Le fils Cardinaud

La femme d’Hubert s’est tirée avec Mimille, un petit voyou, une sale bête. Mais Hubert, qui reste avec ses deux enfants, l’aime, même si ce n’est pas tout à fait réciproque. Il décide d’aller la récupérer.

Un peu plus tard, il descendait l'escalier de pierre et pénétrait dans le sous-sol où il avait passé son enfance. Sa mère, les genoux écartés sous le tablier bleu, écossait des petits pois. Il l'embrassa au front, comme d'habitude, fit partir le chat du fauteuil d'osier où il s'assit, et dit avec sérénité :
 ─ Marthe est partie avec Mimile... Le fils de Titine...
S'il s'était écouté, s'il n'avait craint, par un reste de superstition, de défier le sort, il aurait ajouté aussi naturellement :
 ─ Je vais la rechercher...
Et la ramener chez elle, où c'était sa place !
Le fils Cardinaud de Georges Simenon
Mais où sont-ils allés ?

Elle ne l’aimait pas, elle ne l’avait jamais aimé, elle ne l’aimerait jamais. Il le savait depuis toujours. Est-ce que cela importait ? Il l’aimait et c’était suffisant, il se contentait qu’elle fût sa femme, qu’elle vécût dans sa maison, qu’elle lui fît des enfants…
C’était tellement plus simple que ce que pensaient les gens !

Un fils Cardinaud touchant, et bien de son époque !

Le 45e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était porté, comme un bouchon l'est par le flot. Le corps droit, la tête haute, il regardait devant lui et ce qu'il voyait se mariait intimement à ce qu'il entendait, à ce qu'il sentait, à des souvenirs, à des pensées, à des projets.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Enfant déjà il savait qu'il ne serait ni ouvrier,ni artisan, ni commerçant, qu'il vivrait comme le premier clerc vu chaque dimanche à la messe, toujours correct, avec un rien de lenteur majestueuse. Le fils Cardinaud a tenu ses promesses. M. Mandine, l'assureur des Sables-d'Olonne, parle de lui comme son successeur. On le salue en ville. Jusqu'à ce que sa femme le quitte avec l'argent du ménage. Lui qui croyait être devenu quelqu'un est rappelé à sa condition de roturier. Le voile se déchire. Cardinaud découvre un monde de laideur où seule son intuition, comme son amour, pourra désormais le soutenir. Une seule certitude : il retrouvera sa femme.

L’escalier de fer

Ce roman dur annonce une fin fort prévisible et pourtant, Simenon arrive encore à en faire une fin remarquable. Mais ni par un twist invraisemblable, ou un grandiose retournement de situation. Non ! Juste une fin misérable à la hauteur du protagoniste.

Peut-être, sans la phrase de la concierge, cela se serait-il passé autrement. Cette phrase-là ne lui était jamais sortie de la mémoire et l'avait hanté pendant les trois jours qu'il avait passés dans son lit, après le jeudi que Louise avait emmené Mariette dans sa chambre et que les deux femmes étaient restées long-temps à chuchoter. S'il avait décidé de vivre, c'était probablement à cause de l'image qu'évoquaient les mots entendus jadis par la fenêtre ouverte.
 ─ Quand on l'a mis dans son cercueil, il ne pesait pas plus qu'un enfant de dix ans.
Il ne pouvait s'empêcher de voir Guillaume Gatin, avec son chapeau sur la tête, son demi-saison beige et ses moustaches, réduit à la taille et au poids d'un gamin de dix ans. Car, dans son esprit, il lui diminuait la taille aussi.
L’escalier de fer de Georges Simenon
Un livre sans grand éclat ni suspense, juste un couple dans un magasin avec, au fond, un escalier de fer qui monte à l’appartement. Un homme incapable de réagir et une femme… comment dire ? Superbe d’amoralité

