Le voyageur de la Toussaint

Voilà un des romans dur de Simenon des plus balzacien. Une petite ville, des petites gens, de l’argent, des jalousies, des amours tristes ou impossibles…

 - Tu ferais mieux de t'acheter de beaux vêtements, une belle auto, et d'aller t'amuser à Paris ou dans le Midi... Ici, ce n'est pas pour toi
Elle ne s'était jamais expliquée franchement.
 - Tu n'as rien à voir avec eux, tu comprends ?... disait-elle sans jamais préciser qui elle entendait par eux.
Ou encore :
 - Ce n'est pas un métier pour toi... Ils finiront par t'avoir...
Il n'y avait pas cru. Il se refusait encore à y croire. Et pourtant, il commençait à concevoir la possibilité d'une conjuration sournoise.
 - Vous avez tout ce qu'il vous faut ? venait parfois questionner le patron.
 - Mais oui...
 - Alors, tout va bien...
Et il retournait annoncer à la cuisine :
 - J'ai vu des repas d'enterrement plus gais que cette noce.
Le voyageur de la Toussaint de Georges Simenon
A la Rochelle un héritage vient rebattre les cartes des petits puissants de la ville. Le jeune héritier saura-t-il faire face ?

Un très bon Simenon à l’ambiance fausse et aux conseils appuyés

Un roman adapté au cinéma en 1943 par Louis Daquin

Le 44e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Gilles Mauvoisin regardait sans voir et il avait les yeux rouges, la peau gercée de quelqu'un qui a beaucoup pleuré. Pourtant, il n'avait pas pleuré.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand un héritage est en jeu, les bonnes âmes montrent soudain leur noirceur.

Un jeune homme et sa tante, d'abord opposés, s'allient contre ceux qui les prennent pour de naïves victimes. L'histoire se passe à La Rochelle, et c'est un puissant tableau de la vie de province, des haines familiales, des jalousies, des infamies que l'on voit trop souvent se perpétrer pour des questions d'argent dans la bourgeoisie aisée. Mais là, les faibles triomphent des forts.

Estampillage : détourné en dérision

Le détournement est un humour qui me fait bien rigoler, et ici, c’est vraiment bien réussi !

Si l'Histoire se répète, c'est que personne ne la lit
Estampillage : détourné en dérision de Benjamin Le Boucher
Alors, certes, il y a bien plus qu’une simple inspiration des hilarantes productions du Penseur Étoile (format, calembours…), mais difficile de dire qui a commencé quand on retombe sur certaines productions de Cavanna dans Hara-Kiri (et ce n’était probablement de loin pas le premier)

Veux-tu bien rendre Grand'Mère tout de suite ?
La grande encyclopédie bête et méchante de François Cavanna (1981)
Une bonne marrade donc, avec quelques cartes collector. Oui, ce sont des cartes postales pour envoyer à ses amis (et aux autres)

Et comme je constate qu’il s’agit d’un tome 2, je m’en vais illico visiter les excellentes éditions Lapin pour tenter d’obtenir le premier tome

Et on peut retrouver le poinçon de Benjamin le Boucher sur Insta @estampillage

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je vous l'avais bien dit que ça allait péter !
Nul n'est prophète en Pompéi


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Passé maître dans les jeux de mots, l’absurde et l’abscons, Benjamin Le Boucher s’évade à nouveau dans les archives des estampes, en détournant les jeux et contes de notre enfance, des scènes de vie du Moyen-Âge, d’un ours férue de livre, sans oublier les querelles de village.

S’y glisse insidieusement un soupçon d’humour noir, liant la vie à l’incongruité et le rire à la mort. Alors installez-vous confortablement et en avant la musique !

Noire : la vie méconnue de Claudette Colvin

J’avais vraiment aimé la biographie éponyme de Tania de Montaigne dont cette bande dessinée est tirée ; une adaptation très réussie.

Désormais. vous êtres noir.
Un noir de l'Alabama.
Dans les années 1950.
Noire : la vie méconnue de Claudette Colvin d’Émilie Plateau, d’après Tania de Montaigne

Avec le temps, d’autres détails me semblent apparaître encore plus clairement comme le problème de l’intersectionnalité (racisme, sexisme, mépris de classe) ou l’invisibilisation de Claudette Colvin.

