À l’heure où les dieux dorment encore

Un peu dubitatif face à ce que j’avais hâtivement classé en « valorisation économique de fonds de tiroirs », j’ai abordé ce carnet de croquis à reculons.

À l’heure où les dieux dorment encore de Cosey

Et pourtant ! Au bout de quelques pages de ce voyage avec Cosey, des Alpes suisses au Japon en passant par les montagnes tibétaines (et bien d’autres topographies, rencontres et pays), on se met à comprendre et à partager cette quête de soi.

Pas d’histoire ici, mais des aquarelles, des portraits et des paysages sublimes, des textes courts et des pensées… un voyage avec l’auteur qui se termine en couleurs

« À l’heure où les dieux dorment encore… »
sont les premiers mots de Savitri, long poème épique composé par Sri Aurobindo dans lequel la belle Savitri parvient à duper Yama, dieu de la mort afin de sauver son époux.
L’auteur de BD, lui, est contraint la plupart du temps à dessiner d’imagination ou, en partant de quelques documents à réaliser une reconstitution + ou – plausible… Avec le risque, toujours, de tomber dans les inévitables clichés, stéréotypes et tics graphiques. Le dessin d’observation est probablement la meilleure ruse pour échapper à l’emprise du dieu tyran, roi des idées toutes faites, qui squatte notre boîte crânienne, et apercevoir un moment ce qui se présente à nos yeux, tel, quel. Ce qui consiste à oublier tout ce qu’on sait.
Exercice ardu, avec de nombreux échecs, mais qui apporte parfois une vraie part de joie. En voici quelques échantillons.
Cosey

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
"À l'heure où les dieux dorment encore..."
sont les premiers mots de Savitri, long poème épique composé par Sri Aurobindo dans lequel la belle Savitri parvient à duper Yama, dieu de la mort afin de sauver son époux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Entre carnet de route et journal intime, l'artiste présente ses dessins réalisés au cours de nombreux voyages et sur lesquels il s'appuie comme autant d'outils de travail, de repérages et d'aide-mémoire pour ses albums. Le dessinateur se dévoile et partage ses pensées, avec en toile de fond une réflexion sur le dessin, la couleur, la musique, la représentation du réel et des vies intérieures

La chance de leur vie

Une petite famille – les parents et l’ado – partent pour une année aux États-Unis à la suite de Monsieur qui a trouvé une place de prof dans une université.

Sylvie avait immédiatement accepté. Comme elle faisait toujours. Dire oui pour être tranquille. Et regretter après.
La chance de leur vie de Agnès Desarthe

Et tout le monde se cherche. Monsieur à travers la séduction, Madame à la création artistique et le fils dans une transe mystique.

La machine à laver ne fonctionnait plus. Voilà que les problèmes, les vrais, commençaient. Sylvie avait remarqué plusieurs fois, au cours de sa vie, que les appareils électroménagers œuvraient comme autant de Cassandre inanimées et modernes. Un moteur lâchait, un boîtier électronique rendait l'âme, et c'était le signe avant-coureur d'une catastrophe plus grande, d'une mauvaise période qui ne prenait pas forcément fin avec la réparation.

Qui de trouver ou se trouver, perdre ou se perdre, grandir, s’épanouir ou se faner dans les codes d’une amérique qui ne ressemble guère au Paris quitté (et fantasmé) alors que les attentats du Bataclan bouleversent la France

Et ?

… pas grand-chose en fait

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Hector avait une femme. Elle s'appelait Sylvie. Ensemble ils avaient un fils. Il s'appelait Lester. Un prénom anglais parce que la famille paternelle d'Hector était originaire de Penzance, en Cornouailles, ou plutôt d'une bourgade située au nord de cette station balnéaire. Un village dont on taisait le nom par amour du secret.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hector, Sylvie et leur fils Lester s'envolent vers les États-Unis. Là-bas, une nouvelle vie les attend. Hector a été nommé professeur dans une université de Caroline du nord. Très vite, son charisme fait des ravages parmi les femmes qui l'entourent.
Fragile, rêveuse, Sylvie n'en observe pas moins avec lucidité les effets produits par le donjuanisme de son mari, tandis que Lester devient le guide d'un groupe d'adolescents qui, comme lui, cherchent à donner une direction à leurs élans. Pendant ce temps, des attentats meurtriers ont lieu à Paris, et l'Amérique, sans le savoir, s'apprête à élire Donald Trump.
Comme toujours chez Agnès Desarthe, chaque personnage semble suivre un double cheminement. Car si les corps obéissent à des pulsions irrésistibles, il en va tout autrement des âmes tourmentées par le désir, la honte et les exigences d'une loyauté sans faille.
Mais ce qui frappe le plus dans cet admirable roman où la France est vue à distance, comme à travers un télescope, c'est combien chacun demeure étranger à son destin, jusqu'à ce que la vie se charge de lui en révéler le sens