Le 78e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La première note fut écrite au crayon, sur une feuille de bloc-notes de la grandeur d'une carte postale. Il ne crut pas devoir mettre la date complète.
« Mardi. Crise à 2 h 50. Durée 35 minutes. Colique.
Mangé purée de pommes de terre au déjeuner. »
Il fit suivre le mot déjeuner du signe moins, qu'il entoura d'un cercle, et, dans son esprit, cela voulait dire que sa femme n'avait pas pris de purée. Il y avait des années que, par crainte d'engraisser, elle évitait les féculents.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Etienne Lomel ressent depuis quelque temps de vives douleurs à l'estomac, sans qu'on puisse déterminer chez lui une maladie. Il a peur. Sa femme Louise a été mariée une première fois et Etienne était son amant avant que le mari meure. Etienne, au début de son mariage, a entendu par inadvertance une phrase de la concierge disant que Guillaume, lors de sa mort, était devenu si maigre qu'il ne pesait pas plus lourd qu'un enfant de dix ans.

La main

Il faudrait probablement cesser de cataloguer Simenon dans les romans policiers. Et même les Maigret, finalement. Des meurtres, certes, il y en a bien souvent dans ses livres, mais est-ce vraiment ce qui l’intéressait ? Oui, ici encore, un homme laisse mourir son ami dans le froid et la fin est brutale. Pour autant, s’agit-il de polars ?

C'est sur le banc rouge, dans la grange dont la porte battait, qu'une vérité m'est apparue, qui a tout changé :
 — Je le hais...
Je le hais et je le laisse mourir. Je le hais et je le tue. Je le hais parce qu'il est plus fort que moi, parce qu'il a une femme plus désirable que la mienne, parce qu'il mène une existence comme j'aurais voulu en mener, parce qu'il va dans la vie sans se préoccuper de ceux qu'il bouscule sur son passage....
Je ne suis pas un faible. Je ne suis pas non plus un raté. Ma vie, c'est moi qui l'ai choisie, comme j'ai choisi Isabel.
L'idée d'épouser Mona, par exemple, ne me serait pas venue si je l'avais connue à l'époque. Ni celle d'entrer, Madison Avenue, dans une affaire de publicité. Ce choix, je ne l'ai pas fait par lâcheté, ni par paresse. 
Cela devient beaucoup plus compliqué. Je touche à un domaine où je soupçonne que je vais faire des découvertes déplaisantes.
La main de Georges Simenon
En pleine tempête de neige, ivre, Donald se fige dans une grange et n’arrive pas à se relever pour aller chercher son ami perdu dans la nuit. Il se convainc alors qu’il est responsable de sa mort et entame une grande introspection. N’a-t-il pas loupé sa vie ? La grosse question de la crise de la 40-50aine.Avons-nous jamais eu quelque chose à nous dire ?
Je restais là, à le regarder, à me tourner parfois vers la rue dont le va-et-vient avait changé depuis mon enfance. Jadis, on comptait les voitures et il était possible de parquer n'importe où.
 — Quel âge as-tu, au fait ?
 — Quarante-cinq ans...
Il hocha la tête, murmura comme pour lui-même :
 — C'est jeune, évidemment...
Il allait en avoir quatre-vingts. Il s'était marié tard, après la mort de son père, qui dirigeait déjà le Citizen. Il avait fait ses premières armes à Hartford, et, quelques mois seulement, dans un quotidien de New-York.
J'ai eu un frère, Stuart, qui aurait vraisemblablement repris l'affaire s'il n'avait été tué à la guerre. Il ressemblait plus à mon père que moi et j'ai l'impression qu'ils s'entendaient bien tous les deux.
Nous nous entendions bien aussi, mais sans intimité
 — C'est ta vie, après tout...
Il grommelait. Je n'étais pas obligé d'avoir entendu.Une impressionnante plongée dans la psyché d’un homme qui doute et qui cherche les coupables – tout en sachant qu’il est le premier !

