Sans preuve & sans aveu

Peut-on lire Jaenada seulement pour son écriture ? Oui ! (enfin, si on supporte les parenthèses !)

Il faut passer aux choses sérieuses. (Une dernière remarque (deux) à propos de l'ADN (je suis débordé de trucs à dire, c'est la pagaille) : les techniciens en investigations criminelles ont essayé d'en prélever le plus possible dans la maison de Marie. Ils n'ont pas trouvé grand-chose - seulement le plus évident et facile à identifier, dans les échantillons de sang, les cheveux et poils, la salive (sur les mégots); ailleurs : rien. Mais en 2004, les méthodes de prélèvement et d'analyse de ce qu'on appelle l'ADN de contact n'étaient pas encore au point, c'était la préhistoire.
Sans preuve & sans aveu de Philippe Jaenada

Mais en plus, ses romans (enquêtes, essais ?) sont passionnants. Et c’est avec un talent plein de cynisme, d’humour, de second degré, de sérieux, de minutie et de travail (oui, vraiment beaucoup de travail (impossible autrement)) qu’il s’attelle à ses sujets.

Après avoir poli, lissé, verni, blindé leur témoin principal (unique), il ne restait plus aux gendarmes et aux juges d'instruction qu'à faire tomber ce qui lui faisait face : l'alibi d'Alain Laprie - pour l'accuser en négatif, puisque le positif, la recherche de preuves, n'a pas fonctionné. J'ai oublié une autre tentative infructueuse (il y en a eu tellement, il y a tellement de choses à écrire (et je me précipite peut-être un peu) que j'en ai laissé en route et ça se bouscule à la fin (heureusement qu'on a inventé les parenthèses))

Un bémol ? Souvent il en fait trop ! (Est-ce un reproche ? Serait-ce possible de faire tout ce travail au rabais ? Non, clairement) Mais ici, non, Philippe est presque sobre. Certes, dans cette affaire les personnages sont nombreux, mais vite on se retrouve portés par son verbe et son art de conteur.

Et le fond ? L’affaire ?

L’invraisemblable sentiment d’assister à un procès de guignol, une gendarmesquerie, un déni de justice

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que j'écrive vite, on ne m'en voudra pas (non) : la littérature, parfois, tant pis. (Au placard, digressions et parenthèses !) Il faut que j'écrive vite en croisant les doigts - c'est très difficile - pour toucher quelques personnes, qui peut- être en alerteront d'autres (on va dire que je me prends pour un justicier ou je ne sais quoi, que mes livres me sont montés à la tête, que je pars en sucette et sors de mon rôle : tant pis), car pendant que je fais des phrases, un homme fermente dans une cellule, un homme qui ressemble à mon voisin du cinquième, au pharmacien du coin de la rue ou au plombier de ma mère et que je crois aussi innocent que ma mère et son plombier réunis - mais peu importe ce que je crois. Les pages qui suivent ne serviront peut-être à rien, mais je ne m'imagine pas ne pas les écrire, donc voilà.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'incompréhension et l'indignation. Philippe Jaenada a été saisi de ces sentiments au spectacle de l'injustice flagrante qui, en juin 2021, a condamné à quinze ans de prison un homme de soixante-six ans sans aucune justification avérée. Il a tenu à écrire dans le détail le cheminement de cette instruction longue et litigieuse qui a conduit à une décision inacceptable

Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes

Dans Le siècle des égarés, Julia de Funès affirme que : « Chercher à prouver que la femme, le racisé, l’homosexuel est égal à l’homme blanc hétérosexuel n’a plus aucune pertinence en France en 2022. »

Titiou Lecoq démontre ici brillamment que sur ce point, tout n’est pas aussi clair que ça. Que les inégalités sont insidieuses, que les lois sont parfois perverses, que leur application peut être retorse et que finalement, si ! Il est pertinent et même fondamental de se pencher là dessus !

