Déshumaine

Ce livre commence comme nombre de romans français actuels : je parle de moi, je me mire et je m’introspecte. Je suis artiste, écorchée vive, ma souffrance est mon encre !
Mais Loulou Robert, à son habitude, va loin, plus loin encore et de façon bien sentie sans crainte du sang, des bleus et de la douleur.

Ma psy me dit sur l'écran de mon ordinateur qu'il faut que je réfléchisse à ce que je pourrais faire d'autre.
 ─ Pardon ?
 ─ D'autre qu'écrire. Imaginez que ça ne revienne pas.
 ─ Si l'écriture ne revient pas, une seule solution s'offre à moi: tuer quelqu'un. Moi ou un autre. Vous voulez vraiment que je réfléchisse ?
Elle ne trouve pas ça drôle.
 ─ Avant d'écrire, vous viviez bien, non ?
 ─ Non, j'étais en gestation. L'écriture m'a fait vivre. M'a fait ressentir toutes ces émotions.
 ─ Donc vous ne ressentez plus rien en ce moment ?
 ─ Je ressens de la violence.
 ─ Comment s'exprime cette violence ?
Déshumaine de Loulou Robert
Alors, viandards, passez votre chemin ! Ou non, ouvrez ce livre et prenez en plein les tripes. C’est jouissif. Pas sûr que cela vous fasse réfléchir, mais elle aura essayé.

Confrontée à la violence subie par les animaux Loulou Robert ne le supporte plus. Alors, prenez garde ! Elle et bébé-loup ne vous manqueront pas

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je suis assise sur une chaise de jardin en bois dans ma cuisine, face à la fenêtre. Le soleil brille. Je coupe des courgettes en deux dans le sens de la longueur, puis en tronçons de six centimètres. Il faudrait que je mette un coussin sous mes fesses. Ma chienne Penny dort sous la table. Elle a la tête posée sur mon pied.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Alors je peux lui dire. Que je suis mariée, qu'à son âge j'étais folle et que je le suis toujours, que je pourrais tuer pour ma chienne, que je pourrais tuer, que j'ai toutes ces images en moi, que j'ai un monstre dans le ventre, un lapin dans la tête, dans une cage, sur un palier, que je suis pleine de colère, que je n'écris plus, que ça me tue à petit feu, que j'aime mon mari, que bientôt son roman va sortir en librairie, que je veux lui faire du mal, que je vais devoir rentrer pour promener Penny, que je suis morte, que je suis bonne à enfermer, que je l'ai déjà été, que j'aimerais qu'il me baise encore, que ça soit beau comme une danse, que je n'ai jamais parlé comme ça, que je veux qu'il me salisse, qu'il me griffe jusqu'au sang, que demain j'irai faire les courses aux halles, que je ne veux plus penser, juste ressentir, agir, comme un animal, que s'il veut partir, qu'il le fasse maintenant. »

La prose nerveuse et crue de Loulou Robert ainsi que son humour à vif disent en creux un monde d'où s'absente une humanité de moins en moins bienveillante. Un roman aussi puissant que troublant.

Et pour rentrer chez moi, je contourne l’ambassade de Chine

Il semblerait qu’Erida Bega sache tout faire ! Du violon, de la guitare, autrice, compositrice, interprète, shopping et… écrire. Et chaque fois avec talent !

Mon voisin de palier est parti comme une flèche, laissant derrière lui sa silhouette sportive. Footballeur, m'étais-je dit. Je n'avais encore jamais rencontré une pareille beauté. Le genre de perfection qui produit un doux hérissement des poils, bloque le souffle. D'un pas vif, il s'est éloigné rapidement de ma vue. J'ai eu l'image d'un paysage inaccessible où l'homme n'a pas encore construit de route. Je ne pouvais que rester sidérée devant une telle beauté, et l'envie de remplacer mon chignon par une robe m'a prise de court. Mes jambes maigrichonnes, écartées d'un bout à l'autre, laissant circuler les courants d'air, je les ai jugées sévèrement, et l'impatience de voir mes seins grossir fut subite.
Et pour rentrer chez moi, je contourne l’ambassade de Chine de Erida Bega
C’est tendre, doux, nostalgique et malicieux. Elle nous parle de l’enfance et de l’attachement. Mais aussi, fatalement, de cet instant où l’on quitte, on déménage, on émigre.

