Encabanée

Si Gabrielle a bien vécu 10 jours dans une cabane en plein hiver et coupée de tout, difficile de connaître la part authentique dans cette autofiction.

La lune illumine le désert blanc. Immense. Immortel. La cabane se tient là dans son ombre, comme un perce-neige. Assoupie dans la chaise berceuse, je rêve à Cerbère et me réveille en sursaut au son des glaçons qui tombent du toit et se fracassent en mille éclats. Je gagne mon lit de fortune au bord du poêle, et la souris dans le mur ne fait plus un bruit. Je suis dans de beaux draps, mais au moins, ce n'est pas un nid de laine minérale. L'ennemi a quitté son siège, mais des fantômes me tenaillent.
Encabanée de Gabrielle Filteau-Chiba

Reste que la plume est très belle, légère et amusée !

Je gagne la cabane tête baissée, comme un chien, la queue entre les jambes. Le miroir me renvoie un visage qui m'est étranger.
 - Miroir, ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ?
 - T'avais une chance avant de te hacher le visage en deux.
 - Ça y est. Je parle toute seule.
Mon visage est un barbeau de couleurs blessées. Une prune fendue. Je retourne dehors. Boules de neige se tachent de sang une à une, me suivent comme les pierres de lune du Petit Poucet dans la forêt. Je ne pense ni au sang, ni aux coyotes, ni à ma défiguration. Je ne pense qu'à ma survie. Aussi que ma première erreur a été d'hésiter en hachant la glace.

Une jeune femme décide de quitter la société dans laquelle elle ne se reconnait plus. Et c’est cool, vraiment cool. Icy, même.

Le froid et la solitude comme obsession avec un fond éco-féministe plutôt bien vu

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai filé en douce. Saint-Bruno-de-Kamouraska, ce n'est pas la porte à côté, mais loin de moi le blues de la métropole et des automates aux comptes en souffrance.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lassée de participer au cirque social qu'elle observe quotidiennement à Montréal, Anouk quitte son appartement pour une cabane rustique au Kamouraska, là où naissent les bélugas. Encabanée dans le plus rude des hivers, elle apprend à se détacher de son ancienne vie et renoue avec ses racines. Couper du bois, s'approvisionner en eau, dégager les chemins, les gestes du quotidien deviennent ceux de la survie. Débarrassée du superflu, accompagnée par quelques-uns de ses poètes essentiels et de sa Marie-Jeanne, elle se recentre, sur ses désirs, ses envies et apprivoise cahin-caha la terre des coyotes et les sublimes nuits glacées du Bas-Saint-Laurent.

Le nom sur le mur

Partant d’un jeune résistant de la seconde guerre mondiale tué à 20 ans, Hervé Le Tellier met les petits plats dans les grands et nous parle de la résistance et de la collaboration ; du nazisme et des victimes ; de l’odieux et du vertueux ; de la petitesse et du suivisme face à au refus de céder.

C'est mon professeur de philosophie de terminale qui m'a fait lire Si c'est un homme, de Primo Levi. Nous en avons parlé ensuite, et il m'a dit, en substance: « Tu sais, les lois antisémites nous choquent d'autant plus qu'elles frappaient des gens qui se croyaient bien intégrés dans nos sociétés européennes. On martyrisait notre voisine de palier. Mais dans les années trente, est-ce que ces mêmes lois racistes - et bien qu'il ne soit pas question d'extermination -, les Anglais ne les appliquaient pas aux coolies en Inde et les Français aux Noirs d'Afrique, sans que cela choque grand monde ? »
Le nom sur le mur de Hervé Le Tellier

Un livre qui m’a souvent rappelé Exterminez toutes ces brutes tant les même schémas se répètent, encore et encore.

En France, l'heure était à la réconciliation, au mythe de la nation sinon résistante, du moins unie derrière sa Résistance. L'article 45 de la loi d'amnistie d'août 1953 interdit même de rappeler les crimes commis. Il ne s'est rien passé. Le président du Conseil René Meyer le résumera sans fard: « L'unité nationale [est] supérieure à toutes les douleurs, plus urgente encore que les réparations. »

Et que penser de l’après guerre, des fondateurs du FN (futur RN), de cette amnistie générale servant à former un roman national destiner à réunir le pays ?