Le 110e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis sur le banc, dans la grange. Non seulement j'avais conscience d'être là, devant la porte déglinguée qui, à chaque battement, laissait s'engouffrer une rafale de vent et de neige, mais je me voyais aussi nettement que dans un miroir, me rendant compte de l'incongruité de ma position.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les Sanders passent le week-end chez leurs amis Dodd. Ils se rendent ensemble à une réception organisée par les Ashbridge : les libations vont bon train et Donald Dodd est troublé en découvrant par hasard Ray Sanders dans les bras de la maîtresse de maison. Au retour, une violente tempête de neige empêche la voiture de Dodd d'atteindre sa maison et les deux couples amis doivent effectuer à pied la fin du parcours. A l'arrivée, on s'aperçoit que Ray, perdu dans le blizzard, n'est pas là. Donald fait mine d'aller à sa recherche dans la neige, mais, abruti par la fatigue et l'alcool, il préfère se réfugier dans la grange.

Les Pitard

De nombreux Simenon se passent sur mer ou le long les canaux qui semble avoir été fasciné par ce monde. Les Pitard, c’est l’histoire d’un marin, son bateau et sa femme. La grosse mer et un naufrage. Naufrage d’un couple, d’un bateau ou des deux ?

Le signal du jour qui allait naître, ce fut, à bord du Tonnerre-de-Dieu, la distribution de café noir dans les quarts en fer-blanc, sauf pour les officiers à qui un Campois fantomatique apporta des bols.
 - Sors une bouteille de rhum et sers une tournée générale, dit Lannec en épiant d'un œil maussade le ciel qui pâlissait.
Il faisait plus froid que la nuit, un froid humide et pénétrant et tout le monde avait les yeux rougis par la fatigue. La mer ne s'apaisait pas, au contraire, et à mesure que la grisaille de l'aube permettait d'en voir davantage du Françoise, les visages se renfrognaient.
Le spectacle du chalutier désemparé était sinistre. Amputé de sa cheminée et de sa cabine, il n'avait plus physionomie de bateau et d'ailleurs, depuis longtemps, il ne réagissait plus en bateau.
Les Pitard de Georges Simenon
Un roman fascinant par sa montée en puissance et le déchaînement au paroxysme de la tension.

Une violente tourmente en pleine mer

Le 13e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le Journal de Rouen publiait à la rubrique « Mouvement du Port » : « Sortis : Le Tonnerre-de-Dieu, commandant Lannec, pour Hambourg, avec 500 tonnes de divers... »


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ne fais pas trop le malin. Quelqu'un qui sait ce qu'il dit t'annonce que le Tonnerre de Dieu n'arrivera pas à bon port. Ce quelqu'un a bien l'honneur de te saluer et de dire le bonjour à Mathilde. »
Qui a bien pu écrire ces lignes couchées sur une feuille de mauvais papier qu'Émile vient de trouver dans sa cabine ? Qui ose lui gâcher son plaisir alors qu'il vient tout juste d'acheter son cargo après des années de labeur ? Et pourquoi mentionner Mathilde, son épouse ? Comment expliquer qu'Émile se sente à ce point surveillé alors que rien ne va comme prévu ?... Un farceur sûrement... Oui, c'est cela, un farceur... Mais de la farce au drame, il n'y a parfois qu'un pas...

L’assassin

Le Dr Kuperus ne se sent pas considéré comme il le faudrait, il en tire une certaine humiliation. Alors, le jour où il apprend que sa femme le trompe avec le numéro un de la ville, il vrille et décide de les tuer tous les deux.

Donc, tout était faux, y compris cette maison trop bien tenue, le nouveau salon, le piano, le manteau de fourrure et le coussin grenat de Mia...
Voilà pourquoi il avait tué ! Parce que, désormais, il s'ennuyait à mourir, parce qu'il ne croyait plus à la bouteille de bourgogne qu'on mettait à chambrer les jours où l'on recevait Van Malderen, parce qu'il ne pouvait même plus entendre Mia jouer du piano !
On l'avait trompé ! Toute sa vie, il avait été un imbécile ! On ne le nommerait même pas vice-président de l'Académie !...
Pourquoi ne pas tuer Schutter, et sa femme par-dessus le marché ?
Après, tant pis ! Il se tuerait aussi. Ou bien il se laisserait prendre et il dirait à ses concitoyens ce qu'il pensait d'eux.
L’assassin de Georges Simenon
Pour autant… cela suffira-t-il pour qu’il retrouve sa sérénité et pour qu’il réussisse à devenir le calife à la place du calife ?

