Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Adèle Faugère démontre avec ce tout petit livre que parfois, point trop n’en faut. Pas besoin de 500 pages pour en faire un bijou.
J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort de Adèle Fugère
L’histoire de Rosalie avec des moustaches, Rosalie qui ne va pas très bien, Simon qui est cool et bien sûr… Jean le magnifique !
Un conte un peu décalé et étrange comme une poésie enfantine
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je m'appelle Rosalie. Rosalie Pierredoux. J'ai 8 ans. J'habite Saint-Lunaire. C'est en Bretagne. J'habite Saint-Lunaire avec mes parents. Ils sont cool, mes parents. Ils ne me grondent pas trop. Je suis en CE2. Mon école c'est l'école Grenier-Hussenot. C'est à Saint-Lunaire. Aussi. Je suis dans la classe de Jean-Pierre. Jean-Pierre, c'est mon maître. Il est « sensass » ! Vous ne savez pas ce que ça veut dire « sensass » ?
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Le lendemain matin, je me suis levé. Je devais aller à l'école. Mais j'avais un truc qui me chatouillait au-dessus de la bouche. J'ai touché. Ca piquait un peu. Mais c'était doux aussi. Je suis allé dans la salle de bain. Je suis monté sur le rehausseur pour voir dans la glace. Et je me suis vu. Avec une moustache. J'ai souri. Je n'avais plus l'air de ce que j'étais. Je me suis dit : « Jean, ça te va bien. »
Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard
Il se promène dans Paris, fait des rencontres et se souvient. Tout ça dans un style éblouissant.
La danseuse de Patrick Modiano
Alors oui, c’est vraiment beau !
Mais quel ennui
Ah, oui, et aussi, il y a une danseuse
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Brune? Non. Plutôt châtain foncé avec des yeux noirs. Elle est la seule dont on pourrait retrouver des photos. Les autres, sauf le petit Pierre, leurs visages se sont estompés avec le temps. D'ailleurs, c'était un temps où l'on prenait beaucoup moins de photos qu'aujourd'hui.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « La danseuse arrivait, le matin, à sept heures quarante-cinq, gare du Nord. Ensuite le métro jusqu'à la place de Clichy. Le bâtiment du studio Wacker était vétuste. Au rez-de-chaussée, une dizaine de pianos d'occasion, rangés en désordre comme dans un dépôt. Aux étages, une sorte de cantine avec un bar et les studios de danse. Elle prenait des cours avec Boris Kniaseff, un Russe que l'on considérait comme l'un des meilleurs professeurs... Une odeur particulière de vieux bois, de lavande et de sueur. »
Olivier Bruneau semble ne pas apprécier de faire deux fois la même chose. Dirty sexy valley ou Esther ne se ressemblaient en rien et cette fois encore : rien à voir.
Pharmakon de Olivier Bruneau
L’histoire un peu courte et peu développée d’un sniper au sein d’une milice privée testant une substance permettant de se passer de sommeil.
Dommage de ne pas mieux faire d’un pitch aussi prometteur
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Y a pas plus beaux paysages au monde que ceux des pays en guerre. Regardez cette montagne, de l'autre côté de la vallée. Le soleil se lève derrière elle, et l'ombre qui la couvre comme un drap noir se retire doucement, comme un tableau qu'on dévoile.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Isolés dans un pays déchiré par la guerre, retranchés dans leur camp, des mercenaires au service d'une entreprise privée ont pour mission de protéger une raffinerie de pétrole. L'un d'eux, tireur d'élite, reçoit un traitement expérimental qui doit lui permettre de rester sans sommeil plusieurs jours et nuits d'affilée, afin d'optimiser ses performances. Soumis à la solitude de cet état de veille artificiel, et à la menace fantôme d'ennemis toujours cachés, il vit contre la nuit, dans un paysage de plus en plus hypnotique, et une tension toujours plus dense.
J’ai ouvert ce livre sans trop savoir de quoi il en retournerait, faisant entièrement confiance à l’autrice du terrible Syndrome du varan. Et c’est probablement la meilleure façon d’entamer un livre. Et quel choc !