C’est l’enfance en Albanie, vue par les yeux d’une petite fille. Mais aussi de Genève, vue par les yeux d’une femme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À 19 h, ce jour-là
Souvent, je crains l'arrivée du soir. À 19 h, je ressens un creux à l'estomac. Certainement la faim. Je n'ai qu'une envie: partir du bureau vite, m'échapper. De l'air, de l'air ! Comme si j'avais retenu mon souffle la journée entière.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le compte à rebours arrivait à son terme. Il fallait encore traverser le dernier jour dans des conditions supportables. J’avais vécu ce déménagement comme une milicienne dans des récits de guerre. Des sentiments homériques et audacieux bousculaient mon quotidien. J’imaginais ma grand-mère, jeune et belle, devant cette maudite grenade qui avait emporté sa jambe et sa jeunesse. Alors que je craignais les séquelles dans mon âme face au claquement définitif d’une simple porte.

Tirana, 1988. Alors qu’une jeune fille apprend que sa famille va déménager, c’est tout son équilibre qui vacille. Genève, trente ans plus tard, devenue femme, elle fait une rencontre impromptue à travers laquelle ressurgit l’Albanie communiste de son enfance. Un texte vif et frais, qui questionne avec malice le déracinement ainsi que le poids des souvenirs.

La pulpe et le jus

C’est l’été, il fait beau, trop chaud pour entreprendre quelque activité : ce livre est parfait pour cet instant ! Drôle et léger avec un petit questionnement malgré tout. De la douleur mais une fin qu’on ose espérer heureuse (et quand même assez prédictible).

Après quelques secondes, elle s'immobilise. Que lui importe le puéril orgueil d'avoir raison face à l'adénocarcinome... Ces mots proférés monotonement viennent tout de même de modifier le cours de son existence. Ils érigent un mur entre la possibilité du bonheur, avant, et le malheur inexorable d'après. Jusqu'ici, elle n'a pas réalisé sa chance. Pourtant, elle en a eu elle aussi. Sans la comprendre ni l'honorer. Avant, le cancer n'était pas. De la santé, qu'a-t-elle fait ? Depuis des années, la peur règne. Dommage et gâchis. L'avenir qu'elle entrevoit lui révèle son passé. Chaque jour précédant l'entrée dans ce bureau, elle a été heureuse.
Pour l'instant, les symptômes sont minimes..., continue Thévenot.
La pulpe et le jus de Laura Chomet
Avec ce feel-good à la sauce blanche (Gallimard), teinté de développement personnel aux parfums d’agrumes et de phobies à surmonter, Laura Chomet nous propose un divertissement sympathique teinté de téléréalité – bien amorale, comme il se doit !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'envie se déclenche toujours entre le deuxième et le troisième étage, aux abords du ficus à moitié cané sur le palier de la famille croate. À peine la porte du studio claquée, Jenna relâche son sphincter urétral externe, tire la chasse d'eau, vide son manteau. Dans un saladier, elle dépose les yuzus et les combawas volés à La Pause de Sisyphe, le bistrot où elle travaille. Oranges et clémentines s'amoncellent déjà dans la cuisine, mais les petits nouveaux brillaient sous son nez, étranges et colorés. Elle n'a pas su résister ni simplement demander; elle en a rempli ses poches.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Vous êtes phobique, cela vous empêche de vivre, vous souhaitez changer ? Participez au tirage au sort de l’émission Les Nouveaux Guérisseurs. Pour la prochaine saison, il n’y aura qu’un seul élu. Comme Denis, il ne sera pas prévenu. »