Un roman psychologique assez réussi sur les frustrations sociales

Le 19e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le mélange était si intime entre la vie de tous les jours, les faits et gestes conventionnels et l'aventure la plus inouïe, que le docteur Kupérus, Hans Kupérus, de Sneek (Frise Néerlandaise) en ressentait une excitation quasi voluptueuse qui lui rappelait les effets de la caféine, par exemple.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'homme est un colosse, habituellement placide, et la vie pourtant l'a changé. Il a dérogé à ses habitudes de médecin pour aller acheter un revolver qui maintenant déforme sa poche. Il n'ira pas manger chez sa belle-soeur et attend l'heure avant de frapper. Un an ! Cela fait un an que cette lettre anonyme est arrivée. Un an qu'il réfléchit. Pas de hasard. Les soupçons pourront se porter sur lui, la belle affaire ! À la disparition de sa femme, il feindra l'inquiétude. La rumeur pourra se répandre et chanter : "Attention ! V'la l'assassin...", il faudra des preuves pour le coincer. Retrouver les corps. Faire éclater le scandale du petit cabanon près du lac. Ils devront l'accuser, eux tous qui savaient, notables et faux amis, qui fermaient les yeux et ne lui avaient rien dit...

Les innocents

Dernier des romans durs de Simenon, les innocents est paru en 1972. Et c’est un très bon Simenon ! Alors, certes, la fin s’annonce aussi évidement que le camion du début. Pas vraiment de suspense ici. Mais comme souvent dans ses livres, c’est par sa connaissance de l’âme humaine et son talent à la décrire que Simenon impressionne.

D'évoquer ainsi ses souvenirs du passé ne l'empêchait pas de rester attentif, malgré lui, à ce ce qui se passait autour de lui. Il aurait voulu que la vie soit finie, que la terre cesse de tourner parce que Annette était morte, mais il avait, en arrivant dans l'atelier de la rue de Sévigné, un coup d'œil vers la baie vitrée qui découvrait un ciel qui, depuis quelques jours, restait d'un même bleu pastel, avec le rose des poteries de cheminées qui tranchait sur le gris des toits.
Il saluait chacun d'un mot gentil et ils devaient être persuadés qu'il allait mieux.
Il réalisait maintenant, à son établi, le bijou qu'il dessinait quand le brigadier était venu lui annoncer son malheur. Et il le faisait avec amour, comme s'il le dédiait à Annette.
Pour lui, elle restait vivante et parfois, quand il était boulevard Beaumarchais, il était sur le point de lui adresser la parole.
Les innocents de Georges Simenon
Un homme perd sa femme brutalement, shootée par un camion. Son monde s’écroule.

Et ce n’est pas fini

Le 117e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Même la giboulée de mars qui tombait depuis une heure était savoureuse, car elle donnait à l'atelier une couleur plus intime. On retrouvait les toits de Paris que la pluie laquait d'un noir bleuâtre et le ciel était d'un gris qui gardait une certaine luminosité.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Depuis seize ans, Georges Célerin est associé à son ami Brassier dans une entreprise de bijouterie : le premier dessine les bijoux et dirige l'atelier, le second s'occupe des commandes et de la vente. Célerin vit en parfaite harmonie avec sa femme Annette, leurs deux enfants et ses collaborateurs. Un accident stupide va changer la destinée de cet homme heureux : Annette, qui travaille comme assistante sociale dans le quartier de la Bastille, se fait écraser par un camion en traversant la rue Washington, dans un quartier où, apparemment, elle n'avait rien à faire.

Après ce coup terrible, Célerin n'est plus le même homme. Sur les traces de la morte, il cherche à savoir ce qui s'est passé.