Alors, si vous ne l’avez pas encore lu, fermez cette fenêtre, ne lisez pas plus loin et foncez chez votre libraire !
Quand on eut mangé le dernier chien de Justine Niogret
Un livre glaçant et bouleversant ! Sans aucune fioriture ni effet de style, Justine Niogret raconte l’expédition en Antarctique de trois hommes, dix-sept chiens et deux traîneaux (au départ…)
Le demi-traîneau de Mawson
L’histoire de Douglas Mawson, Belgrave Edward Sutton Ninnis, Xavier Mertz et 17 chiens groenlandais
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Hors de la tente, un des chiens se mit à hurler. On ne pouvait guère entendre son cri, mais on le ressentait, dans la chair: une vibration organique, vivante, au milieu des rugissements de vent si durs qu'ils en devenaient minéraux.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Il n'existait pas de mots pour en parler, puisque les mots étaient une façon de communiquer entre les Hommes et que le Sud était par essence totalement inhumain. Il s'agissait d'une vie étrangère, une vie de glaces, de minéraux et de vents.
C'était un voyage au bout duquel il n'y avait rien. On ne pouvait se risquer dans cet espace que pour un court instant et on savait que l'on marchait non pas dans la mort, car la mort est une action, un fait, mais plus exactement dans un endroit où il était impossible de vivre.
Trois hommes partent en expédition en traîneaux pour cartographier le pôle Sud. Ils sont plongés dans un paysage spectaculaire et hostile, usés par le froid et la faim. Un récit inspiré par l'expédition Aurora dirigée par l'Australien Douglas Mawson en 1911.
Dans ma mémoire, le roman de Camus ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable. Peut-être un peu d’ennui scolaire nimbé d’une aura de chef d’oeuvre que je n’avais pas du comprendre. Guère plus.
L’étranger de Jacques Ferrandez, d’après le roman d’Albert Camus
L’adaptation m’avait donc intéressé, peut-être m’étais-je trompé alors et le dessin pourrait révéler ce qui m’avait échappé. Mais non. L’ennui est toujours là.
Certes, certaines aquarelles sont réussies, mais l’ensemble reste aussi statique que son personnage bartlebien. Une BD dans l’étouffante torpeur algérienne qui m’a laissé froid
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut- être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Le jour où sa mère est morte, Meursault a remarqué qu’il faisait très chaud dans l’autobus qui le menait d’Alger à l’asile de vieillards, et il s’est assoupi. Plus tard, dans la chambre mortuaire, il a apprécié le café que lui offrait le concierge, a eu envie de fumer, a été gêné par la violente lumière des lampes électriques. Et c’est avec une conscience aiguë du soleil qui l’aveugle et le brûle que l’employé de bureau calme et réservé va commettre un acte irréparable.
Camus présente un homme insaisissable amené à commettre un crime et qui assiste, indifférent, à son procès et à sa condamnation à mort
Edith est malade et va mourir. Elle décide de se rendre en Suisse pour un suicide assisté avec Exit. Elle part avec son mari et ses enfants pour ce dernier voyage sans retour.
Le jour et l’heure de Carole Fives
En donnant une voix à chaque accompagnant-e, Carole Fives nous parle de la mort qui vient, des souvenirs, des relations de famille.
Une gentille famille de médecins et d’artistes, avec des voix trop uniformes qui manquent de relief pour donner suffisamment de contrastes à ce récit
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La veille, j'étais de garde. Vers vingt-deux heures, on m'a appelée pour une urgence. Un accouchement compliqué. La mère avait fait une grosse hémorragie. On avait réussi à sauver le bébé et je venais de la transférer en réa dans un autre hôpital. J'étais encore totalement là-dedans, dans « Toi et ton bébé, je vous en supplie, vous restez en vie ». Il faut toujours un certain temps après pour redescendre. C'est très addictif les urgences gynécologiques, les urgences en général... on voudrait continuer à sauver le reste du monde, en mode superhéros, mais on reste là, les bras ballants : y'a plus personne à sauver.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « On s'est tous retrouvés à la gare de la Part-Dieu vers sept-huit heures. Maman avait son rendez-vous en début d'après-midi et elle n'avait qu'une peur, le rater. Le GPS annonçait cinq heures de route. On est partis avec la Peugeot à sept places. Papa et Maman devant, et nous, les quatre enfants, derrière, comme à la belle époque. Il ne manquait que les scoubidous et les cartes Panini.
