Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Attiré par un dessin très graphique, une bichromie toute en aplats des plus réussies, j’ai découvert une bande dessinée aux messages d’une grande profondeur.Destins coréens de Laëtitia Marty et Jung, dessins de JungEn Corée du Sud, les mères célibataires sont victimes de fortes discriminations et de nombreux enfants nés hors mariage sont proposés à l’adoption. Jung, lui même adopté à l’âge de cinq ans, a réalisé une bande dessinée sur le sujet qui touchera Joy, jeune coréenne au moment où, enceinte, elle se retrouvera devant ce choix.
Un album magnifique tant pour ses qualités esthétiques que pour sa sensibilité à traiter de ce sujet
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Lors d'un séjour en Corée, j'ai fait une de ces rencontres qui ne laissent pas indemne, tant elles questionnent et bouleversent. Cette expérience invraisemblable a affecté mon propre quotidien mais a aussi changé la vie d'une lectrice...
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Dans ce récit de vie inspiré de la réalité, Joy, une jeune Coréenne, tombe enceinte après une relation éphémère.
Hantée par la honte et le poids des regards, elle s'apprête à faire adopter son enfant. Mais en passant devant une librairie, elle découvre la BD autobiographique d'un Coréen adopté. La rencontre avec son auteur bouleverse ses certitudes.
De la vraie fiction, drôle et amorale. Les meurtres s’enquillent sans qu’on ne s’intéresse trop au victimes. Et qu’importe, car ici, c’est l’action qui compte.Clamser à Tataouine de Raphaël QuenardEt ça fonctionne plutôt bien avec quelques phrases, pensées et pépites fort sympathiques.
Un bon divertissement dont j’ai toutefois eu peine à trouver le message
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Tataouine, novembre 2024
Je coule les jours les plus doux de mon existence. J'ai trouvé la parade ultime. Vivre aux crochets d'une octogénaire, c'est quand même le pied.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « La discutable dextérité dont j'ai fait montre pour me dépatouiller de mon existence laisse à penser que je suis tout sauf un exemple à suivre.»
C'est le moins qu'on puisse dire. Le narrateur est un jeune marginal qui n'a jamais cherché à s'intégrer. Ce qui ne l'empêche pas de trouver plus commode de rejeter l'entière responsabilité de son ratage sur la société. Et il compte bien, « en joyeux sociopathe », lui faire salement payer l'addition de sa défaite. Son plan ? S'immiscer dans toutes les classes sociales pour dénicher chaque fois une figure représentative de cette société détestée. Et la tuer. En écrivant le roman de ce psychopathe diaboliquement pervers, provocateur et gouailleur, l'auteur entraîne le lecteur dans une épopée macabre mâtinée d'un humour noir très grinçant. Avec un style aussi électrique qu'inventif, Raphaël Quenard dissèque le cerveau malade d'un monstre moderne et met en scène toute la galerie de personnages qui l'entourent.
Quelle passion, quel amour ! Je me suis fait cueillir comme une petite fleur des champs par ce roman qui sort clairement des clichés du genre.L’abandon du mâle en milieu hostile de Larher ErwanAlors, certes, l’incessante utilisation du passé simple peut sembler un peu précieuse. Mais le narrateur ne l’est-il pas ?
Le livre d’une passion qui a tout emporté, un amour de jeunesse comme un saut dans le vide sans parachute. Mais connait-on vraiment ceux qu’on aime ?
Une merveille pleine d’humour et d’amour
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je te haïssais.
Avec tes cheveux verts, sales, tu représentais tout ce que j'exécrais alors: le désordre, le mauvais goût, l'improductive et vaine révolte juvénile.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Dijon, 1977. Les téléphones avaient des fils, les téléviseurs ne diffusaient que trois chaînes, La Poste s'appelait PTT. Entre une fille fantasque, rebelle, et un jeune garçon trop sage s'ébauche une relation inattendue et insolite. Dans la France en pleine mutation du début des années 1980, où fric et paillettes tiennent peu à peu lieu d'idéaux, le narrateur va brusquement découvrir la part sombre de sa belle compagne. Et relire leur histoire sous cette lumière noire.
