La nuit, je deviens fou chantait Salvatore Adamo. À la mort de sa femme d’un cancer, Druillet crée la nuit. Un cri de haine et de colère, une fuite en avant vers la mort à la recherche de shoote dans le dépôt bleu.
… Un jour… Moi aussi… Je crèverais tripes au vent
Mais en attendant ombre shoote
La mort je baise !!
Un chef d’oeuvre dans la colère, une prière hallucinée, un cri d’amour venu des enfers
Alors, certes, les chagrins y verront des dialogues d’une pauvreté consternante, un scénario confus et tout aussi misérable, un dessin plus approximatif que d’autres productions de Druillet, mais quelle rage ! Un chef d’oeuvre, vous dis-je !
Au cœur de la ville morte vers le grand futur sifflaient les motos de la nuit, la nuit seulement., tout bougeait enfin, mais au matin quand disparaissait la lune molle devenue folle, éclatée, quand le jour terrible naissait tout retournait au tombeau...
En 1975, Philippe Druillet perd sa femme Nicole, victime d'un cancer foudroyant. Il exorcise sa peine dans un album au pessimisme assumé, pointant l'absence totale d'échappatoire à l'issue finale. S'ouvrant sur une préface laissant éructer la rage de l'auteur, La Nuit nous décrit un monde en proie aux gangs de motards anarchiques ou autres barbares déglingués et accros à la dope, se dirigeant tous, au cours d'une bataille sanglante pour le « shoot » ultime, vers une fin inéluctable. Les planches grandioses s'y succèdent comme de véritables tableaux dressant le portrait d'une humanité en perdition, folle, désespérée et nihiliste.
Explosive, fantastique, sombre, violente, baroque, outrancière : les adjectifs ne manquent pas pour décrire l’œuvre géniale de Druillet, mais s'il est un album qui se distingue parmi tous ses univers, c'est bien celui-ci. Probablement le plus noir mais aussi le plus fascinant, La Nuit est de ceux que l'on n'oublie pas. À nouveau disponible avec sa couverture originale, cette réédition lui rend hommage.