Jenna, grande hypocondriaque et amatrice d’agrumes rares, dévore Les Nouveaux Guérisseurs, une émission de télé-réalité en caméra cachée qui prétend libérer les participants de leurs peurs en s’infiltrant dans leur quotidien. L’expérience de Denis, agoraphobe-star de la saison en cours, apporte à Jenna espoir et réconfort. Lorsque son médecin lui annonce une grave maladie, elle devine qu’il est de mèche avec les Guérisseurs et se réjouit d’être à son tour sélectionnée pour la saison suivante. D’ailleurs ce Gabriel, gastronome fraîchement rencontré, a tout l’air d’un appât lancé par la production. Pour guérir, Jenna doit-elle se fier au séduisant programme qu’il lui a concocté ?

Un premier roman à l’acidité tendre, féroce portrait de notre époque, plein d’invention et d’humour.

Superhôte

Dans un ping-pong plein d’émotions, deux femmes rejouent le drame. Entre douleur absolue et colère irréfrénable elles tentent de comprendre, de justifier, de trouver la ou les coupables.

Je me suis souvent demandé si les flatteries dont elle couvrait ma mère visaient à la féliciter ou à la ficeler. Les deux sans doute. J'y ai toujours vu une façon détournée de la maintenir sous pression, de la forcer à garder l'échine courbée, le front baissé et le regard fixé sur ses chiffonnettes, sa serpillière et son balai.
Superhôte de Amélie Cordonnier
Dans ce petit roman fort bien monté, Amélie Cordonnier laisse les protagonistes s’exprimer, sans jugement. C’est bien foutu et ça se lit d’une traite jusqu’à une fin apaisante… mais un peu mélo quand-même.

Un livre qui, en passant, rend justice aux femmes de ménage dans un magnifique portrait plein de sensibilité

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Immortalisée par Harcourt, dans un savant fondu de noir et blanc, une femme me double au carrefour. J'ai presque l'impression qu'elle me toise. Au centre de la publicité, que je photographie au moment où le bus 70 me dépasse, trône une phrase entre guillemets : « Je suis mise en lumière pour sortir mon métier de l'ombre. » Blondeur hollywoodienne, regard en coin, lèvres closes, Mélanie a l'air fier, voire un peu hautain, pour une fois, tant qu'à faire. Son prénom figure dans le coin gauche de l'affiche, juste au-dessus de sa fonction : employée de maison chez Shiva depuis dix ans. Employée de maison... Est-ce que le boulot passe mieux, est-ce qu'on a moins mal au dos et aux articulations grâce à cette expression ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Deux femmes, Camille et Anaïs, prennent tour à tour la parole. Camille est la fille de Sylvie, la femme de ménage qu'Anaïs emploie depuis quinze ans dans sa maison du Touquet. Maintenant qu'Anaïs la loue sur Airbnb, Sylvie s'épuise à tout nettoyer de fond en comble avant l'arrivée de chaque nouvel occupant.
La petite entreprise fonctionne jusqu'à ce jour des vacances de la Toussaint qui fait basculer leur vie et les sépare à jamais. Dévastée, Anaïs démonte un à un les mécanismes qui ont irrémédiablement conduit au drame dont elle tient Sylvie pour responsable. Révoltée, Camille refuse de voir sa mère injustement accusée.

Dans ce roman tendu et percutant, Amélie Cordonnier met en scène la dérive de nos vies où tout est à louer, la force de travail des uns, la maison des autres. Qui en paiera le prix ?

Les gestes

Après cette touchante lecture, je me suis dit qu’Amanda Sthers devait avoir une bien grande collection de petites histoires à raconter et qu’elle les avait regroupées ici. C’est en tous cas, une jolie réussite qui sent le réel, les voyages, le vécu et les émotions partagées.