Charmé par la dernière autofiction de Loulou Robert, je suis allé guigner pour savoir qui était son mari si vieux publié dans une grande maison d’édition et je suis tombé sur Erwan Larher. Et là, surprise, en recherchant ses livres, je suis tombé sur des romans Harlequin ?!? Y aurait-il eu méprise ? C’est alors que je me suis rendu compte qu’il en était le traducteur.
Passé la petite histoire, j’ai finalement découvert le titre de ce livre et je m’y suis plongé. Avec délice !Marguerite n’aime pas ses fesses de Erwan LarherC’est drôle et truculent, il y a de l’enquête, du sexe, de la perversion, du pouvoir et… une fois encore, beaucoup d’humour. Oui, nous sommes loin d’une bluette formatée aux poncifs stéréotypés.
Certes, la fin un peu explicative et la narration fort embrouillée m’ont surpris, mais zou ! C’est vraiment un bon moment avec Marguerite
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Marguerite n'aime pas ses fesses.
Elle fronce les sourcils. Ce que le français peut être imprécis, parfois ! Ces fesses que Marguerite n'aime pas pourraient être celles de n'importe qui. Si elle écrivait un roman, ce qui ne risque pas d'arriver (elle écrit mal et n'a rien d'intéressant à dire), il ne débuterait pas ainsi. Cette phrase-seuil sème la confusion. Elle choisirait plutôt un incipit in media res ─ croit-elle se souvenir, ses cours de construction narrative écaillés par l'inusage. Et puis le français n'incite-t-il pas au coulis narcissique de la première personne du singulier ? Je n'aime pas mes fesses, voilà qui est clair.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Marguerite a un mec mais pas de libido, une mère mais plus de père, et rêve d’une vie de famille. Lorsqu’on lui propose d’aider un ancien président de la République à rédiger ses mémoires, elle accepte – elle ne sait pas dire non. Alors, sa réalité et la réalité prennent leurs distances, peu aidées par l’irruption d’un flic qui enquête en secret sur les liens entre une trentaine d’assassinats politiques.
Rythmé et subtilement décousu, Marguerite n’aime pas ses fesses met en récit l’apathie politique d’une génération un brin nombriliste, questionne la puissance dévastatrice des pulsions sexuelles et s’aventure dans les méandres de la sénescence.
Un roman caustique et piquant.
Mais ?!? Philippe, vous nous avez fait quoi là ? Quelle tristesse. Et Hélium, votre éditeur, il a pensé à quoi ? Que votre nom suffirait à faire passer n’imp’ ? Mes dessins mignonistes de Philippe KaterineJe n’ai pas de mots, les bras m’en tombent.
M’enfin, on a tous des petits coups de moins bien, mais de là à les publier…
Bouarf
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Quotidiennement, je dessine seul aussi bien qu'entouré. Je vois pas le temps passer quand je dessine. Je dessine ce que je vois dans ma teuté
Ce que la vie a à donner
Pour capturer
Pour pas que ça s'en aille
Pour montrer.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Environ 80 dessins par lesquels le chanteur-compositeur et artiste aborde des sujets graves, tels la mort, l'isolement, le dérèglement climatique, la violence ou la maladie, de manière touchante ou humoristique.
Une invitation à réfléchir à des questions métaphysiques ou contemporaines ainsi qu'une introspection intime singulière.
David tourne autour d’une vraiment drôle d’idée, et c’est bien drôle. Et si un sens caché se trouvait derrière les romans de Marc Levy.Marc de Benjamin StockUn livre dans l’air du temps, avec des messages cryptiques et une conspiration internationale. Viens, ouvre les yeux et rejoins-nous !