Une grande BD aux tout petits personnages d’une autrice que je découvre émerveillé par ses décors et ses petits dessins très chou

Pour la découvrir aussi

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Prenez une profonde inspiration. Quittez le lieu qui est le vôtre, passez les ruisseaux, les fleuves, l'océan, sentez la brise.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Prenez une profonde inspiration, soufflez et suivez ma voix. Quittez le lieu qui est le vôtre, quittez le 21e siècle. Vous voici dans les années 1950 au sud des États-Unis, à Montgomery, en Alabama. Désormais, vous êtes Claudette Colvin, une jeune adolescente noire. Ici, noirs et blancs vivent dans la ségrégation. Ici, être noir c'est n'avoir aucun droit. Mais, le 2 mars 1955, Claudette Colvin, qui n'a que 15 ans, refuse de céder sa place à une passagère blanche dans le bus.

9 mois avant Rosa Parks, elle devient la première noire à plaider non coupable et à poursuivre la ville en justice. Et pourtant, son nom tombera dans l'oubli. Voici son histoire...

How to love : un guide universel des sentiments & relations

Destiné à un jeune public, ce petit livre rose tord le cou à tous les clichés normés, aux injonctions et autres culpabilisations.

How to love : un guide universel des sentiments & relations de Alex Norris
Est-ce que je dois ? devient Ai-je envie ? ou Comment faire ?.

C’est tout simple finalement !Des premières questions jusqu’aux rencontres, des amitiés à la passion, des premiers baisers jusqu’à la rupture en passant par bien des soucis et des problèmes, tous les sentiments sont abordés sans tabous ni interdits, simplement et avec beaucoup d’humour.

Un dessin un peu tout moche pour un adorable guide

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Te voilà qui flotte sereinement dans le néant du manque d'amour.
Puis tu vos quelqu'un
une personne magnifique et fascinante
et irrésistiblement détachée


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Que faire lorsqu'un coup de foudre te tombe dessus subitement ? Lorsque les étincelles jaillissent puis se dissipent ? Ou que tu ne t'entends tout simplement plus avec ta moitié ?

Ce guide qui s'adresse à tous t'accompagnera dans ta découverte de l'amour et répondra à toutes tes questions.

45° à l’ombre

Il fait chaud sur l’Aquitaine qui remonte du Congo vers Bordeaux. Et un voyage qui commence mal, ne finit que rarement bien. Le navire gite et prend l’eau, les annamites en troisième classe meurent sous l’œil vaguement concerné de l’équipage (c’était l’époque coloniale, et ça se sent salement bien à 45° sans mauvais jeu de mots), les premières classes s’échauffent… Il y a des voyages où semble planer une sombre malédiction.

Le second Chinois en profita pour mourir pendant le dîner, que Donadieu dut interrompre. Il remarqua, en passant, que Jacques Huret, qui avait bu plusieurs apéritifs, était gai et parlait d'une voix sonore.
Le docteur plongea dans la chaleur des troisièmes classes, trouva Mathias au seuil d'une cabine.
 - Fini ! annonça l'infirmier. J'ai trouvé son argent sous l'oreiller.
Il y avait deux mille trois cents francs, gagnés en trois ans à poser des traverses de chemin de fer.
Cela se traduisait, pour Donadieu, par une bonne heure à remplir des paperasses.
45° à l’ombre de Georges Simenon
Et les problèmes s’enchaînent en espérant impatiemment que les côtes françaises apparaissent.

Un roman où la sauce peine à prendre et l’ennui des passagers tend à gagner les lecteurs

Le 14e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le steward, de son doigt replié, frappa trois ou quatre petits coups, approcha l'oreille de la porte de la cabine et, après quelques instants d'attente, murmura doucement :
- Il est quatre heures et demie.
Dans la cabine du Dr Donadieu, le ventilateur ronronnait, le hublot était ouvert, mais le docteur, couché nu sur les draps, n'en était pas moins moite des pieds à la tête.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le docteur Donadieu, médecin de bord, observe les passagers de l'Aquitaine qui s'agitent sous le soleil africain: Lachaux, qui prédit toujours les pires catastrophes, Bassot, le fou enfermé dans sa cabine, la coquette madame Dassonville, Huret, injustement accusé de vol... Les drames se nouent, les passions s'exacerbent et le mercure continue à monter.

