Intérieur nuit

Nicolas Demorand est bipolaire. Il raconte sa maladie depuis les premiers signes, depuis les premiers moins bien jusqu’à aujourd’hui en passant par les médecins, les psychanalystes, les prescripteurs… et toutes les fausses pistes et les absences de diagnostics.

Tu gardes un souvenir très précis de ce 19 décembre 2016. Tout, sauf le temps. Pleuvait-il ? Laisse-moi inventer un petit crachin de circonstance qui, dans la perspective exacte de la rue Ferrus, brouillerait la vision du porche de l'hôpital Sainte-Anne. Voilà, tu y es. Tu n'es pas soulagé, tu as abandonné. Tu éprouves l'humiliation mais, étrangement, pas sa morsure car tu es épuisé. Tu entres à l'asile et rejoins les fous. Qu'on te prenne maintenant par la main ou te mette dehors, qu'on t'enferme ou te laisse libre : tu n'attends plus rien et tu as peur. Quant à ton corps, il porte le poids de ces pierres, de ce porche franchi pour la première fois. Tu n'entres pas dans un hôpital mais dans un autre temps de ta vie.
Intérieur nuit de Nicolas Demorand
Jusqu’à aujourd’hui où, malgré une fragilité de tous les instants et bien des gouttes, poudres, gélules et comprimés, il arrive enfin à vivre.

Un témoignage bouleversant, d’une grande franchise sans pathos ni mélo

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je suis un malade mental. Il m'est difficile de dire depuis combien de temps, vingt ans, peut-être trente, certainement huit, depuis qu'un diagnostic a été posé. J'avale tous les jours une grande quantité de médicaments, je vais deux à quatre fois par mois dans un hôpital psychiatrique où l'on me surveille comme le lait sur le feu. Je suis bipolaire, pour employer le mot précis qui a remplacé « maniaco-dépressif ».


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les événements racontés dans ce livre se déroulent sur plus de vingt ans. Pendant toutes ces années, je me suis tu. Aujourd’hui, j’écris en pensant à toutes celles et ceux, des centaines de milliers, peut-être des millions, qui souffrent en silence du même mal.

Khomeiny, Sade et moi

Après avoir fui avec ses parents une théocratie autoritaire et misogyne, Abnousse Shalmani se retrouve face aux voiles dans son pays d’accueil, à Paris, en même temps qu’elle y découvre Sade.

J'ai vingt ans. J'ai vingt ans et j'ai déjà connu l'amour avec Louÿs et j'ai découvert combien le sexe pouvait être révolutionnaire avec Sade. J'ai vingt ans et je sais que je vis les plus belles années de ma vie. Il me suffit de penser à Sade, il me suffit de penser au dialogue de Madame de Saint-Ange et d'Eugénie pour savoir que rien n'est perdu. Il me suffit de penser à Juliette pour savoir que la femme a un étendard et qu'elle le porte bien haut. Un jour, Sade sera la seule arme disponible pour casser les ténèbres. La violence de Sade n'est pas violente, elle est née de l'imagination et de la foi. La foi dans l'homme devenu le centre de la pensée et non plus le pantin d'hommes cachés derrière Dieu. Ce qui est violence, ce sont les attentats successifs contre le corps féminin à travers le monde. La violence c'est exciser des petites filles qui aiment la chair et des grandes filles qui aiment la bite. La violence, c'est d'interdire à une petite fille d'apprendre à lire et à une jeune fille de choisir qui elle veut mettre dans son lit. La violence, c'est ce que les barbus font subir aux esprits en les broyant. Un jour, comme la Révolution française a mis ses barbus à la porte, d'autres révolutions éclateront qui réduiront les barbus au silence et célébreront la parole des Hommes.
Khomeiny, Sade et moi de Abnousse Shalmani
Avec cette biographie (ou ce manifeste), elle dénonce la mainmise des religieux sur le corps de femmes.

Et c’est plein de fougue, d’amour et de colère. Ça part dans tous les sens, la famille, les barbus, les corbeaux, l’érotisme et le corps de femmes. C’est plein d’érudition et de politique, c’est anticlérical et porté par la France des lettres et des Lumières.