La patience des traces

Un bol qui se casse et une vie bascule. Simon, psychanalyste, laisse tout et part au Japon dans une petite pension. Partir loin pour se trouver soi-même.

La patience des traces de Jeanne Benameur

Un livre tout en suggestions et introspections, en lenteur et en drapés délicats, ceux de Madame Itô.

La vie comme la porcelaine ne se décasse pas, mais à l’instar du Kintsugi nos brisures peuvent dévoiler des trésors

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Simon est assis dans sa cuisine, seul. Il vient de ramasser les deux parties d'un vieux bol bleu. Une dans chaque main.
Le bol est tombé sans qu'il s'en rende compte. Il lui a échappé des mains.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Psychanalyste, Simon a fait profession d'écouter les autres, au risque de faire taire sa propre histoire. À la faveur d'une brèche dans le quotidien - un bol cassé - vient le temps du rendez-vous avec lui-même. Il lui faudra quitter sa ville au bord de l'océan et l'île des émotions intenses de sa jeunesse, s'éloigner du trio tragiquement éclaté qui hante son ciel depuis si longtemps. Aussi laisser derrière lui les vies, les dérives intimes si patiemment écoutées dans le secret de son cabinet.
Ce sera un Japon inconnu - un autre rivage. Et sur les îles subtropicales de Yaeyama, avec les très sages et très vifs Monsieur et Madame Itô, la naissance d'une nouvelle géométrie amicale. Une confiance. À l'autre bout du monde et au-delà du langage, Simon en fait l'expérience sensible : la rencontre avec soi passe par la rencontre avec l'autre.
Jeanne Benameur accompagne un envol, observe le patient travail d'un être qui chemine vers sa liberté dans un livre de vie riche et stratifié : roman d'apprentissage, de fougue et de feu ; histoire d'amitié et d'amour foudroyés ; entrée dans la complexité du désir ; ode à la nage, à l'eau, aux silences et aux rencontres d'une rare justesse

Batailles

En partant de l’abandon de Rose par sa mère qui lui demande de ne pas la rechercher, Alexia Stresi tisse une histoire aux multiples fils qu’elle démêle avec brio.

Abandon, raison d’état, colonialisme, infanticide, enquête policière, recherche de l’identité ou racisme… autant de facettes qui sembleraient impossibles à réunir en 280 pages sans aboutir à une soupe informe. Et pourtant, le résultat est fluide, cohérent et réussi à toucher au plus près de l’intime.

Batailles de Alexia Stresi

Saloperie de raison d’état et de l’inhumanité des fonctionnaires dociles et obéissants !

Et pour les ignorants comme moi, le Bumidom, c’est ça !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ça s'était arrêté net.
Rose n'y repense pas souvent, le moins possible.
Mais chaque année, à la même saison, une date l'y oblige.
Contrainte de replonger.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il y a un avant, et un après, dans la vie de Rose.

Tout a basculé quand elle avait vingt-sept ans. Le jour où sa mère a manqué à l'appel. Brigitte n'a laissé que trois phrases en partant, dont une terrible : « Rose chérie, si tu m'aimes autant que je t'aime, ne me cherche pas. » Elle a aussi écrit qu'elle reviendrait très vite. Cela fait dix ans.
Aujourd'hui, Rose va mieux. Mais un fait-divers au scénario glaçant secoue la France, et l'ébranle. Elle comprend qu'elle doit désobéir à sa mère et partir à sa recherche.
Batailles nous entraîne avec virtuosité dans une troublante quête des origines

Le chanteur perdu

Suite à un burnout et en arrêt de travail, un bibliothécaire se lance à la recherche d’un chanteur de son enfance, Rémi Bé. Sa quête le mènera à l’île aux Nattes, en face de Madagascar.