Respect

Un livre puissant, violent qui m’a retourné. Moi qui avais tant ri devant les valseuses et même trouvé le livre fort sympa, je me sens trahi. Comment ai-je pu être aveugle à ça ? Admirer les Blier, Depardieu et tous les autres ?

Mon père avait le fantasme de la famille sacrée, unie comme un arbre qu'on ne fend pas en deux. Moi, je ne voyais pas que partager la vérité allait nous « fendre », au contraire, je voyais une main tendue. Mais en patriarche, il se voulait neutre, sans penser qu'être neutre, c'est être foncièrement du côté du pouvoir, c'est faire de l'OMERTA un savoir-vivre, c'est juger qu'une vie vaut moins qu'une autre, que le vieux monde est le monde, immuable.
Le DÉNI est une pluie de matraques molles.
Respect de Anouk Grinberg
Anouk Grinberg raconte les violences sexuelles, viols et l’inceste qu’elle a subi dans sa jeunesse et les atteintes sur sa vie. Comment cela a abîmé sa relation aux hommes, sa sexualité. Elle raconte aussi le monde du showbiz et ses abus, son couple avec Bertrand Blier, l’emprise, sa soumission, la négation d’elle-même.

Mais aussi, après, les belles rencontres, ses réalisations, son épanouissement… Même si toujours et encore, toutes les plaies ne peuvent se refermer.

En témoignage écœurant et bouleversant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans ce monde malade de son pouvoir et de ses secrets, dire d'où vient le mal reviendrait à faire le mal. L'impunité est comme le petit Jésus couché dans le berceau de la Loi, tout est prévu pour assurer le « bon fonctionnement » d'une société, d'un milieu, d'une famille, tous déviants. Pas de bruit. Pas d'indiscrétion. On couvre les crimes, on couve la pourriture, et le monde continue d'être le monde, cette machine à haute teneur masculine qui broie silencieusement des vies. Il faut se taire, sinon... ce sera le malheur.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ça dure quelques minutes pour l'homme et une vie entière pour la femme. » A. G.

La comédienne évoque son parcours marqué par les violences subies dans son enfance, une relation d’emprise et le silence du milieu cinématographique.
Elle questionne la célébration d'un art qui, sous couvert de subversion, perpétue la domination des femmes.

Les vivants

Voilà un livre qui porte absolument bien son titre !

Chaque année au mois d'octobre, une vieille amie de Céline, ex-copine de fac devenue épouse oisive d'un banquier opulent, organise avec son mari une fête somptueuse pour montrer au monde que même si monsieur trompe madame à un rythme industriel et que madame représente à elle seule 10% du marché français de Prozac, ils peuvent une fois par an s'entendre sur un traiteur et faire bonne figure, le temps d'une soirée.
Les vivants de Ambre Chalumeau
Alors, certes, les grincheux pourraient trouver ça un peu convenu, feel-good, adulescent… Mais c’est frais, vivant (oui, vraiment le titre est très bon !), coloré et bien souvent très drôle (quel sens des métaphores !).Diane a toujours été une enfant sage.
Diane, quand elle joue à GTA, elle fait des créneaux. Elle va voir les gangsters et elle les aide à reprendre leurs études.En s’emparant de sujets difficiles comme la maladie et le coma d’un jeune ou le viol , Ambre réussi à écrire un livre plein de lumières, de couleurs et de contrastes… comme la vie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout arrive d'un coup, la sueur glacée, le brouhaha autour, les jambes qui faiblissent. Ce pote qu'on devine du coin de l'œil en train d'alerter son voisin et qui, premier de la fête à avoir remarqué qu'on flanche, devient sans le savoir le premier au courant de notre drame.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle demande de répéter.
On demande toujours de répéter, alors qu’en fait on a très bien entendu.
Quelque part dans notre crâne, un globule blanc se lève et pète du coude la vitre à ne casser qu’en cas d’urgence, celle qu’on pensait ne jamais avoir à briser : on sait qu’on devrait déclencher un protocole spécial pour accueillir la nouvelle, sauf que personne n’a été briefé, les stagiaires sont incapables, en plus on est samedi soir les bureaux sont déserts, y’a bien les anciens qui sauraient quoi faire, les vieux neurones du fond là, paniqués en permanence, ils nous ont dit qu’un jour ça pouvait arriver mais on les écoute plus ils radotent tellement, et maintenant qu’on a besoin d’eux putain ils sont où ?
Et aussi simplement que ça, une nuit comme les autres devient un Début. »

Histoire du passage à l’âge adulte, histoire d’émotions contraires, Les Vivants est un premier roman à la sincérité désarmante où le drame et la comédie nous illuminent à chaque page.