Magnifique ! Mais depuis sa parution en 2014, les extrémismes religieux continuent de gagner du terrain… Une lecture qui reste tristement d’actualité

« Je désirerais qu’on fût libre de se rire ou de se moquer de tous ; que des hommes, réunis dans un temple quelconque pour invoquer l’Éternel à leur guise, fussent vus comme des comédiens sur un théâtre, au jeu desquels il est permis à chacun d’aller rire. Si vous ne voyez pas les religions sous ce rapport, elles reprendront le sérieux qui les rend importantes (…).
Je ne saurais donc trop le répéter : plus de dieux, Français, plus de dieux, si vous ne voulez pas que leur funeste empire vous replonge bientôt dans toutes les horreurs du despotisme ; mais ce n’est qu’en vous en moquant que vous les détruirez ; tous les dangers qu’ils traînent à leur suite renaîtront aussitôt en foule si vous y mettez de l’humeur ou de l’importance. Ne renversez point leurs idoles en colère : pulvérisez-les en jouant, et l’opinion tombera d’elle-même. »
Donatien Alphonse François de Sade, Français, encore un effort si vous voulez être républicain, in La Philosophie dans le boudoir

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Téhéran, 1983
Si la petite fille que j'étais a éprouvé le désir de se mettre nue dans l'enceinte de son école, ce n'était pas à cause des fortes chaleurs. C'était par provocation. Provocation du même ordre que de jouer à saute-mouton dans la salle de prière de la mosquée de l'école.
C'était physique.
Je ne veux pas porter ce truc ! En plus c'est moche. Non !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
A Téhéran, dans les années 1980, une petite fille de six ans, contrainte de porter le voile, se révolte en se dénudant. Se soumettre aux exigences des « barbus » et autres « corbeaux » lui paraît absurde. Son père l’approuve et, afin de fuir brimades et contraintes, la famille va s’exiler à Paris. Abnousse Shalmani découvre alors que la liberté n’est pas celle qu’elle aurait souhaitée. Sa révolte n’est donc pas finie. Mais cette fois, c’est la littérature française qui va lui fournir des armes. La petite fille, devenue femme, va faire de Sade, de Victor Hugo et de Colette (entre autres) des appuis précieux dans son combat contre l’oppression en général et celle du corps féminin en particulier.
Joyeux pamphlet, ce récit alterne les anecdotes intimes et les événements socio-politiques avec humour et enthousiasme.

Et pour rentrer chez moi, je contourne l’ambassade de Chine

Il semblerait qu’Erida Bega sache tout faire ! Du violon, de la guitare, autrice, compositrice, interprète, shopping et… écrire. Et chaque fois avec talent !

Mon voisin de palier est parti comme une flèche, laissant derrière lui sa silhouette sportive. Footballeur, m'étais-je dit. Je n'avais encore jamais rencontré une pareille beauté. Le genre de perfection qui produit un doux hérissement des poils, bloque le souffle. D'un pas vif, il s'est éloigné rapidement de ma vue. J'ai eu l'image d'un paysage inaccessible où l'homme n'a pas encore construit de route. Je ne pouvais que rester sidérée devant une telle beauté, et l'envie de remplacer mon chignon par une robe m'a prise de court. Mes jambes maigrichonnes, écartées d'un bout à l'autre, laissant circuler les courants d'air, je les ai jugées sévèrement, et l'impatience de voir mes seins grossir fut subite.
Et pour rentrer chez moi, je contourne l’ambassade de Chine de Erida Bega
C’est tendre, doux, nostalgique et malicieux. Elle nous parle de l’enfance et de l’attachement. Mais aussi, fatalement, de cet instant où l’on quitte, on déménage, on émigre.

C’est l’enfance en Albanie, vue par les yeux d’une petite fille. Mais aussi de Genève, vue par les yeux d’une femme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À 19 h, ce jour-là
Souvent, je crains l'arrivée du soir. À 19 h, je ressens un creux à l'estomac. Certainement la faim. Je n'ai qu'une envie: partir du bureau vite, m'échapper. De l'air, de l'air ! Comme si j'avais retenu mon souffle la journée entière.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le compte à rebours arrivait à son terme. Il fallait encore traverser le dernier jour dans des conditions supportables. J’avais vécu ce déménagement comme une milicienne dans des récits de guerre. Des sentiments homériques et audacieux bousculaient mon quotidien. J’imaginais ma grand-mère, jeune et belle, devant cette maudite grenade qui avait emporté sa jambe et sa jeunesse. Alors que je craignais les séquelles dans mon âme face au claquement définitif d’une simple porte.