Papa a toujours eu une conduite assez brusque mais alors là, on aurait dit qu'il le faisait exprès. De la banquette arrière, je voyais Maman, à l'avant. Elle ne disait rien mais, à chaque fois que Papa freinait, ou accélérait, son visage se crispait. J'en avais mal pour elle. À un moment, il y a eu une énorme secousse, c'est sorti tout seul, je n'ai pas pu me retenir, mais c'est pas vrai ! Il va tous nous tuer ce con ! »
Edith se sait gravement malade. Elle a convaincu son mari et leurs quatre enfants de l'accompagner à Bâle, en Suisse, où la mort volontaire assistée est autorisée. Elle a choisi le jour et l'heure. Le temps d'un dernier week-end, chacun va tenir son rôle, et tous vont faire l'expérience de ce lien inextricable qui soude les membres d'une famille.
Dans un road trip tendre et déchirant, Carole Fives dresse avec délicatesse le tableau d'un clan confronté à l'indicible et donne la parole à ceux qui restent
Vous approchez de la cinquantaine et vous êtes une femme : ne lisez pas forcément ce roman graphique, ça risquerait de vous faire peur. Quoique, c’est tellement drôle ! Tout compte fait : lisez-le, c’est trop bien foutu.
Vous approchez de la cinquantaine et vous êtes un homme (ou si vous n’êtes pas personnellement concerné-e par la ménopause) : lisez le absolument ! En plus de passer un bon moment, vous apprendrez quelque chose et vous changerez probablement votre regard !
Déréglée : journal d’une ménopause de Francine Oomen
Après une première partie consacrée à la ménopause et aux dérèglement physiques, mentaux, sociaux, humains… qu’elle peut induire (oui, Francine parle d’elle et de son cas précis, difficile d’en tirer des généralités), la seconde partie est beaucoup plus introspective (et encore plus touchante)
Un vrai bijou de bande dessinée à la créativité assez folle !
J’ai adoré !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le titre... Euh... Hum... Quelque chose avec le mot ménopause ? Ménopause : le guide de survie ? Non ! Comment j'ai survécu à la ménopause ? Comment j'ai vécu la ménopause ? Non plus, ça ne va pas ! Euh... Déréglée, journal d'une ménopause ?
Yes ! Je l'ai ! Yes !
Merde... Encore une bouffée de chaleur !
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Un roman graphique bourré d'humour, dans lequel Francine Oomen décrit sa traversée personnelle de la ménopause et la crise existentielle qui l'accompagne.
À 52 ans, Francine ne comprend pas ce qui lui arrive : cerveau en compote, bouffées de chaleur, sautes d'humeur, syndrome de la page blanche... Elle ne se reconnaît plus. Jusqu'à ce qu'elle identifie la source de ces bouleversements : la ménopause bien sûr !
Avec fraîcheur, sincérité et humour, l'autrice nous entraîne dans sa traversée personnelle de cette période si redoutée, dont les symptômes envahissants la plongent dans une crise existentielle et la poussent dans une introspection aussi douloureuse que salutaire.
Et si le secret, pour se libérer des injonctions de la société et des traumatismes du passé, c'était de ralentir ? Et si, pour surfer la grande vague de la ménopause, il fallait d'abord accepter de s'y jeter ?
C’est la vie d’un enfant. C’est triste parfois (sa maman est morte) et c’est drôle aussi, souvent.
J’irai pas en enfer de Jean-Louis Fournier
Par petites touches de deux ou trois pages, Jean-Louis raconte son enfance, la magie divine, la vie du village, l’école, les voisins et la famille… parfois aussi des bêtises.
C’est plein d’un délicieux humour enfantin plein de candeur, c’est parfois un peu long aussi
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je vous dis un Notre Père et dix Je vous salue Marie et vous la faites rentrer.