En France, entre 1998 et 2015, l'écart de patrimoine entre les femmes et les hommes est passé de 9% à 16%.
Il a quasiment doublé.
Alors que l'on s'attendait à ce que ces inégalités se résorbent avec le temps, il se produit l'inverse. Elles se creusent. Pour y mettre fin, il faut en prendre conscience.
Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes de Titiou Lecoq

Dans cet essai, nous suivons Gwendoline de sa naissance à sa retraite en passant par le célibat, la vie en couple, le mariage, des enfants et un divorce. Et à chaque étape, l’écart se creuse. De l’argent de poche à la pension, les inégalités sont flagrantes.

En résumé, elle est un être vivant.
Mais elle, elle pense qu'elle a des complexes.
Et que la meilleure manière de s'en débarrasser, ce n'est pas de s'accepter, mais de les éliminer.
Alors Gwendoline se lance dans une vaste guerre contre son corps, une guerre qui va durer toute sa vie.
Ce faisant, elle participe à quelque chose dont elle n'a sans doute pas conscience, un immense marché économique. Le marché économique de la féminité.

Un livre comme un état des lieux (certainement pas exhaustif et purement économique) des inégalités (légales, sociales, familiales, éducationnelles…) économiques au détriment des femmes.

Gwendoline a vieilli.
Elle va enfin pouvoir s'arrêter de courir et profiter un peu.
Elle prend sa retraite.
Mais les inégalités économiques qui l'ont suivie toute sa vie explosent avec l'âge.
À ce stade, les femmes ont moins gagné en salaire, elles ont accumulé moins de patrimoine, elles ont moins hérité et elles ont moins épargné et investi. Brusquement, Gwendoline voit bien le rapport entre les heures de travail ménager gratuit qu'elle a fait et les heures de travail salarié qui lui ont manqué pour cotiser.
Elle regarde une nouvelle fois ses mains. C'est combien de lessives, une vie? Une vie de femme? Avec une famille de quatre personnes, puis ses parents âgés dont elle s'est occupée? Si elle avait touché 1 euro par lessive faite...

Avec une conclusion en forme de check-list et des questions à se poser au cours des différentes étapes de la vie (et franchement, ça vaut le coup d’oeil… tout comme les petits caractères des contrats d’assurance)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les hommes sont plus riches que les femmes. Ce constat se retrouve partout, a l'échelle de la société comme à celle de la famille.
Et pourtant, longtemps, il ne m'a pas intéressée. J'ai travaillé sur les violences sexuelles, les féminicides, la parentalité, le domestique, l'effacement des femmes dans l'Histoire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Les hommes sont plus riches que les femmes.

Dès l'enfance, les garçons reçoivent plus d'argent de poche que les filles. Adultes, à poste égal, les femmes sont moins bien payées que les hommes. Et le couple accentue encore les inégalités : au cours de la vie à deux, l'écart ne cesse de se creuser, sans que ni l'une ni l'autre ne s'en rende compte. Ou bien préfère l'ignorer. Chaque fois, il y a des explications et une combinaison de "bonnes raisons" mais le tableau général est accablant. J'écris depuis des années sur les violences sexuelles, le travail domestique, l'invisibilisation des femmes.

Il était temps que je m'intéresse à ce qui est souvent plus tabou que la vie sexuelle : l'argent. »

Avec un talent rare pour la pédagogie, Titiou Lecoq décortique les statistiques les plus récentes. Elle convoque l'historienne Michelle Perrot, des économistes, une conseillère en gestion de patrimoine, des banquières, sa mère et même des arnaqueuses. Son ton mordant fait le reste.

On tourne les pages avec étonnement et parfois colère. Mais Titiou Lecoq propose aussi des solutions simples qui peuvent tout changer

Maigret chez le ministre

Appelé au secours en toute discrétion par un ministre pris dans un traquenard, Maigret va devoir se mêler des jeux de pouvoirs au milieu des journalistes et sous la pression de l’impatiente opinion publique.