Tirana, 1988. Alors qu’une jeune fille apprend que sa famille va déménager, c’est tout son équilibre qui vacille. Genève, trente ans plus tard, devenue femme, elle fait une rencontre impromptue à travers laquelle ressurgit l’Albanie communiste de son enfance. Un texte vif et frais, qui questionne avec malice le déracinement ainsi que le poids des souvenirs.

Mes battements

Croquis de voyages et souvenirs d’enfance, anecdotes et amusements, Albin de la Simone ouvre des petites fenêtres sur son intimité, c’est chou, poétique, délicat.

Ce que j'aime le plus dessiner, après mes instruments de musique, ce sont mes instruments de cuisine: mes condiments !
Ici, vinaigres de kaki, de riz, de prune Ume, de calamansi, de Banyuls, de xérès, balsamique blanc, huiles d'olive et de tournesol, sel de Guérande, poivre sanshō-ko et poivre noir.
Et ailleurs, nuoc-mam, yuzukoshō, kabosukoshō, huile de sésame, tsuyu, dashi concentré, ponzu, gingembre, citron vert, petimezi, shiso à l'huile d'olive, purées de piment, toutes sortes de sauces pimentées, miso, yaki niku sauce, mirin, sésame...
J'oubliais cette belle boîte en fer de chocolat en poudre hollandais Haarlem. Je l'ai toujours connue. Sur la face rouge, la sorte de religieuse porte un plateau sur lequel est posée une boîte de ce même chocolat, sur laquelle la sorte de religieuse porte un plateau sur lequel est posée une boîte de ce même chocolat...
Mon esprit d'enfant plongeait dans l'infiniment petit de cette mise en abyme tous les matins.
Mes battements de Albin de la Simone
Et comme pour ses chansons, ces textes courts partagent des instants pour s’évader, rire ou sourire.

Un livre qui s’offre avec une magnifique bande son

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Rome le 30 septembre 2024. Il est 11h du matin. Parti à 4h30 de chez moi, j'arrive à la Villa Médicis qui me fait le beau cadeau de m'inviter en courte résidence pour finir le livre que vous tenez entre les mains. Donc à l'heure où j'écris ces lignes, ce n'est encore qu'un tas de dessins et de textes plus ou moins ordonnés. J'ai du pain sur la planche. Car un premier livre de ce type, comme un premier disque, est un peu constitué d'une vie entière, et quand on a 50 ans passés, il y a du tri à faire. À partir du deuxième, si on a bien fait son boulot dans le premier, on part d'une page blanche ou, au pire, d'une page beige. Nous verrons.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pour Albin de la Simone, avant la musique était le dessin. À la sortie de l'adolescence, l'envie de jouer, de composer, de chanter, a éclipsé tout le reste. Les encres et autres aquarelles ont été réduites au silence. L'éclipse a duré trente ans, jusqu'à ce qu'un nouvel accord se trouve. Aujourd'hui, le chanteur dessine et le dessinateur chante. Il dit son enfance, son chemin ; les couleurs de ses souvenirs, l'âme des lieux qu'il traverse, ce qui fait vibrer sa vie et la rythme.

Respect

Un livre puissant, violent qui m’a retourné. Moi qui avais tant ri devant les valseuses et même trouvé le livre fort sympa, je me sens trahi. Comment ai-je pu être aveugle à ça ? Admirer les Blier, Depardieu et tous les autres ?