Le Cheval blanc

On s’arrange, on fait comme on peut, avec ses casseroles, ses désirs, ses frustrations. Parfois, ça casse, d’autres fois ça tient encore… jusqu’à quand.

L'oncle s'éveillait, voyait au soleil qu'il n'était pas l'heure et restait sur son grabat, les yeux ouverts, à renifler son odeur de vieil homme.
Le Cheval blanc de Georges Simenon
Simenon excelle à peindre ces vies qui passent à côté de leurs rêves. Couples ratés, misères pourries, petits arrangements… Tant qu’on n’y regarde pas de trop près.Elle aurait pu parler de ça à la patronne du Cheval Blanc. Elles se seraient comprises. Mais, même si elles en avaient eu l'occasion, elles ne l'auraient probablement pas fait.
On n'en parle pas...
On s'arrange...
On fait tout ce qu'on peut...
Ainsi, soudain livré à lui-même, Arbelet redevenait rêveur.Un roman guère palpitant, limite fatiguant. Des tristes portraits lamentables

Le 25e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Tu devrais le poser par terre, Maurice...
Pourquoi cette phrase-là plutôt qu'une autre ? Et pourquoi cette minute-là plutôt que n'importe laquelle des minutes de ce dimanche de Pentecôte ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Au bord de la nationale, à l'auberge du Cheval Blanc, la cuisine est renommée et la vie paraît agréable, simple et ensoleillée. Mais le patron exerce ses prérogatives sur les petites bonnes de seize ans, et le veilleur de nuit est un criminel relâché depuis peu, gonflé de graisse molle, lui-même persuadé qu'un jour il tuera de nouveau. Sans doute l'un de ces représentants de commerce arrogants qui le réveillent à toute heure. Peut-être le patron, la cuisinière, un joueur de cartes, une cliente, au hasard, sur un coup de sang… Le drame couve. Le veilleur sait tout des affaires sordides des uns et des saloperies des autres. Un jour, se dit-il en frottant dans le garage aux heures blêmes les carrosseries noires des voitures, un jour… « I faudra bien que j'en tue un… »

Les sœurs Lacroix

Un sombre huis clos se déroule depuis de nombreuses années dans la maison des sœurs Lacroix. Une histoire de secret de famille bien glaucasse où tout le monde paye le prix. Fort !

 - Je ne sais pas ce qui arrivera à ce moment, ni ce que vous direz de moi... D'autres en parleront...
Il souriait, désabusé. Et Sophie, dans sa chambre, frappait de grands coups contre la cloison.
 - Bon! Compris... cria-t-il. D'ailleurs, j'ai fini...
Le sang aux joues, il avait plusieurs fois passé la main dans ses cheveux en désordre.
 - Bonsoir, Mathilde... Dors !.... Ou plutôt essaie de dormir...
» Je ne suis pas dupe de ton silence, va! Je ne comprends même plus, maintenant, comment j'ai pu envisager de vous entraîner tous avec moi... »
Elle se retourna bruyamment et il se tut, resta encore un moment assis sur son lit, puis s'enfonça peu à peu dans les draps.
Il avait oublié d'éteindre la lumière. C'est Mathilde qui le fit, après avoir attendu un certain temps pour s'assurer que c'était bien fini.
Les sœurs Lacroix de Georges Simenon

Tout est clair dès le début, il suffit de regarder tranquillement la haine, l’incompréhension et la jalousie faire leurs chemins.

Un tout grand roman noir gluant

Le 29e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- ... pleine de grâce, le Seigneur est avec vous...
pleine de grâce, le Seigneur est avec vous...
Les mots n'avaient plus de sens, n'étaient plus des mots. Est-ce que Geneviève remuait les lèvres ? Est-ce que sa voix allait rejoindre le sourd murmure qui s'élevait des coins les plus obscurs de l'église ?
Des syllabes semblaient revenir plus souvent que les autres, lourdes de signification cachée.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les haines familiales s'exacerbent dans la maison des sœurs Lacroix où vivent Poldine et Mathilde avec leurs enfants : Sophie, la fille adultérine de Poldine et du mari de Mathilde, Geneviève et Jacques, les enfants de Mathilde...
L'atmosphère est lourde, malsaine et le drame couve.