Et s’il est désespérant d’y constater nos compétences moutonnières, voilà un livre indispensable à l’heure de la remontée des fascismes et des extrémismes populistes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je cherchais une « maison natale ». J'avais expliqué à l'agent immobilier : pas une villa de vacances, pas une ruine « à rénover », pas une « maison d'architecte », pas un « bien atypique », ces bergeries ou magnaneries transformées en habitations où l'on se cogne dans les chambranles de portes à hauteur de brebis.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Je ne suis pas l'ami d'André Chaix, et aurais-je d'ailleurs su l'être, moi que presque rien ne relie à lui ?

Juste un nom sur le mur.

Chaix était un résistant, un maquisard, un jeune homme à la vie brève comme il y en eut beaucoup.

Je ne savais rien de lui. J'ai posé des questions, j'ai recueilli des fragments d'une mémoire collective, j'ai un peu appris qui il était. Dans cette enquête, beaucoup m'a été donné par chance, presque par miracle, et j'ai vite su que j'aimerais raconter André Chaix. Sans doute, toutes les vies sont romanesques. Certaines plus que d'autres.

Quatre-vingts années ont passé depuis sa mort. Mais à regarder le monde tel qu'il va, je ne doute pas qu'il faille toujours parler de l'Occupation, de la collaboration et du fascisme, du rejet de l'autre jusqu'à sa destruction. Ce livre donne la parole aux idéaux pour lesquels il est mort et questionne notre nature profonde, ce désir d'appartenir à plus grand que nous, qui conduit au meilleur et au pire.

Rodina

Baru mélange ici la grande histoire et les petites, les souvenirs et les faits historiques… réels ou distordus par le temps

Rodina de Baru

L’histoire de la libération d’un train de prisonniers et de prisonnières qui rejoignirent les rangs de la résistance… Oui, les femmes aussi !

Hélas, la frontière entre les faits, le présent et ce qui est raconté n’est pas toujours très claire et si le choix narratif m’a semblé très sympa, le résultat m’a finalement perdu. Mais peut-être aurais-je du lire sa trilogie Bella ciao avant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je vous ai déjà dit (j'ai vérifié) qu'Enrico s'appelait Heinrich, en réalité...
... Heinrich Becker, précisément, et qu'il était allemand


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans la nuit du 7 au 8 mai 1944, un détachement de FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans-main d'oeuvre immigrée) commandée par Jules Montanari, alias commandant Jacques, fit s'évader trente-sept femmes, russes et biélorusses, et vingt-quatre hommes du camp d'Errouville, en Meurthe-et-Moselle. Après un jour et deux nuits de marche forcée, elles et ils arrivèrent, les pieds en sang, au maquis de l'Argonne. Les hommes furent facilement dispersés dans les différents maquis. Mais les femmes ? Le commandant Jacques avait prévu de les placer dans des familles sûres jusqu'à la fin de la guerre. Sauf quelles voulaient se battre. À l'usure, elles eurent gain de cause et fondèrent le seul et unique détachement exclusivement féminin de la Résistance française. Elles le baptisèrent Rodina, qui veut dire « patrie » en russe.

Jonathan : intégrale

Voilà une sublime intégrale et pas juste une addition de titres !

Jonathan, tome 1 : Souviens-toi, Jonathan de Cosey

Tout d’abord, l’édition est vraiment soignée ! Le papier, les regroupements, l’impression et les couleurs sont parfaits.

Jonathan, tome 2 : Et la montagne chantera pour toi de Cosey

De plus, chaque tome commence par un dossier-entretien-préface permettant de comprendre le processus et les différentes époques de la création de la série, l’évolution du personnage, du dessin, des couleurs et des différents personnages.

Jonathan, tome 3 : Pieds nus sous les rhododendrons de Cosey

L’intégrale permet aussi de retrouver toutes les femmes (et filles) qui ont traversé la vie de Jonathan, à commencer par Saïcha, dans Souviens-toi, Jonathan

Jonathan, tome 4 : Le berceau du Bodhisattva de Cosey

Suivent la petite Drolma puis Kate, la colonel Jung Lan, Atsuko et Ambapali

Jonathan, tome 5 : L’espace bleu entre les nuages de Cosey

C’est aussi une visite de l’Asie : Tibet, Chine, Inde, Myanmar… Mais aussi le Japon et, curieusement, les États-Unis pour deux tomes à la Crocodile Dundee avec Oncle Howard est de retour et Greyshore Island qui permettent de retrouver Kate.