Mon père avait le fantasme de la famille sacrée, unie comme un arbre qu'on ne fend pas en deux. Moi, je ne voyais pas que partager la vérité allait nous « fendre », au contraire, je voyais une main tendue. Mais en patriarche, il se voulait neutre, sans penser qu'être neutre, c'est être foncièrement du côté du pouvoir, c'est faire de l'OMERTA un savoir-vivre, c'est juger qu'une vie vaut moins qu'une autre, que le vieux monde est le monde, immuable.
Le DÉNI est une pluie de matraques molles.
Respect de Anouk Grinberg
Anouk Grinberg raconte les violences sexuelles, viols et l’inceste qu’elle a subi dans sa jeunesse et les atteintes sur sa vie. Comment cela a abîmé sa relation aux hommes, sa sexualité. Elle raconte aussi le monde du showbiz et ses abus, son couple avec Bertrand Blier, l’emprise, sa soumission, la négation d’elle-même.

Mais aussi, après, les belles rencontres, ses réalisations, son épanouissement… Même si toujours et encore, toutes les plaies ne peuvent se refermer.

En témoignage écœurant et bouleversant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans ce monde malade de son pouvoir et de ses secrets, dire d'où vient le mal reviendrait à faire le mal. L'impunité est comme le petit Jésus couché dans le berceau de la Loi, tout est prévu pour assurer le « bon fonctionnement » d'une société, d'un milieu, d'une famille, tous déviants. Pas de bruit. Pas d'indiscrétion. On couvre les crimes, on couve la pourriture, et le monde continue d'être le monde, cette machine à haute teneur masculine qui broie silencieusement des vies. Il faut se taire, sinon... ce sera le malheur.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ça dure quelques minutes pour l'homme et une vie entière pour la femme. » A. G.

La comédienne évoque son parcours marqué par les violences subies dans son enfance, une relation d’emprise et le silence du milieu cinématographique.
Elle questionne la célébration d'un art qui, sous couvert de subversion, perpétue la domination des femmes.

Mère à l’horizon

Quel passeur d’émotions ! Elle sont toutes là et Jacques Gamblin nous les fait toucher, sentir et en goûter les saveurs.

Après ça je ne dis plus rien et personne ne dit plus rien. Je m'accroche à ma ceinture pour survivre jusqu'à Burcy.
On roule parfois trop vite parfois trop lentement. Je fais les comptes, les minimes courent à 14 heures, il faut que j'y sois à 13 pour m'échauffer. Il y a soixante kilomètres, pas très doué en calcul mental, je conclus qu'avec une moyenne de soixante, on devrait mettre une heure. Je toussote pour regarder discrètement ma montre. 11 h 20. Mimile me dit tu es malade, je réponds non ça va. 
À la place du mort on a une meilleure conscience du danger mais on est moins malade. On ne peut pas tout avoir
Mère à l’horizon de Jacques Gamblin
Plus qu’une autobiographie qui part dans tous les sens, il s’agit plutôt d’un carton de photos qui serait tombé et dont l’auteur nous en rappellerait les souvenirs. L’enfance, la quincaillerie, les débuts à la technique, puis sur les planches et…Tu stockes une demi-douzaine de paquets de thé. À l'épicerie tu ne te souviens plus que tu en as déjà. 
Tu gardes tes croissants pour demain, puis demain tu les gardes pour demain... Ils sont rassis, ils n'ont plus de goût. Tu ne le sais pas puisque tu les gardes pour demain. 
Les fraises et les framboises subissent le même sort. 
Pour demain. 
Tu descends à la boîte aux lettres, prends ton journal, remontes chez toi, t'assois à la table de la cuisine, tournes les pages, attrapes quelques images, quelques titres, feuille à feuille, oubliés. 
Les jours ont-ils encore un sens ? 
C'est dimanche prochain carnaval. Comment tu vas te déguiser ? 
En courant d'air. Et surtout, la famille, la mère et sa mémoire qui s’en va.

Et c’est très touchant, un peu déconstruit, pas très bien fagoté… mais c’est tendre et chou

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Demain on change d'heure.
- Ah oui comment je vais m'y retrouver ?
- Je vais régler ta montre à l'heure de demain. Comme ça quand tu te réveilleras, tu seras à la bonne heure.
- Oui mais... demain il sera quelle heure ?
- Je ne sais pas. Quand tu vas te réveiller. Voilà j'ai réglé ta montre, la pendule, ton réveil... Ils seront à l'heure de demain.
- Oui mais l'heure elle va tourner cette nuit !
- Eh oui et comme ça demain elle sera à la bonne heure de demain.
- Oui mais si tu la mets maintenant à l'heure de demain et qu'elle continue de tourner cette nuit, elle ne sera pas à l'heure demain.
- Maman...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un hommage bouleversant de Jacques Gamblin à sa mère, où le rire n'est pourtant jamais loin, prêt à déferler sur la grève.