D'accord?
Je récite mon Notre Père, mes dix Je vous salue Marie et j'attends.
Elle ne rentre pas.
J'augmente la mise. Deux dizaines de chapelet. Je récite mes deux dizaines. Rien. Elle ne rentre pas.
Je suis en sueur. Je me retourne dans mon lit. J'ai peur.
J'augmente encore la mise. Cinq dizaines. C'est long, cinq dizaines, ça fait cinquante Je vous salue Marie. Je les récite. Elle ne rentre pas.
Maman, je veux pas que tu sois morte.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Il a mis la Sainte Vierge dans les W.-C. de l'institution Saint-Joseph.
Il regarde les dames toutes nues dans les livres.
Et, surtout, il a fait à Dieu une promesse qu'il va certainement ne pas tenir.
Le petit Jean-Louis a toutes les bonnes raisons pour aller cuire dans les marmites de l'enfer. Pourtant, quelquefois, il va au ciel. Quand Alfred Cortot lui joue Chopin, quand Luis Mariano lui chante La Belle de Cadix...
Après ses démêlés avec un père alcoolique (Il a jamais tué personne, mon papa), ses démêlés avec le Père éternel
L’inavouable : la France au Rwanda de Patrick de Saint-Exupéry
Car ce livre va bien plus loin et continue l’enquête bien plus profondément que la BD. Enquête, articles dans le Figaro, commission d’enquête, procès… Patrick de Saint-Exupéry est partout et ne lâche rien ! Et si j’arrivais à la conclusion que la France se contentait de regarder ailleurs durant ce génocide, ceci ressemble de plus en plus à un euphémisme tant la France semble mêlée de bien plus près. Livraisons d’armes, formation et instruction militaire, soutien à la famille…
Un livre dont le style un peu surfait m’a souvent fait lever les yeux au ciel avec tous ces effets dispensables et ces continuels « Monsieur »… Mais !!! (je dois avouer que la fin du livre en donne une excellente justification)
Quelle impressionnante somme d’enquête sur ce crime contre l’humanité !
Et aussi un très bon livre pour comprendre la notion de politique d’état, pour appréhender la politique étrangère française et ses ingérences africaines post-coloniales, pour mieux cerner Mitterrand et nombre d’acteurs de ces événements.
Une sale histoire aux responsabilités qui semblent rester bien obscures ! (et – raison d’état – elles le demeureront vraisemblablement encore longtemps)
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Ce livre est mon histoire. Mais ce n'est pas seulement mon histoire. C'est aussi l'histoire d'un génocide. Une histoire française, une histoire africaine, une histoire d'empire. Une histoire d'une cruauté sans fond, d'une violence extrême. Si extrême que vous ne l'imaginez pas. Pas encore.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Je vais vous rabaisser au rang d'homme. Ou vous élever, c'est selon. Je vais attraper votre main et nous allons partir. Quelque part, là-bas, il y a longtemps.
En Afrique, la France se bat depuis cinquante ans pour conserver son empire. La décolonisation n'a pas été une rupture, juste une étape. Avec le temps, nos dirigeants ont simplement privilégié l'ombre, perfectionnant certaines techniques forgées durant les guerres coloniales : les opérations secrètes, l'enseignement de la «guerre révolutionnaire», cette doctrine de manipulation des foules...
Au Rwanda, notre politique fut une réussite. Techniquement - je veux dire si l'on se débarrasse de ces concepts encombrants que sont le bien et le mal, l'humain et l'inhumain, l'acceptable et l'inadmissible -, nous fûmes au sommet. La mystification est une figure de la guerre. Nous la pratiquâmes avec une maîtrise qui glace le sang.
Des soldats de notre pays ont formé, sur ordre, les tueurs du troisième génocide du XXe siècle. Nous leur avons donné des armes, une doctrine, un blanc-seing. J'ai découvert cette histoire malgré moi, dans les collines rwandaises. Il faisait chaud, c'était l'été. Il faisait beau, c'était magnifique. C'était le temps du génocide