Le coup de lune

Ce coup de lune ressemble furieusement au Long cours que Simenon publiera en 1936. Certes, sur un autre continent, mais avec la même folie qui frappe un homme dans les colonies.

Au pied des arbres hauts de cinquante mètres, dans cette forêt dont nul ne connaissait les limites, il n'y avait, sur les nattes, que quelques poignées de manioc, quelques bananes, quatre ou cinq petits poissons fumés. Les vieilles femmes étaient nues. Deux d'entre elles fumaient la pipe. La troisième allaitait un gamin de deux ans qui, de temps en temps, se tournait avec curiosité vers les blancs.
Aucun contact entre ceux-ci et les indigènes. Pas un salut. Adèle marchait la première, regardait les petits tas de marchandises, se penchait pour jeter un coup d'œil dans les cases. Elle se baissa et prit une banane qu'elle ne paya pas.
Il n'y avait pas d'hostilité non plus ! C'étaient des blancs ! Ils faisaient ce qu'ils voulaient, parce qu'ils étaient blancs !
Le coup de lune de Georges Simenon
Un homme qui perd pied (un gros coup de lune), fou de jalousie, épuisé par la dengue, écrasé par la chaleur étouffante et abruti par l’alcool.

Un roman au Gabon des années 30, à Libreville et dans la forêt intérieure, l’occasion d’un portrait écœurant du racisme et de l’entre-soi des colons

Un roman adapté par Serge Gainsbourg au cinéma en 1983 sous le titre Equateur avec Barbara Sukowa et Francis Huster

Le 4e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avait-il une seule raison grave de s’inquiéter ? Non. Il ne s’était rien passé d’anormal. Aucune menace ne pesait sur lui. C’était ridicule de perdre son sang-froid et il le savait si bien qu’ici encore, au milieu de la fête, il essayait de réagir.
D’ailleurs, ce n’était pas de l’inquiétude à proprement parler et il aurait été incapable de dire à quel moment l’avait pris cette angoisse, ce malaise faits d’un déséquilibre imperceptible.
Pas au moment de quitter l’Europe, en tout cas. Au contraire, Joseph Timar était parti bravement, rouge d’enthousiasme.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Parti plein d’enthousiasme pour les colonies, Joseph Timar ressent, dès son arrivé au Gabon, un malaise indéfinissable qui n’est pas seulement dû à la moiteur accablante du climat. Il s’installe dans l’unique hôtel de la ville. Dès son arrivé, la patronne, Adèle, s’offre à lui...

L’évadé

En reconnaissant une femme de son passé criminel, la vie de Jean-Paul Guillaume bascule.

Nous informons notre aimable clientèle que nous nous sommes adjoint le concours de Madame Mado la réputée manucure parisienne
Mme Mado était là, dans la boutique parfumée ! On ne la voyait pas, mais J. P. G. n'avait pas besoin de la voir.
Ce n'était pas une jeune manucure, ni une jolie femme. C'était une personne de cinquante ans, grasse et molle, aux doigts boudinés et aux jambes enflées par toutes les fatigues de la vie.
Si J. P. G. entrait, brusquement, et se campait devant elle sans rien dire ?
Il ne le ferait pas, non ! Il savait bien qu'il n'en arriverait quand même pas là. Mais si pourtant cela se produisait, qu'adviendrait-il ?
Et si, le matin même, au lieu de la voir de dos il s'était trouvé face à face avec elle, si elle l'avait vu également ? Elle l'aurait reconnu, malgré ses mous-taches et sa tête de bois.
L’évadé de Georges Simenon
Dans ce court roman Simenon s’amuse un peu aux dépens de ce pauvre J.P.G., évadé du bagne qui croise Mado, elle qui l’avait aidé à s’enfuir et qu’il avait volé. Toute sa nouvelle vie, sa femme, ses enfants, son travail… tout vacille.

Il en perd même sa moustache.