Dans la voiture, papa ne parlait pas. Mon père s'inquiétait dans les moments trop heureux : le malheur rôdait dans les bruits de rires grelots, comme un vautour prêt à s'abattre au moindre signe de faiblesse. D'après lui, chaque bonheur se payait. Et dans les vies faites de grandes joies, il y avait des déchirures, des drames. Les destins choisissaient pour nous entre les contrastes dévastateurs et la vie tiède. Il appelait ça « la balance des chagrins ». Voilà pourquoi, quand il essuyait un revers professionnel ou subissait une peine d'amour, il se précipitait aux courses, persuadé qu'il ne pouvait que gagner le tiercé.
Les gestes de Amanda Sthers
Cette histoire de famille à destination d’un enfant à venir fait la part belle au père du narrateur, un homme fantasque au mille défauts et tellement attachant.

C’est d’ailleurs assez amusant que l’autrice de l’excellent De l’infidélité propose une si belle place dans son roman à un homme si volage et inconstant

Cet amour inconditionnel le bouleverse et le dégoûte tout à la fois. Il présente Jeanne à Florentine. Alors qu’Hippolyte raccompagne sa mère à un taxi et lui demande ce qu’elle a pensé de la jeune femme, elle lui dit, avec toute la subtilité cruelle dont elle était capable : « Tu vas la faire souffrir et elle risque d’aimer ça. »

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Camillo,
J'ai lu ton court dossier au centre d'adoption.
Tu ne sais rien de moi ni de ton autre papa, pourtant je te connais par cœur et je t'attends. Quand tu auras grandi, que tu tireras sur les fils du passé pour pouvoir t'accrocher à l'avenir, tu ouvriras ce livret. Tu y trouveras ce que je sais de l'histoire de ton grand-père Hippolyte, quelques lettres qu'il n'a pas postées, pas jetées non plus, comme s'il espérait qu'elles soient lues, des photos, la retranscription d'enregistrements qui datent de mon enfance et certains plus récents que je me suis amusé à faire à son insu avec mon téléphone portable. Je serai heureux de te les faire écouter si, un jour, tu souhaites entendre sa voix.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Il y a évidemment des secrets derrière ses secrets, des moments de mystère, de tristesse et de joie dans l’ombre des silences que certains entendront. Il est possible que mes souvenirs aient leurs fantaisies, mais j’ai fait de mon mieux pour lui rendre justice, pour exprimer ce que mon père m’a raconté comme ce qu’il a tu, les gestes que je vais te transmettre et ceux qu’il n’a pas faits. »

Alors que Marc s’apprête à adopter un enfant, son père meurt. Pour offrir à son fils un morceau de son histoire, il plonge dans la vie hors du commun d’Hippolyte, chauffeur de taxi exubérant devenu archéologue fantasque, et remonte aux histoires d’amour de ses parents et de ses grands-parents, procédant à une archéologie de l’intime.De l’Égypte à Paris en passant par la Grèce et l’Italie, Amanda Sthers compose une fresque familiale sur la transmission et l’origine, peuplée de personnages aux incroyables destins. Impossible de lâcher cette saga à l’écriture aussi poétique que ses héros.

L’automne est la dernière saison

Trois jeunes femmes à Téhéran, coincées entre tradition et rêves d’émancipation, promises à un avenir mariées à Téhéran ou libres ailleurs… une danse entre peurs et désirs.