Je n'ai plus que la mémoire de l'instant, dit-elle.
Elle reste assise de longues heures, les rideaux à peine ouverts.
Elle veut bien voir le dehors mais que le dehors ne la voie pas.
Elle se met du rouge à lèvres quand elle reçoit une visite.
Son premier baiser, elle l'a donné entre les casseroles et les pinces multiprises.
Elle rêvait de jouer le jazz.
Un jour, elle est montée à la grande échelle.
Comment tu vas te déguiser au prochain carnaval ? Elle répond :
En courant d'air.
Elle a commencé à perdre l'audition il y a quelques années. La mémoire a suivi et couru à sa perte. Sans bruit. Sans choc. Avec la vie qui change de volume.
Pour combler les phrases qu'elle ne prononce plus, j'écris. J'attrape son silence au vol, le fais rebondir, pour l'aimer encore, autrement, pour l'aimer mieux.

Un hommage bouleversant à la mère, où le rire n'est pourtant jamais loin, prêt à déferler sur la grève.

Cher corps, petit salopard

Parfois, on fait des plans, on prend des résolutions, on se dit que les conneries ça suffit et qu’il est temps de réaligner. Mais après… la vie !

Il se passe quelque chose, je le sens, et ça me rend tarée de ne pas comprendre. Je dois le rejoindre demain pourtant, j'ai tant besoin de lui. Je mets les pieds dans le plat. Parle-moi. Parle-moi.
La seule chose qu'il finit par répondre c'est que, oui, il faut qu'il me parle mais là aujourd'hui il a trop de boulot il n'y arrive pas, il a un coup de blues il se pose des questions et il pense que ce n'est pas une bonne idée que je vienne demain comme prévu.
Quelqu'un aspire mon cœur avec une paille, bruyamment. Mon sang devient très froid.
Cher corps, petit salopard de Zoé Vintimille
L’autrice du génial Il est 14h, j’enlève ma culotte nous propose le journal de l’année de ses 46 ans. Une année qui commence pleine de bonnes résolutions, bien vite enflammées ! Et voilà qu’une belle saloperie vient squatter son sein gauche.

Un petit livre qui m’a forcément rappelé Le mal joli de Emma Becker. Mais si apparemment les similitudes semblent nombreuses (dans la première moitié du livre), j’ai paradoxalement trouvé Zoé Vintimille plus sincèrement intime alors qu’il s’agirait d’un pseudo ?!?

Un journal à l’écriture légère et pimentée et qui aborde sans pathos des sujets plus durs. Le cancer et les nouvelles formes relations homme-femmes à l’heure des réseaux.

… Et vite Zoé, on attend avec impatience votre histoire de méduse

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je viens d'avoir quarante-six ans.
Petite fille, jamais je ne m'étais imaginée à cet âge. À partir de trente ans et jusqu'à soixante, tout ça était extrêmement flou. À vrai dire je suis plutôt à l'aise dans mes pompes et assez fière du chemin parcouru. Mon corps est sympa avec moi, certes la peau se détend et le cul n'est plus aussi ferme, les cervicales se coincent régulièrement mais, jusqu'ici, ça va plutôt bien. Les dix dernières années ont été éprouvantes et je me suis éparpillée, beaucoup de sexe beaucoup de fuite. J'ai besoin de rassembler les morceaux. Je voudrais que quelque chose arrive, tout en lui laissant le temps d'arriver. Un amour, un roman, des personnages de fiction.
Quelque chose est arrivé, mais pas tout à fait comme prévu.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'avais décidé de me calmer un peu sur les mecs. Ça faisait partie de mes résolutions de début d'année : je voulais du temps pour écrire, sur d'autres vies que la mienne, et aussi je voulais tomber amoureuse. Vraiment amoureuse. Pour ça, j'étais prête à attendre. Au printemps un homme est arrivé, il avait les cheveux en bataille et des yeux qui riaient. Et c'est là, juste après, que la vie a dû se prendre les pieds dans le tapis, car dans le lot il y avait bien l'amour, mais aussi une sale petite tumeur dans le sein gauche. »