Le chanteur perdu de Didier Tronchet

Une histoire presque vraie, Rémi Bé a bien existé et si ce ne fut pas un bibliothécaire, c’est bien Didier Tronchet qui se rendit sur cette île accompagné de son fils. L’histoire de ce voyage est d’ailleurs racontée dans la BD et le livre Robinsons, père et fils.

Si l’album est « rigolo », la fiction n’apporte pas beaucoup à une histoire dans laquelle tant d’éléments se retrouvent dans les Robinsons. Tout ça m’a un peu perdu, comme une compote dans laquelle il n’est plus possible de retrouver des bouts de fruits authentiques.

D’ailleurs, pour remettre tout en ordre, il y a tout un un dossier sur le site de Jean-Claude Tergal.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lorsqu'il fait un burn-out, Jean, bibliothécaire qui semble être passé à côté de sa vie, décide de retrouver Rémy-Bé, le chanteur de sa jeunesse (lorsqu'il se voyait encore révolutionnaire et contestataire). Fasciné par la désinvolture et la liberté de ton des chansons, Jean voit dans cette recherche improbable l'occasion de renouer avec le personnage qu'il n'a pas osé être. Enregistrés sur une vieille cassette audio, les morceaux l'ont suivi pendant des années, seul vestige du passé. D'ailleurs, personne ne semble se souvenir de ce chanteur, l'aurait-il inventé ? Sa seule piste : la pochette du disque avec le viaduc de Morlaix en arrière-fond. L'indice est maigre, mais Jean pourra dénouer le fil de manière surprenante, avec le seul secours des paroles de la douzaine de chansons, qui sont comme un puzzle mystérieux. Au bout du chemin, il y a le fantôme du chanteur perdu que Jean pense connaître par cœur. Il n'est pourtant pas au bout de ses surprises. C'est un autre qu'il rencontrera, tout en faisant lui-même la découverte de celui qu'il est, à travers celui qu'il aurait pu être. Les îles lointaines ne laissent pas indemnes...

Changer : méthode

Edouard Louis semble avoir un inépuisable besoin de réparer. De se réparer, réparer ses amitiés perdues, réparer ses regrets, ses erreurs…

Changer : méthode de Édouard Louis

Un livre qui tente de revenir aux sources pour expliquer ses fuites, défendre ses choix, prouver son honnêteté, dissiper les malentendus et justifier ses maladresses.

Une biographie de ses choix de vie et de ses motivations. Mais aussi un témoignage duquel semble affleurer une constante culpabilité.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Une question s'est imposée au centre de ma vie, elle a concentré toutes mes réflexions, occupé tous les moments où j'étais seul avec moi-même : comment est-ce que je pouvais prendre ma revanche sur mon passé, par quels moyens ? J'essayais tout»

Ce qui plaisait à Blanche

Jean-Paul Enthoven a une belle plume. Avec un style à la fois riche et fluide, il évite les trop nombreux clichés qui empâtent l’érotisme cheap et monte assez brillamment la tension tout au long du livre. Pour ça, bravo, même si cette écriture pourrait sembler un peu désuète aujourd’hui.

Je rappellerai que mes émotions, jusque-là, ne s'étaient jamais laissé incendier à la va-vite. Au contraire, je les avais toujours si bien contrôlées, et si efficacement refroidies, et si bien enrichies de déception anticipée, que les grands sentiments, les sentiments perchés, les roucoulements, les frissons d'âme, se sachant malvenus, m'avaient toujours épargné.J'en étais même arrivé à me convaincre que la par tie, pour moi, était perdue - ce qui pouvait signifier, en changeant de point de vue, qu'elle était gagnée. Et que, partant, je ne ferais jamais l'expérience des nirvanas laïcs (promis par l'état amoureux) qui ont si fameuse réputation parmi les moins intéressants de mes contemporains. Class acous sliques)
Ce qui plaisait à Blanche de Jean-Paul Enthoven

Dans ce livre, ode au luxe, aux bifs qu’on laisse tomber sans compter, aux costumes de lin et aux grands hôtels de la côte amalfitaine, on rencontre un homme classe et cultivé citant Aragon et Baudelaire envouté par la sublime et inaccessible Blanche de N.