 ─ On est des sortes de monstres, Shabaneh. On n'est plus du même monde que nos mères mais on n'est pas encore de celui de nos filles. Notre cœur penche vers le passé et notre esprit vers le futur. Le corps et l'esprit nous tirent chacun de son côté, on est écartelées. Si nous n'étions pas ces monstres, à l'heure qu'il est, on serait chacune chez soi à s'occuper de nos enfants. On leur consacrerait tout notre amour, nos projets, notre avenir, comme toutes les femmes ont toujours fait à travers l'histoire. On ne serait pas en train de poursuivre des chimères. Leyla aurait courbé l'échine comme les autres pour suivre son mari. Moi, je m'emmerderais pas avec l'argent, les emprunts, le boulot... Je resterais ici bien tranquille à mener ma petite vie. Toi, tu aurais un mari, des enfants, tu serais heureuse. Au lieu de servir de mère à Mahan, tu aurais tes propres enfants. Le week-end, on irait toutes les trois se faire une beauté.
L’automne est la dernière saison de Nasim Marashi
Trois tranches de vies d’amies d’université à l’heure des grands choix entre contraintes et espoirs, soutenues par leur amitié.

Une photographie de l’Iran aujourd’hui, un regard féminin dans des milieux plutôt aisés

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je te cherchais, je courais. Sur le carrelage blanc glacial du hall de l'aéroport. Dans un silence de mille ans. À chaque foulée, ma respiration haletante bourdonnait à mes oreilles, de plus en plus fort, emplissant ma gorge d'amertume.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Leyla, Shabaneh et Rodja se sont rencontrées sur les bancs de l’université à Téhéran. Soudées par un lien indéfectible, elles s’efforcent, envers et contre tout, de mener une vie libre. Leyla s’est mariée avec Misagh et a débuté une carrière de journaliste. Shabaneh est habitée par ses lectures et les souvenirs de la guerre. Rodja vient d’être acceptée en doctorat à Toulouse – il ne lui manque plus que son visa. Mais cet équilibre fragile vacille quand Misagh part seul pour le Canada.

En un été et un automne, entre espoirs et déconvenues, toutes trois affrontent leurs contradictions. Suffit-il de partir pour être libre ?

L’automne est la dernière saison est le reflet sensible et bouleversant de la société iranienne d’aujourd’hui. Une histoire prodigieuse et universelle d’amour et d’amitié.

Je vais ainsi

Deux sœurs et un petit voisin devenus grands se racontent dans un triptyque intime et mélancolique.

Tu crois à la vie antérieure ?
Pas moi.
Dans une vie antérieure, j'ai été tué par une explosion.
C'est ce que je crois même si je n'y crois pas.
Parfois je rêve.
Je vais ainsi de Jungeun Hwang
Dans une traduction peut-être un peu précieuse, le style et la mise en scène peinent à laisser les émotions s’épanouir pour former un tableau aux tons pastels derrière lequel on ressent bien des couleurs vives qui n’auraient demandé qu’à éclater.

Une lecture en demi-teinte donc, qui ravira certainement des âmes plus poétiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'appelle So Ra.
Le caractère chinois ra de So Ra désigne le persil. Au départ, mes parents voulaient prendre un autre ra, qui signifie « fruit », mais mon grand-père qui était allé déclarer ma naissance à l'état civil avait commis une erreur. Il paraît qu'il aimait bien manger du persil, alors il ne s'agissait peut-être pas d'une erreur, mais de ses goûts personnels. En effet, les formes de ces sinogrammes ne sont-elles pas très distinctes ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il y a So Ra, la grande sœur douce et rêveuse ; Na Na la cadette, déterminée et libre ; et Na Ki, le frère de cœur, qui cache un lourd secret derrière son sourire fêlé. À tour de rôle, ils prennent la parole et racontent : leur rencontre et l'enfance dans l'appartement commun, un demi-sous-sol divisé en deux par une cloison ; le séjour de Na Ki au Japon d'où il est revenu changé ; la grossesse de Na Na, enceinte d'un homme qui n'est pas encore son mari. À travers le récit croisé de ces voix qui reflètent chacune un imaginaire propre, événements et situations se déploient dans toutes leurs nuances. Lumineuse ou mélancolique, d'une fraîcheur candide ou d'une sourde violence, l'écriture de Hwang Jungeun saisit la trajectoire de ces personnages tellement attachants, capte leurs contradictions et leurs espoirs.