Après Il est 14h, j'enlève ma culotte et Ceci n'est pas un roman érotique, Zoé Vintimille poursuit l'exploration de sa vie de femme et de ses désirs, souvent contradictoires. Elle livre ici le journal de sa quarante-sixième année, de janvier à décembre, avec toute la sincérité, l'ironie et la sensibilité qui la caractérisent.

Tous les silences ne font pas le même bruit

Choquant, bouleversant, intime… c’est une foule d’adjectifs qui me viennent après cette intense lecture.

Un livre à prendre dans son entier. A lire tout en empêchant son cerveau de lever la main et de crier oui mais moi…

Les « masculinistes» méritent tous de crever pour mille et une raisons, mais d'abord pour celle-ci : avoir discrédité, avili, terni, déconsidéré, sali, flétri, enlaidi, frelaté l'ensemble des attributs traditionnellement associés au genre féminin.
Tous les silences ne font pas le même bruit de Baptiste Beaulieu
Le témoignage magnifique de la vie d’un homosexuel (homme blanc et d’un milieu aisé), de son enfance à aujourd’hui avec toutes les frustrations, salissures et humiliations… mais aussi les belles rencontres, la famille, l’amour et les amitiés.Toi, ce que tu veux savoir, c'est pourquoi, si les hommes aiment vraiment leur femme, ils la quittent quand elle tombe malade, c'est-à-dire quand ils ne peuvent plus avoir le sexe gratuit. Le ménage gratuit. Les lessives gratuites.
Il existe des études. Tu ne sors pas ça d'une étude from your ass. C'est documenté : à l'annonce d'un cancer, une femme aurait six fois plus de risque d'être quittée qu'un homme*. Et c'est le même chiffre avec d'autres maladies (par exemple sclérose en plaques). Tu ne serais pas étonné que ces chiffres soient les mêmes quand ce n'est pas la femme mais l'enfant du couple qui tombe malade.
À tout cela, par habitude, on a donné le nom d'amour.
Mais où est l'amour là-dedans ?A l’heure de la montée des masculinistes (y en a-t-il plus ? Je ne sais pas, mais en tout cas, ils se permettent de faire de plus en plus de bruit) et des fascismes décomplexés, il est important de comprendre leur toxicité, leur violence, leur haine ! Que ce soit pour les femmes, les homos ou toutes les minorités…

Une nocivité qui, finalement, touche toute la société si on l’observe sous l’angle de l’intersectionnalité

Le concept d’intersectionnalité dans le cadre de la réussite universitaire au Canada

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tu es enfant, c'est dimanche soir, tu es installé sur le divan en osier, dans les bras de ta mère, merveilleux bras qui n'ont jamais trahi, jamais manqué à leurs devoirs. Tu portes un pyjama bleu en pilou-pilou, tu as glissé tes pieds nus sous les cuisses de ton père pour les tenir au chaud.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tu es un garçon de 8 ans. Un dimanche soir, en famille, tu regardes un film qui se moque d'un couple d'hommes. Qu'y a-t-il de si drôle ?

Tu deviens un adolescent que l'on insulte : « Sale pédé ! » Tu contemples l'eau noire du canal du Midi, prêt à abandonner. Sur tes épaules, un sac à dos rempli de pierres et ton secret.

Te voilà jeune homme, tenant la main de ton amoureux au risque d'être tabassé, puis père à ton tour. Un médecin révolté, un écrivain qui ne peut plus se taire.

C'est l'histoire d'un homosexuel, aujourd'hui, en France. Son récit nous fait entrer dans sa peau et adopter son regard. Il raconte les préjugés, le harcèlement, la mise à l'écart et les silences qu'il doit affronter. Il y a l'homophobie qui nous révolte et celle que l'on ne soupçonne pas, logée en chacun de nous.

Un grand texte, bouleversant et universel.