Il n'osait pas, tout de suite, poser ces questions-là. Il avait devant lui un homme effondré et il sentait que ce n'était pas par faiblesse. En le regardant, Maigret était pénétré d'un sentiment complexe, fait d'écœurement et de colère, de découragement aussi.
Une fois dans sa vie, il s'était trouvé dans une situation similaire, encore que moins dramatique, et c'était venu aussi d'une affaire politique. Il n'y était pour rien. Il avait agi exactement comme il devait le faire, s'était conduit, non seulement en honnête homme, mais selon son strict devoir de fonctionnaire.
Il n'en avait pas moins eu tort aux yeux de tous ou de presque tous. Il avait dû passer devant un conseil de discipline et, comme tout était contre lui, on avait été obligé de lui donner tort.
C'est à cette époque-là qu'il avait quitté momentanément la P.J. et s'était vu exilé pendant un an à la Brigade mobile de Luçon, en Vendée, justement, le département que Point représentait à la Chambre.
Maigret chez le ministre de Georges Simenon

Et il aime pas ça, le Jules ! Mais voilà, il va bien falloir qu’il s’y coltine !

Une main toucha doucement son épaule en même temps qu'une voix soufflait à son oreille :
 - Maigret ! Il est sept heures.
L'odeur de la tasse de café que sa femme tenait à la main lui montait aux narines. Ses sens et son cerveau se mettaient à fonctionner un peu à la façon d'un orchestre quand, dans la fosse, les musiciens essaient leurs instruments. Il n'y avait pas encore coordination. Sept heures, donc un jour différent des autres, car il se levait d'habitude à huit. Sans ouvrir les paupières, il découvrait qu'il y avait du soleil, alors que la journée de la veille avait été brumeuse.

Un bon Maigret, sans mort (tiens, c’est plutôt rare) dans lequel on apprend que le réveil du commissaire, c’est Madame et son café

Maigret 74/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le rapport de feu Calame
Comme toujours quand il rentrait chez lui le soir, au même endroit du trottoir, un peu après le bec de gaz, Maigret leva la tête vers les fenêtres éclairées de son appartement. Il ne s'en rendait plus compte. Peut-être, si on lui avait demandé à brûle-pourpoint s'il y avait de la lumière ou non, aurait-il hésité à répondre. De même, par une sorte de manie, entre le second et le troisième étage, commençait-il à déboutonner son pardessus pour prendre la clef dans la poche de son pantalon alors qu'invariablement la porte s'ouvrait dès qu'il posait le pied sur le paillasson.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le commissaire Maigret est ici confronté à une sombre affaire politique - un monde qu'il n'a jamais aimé. Un sanatorium pour enfants s'est écroulé par suite d'un glissement de terrain, causant des dizaines de morts. Peu de temps après le drame, la rumeur court qu'un rapport technique avait nettement mis en garde les pouvoirs publics contre le danger. Ce rapport a été remis à Auguste Point, nouveau ministre des Travaux publics, mais le document lui a été volé la nuit suivante. Ses adversaires politiques l'accusent déjà de l'avoir fait disparaître afin de protéger les responsables du désastre. Il fait officieusement appel à Maigret pour retrouver le rapport. Parlementaires corrompus, presse de chantage, cynisme des puissants...

Le commissaire explore de sinistres coulisses. Ce tableau de mœurs n'a pas vieilli, et le drame d'Auguste Point - un homme intègre, dévoué à son pays, légèrement naïf et piégé - rappellera aux lecteurs des affaires plus récentes

Maigret et le tueur

Encore un excellent Maigret ! Décidément les derniers écrits me semblent tellement plus riches que les premiers !
Dans cette enquête on retrouve l’amour de de l’auteur pour Paris et ses canaux, ses péniches, ses quartiers et ses petites ruelles.

