme de « tuer l’Indien dans l’enfant » ; mais souvent, comme le dit le chanteur innu Florent Vollant, ils ont tué l’enfant aussi. Le 11 juin 2008, le Premier ministre Stephen Harper a présenté les excuses officielles du gouvernement canadien aux Autochtones: « L’héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd’hui. » A l’image de plus de vingt-cinq pays dans le monde, dont l’Afrique du Sud après l’apartheid et plusieurs États d’Amérique du Sud, tels le Brésil et l’Argentine, le Canada a créé en 2007 la Commission de vérité et de réconciliation, avec pour mandat de lever le voile sur les agressions physiques, sexuelles et mentales qu’ont subies beaucoup d’enfants ayant fréquenté les pensionnats. Dans le rapport final qu’il a rendu en 2015, le chef de la Commission, le juge et actuel sénateur Murray Sinclair, a parlé d’un « génocide culturel » perpétré à l’encontre des populations autochtones du pays aux XIX siècle et XX siècle, une qualification reprise par Beverley McLachlin qui était alors la juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Quatre-vingt mille anciens pensionnaires vivent encore.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La pelle frappe le sol, comme la hache l'arbre à abattre. Cette terre ne se laisse pas travailler facilement et l'acier s'y enfonce avec difficulté. II creuse, un coup à la fois, avec une sourde résolution. À mesure que s'ouvre le sol, il bute contre des pierres, de plus en plus nombreuses, de plus en plus grosses, qu'il extrait à la main, une à une.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À quatorze ans, Virginie, Marie et Charles sont arrachés à leurs familles sur ordre du gouvernement canadien. Avec les autres enfants innus du village, ils sont conduits dans un pensionnat, à près de mille kilomètres de chez eux, pour y être éduqués. Là-bas, il leur est interdit de parler leur langue, leurs cheveux sont rasés, leurs objets personnels confisqués. Ils ne sont désormais plus qu'un numéro.

Que s'est-il réellement passé à Fort George, île maudite balayée par l'impitoyable vent du large ?

Soixante-dix ans plus tard, l'avocate Audrey Duval cherche à comprendre ce qu'il est advenu des trois jeunes gens mystérieusement disparus.

Daddy

Dix nouvelles étasuniennes. Tranches de vies désabusées. Portraits flottants dans une brise légère de perversité inassumée.

Comment lui expliquer ? Pour Kayla, tout cela était normal, dans le cours normal des choses. Elle s'était toujours attendue à ce qu'il lui arrive un événement de ce genre. 
 « Tout va bien, répondit-elle en prenant une voix très polie.
 - On s'apprête à regarder un documentaire, dit Mary. Sur une fille qui a été la première fauconnière en Mongolie. » Elle se tut. Comme Kayla ne réagissait pas, elle précisa : « Il paraît que c'est très bien. »
Mary, avec ses grandes chemises en lin, ses richelieus argentés, était le genre de femme d'un certain âge auquel les filles plus jeunes disaient vouloir ressembler. Mary, avec sa super maison dans le canyon, sa déco en bois des années soixante-dix. Son fils adolescent devait l'appeler par son prénom. Kayla voyait que Mary était quelqu'un de bien, sans y croire tout à fait. Mary l'agaçait.
 « Je suis un peu fatiguée, dit-elle. Je vais aller me coucher. »
Daddy de Emma Cline

Des instants inaboutis, polaroids mal cadrés aux couleurs qui bavent. Un peu de drogues, parfois. Des désirs, un peu… mais encore plus de frustration.

Le what the fuck de la vie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Linda était dans la maison, au téléphone - avec qui, si tôt ? Du jacuzzi, John la regardait aller et venir dans son peignoir et un vieux maillot de bain à motifs tropicaux, décoloré, qui appartenait probablement à une des filles. C'était agréable de se laisser flotter dans l'eau, de glisser jusqu'à l'autre extrémité du jacuzzi, en tenant sa tasse de café au-dessus du bouillonnement des jets.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une jeune fille devient la cible de la presse à scandale après avoir été la nounou du fils d'une célébrité. Une adolescente séjourne chez son amie, dans le ranch d'une communauté hippie, et découvre la perversité des premiers jeux sexuels. Un rédacteur en chef lâché par tout son réseau de relations et par sa fiancée tente de devenir le prête-plume d'un self-made-man. Une trentenaire se fait passer pour une ado sur des sites de rencontre. Une actrice cherche à percer à Los Angeles et joue à un jeu dangereux. Un père se demande quelle image ont aujourd'hui de lui ses enfants, venus fêter Noël en famille. Un autre, alerté d'un incident dans l'école de son fils, a rendez-vous avec le directeur de l'établissement. Un scénariste divorcé retrouve chez elle sa petite amie dont les addictions cachent un profond mal-être. Un jeune homme qui vit et travaille dans la ferme de son beau-frère se demande quel futur les attend ici, lui, sa femme et leur enfant à naître.

Autant de nouvelles que de décors balayés du regard incisif d'Emma Cline, qui éclaire au passage, d'un rai de lumière implacable, la perversité larvée en chacun de ses personnages, en même temps que leur immense vulnérabilité.