L’effondrement

Est-ce que tout était écrit d’avance ? Le déterminisme social explique-t-il cet effondrement ?

j'ai pris un couteau et je lui ai planté dans la tête.
Sur son front.
Il avait du sang partout, il criait, t'aurais vu le truc, on aurait dit un film d'horreur. Il a eu des points de suture et je sais qu'il a dit à votre mère qu'il s'était blessé en tombant par terre, sauf que plusieurs mois plus tard, il était bourré et il a dit ce qui s'était vraiment passé, alors ta mère elle m'a appelée et elle m'a dit comme ça Mais ça va pas de planter un couteau dans la tête de mon fils ? Et moi je lui ai répondu Mais c'est parce qu'il me frappe madame et moi je ne veux pas me laisser faire, je ne suis pas quelqu'un qui se laisse faire.
Jamais.
Elle m'a dit Ah bon.
C'était toujours la même chose. Il buvait et il commençait à ressasser tous ses vieux problèmes.
Je lui disais, Oh c'est bon c'était il y a dix ans tu peux passer à autre chose ça sert à rien de rester bloqué là-dessus, faut avancer.
L’effondrement de Édouard Louis
Édouard Louis nous parle de son frère, mort de son alcoolisme, de sa propre violence, ses colères et son besoin de reconnaissance… Mais aussi de son enfance, de ses relations familiales, professionnelles, amoureuses et amicales.

Le sombre gâchis d’une vie sous le regard d’un enquêteur la tête pleine de pourquoi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je n'ai rien ressenti à l'annonce de la mort de mon frère; ni tristesse, ni désespoir, ni joie, ni plaisir. J'ai reçu la nouvelle comme on recevrait des informations sur le temps qu'il fait dehors, ou comme on écouterait une personne quelconque nous dérouler le récit de son après-midi au supermarché. Je ne l'avais pas vu depuis presque dix ans.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mon frère a passé une grande partie de sa vie à rêver. Dans son univers ouvrier et pauvre où la violence sociale se manifestait souvent par la manière dont elle limitait les désirs, lui imaginait qu'il deviendrait un artisan mondialement connu, qu'il voyagerait, qu'il ferait fortune, qu'il réparerait des cathédrales, que son père, qui avait disparu, reviendrait et l'aimerait.

Ses rêves se sont heurtés à son monde et il n'a pu en réaliser aucun.

Il voulait fuir sa vie plus que tout mais personne ne lui avait appris à fuir et tout ce qu'il était, sa brutalité, son comportement avec les femmes et avec les autres, le condamnait ; il ne lui restait que les jeux de hasard et l'alcool pour oublier.

À trente-huit ans, après des années d'échecs et de dépression, il a été retrouvé mort sur le sol de son petit studio.

Ce livre est l'histoire d'un effondrement.
É. L.

Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990)

Rarement un petit livre rigolo, d’apparence un peu crétine, ne m’aura fait réfléchir comme celui-ci.

Mercredi 14 mai
Réflexions sur une roue :
Ça tourne.
Ça ne sert à rien.
Ça grince.
Je n'en ferai plus.
Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990) de Miriam Elia et Ezra Elia
Vous aussi ? dans votre enfance, vous avez eu un hamster ? Bestiole sacrifiée dans une cage métallique et condamnée à tourner encore et encore dans une roue en plastique.

Vous êtes vous réellement demandé ce qu’elle pouvait penser de sa captivité ?

Edward l’a fait. Et c’est drôle et triste comme tout

Et moi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mercredi 30 avril
C'est mon anniversaire et personne n'a l'air de l'avoir remarqué. Cela fait aujourd'hui six mois. Six mois qu'ils m'ont « acheté » à l'animalerie Tom & Jerry.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mercredi 7 mai
Deux d'entre eux sont venus aujourd'hui, ils m'ont sorti de force de la cage et mis dans une sorte de labyrinthe improvisé. Un labyrinthe sans issue. Ils riaient et poussaient des cris perçants comme si c'était un jeu - mais je savais que ce n'en était pas un. Leur but est de venir à bout de ma volonté, de me réduire à néant. Ils peuvent bien me priver de ma liberté, ils n'auront jamais mon âme.

Je m'appelle Edward, et je suis un hamster.