Un roman dur bien bref, un peu cruel avec cet évadé qui perd pied

Le 16e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le tout premier grincement se produisit le lundi 2 mai, à huit heures du matin.
A huit heures moins cinq, comme d'habitude, la cloche du lycée de garçons avait sonné et les élèves épars dans la cour pavée de briques roses s'étaient groupés en longues files devant les classes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jean-Paul Guillaume, irréprochable professeur d'allemand depuis plus de dix-huit ans à La Rochelle, marié, sans histoires et père de deux enfants, change un matin radicalement de comportement. Il frappe un élève.
Rêve en classe. Ne rentre plus chez lui et ne fait même plus semblant de supporter sa femme. Rien ne laissait prévoir un tel revirement chez cet homme qui s'était évertué depuis des années à ne montrer de lui que le profil vide d'un homme craintif.
Que s'est-il passé ? Qui se cache réellement derrière cette identité ? Une sorte de Docteur Jekyll. Comment ne pas perdre pied ? Comment, après avoir contenu depuis tant d'années sa nature profonde, ne pas ressentir enfin l'indicible joie de redevenir soi-même, assassin peut-être, mais si parfaitement heureux !

Long cours

Long cours est une plongée profonde dans les torpeurs de Mittel, rongé par la tuberculose et la jalousie. Un homme fidèle à l’ombre qu’il s’est forgée de lui-même, incapable de reprendre un nouveau souffle.

A présent, ils étaient une dizaine à venir plusieurs fois par jour, à s'accouder au comptoir, à passer quelques minutes en tête à tête avec Charlotte, qui avait pour tous le même sourire, le même rire vulgaire et sonore. Elle prenait son rôle au sérieux ! Elle se sentait désirée et elle devait se croire aussi puissante qu'une courtisane romantique.
Il la détestait, c'était sûr ! Il voulait la détester, mais il était incapable de partir.
 - C'est à cause du petit... se répétait-il.
En était-il si certain que ça ?
Et n'était-il pas pris dans la même glu que les autres ?
Elle n'était pas belle. La maternité, certes, n'avait pas déformé son corps, mais la moindre fille était plus désirable.
Alors, par quoi attirait-elle ? Elle n'était même pas intelligente! Et elle était méchante, vulgaire, avec le besoin inné de faire preuve de sa méchanceté et de sa vulgarité.
Car, à tout moment, elle éprouvait comme le vertige de la gaffe.
 - On ne rencontre ici que des gens qui ont un casier judiciaire, disait-elle par exemple à Tioti.
Celui-ci faisait semblant de rire, mais son rire manquait de sincérité.
Au docteur, elle lançait.
 - En somme, après vingt ans de colonies, tout le monde est parfaitement abruti ?
Long cours de Georges Simenon
Accroché à Charlotte qui doit fuir la France après avoir assassiné son patron poussée de vagues motivations anarchistes, ils se retrouvent sur le bateau de Mopps, qui s’occupera bien de Charlotte pendant que Mittel s’esquintera à la chaudière. Après l’or de la Colombie, Mittel et Charlotte retrouvent Mopps à Tahiti.

Dans ce Long cours, Simenon n’est pas plus tendre avec les colons – épaves alcooliques, qu’avec les principaux protagonistes, piégés dans leur propres filets, tous aussi malades et dysfonctionnels à leur façon.

Un très bon roman dur, glauque et oppressant où la jalousie tourne à la paranoïa

Le 17e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une auto qui venait en sens inverse éclaira un instant la borne kilométrique et Joseph Mittel se pencha juste à temps pour lire : Forges-les-Eaux, 2 kilomètres.
Cela ne l'avançait guère, car il ne savait pas à quel endroit de la route Paris-Dieppe se situe cette ville.
Il se rassit sur le tonneau vide et s'accrocha de la main droite à un montant de fer, de sorte que la bâche mouillée touchait sa main et la glaçait. On roulait vite. La camionnette était légère. A l'avant, le chauffeur, un grand garçon au nez cassé, était assis avec Charlotte, mais, de l'intérieur, Mittel ne les voyait pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après avoir assassiné son patron, Charlotte, une jeune anarchiste, s’enfuit avec son amant Jef Mittel. À Dieppe, ils embarquent sur le Croix de vie, un cargo à destination de l’Amérique du Sud. Au fil de la traversée et de ses péripéties, des liens se tissent avec le capitaine Mopps, vieux contrebandier et trafiquant d’armes, obsédé par Charlotte.

Ce triangle amoureux tragique les conduira en Colombie puis à Tahiti au gré de leurs errances...