Jonathan, tome 6 : Douniacha, il y a longtemps… de Cosey

Car Jonathan semble en Teflon et les femmes de sa vie ne font que passer… On les retrouve parfois pour plusieurs épisodes, mais très vite, bon gré, mal gré, on retrouve Jonathan ailleurs.

Jonathan, tome 7 : Kate de Cosey

L’occasion de contempler les paysages et les décors de Cosey. Ses montagnes directement inspirées de Derib et Hergé (Tintin au Tibet), pour les premiers albums, avec un style qui devient au fil des albums (46 ans entre le premier et le dernier album) de plus en plus affirmé.

Jonathan, tome 8 : Le privilège du serpent de Cosey

L’évolution du style est très impressionnante lorsqu’on tient tous les albums. Si les chevaux et paysages du début rappellent fortement Buddy Longway et le journal de Tintin, le trait s’épure de plus en plus au fil des années pour rendu devenu très personnel.

Jonathan, tome 9 : Neal et Sylvester de Cosey

Les décorations et les encadrements des planches disparaissent, les cases s’agrandissent, les fioritures s’estompent pour ne laisser que l’essentiel en suggérerant le reste et en laissant aux lectrices et lecteurs le reste du travail.

Jonathan, tome 10 : Oncle Howard est de retour de Cosey

Et si je reste de façon un peu nostalgique (c’est très personnel) très attaché au style des débuts et que je vois dans Kate une sorte de moment de grâce de la série, le dernier album et ses carnets de croquis reconstituent un ensemble remarquable, une oeuvre graphique exceptionnelle.

Jonathan, tome 11 : Greyshore Island de Cosey

Sous cet angle là, l’année passée, je lisais À l’heure où les dieux dorment encore et ce carnet de croquis pourrait parfaitement compléter cette intégrale.

Jonathan, tome 12 : Celui qui mène les fleuves à la mer de Cosey

Il faut aussi souligner la grande valeur ajoutée des préfaces de cette intégrale de Claude B. Levenson, Antoine Maurel, Isabelle Dillmann et Nelly Rieuf Bista. Les entretiens et commentaires permettent de beaucoup mieux comprendre l’évolution de la série et… de l’auteur.

Jonathan, tome 13 : La saveur du Songrong de Cosey

Impossible de parler de Jonathan sans parler de spiritualité, de bouddhisme… Jonathan, c’est aussi une quête spirituelle, une recherche de soi qui commence justement par l’amnésie du premier album.

Jonathan, tome 14 : Elle (ou Dix mille lucioles) de Cosey

C’est aussi le Tibet occupé par la Chine, les militaires et la résistance de la lignée des Dalaï-Lama et du bouddhisme tibétain.

Jonathan, tome 15 : Atsuko de Cosey

Et le Tibet, c’est les montagnes et les grands espaces !

Jonathan, tome 16 : Celle qui fut de Cosey

Finalement, le dernier album publié en 2021 clôt de magnifique façon cette série !

Jonathan, tome 17 : La piste de Yéshé de Cosey

Une intégrale sublime, pour une oeuvre majeure de la bande dessinée !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Aux confins du Népal et du Tibet, un jeune Occidental, amnésique, marche à la recherche de son passé. Rencontres mystérieuses, personnages attachants, Jonathan nous entraîne dans une aventure intérieure et contemporaine.

Jan Karski : l’homme qui a découvert l’Holocauste

Soldat polonais pendant la 2e guerre mondiale, capturé, engagé dans la résistance, capturé, torturé, échappé, infiltré dans le volontaire ghetto de Varsovie et dans un camp d’extermination (possiblement celui de Bełżec), Jan Karski à témoigné de l’horreur de la solution finale nazie devant les dirigeants Anglais et États-uniens.

Jan Karski : l’homme qui a découvert l’Holocauste de Marco Rizzo et dessins de Lelio Bonaccorso

Avec l’espoir de mettre fin plus rapidement à l’horreur.

Une bande-dessinée aux traits malheureusement inégaux, alternant entre réalisme froid et personnage de comics.