La peau des filles

Trois jeunes femmes, la trentaine et quelques casseroles se retrouvent à partir sur un coup de tête pour quelques jours de repos dans le pays basque, au bord de la mer.

Une averse déchiquette le ciel, dépeuple la plage.
Rose sanglote, ça agite sa poitrine. Deux ou trois personnes l'étudient, se détournent. Ils doivent la prendre pour une folle. Si loin de la poupée de porcelaine qu'elle s'évertue à être. Ils ne savent pas, ces fils de pute. Ils ne savent pas les bains à la fleur d'oranger, jouer du piano et aimer Musset. Personne ne sait. On constate une anorexique, bardée de cicatrices.
Rose défie son public
La peau des filles de Joanne Richoux
Quelques jours entre phobies, anorexie, séparation et autres angoisses avec, en filigrane : des hommes.

Un roman au phrases courtes, pleines d’un rythme qui peine à trouver son souffle, Joanne Richoux vise l’intime, juste sous la peau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
─ Notre truc, c'est le rock sale.
Sa voix est chaude et granuleuse, son souffle pro-jette des effluves de chewing-gum. Louise acquiesce. Bavardage de jeune homme à la chlorophylle. Elle a raté plusieurs phrases. Comment il s'appelle, déjà ? Louise sollicite ses notes, des bavures de mots qui ne l'aideront pas au moment de rédiger l'article. En dessous, elle a dessiné une caricature d'Elvis.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le temps d’un été, Jenna, Louise et Rose désertent. Ces trois trentenaires, fragilisées par leurs angoisses et le monde qui les entoure, quittent leur job et prennent la route. Elles partent explorer leur féminité, accepter leurs chagrins, leurs besoins, et tout envoyer valser.
De l’Auvergne aux Hautes Alpes, en passant par Saint-Jean-de-Luz, elles vont, dans une grande inspiration, faire le deuil de l’enfance, se réconcilier, se revendiquer. Et apprendre la liberté véritable, intime.

Les aiguilles d’or

Après Blackwater et Katie, j’ai été un peu surpris par l’absence de fantastique ou de mystérieux dans ces aiguilles d’or. Mais c’est pourtant le même climat glauque qui ne tarde pas à s’installer, tant dans la crasse des bas-fonds de New-York à la fin du 19e, que dans ses classes les plus riches.

Il n'était pas tout à fait mort quand elle lui trancha la gorge d'une oreille à l'autre avec un rasoir de barbier. Elle et son amie s'écartèrent de la trajectoire du jet de sang, et quand celui-ci se fut atténué, elles se maudirent l'une l'autre de n'avoir pas d'abord ramassé les pièces d'or qui s'étaient déversées de la poche de Benjamin.
Le verre de la lampe était constellé du sang crépitant des Stallworth, et le tas de pièces sur le matelas reposait tel un îlot luisant au milieu d'une mer écarlate.
Les aiguilles d’or de Michael McDowell

Car ici, tout est sale et oppressant. Et si la misère est bien visible dans les quartiers pauvres, c’est bien la moralité des plus riches qui est repoussante.

Encore une jolie réussite avec des femmes puissantes avec une fin plutôt trash et réjouissante pour Monsieur Toussaint Louverture et cette série de traductions-résurrections de Michael McDowell

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Par une sombre nuit d'hiver, sept enfants se blottissaient près d'une grille de ventilation sur Mulberry Street. Chacun à leur tour, pendant environ une minute, ils s'asseyaient directement sur la grille en fer pour profiter de la vapeur qui s'échappait de la chaudière des locaux de la police de New York.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D'un côté, l'opulence et le faste. De l'autre, le vice monnayé et l'alcool frelaté. C'est à leur frontière, au coeur de l'infâme Triangle Noir, qu'une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d'une main de fer par leur patriarche, l'influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.