Un bon moment, rigolo et qui changera peut-être votre regard sur ces bluettes… Ou peut-être pas
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Où l'on examine le bien-fondé du suicide
─ On ne devrait jamais ouvrir un livre, à moins de croire qu'il peut changer notre vie !
L'esprit surchauffé, le geste brusque, David atteint son point d'ébullition, quand sa parole déborde, le noie et nourrit le feu d'une querelle sans fond. Dans ces moments, il répugne à la nuance, la considère comme le refuge des tièdes et des jésuites, comme le plus grand mal de l'humanité. Il sait déjà que demain, pourtant, il regrettera tout.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Et si c'était VRAIMENT vrai?
David Baumer, fondateur d'une start-up parisienne, traverse une crise existentielle. Sa compagne le néglige tandis que son entourage s'absorbe dans les idéologies du moment : relativisme, développement personnel, management agile...
L'une de ses employées, Sheyenne, lui fait découvrir une communauté clandestine de lecteurs de Marc Levy. D'abord moqueur, David plonge finalement dans l'œuvre du grand romancier, en quête de réponses.
Quelle est donc cette conspiration que David pense avoir perçue dans les textes de Marc Levy ?
Alors qu'il approfondit ses recherches, David se radicalise...
Nicolas Demorand est bipolaire. Il raconte sa maladie depuis les premiers signes, depuis les premiers moins bien jusqu’à aujourd’hui en passant par les médecins, les psychanalystes, les prescripteurs… et toutes les fausses pistes et les absences de diagnostics.Intérieur nuit de Nicolas DemorandJusqu’à aujourd’hui où, malgré une fragilité de tous les instants et bien des gouttes, poudres, gélules et comprimés, il arrive enfin à vivre.
Un témoignage bouleversant, d’une grande franchise sans pathos ni mélo
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je suis un malade mental. Il m'est difficile de dire depuis combien de temps, vingt ans, peut-être trente, certainement huit, depuis qu'un diagnostic a été posé. J'avale tous les jours une grande quantité de médicaments, je vais deux à quatre fois par mois dans un hôpital psychiatrique où l'on me surveille comme le lait sur le feu. Je suis bipolaire, pour employer le mot précis qui a remplacé « maniaco-dépressif ».
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Les événements racontés dans ce livre se déroulent sur plus de vingt ans. Pendant toutes ces années, je me suis tu. Aujourd’hui, j’écris en pensant à toutes celles et ceux, des centaines de milliers, peut-être des millions, qui souffrent en silence du même mal.
Quel ennui.
Avec ce passage de la ligne, Simenon tente-il de nous faire part de sa propre vie fantasmée : un solitaire qui a ses accès dans toutes les sociétés ; un invisible qui peut se glisser partout avec aisance ; un homme parti de rien qui a réussi et qui n’oublie pas de remercier la chance et les rencontres, avec une humilité grossièrement feinte ; un aventurier qui, après avoir goûté à tous les plaisirs, peut se retirer à l’écart du monde ?Le passage de la ligne de Georges SimenonNon, il ne se passe pas grand chose dans ce passage (à vide)… à peine une fin aussi fade que sa première partie.
Et que dire de ce sale personnage misogyne, violent et abuseur plein de sa bonhomme impunité ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) J'ai franchi trois fois la ligne, la première fois en fraude, avec l'aide d'un passeur, en quelque sorte, une fois au moins légitimement, et je suis sans doute un des rares à être retourné de plein gré à son point de départ.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Qui suis-je ? »
Steve Adams a passé trois fois la ligne de démarcation, celle qui sépare un statut social de celui qui lui est supérieur. Ayant réussi sa vie, à 50 ans, il éprouve le besoin de dire ce que fut pour lui cette triple.
