Un simple dîner

À la manière d’un huis-clos de Jaoui-Bacri, Cécile Tlili invite deux couples pour un souper… Chronique d’un drame inévitable.

Johar lève les yeux de son téléphone. Étienne et Claudia arrivent, une assiette dans chaque main, en une ridicule procession. Elle se demande quel besoin a cette femme de se cacher derrière son compagnon, et quel besoin il a, lui, de s'attribuer le mérite des plats qu'elle a visiblement mis des heures à mitonner. À sa gauche, Rémi déguste le bourgogne à petites gorgées. Elle entend un écœurant bruit de succion, on dirait qu'il dépose des baisers humides sur la bordure du verre.
Un simple dîner de Cécile Tlili

Pourtant ici, nulle envie de rire, juste des couples qui s’étiolent, fanés, usés et que nul ne semble avoir la force – ni même l’envie – de faire refleurir.

Un beau livre, moche comme les choses dont a pas pris soin depuis trop longtemps

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Claudia s'adosse au mur de la cuisine. La chaleur emmagasinée par le plâtre tout au long de la journée se propage dans ses hanches, ses omoplates, ses épaules. Sa tête tombe en avant, infiniment lourde. À la vue des striures rouges qui lui barrent la gorge, Claudia s'enfonce un peu plus profondément dans le mur, indifférente aux traces que ses mains, encore grasses d'avoir huilé le pou- let, impriment sur la peinture blanche.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Dans le miroir de la salle de bains, elle se dévisage, et se voit telle que les amis d'Etienne vont la voir : une fille fade et gauche, une fille qu'il a choisie parce qu'elle ne risque pas de lui faire de l'ombre ».
Un soir de canicule, en août à Paris, deux couples se rejoignent pour dîner. La soirée aura lieu chez Etienne. Claudia, sa compagne, d'une timidité maladive, a cuisiné toute la journée pour masquer son appréhension.
Johar et Rémi, leurs invités, n'ont pas l'esprit tranquille non plus. Autour de la table, les uns nourrissent des intentions cachées tandis que les autres font tout pour garder leurs secrets. L'odeur épicée d'un curry, une veste qui glisse d'un fauteuil, il suffit d'un rien pour que tout bascule. Avec ce huis-clos renversant, Cécile Tlili interroge la place des femmes dans la société et tisse, avec délicatesse, une ode à l'émancipation et à la liberté.