En cas de malheur

Quel fascinant Simenon ! Quelle claque !

Moi qui avait mangé tous les Maigret, commissaire asexué, placide observateur des années 30 à 70 en France… Bonhomme au regard détaché devant la petitesse humaine. Témoin d’une époque patriarcale et bien pensante.

Ce qui me surprend, moi, je le confesse, ce qui me trouble, c'est que Mazetti soit amoureux d'Yvette, et j'ai tendance à croire que, sans moi, il ne s'en serait guère préoccupé.
Si un jour on lit les pages de ce dossier, on re- marquera que je n'ai jamais encore écrit le mot amour, et ce n'est pas par hasard. Je n'y crois pas. Plus exactement, je ne crois pas à ce qu'on appelle généralement ainsi. Je n'ai pas aimé Viviane, par exemple, si bouleversé que j'aie été par elle à l'époque du boulevard Malesherbes. Elle était la femme de mon patron, d'un homme que j'admirais et qui était célèbre. Elle vivait dans un monde bien fait pour éblouir l'étudiant pauvre et fruste que j'étais encore la veille. Elle était belle et j'étais laid. De la voir me céder, c'était un miracle qui me gonflait tout à coup de confiance en moi-même et en mon destin.
Car je comprenais déjà ce qui l'attirait en moi : une certaine force, une volonté inflexible à laquelle elle faisait confiance.
Elle a été ma maîtresse. Elle est devenue ma femme. Son corps m'a donné du plaisir, mais n'a jamais hanté mes rêves, n'a jamais été autre chose qu'un corps de femme, et Viviane n'a pris aucune part à ce que je crois le plus important de ma vie sexuelle.
Je lui étais reconnaissant de m'avoir distingué, d'avoir accepté, pour moi, ce que je considérais encore comme un sacrifice, et ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai soupçonné la vérité sur ce que, de son côté, elle appelait son amour.
En cas de malheur de Georges Simenon

Et là, voilà que l’auteur se lâche dans une sorte de confession à peine déguisée (ou me trompé-je tant ?). Lui, l’homme qui se vantait d’avoir connu plus de dix mille femmes (pour la plus part prostituées), le voilà qui nous propose paroles d’un homme épuisé par sa maîtresse (jeune prostituée qu’il a sauvée du trottoir), les convenances, son travail, son épouse et ses obligations sociales.Demain, il est possible que je pense et écrive le contraire, mais j'en doute.
Yvette, comme la plupart des filles qui m'ont ému, personnifie pour moi la femelle, avec ses faiblesses, ses lâchetés, avec aussi son instinct de se raccrocher au mâle et de s'en faire l'esclave.
Je me souviens de sa surprise et de son orgueil, le jour où je l'ai giflée et, depuis, il lui est arrivé de me pousser à bout dans le seul but de me voir recommencer.
Je ne prétends pas qu'elle m'aime. Je ne veux pas de ce mot-là.
Mais elle a renoncé à être elle-même. Elle a remis son sort entre mes mains. Peu m'importe si c'est par paresse, par veulerie. C'est son rôle et je vois, peut-être naïvement, un symbole dans la façon dont, après m'avoir demandé de la défendre, elle a ouvert ses cuisses sur le coin de mon bureau.
Que, demain, je l'abandonne, elle redeviendra, dans les rues, une chienne errante à la recherche d'un maître.

Plongée dans la France des années cinquante, gros plan sur les fantasmes et la vision des hommes sur les femmes ! Fascinante, répugnante, hypnotique. Témoignage presque attendrissant d’un homme pris au piège de… de qui ? Fallait-il vous plaindre, Georges ?