L’histoire d’un Juste parmi les Nations

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Monsieur, je n'ai pas dit que ce jeune homme mentait. J'ai dit que je suis incapable de le croire.
Ce n'est pas la même chose»
1939. Jan Kozielewski, jeune Polonais de bonne famille, catholique, est happé par la guerre.
Sous le nom de Jan Karski, il devient un agent de la résistance.
Sa mission : s'introduire au coeur du ghetto de Varsovie puis dans un camp d'extermination et transmettre son rapport au Président des États-Unis.
Peu de livres relatent l'histoire extraordinaire, incroyable et passionnante de Karski.
Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso lui ont rendu hommage à travers ce roman graphique

Le partisan

Malgré un dessin très soigné – bien qu’un peu statique – ce très bel album souffre du choix de l’absence absolue de textes.

Et si la narration reste absolument fluide et compréhensible, nul doute que les protagonistes ne s’exprimaient pas que par gestes, quand bien même ne parlaient-ils pas la même langue.

Le partisan de Maurizio Quarello

Un épisode de la 2e guerre mondiale en Italie, juste avant la libération et la fin de la république de Salò

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
De l'hiver au printemps, la guerre, la peur, la Libération.

D'après une histoire vraie

Enfant de salaud

Alors qu’il est chargé par le journal Libération de la couverture du procès de Klaus Barbie, Sorj Chalandon tente de savoir qui est réellement son père. Collabo, résistant, SS dans la division Charlemagne ou soldat allemand, mythomane ou idiot malchanceux ?

Enfant de salaud de Sorj Chalandon

Poursuivant son premier essai fictionnel avec profession du père, Sorj Chalandon se déleste de tous les artifices pour lui faire enfin cracher sa Vichy.

Une confrontation en parallèle d’un procès historique. L’ultime tentative d’un fils désemparé pour tenter de trouver la vraie personne cachée derrière les affabulations du père

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un jour, grand-père m'a dit que j'étais un enfant de salaud.

Oui, je suis un enfant de salaud. Mais pas à cause de tes guerres en désordre papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t a accompagné partout. Ce n'est pas ça, un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d'occasion, résistant de composition, qui a sauvé des Français pour recueillir leurs applaudissements. La saloperie n'a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure.

Non. Le salaud, c'est l'homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui. Qui s'est fourvoyé dans tous les pièges en se croyant plus fort que tous : les nazis qui l'ont interrogé, les partisans qui l'ont soupçonné, les Américains, les policiers français, les juges professionnels, les jurés populaires. Qui les a étourdis de mots, de dates, de faits, en brouillant chaque piste, Qui a passé sa guerre puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes. Le salaud, c'est le père qui m'a trahi

Leçons d’un siècle de vie

Edgar Morin se raconte, parfois fier de lui mais reconnaissant ses erreurs et expliquant ses choix

Leçons d’un siècle de vie de Edgar Morin

Une vie longue et riche, une vie à penser et à agir.

Comme une incitation à se remettre en question, à ne pas s’endormir et à prendre position quitte à prendre des coups

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Qu'il soit entendu que je ne donne de leçons à personne. J'essaie de tirer les leçons d'une expérience séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu'elles soient utiles à chacun, non seulement pour s'interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie. »
E.M.

À 100 ans, Edgar Morin demeure préoccupé par les tourments de notre temps. Ce penseur humaniste a été témoin et acteur des errances et espoirs, crises et dérèglements de son siècle. Il nous transmet dans ce livre les enseignements tirés de son expérience centenaire de la complexité humaine.

Leçons d'un siècle de vie est une invitation à la lucidité et à la vigilance

L’importun

Bof, bof,
Pas indispensable ce roman sur… en fait, je sais plus trop sur quoi. Une rencontre entre une femme et un vieux. Des souvenirs, des erreurs, des émotions qui n’arrivent pas. Bof.

L'importun de Aude le Corff
L’importun de Aude le Corff
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une nouvelle maison, pleine de charme, qui se révèle inquiétante. L'ancien propriétaire ombrageux qui s'impose. Lorsque la narratrice emménage avec son mari et ses enfants, elle n'imagine pas que sa vie va étrangement basculer. Quels souvenirs hantent le vieil homme ? Quelle réparation cherche-t-il auprès d'elle ? De quelle mémoire les murs de la maison sont-ils les gardiens ?

Aude Le Corff livre un second roman subtil, qui sonde les fragilités de l'âme humaine et s'interroge sur les stigmates de l'Histoire