Une romance impossible, une soumission ardente, une histoire d’amour impossible qui se refuse à elle même dans une tension érotique ou se mêlent les plus belles femmes aux hommes les plus beaux dans de splendides appartements aux domestiques magnifiques… Oui, au bout d’un moment, c’est un peu too much !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Certains êtres sont parfois des virtuoses involontaires de l'instrument que nous sommes. Et ils le sont parce qu'un don mystérieux leur a offert un accès immédiat, presque violent, à ce que, d'ordinaire, nous dissimulons.
Ces êtres, que nous identifions à peine quand le hasard nous met en leur présence, jouent d'instinct de cet instrument, donc de nous-mêmes. Rien, pourtant, ne les a préparés à l'exercice auquel ils vont exceller sans le savoir.
Parfois, ils y prennent du plaisir. Parfois, ils s'en acquittent sans y songer. Comme des despotes qui se sentent obligés d'être despotiques, par conformité à leur nature, et presque à leur insu.
Ces êtres sont redoutables car ils vont nous gouverner avant même d'avoir pris la peine de le vouloir.
Mais nous aimons à la folie l'illusion qu'ils nous procurent d'être compris, ainsi que les doses de ravissement qu'ils ont versées dans notre existence - en même temps qu'ils y ont versé leurs doses de venin.
Blanche faisait partie de ces êtres-là...»

Love Addict : confessions d’un tombeur en série

K. (Koren ?) vit avec un colloc bien porté sur le cul, mais il se met en couple avec une copine. Six mois plus tard : rupture et retour en colloc.

Love Addict : confessions d’un tombeur en série de Koren Shadmi

Dépité et un peu déprimé, il suit les conseils de son colloc et s’inscrit sur LoveBug, un site de rencontre. Et bim, une, deux, trois… il enchaine rapidement les coups d’un soir.

Et la machine s’emballe…

Une fable sympa au dessin très soigné sur la vacuité du donjuanisme en ligne, son machisme et la marchandisation des individus (des proies comme des chasseuses-eurs)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Vide-grenier du siècle
C'est le paradis ! J'adore l'été en ville.
Une torture chinoise, oui. J'en peux plus.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
A la suite d'une rupture, une relation de K. lui propose de rejoindre un site de rencontres : Lovebug. K. se rend à de nombreux rendez-vous et devient addict. Il perd son intégrité et ses amis

Parles-tu la langue ?

Trop gourmand pour prendre plaisir à la poésie, il me faut me tenir, m’imposer un instant, m’empêcher la vitesse et ignorer l’urgence de finir. C’est un effort.

Mais certains moments en valent la peine, c’est le cas avec ce délicat recueil de poésie de Nathalie Berthod.

Parles-tu la langue de Nathalie Berthod

Un moment à s’offrir, une tendre pause, une délicatesse qu’on ne referme qu’avec cette promesse de retrouvailles

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Parles-tu la langue ? Mais quelle langue ? Une langue universelle. Nathalie Berthod part à la quête des rêves, des amours et des mots pour les dire… Elle cherche les ponts, les ailes, les frontières, une terre sous ses pieds, elle se déplace avec lenteur entre les images, les sons, les odeurs, parfois les douleurs. Tout se mélange sur la toile de la vie, où elle aime se perdre pour tout recommencer

Amours liquides

Le pitch est simple : Roxane, 40 ans, vient de divorcer. Elle semble ne pas le vivre très bien et décide de combler son manque en s’inscrivant sur un site de rencontre.

Amours liquides de Lilith

Et une rencontre en chassant l’autre, elle accumule les dates tous plus misérables les uns que les autres. Et arrive un nouveau boulot et là ! Un flash absolu sur son boss… marié.

Entre les projections et les rencontres de substitutions, Roxane se noie. Faut-il toucher le fond pour rebondir ?

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Mais !? C'est quoi tout ça ?
- Ben, ce sont les dossiers pour chaque mec. Avec ce système de classement, j'y vois plus clair.
Ceci dit, lui, je n'arrive pas à le répertorier. Il ne correspond pas à mon mode d'emploi.
- Votre mode d'emploi ?!