La main

Il faudrait probablement cesser de cataloguer Simenon dans les romans policiers. Et même les Maigret, finalement. Des meurtres, certes, il y en a bien souvent dans ses livres, mais est-ce vraiment ce qui l’intéressait ? Oui, ici encore, un homme laisse mourir son ami dans le froid et la fin est brutale. Pour autant, s’agit-il de polars ?

C'est sur le banc rouge, dans la grange dont la porte battait, qu'une vérité m'est apparue, qui a tout changé :
 — Je le hais...
Je le hais et je le laisse mourir. Je le hais et je le tue. Je le hais parce qu'il est plus fort que moi, parce qu'il a une femme plus désirable que la mienne, parce qu'il mène une existence comme j'aurais voulu en mener, parce qu'il va dans la vie sans se préoccuper de ceux qu'il bouscule sur son passage....
Je ne suis pas un faible. Je ne suis pas non plus un raté. Ma vie, c'est moi qui l'ai choisie, comme j'ai choisi Isabel.
L'idée d'épouser Mona, par exemple, ne me serait pas venue si je l'avais connue à l'époque. Ni celle d'entrer, Madison Avenue, dans une affaire de publicité. Ce choix, je ne l'ai pas fait par lâcheté, ni par paresse. 
Cela devient beaucoup plus compliqué. Je touche à un domaine où je soupçonne que je vais faire des découvertes déplaisantes.
La main de Georges Simenon
En pleine tempête de neige, ivre, Donald se fige dans une grange et n’arrive pas à se relever pour aller chercher son ami perdu dans la nuit. Il se convainc alors qu’il est responsable de sa mort et entame une grande introspection. N’a-t-il pas loupé sa vie ? La grosse question de la crise de la 40-50aine.Avons-nous jamais eu quelque chose à nous dire ?
Je restais là, à le regarder, à me tourner parfois vers la rue dont le va-et-vient avait changé depuis mon enfance. Jadis, on comptait les voitures et il était possible de parquer n'importe où.
 — Quel âge as-tu, au fait ?
 — Quarante-cinq ans...
Il hocha la tête, murmura comme pour lui-même :
 — C'est jeune, évidemment...
Il allait en avoir quatre-vingts. Il s'était marié tard, après la mort de son père, qui dirigeait déjà le Citizen. Il avait fait ses premières armes à Hartford, et, quelques mois seulement, dans un quotidien de New-York.
J'ai eu un frère, Stuart, qui aurait vraisemblablement repris l'affaire s'il n'avait été tué à la guerre. Il ressemblait plus à mon père que moi et j'ai l'impression qu'ils s'entendaient bien tous les deux.
Nous nous entendions bien aussi, mais sans intimité
 — C'est ta vie, après tout...
Il grommelait. Je n'étais pas obligé d'avoir entendu.Une impressionnante plongée dans la psyché d’un homme qui doute et qui cherche les coupables – tout en sachant qu’il est le premier !

Le 110e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis sur le banc, dans la grange. Non seulement j'avais conscience d'être là, devant la porte déglinguée qui, à chaque battement, laissait s'engouffrer une rafale de vent et de neige, mais je me voyais aussi nettement que dans un miroir, me rendant compte de l'incongruité de ma position.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les Sanders passent le week-end chez leurs amis Dodd. Ils se rendent ensemble à une réception organisée par les Ashbridge : les libations vont bon train et Donald Dodd est troublé en découvrant par hasard Ray Sanders dans les bras de la maîtresse de maison. Au retour, une violente tempête de neige empêche la voiture de Dodd d'atteindre sa maison et les deux couples amis doivent effectuer à pied la fin du parcours. A l'arrivée, on s'aperçoit que Ray, perdu dans le blizzard, n'est pas là. Donald fait mine d'aller à sa recherche dans la neige, mais, abruti par la fatigue et l'alcool, il préfère se réfugier dans la grange.