Et que dire de l’immonde fin ? Oui, témoignage d’une époque qu’on souhaiterait tant révolue !

Un odieux livre indispensable

Le 86e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il y a deux heures à peine, après le déjeuner, dans le salon où nous venions de passer pour prendre le café, je me tenais debout devant la fenêtre, assez près de la vitre pour en sentir l'humidité froide, quand j'ai entendu derrière moi ma femme prononcer :
- Tu comptes sortir cet après-midi?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les femmes, Lucien Gobillot les connaît : à quarante-cinq ans, et bien que marié, cet avocat à la carrière brillante, due à un mariage ambitieux et à quelques complaisances, multiplie les aventures sans lendemain. Tout change lorsque Yvette accusée d'agression contre un vieil horloger, fait irruption dans son cabinet, prête à le payer de ses charmes. L'avocat parvient à la faire acquitter. Commence alors une histoire amoureuse qui va l'entraîner plus loin qu'il n'eût voulu aller, dans une aventure où surgiront la menace...

Le mal joli

L’histoire d’une passion. Mais la grosse passion, celle qui emporte tout. Celle où la douleur côtoie l’extase. La passion adultère, celle qui ne peut vivre ni mourir.

Quand je dis ça, je ne suis pas en train de soutenir qu'il faille prendre pitié des femmes et des hommes adultères. Ça ne viendrait à l'idée de personne, pas même aux gens qui l'ont vécu. Mais je dis qu'il existe dans cette existence humaine des drames qui se promènent déguisés en miracles, et il est étrange que ce drame que nous sommes tant à partager ne soit compris par pratiquement personne, que nous nous trouvions toujours seuls face à l'abîme de nos pensées, seuls comme face à un deuil, à la maladie, et que personne n'ait jamais pensé à réunir les gens atteints de cette affliction sous un même toit, deux fois par semaine, pour vider leurs poches pleines de considérations terribles, où se dissolvent les enfants, les responsabilités, le sens commun.
Le mal joli de Emma Becker

Un livre que j’ai lu en me demandant comment il allait se terminer – on le sait bien, les histoires d’amour finissent mal. Faudra-t-il un second tome me demandais-je en voyant la fin approcher ?

Un jour, je ne saurai plus mentir. Tout le reste de mon existence s'adaptera à mon amour pour Antonin et je n'aurai qu'à hausser les épaules. Parce que c'est ça, la vie : c'est la matière devenue folle.

Une autofiction forcément impudique dans laquelle Emma Becker nous vend ses talents d’amante tout en peignant un tableau au réalisme cru. Celui d’un amour interdit, torture divine auto-infligée.

Et que celles et ceux qui n’ont jamais vécu telle passion gardent leur pierre pour s’en frapper au soir de leur mort

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il me semble a posteriori que tout allait bien lorsque j'ai rencontré Antonin pour la première fois. C'est déjà faire preuve de relativisme m'aurait-on posé la question ce soir-là, cafardeuse et assommée d'herbe comme je l'étais, j'aurais eu un sourire triste et répondu qu'on m'avait déjà enculée plus aimablement.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pendant combien de temps peut-on supporter deux amours inconditionnelles ? Pendant combien de temps une femme peut-elle vivre écartelée entre une passion amoureuse et un amour absolu pour ses enfants ?

Dans ce nouveau roman, Emma Becker regarde en face et dévoile sans complaisance les moments les plus dangereux, les plus intenses et les plus beaux d'une vie.

Elle ausculte ici le mal joli, cette traversée des plaisirs incandescents et des peines inavouables qui scandent un amour interdit. Et elle nous conte cette histoire d'amour, ou plutôt nous la fait vivre en temps réel, durant un printemps, un été et un automne.

Trois saisons privée des siens auprès de l'homme qu'elle aime, privée de lui auprès des siens.
Trois saisons dans la vie d'une femme.
Trois saisons d'extase et de déchirement.

Emma Becker va encore plus loin dans l'écriture de l'intime et jamais elle ne nous avait tendu un miroir aussi universel.