Fille en colère sur un banc de pierre

L’histoire d’un drame familial sur une île à côté de la Sicile.

Avec trois (quatre) sœurs criantes de vérité. Et toutes et tous, pères, mères, voisins, mafieux, cantonnier… des personnages incarnés, justes, peintures hyperréalistes.
La Sicile n’est pas oubliée et joue son rôle indolent, à la chaleur étouffante et ne bougeant qu’au rythme lent des combinaziones.
Et le drame ! Dernier personnage. Écrasant de culpabilité et qui ramifie dans chaque chapitre son sale venin.

J'aimerais ajouter que, compte tenu des conditions dans lesquelles elle a été élevée, Aïda est la meilleure version possible d'elle-même.
Elle pense un instant à ce que ses sœurs doivent se dire à l'idée de la revoir. Elle se demande si elles s'étaient préparées à la chose. Normalement oui. Le Vieux était, comme il se doit, censé casser sa pipe un de ces quatre. Et il faudrait bien s'occuper de la succession. Mais parfois, les gens sont étonnants. Ils cantonnent dans un espace fort reculé de leur crâne les cogitations déplaisantes. Les projections accablantes. Les fantômes de petite fille.
Décidément on est doué chez les Salvatore pour la jolie danse de l'esquive et du déni. Aïda autant que les autres, avec son incapacité de penser la disparition de Mimi en d'autres termes que « coincée quelque part ». Les mots « enlevée » ou « morte » sont des mots résolument impossibles.
Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé

Sans oublier l’écriture et la narratrice ! Légère, sautillante et joueuse, presque malicieuse. Contre-pied salutaire à cette histoire glauque et qui donne toute la vie et la puissance à cette fille en colère

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand elle voulut passer par la fenêtre, elle entendit la petite l'appeler. Pourtant elle croyait savoir se faire aussi discrète qu'un chat. Elle fut effrayée puis agacée puis (S'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît, emmène-moi, chuchota la petite) résignée. Elle posa un doigt autoritaire sur ses lèvres même si ce n'était pas nécessaire. Il ne fallait pas réveiller les autres, la petite le savait aussi bien qu'elle. Les autres ameuteraient les parents. C'étaient de vraies poules caquetantes et froussardes. Et si elle n'emmenait pas la petite, il y avait le risque, qu'elle n'était pas prête à courir, que celle-ci se mît à hurler - ou plus vraisemblablement qu'elle se postât à la fenêtre à l'attendre toute la nuit en chantonnant de plus en plus fort et en finissant par alerter la maisonnée. Merci bien.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.

Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres sœurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu. »

Véronique Ovaldé, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu'il nous faut déployer pour vivre nos vies.

Le dernier des écrivains

Au moment de recevoir son prix Nobel, un écrivain disparaît. Son attachée de presse, Marie, mène l’enquête au domicile de l’auteur à Saint-Malo. Et tout s’emmêle…

 - Écoutez... je crois que vous connaissez les écrivains mieux que moi. Loin de moi l'idée de faire d'eux des dépressifs qui s'ignorent mais enfin soyons sérieux... J'imagine qu'un homme qui fait le choix de s'enfermer, seul, des journées entières, dans le silence de son appartement pour écrire des livres dont il ignore qu'ils seront lus un jour n'est pas exactement ce qu'on appelle un être optimiste ou sociable. Sinon, il irait pêcher ou taperait la belote au bistrot...
Il la regardait avec insistance, en hochant la tête. Puis, soudainement, il eut un geste vague. 
 - ...mais Pierre n'a aucune tendance suicidaire, si c'est votre question
Le dernier des écrivains de Gwenaële Robert

Si les références nombreuses à Maigret parsèment cette plaisante enquête, nulle trace ici de la bonhomme écriture de Simenon.

Une parfaite lecture pour l’été sur un transat en bord de mer bretonne

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
7 décembre
Il pleuvait. Elle regardait les gouttes d'eau s'écraser sur la vitre, puis s'étirer et suivre sur le carreau des chemins incertains ralentissements suivis de brusques accélérations -, loupes ductiles et fugitives où s'enflaient la campagne, les vaches, l'ardoise des toits.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qu'est-il arrivé à Pierre Le Guellec, nouveau lauréat du prix Nobel de littérature ? Déposé à l'aéroport de Rennes le matin du 8 décembre, il n'est jamais arrivé à Stockholm pour recevoir sa récompense. Enlèvement d'un écrivain devenu soudainement riche et célèbre ? Règlement de comptes entre les derniers terre-neuvas dont il est le descendant ? Disparition volontaire ? Inquiétante ? Définitive ? Marie Rivalain, son attachée de presse, est troublée. Contrainte de rester à Saint-Malo jusqu'au retour hypothétique du romancier, elle découvre la part d'ombre d'un homme qu'elle pensait pourtant bien connaître. Dans un hôtel particulier chargé d'histoire et sur les plages ventées de la cité de granit, Marie part à la recherche de celui que beaucoup considèrent comme « le dernier des écrivains ». Mais chaque nouvel indice ne fait qu'épaissir son mystère.

Dans la lignée des romans de Georges Simenon, Gwenaële Robert signe une intrigue captivante au cœur de la cité corsaire dont les remparts abritent de lourds secrets.