Il y a quand même des trucs bien pourris au pays du chocolat. En soulevant juste un petit peu les tapis, ou même, juste en ouvrant les yeux, les hypocrisies et les petites saloperies emplissent rapidement les marges.Une Suisse au noir de Isabelle Flükiger avec une préface de Christophe Tafelmacher, juristeEn partant de l’histoire de Gloria et de Mohammed, Isabelle Flükiger raconte la précarité des sans papiers dans un système qui leur dénie tout droit, sauf celui de travailler au noir, sans assurances, pour des salaires de misère et sans aucune possibilité de recours.
Et en miroir : l’impunité des patrons bien à droite initiant des lois bien pourries au dérogations floues et non contrôlables… Écœurant !
Un excellent livre entre enquête et fiction, étayé et documenté pour jeter un œil au dessous des cartes truquées
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Gloria n'a pas de permis. Pas de permis B, C, G, L, F, N, ni même de permis S. Elle vient du Cameroun. En 2016, quand je l'ai rencontrée, ça faisait quinze ans qu'elle n'avait plus revu ses fils.
Elle est illégale, mais c'est un raccourci. On la définit plutôt comme une « sans-papiers », ce qui est aussi faux. Gloria a bien des papiers, ce ne sont juste pas les bons.
Disons que, dépourvue de permis, Gloria est en séjour illégal en Suisse depuis plus de quinze ans.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Tu as engagé une illégale pour s'occuper de tes enfants ?! »
La narratrice tombe des nues lorsqu'elle apprend que son amie emploie une sans-papiers.
Mais avec l'histoire de Gloria, la baby-sitter camerounaise, puis celle de Mohammed, un demandeur d'asile débouté, sa stupeur va laisser la place à de nouvelles questions : comment des sans-papiers peuvent-ils payer assurances sociales et impôt à la source, tout en se voyant refuser le droit d'exister légalement ? Comment des employeurs peuvent-ils recruter des travailleurs illégaux, et s'en sortir impunément ?
Avec ce sixième roman, Isabelle Flükiger nous emmène dans une Suisse de l'ombre où la justice n'est pas le droit, et où la loi ne dit pas toujours ce qu'elle fait. Un récit entre enquête et fiction aussi percutant qu'instructif.
Réécrire ou récrire des ouvrages pour ne pas blesser ou pour mieux vendre ? Dans ce petit, tout petit livre, Laure Murat tente de préciser la question et d’éclaircir un peu le sujet afin d’arrêter de tout mélanger. Et elle le fait très bien !Toutes les époques sont dégueulasses : ré(é)crire, sensibiliser, contextualiser de Laure MuratMais ça ne va pas beaucoup plus loin que l’éclaircissement. Et même si elle y précise bien son point de vue, le sujet est bien vite clos.
Une excellente introduction pour commencer à penser sur de bonnes bases en ayant précisé de quoi il était sujet
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) « Faut-il réécrire les classiques de la littérature ? », « Doit-on réécrire nos livres pour ne pas offenser les sensibilités ? », « Faut-il adapter les classiques à leur époque ? », « Réécriture de romans, une histoire ancienne ? »... Difficile, ces derniers temps, de ne pas tomber sur ces questions pointant, ici, la nécessité de réviser le sexisme de James Bond et le racisme d'Agatha Christie, ou, là, l'antisémitisme de Roald Dahl, en remplaçant des termes jugés offensants pour les minorités.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Depuis quelques années, un malaise s'est installé dans la culture contemporaine. Ici on récrit des textes classiques ou certains best-sellers pour les purger du racisme et du sexisme, ailleurs on en appelle à une surenchère de contextualisations.
Et si la question qui sous-tend ce vaste débat était mal posée ? S'il s'agissait, dans bien des cas, d'argent et non d'éthique ? Et si la censure n'était pas du côté qu'on croit ? Et si les précautions prises à tout contextualiser produisaient à terme un effet pervers ?
À l'aide de quelques exemples, Laure Murat tente de rebattre les cartes d'une polémique qui, à force d'amplifier, brouille les vrais enjeux de la création et de sa dimension politique.