Maigret n'avait pas encore vu la sœur du mort, que la famille appelait Minou, et qui, paraît-il, avait de curieuses fréquentations.
Les trains de péniche glissaient lentement sur la Seine grise et les remorqueurs baissaient leur cheminée au moment de passer sous le pont Saint-Michel.
Maigret et le tueur de Georges Simenon

Une enquête avec un petit twist qui débouche sur un tueur fort attachant ?!? Car oui, Maigret ne juge généralement pas, il laisse ce soin à la justice.

Ils avaient beau avoir une voiture depuis un an - que Maigret n'avait jamais conduite -, Mme Maigret préférait s'en servir le moins possible dans Paris. Ils l'utilisaient surtout, le samedi soir ou le dimanche matin, pour gagner Meung-sur-Loire où ils avaient leur petite maison.
Quand je prendrai ma retraite...
Parfois on pouvait croire que Maigret, pressé de la prendre, comptait les jours. D'autres fois, on sentait chez lui une certaine panique à la perspective de quitter le Quai des Orfèvres.
Jusqu'à trois mois plus tôt, l'heure de la retraite, pour les commissaires, était de soixante-cinq ans et il en avait soixante-trois.

Un roman qui m’a pas mal fait rire (jaune) aujourd’hui, alors que toute la France revendique la conservation des acquis sociaux sur les retraites. A deux ans de la retraite, Maigret apprend qu’il va écoper de trois ans de malus. Bim ! (Et personne ne moufte ?)

Un nouveau décret venait de tout changer et de porter cette retraite à soixante-huit ans...
Dans certaines rues, le brouillard était plus épais que dans d'autres et les voitures roulaient lentement, une auréole autour de leurs phares.

Un polar avec des voleurs de tableaux, un psychopathe au couteau, une famille richissime, une serveuse amoureuse, Madame Maigret (qui conduit la voiture !), des sandwiches et des bières…

Maigret 98/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pour la première fois depuis qu'ils dînaient chaque mois chez les Pardon, Maigret devait conserver de cette soirée boulevard Voltaire un souvenir presque pénible.
Cela avait commencé boulevard Richard-Lenoir. Sa femme avait commandé un taxi par téléphone, car il pleuvait, depuis trois jours, comme, selon la radio, il n'avait pas plu depuis trente-cinq ans. L'eau tombait par rafales, glacée, vous fouettant le visage et les mains, collant les vêtements mouillés au corps.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Antoine Batille a-t-il payé de sa vie - sept coups de couteau - sa curieuse habitude d'enregistrer au magnétophone les conversations d'inconnus? De fait, l'écoute de la dernière bande livre très vite à la police une équipe de voleurs de tableaux.
Mais pourquoi l'assassin n'a-t-il pas dérobé cet enregistrement compromettant? Et quel est l'inconnu qui téléphone à Maigret, indigné que les journaux accusent les trafiquants de ce meurtre?
C'est chez lui, boulevard Richard-Lenoir, que le commissaire Maigret entendra la confession de l'assassin. Une confession à la fois pathétique et dérisoire, qui lui révèle le drame de toute une vie...

Une autobiographie de Nina Childress

Ne connaissant pas Nina Childress (et très mal l’art contemporain en général), c’est Fabienne Radi qui m’a attiré. Et merci ! Merci pour le texte, et merci pour la découverte de Nina Childress !

J'ai embrassé un garçon pour la première fois relativement tard. J'étais avec ma copine Catherine.
On avait rencontré deux types assez délurés qui fumaient des pétards. Le premier s'appelait Jérôme. Il avait de longs cheveux blonds et l'air un peu mou. Ça ne me disait rien. L'autre s'appelait Jean-François. C'était un brun du genre latin lover. Avec Catherine, on les a observés un petit moment pour savoir lequel choisir. Je trouvais Jean-François très mignon, mais au moment où je me suis approchée de lui, j'ai remarqué qu'il portait un maillot de corps sous sa chemise. Et là je me suis dit: Non, non, non c'est pas possible! Je me suis alors tournée vers Jérôme, qui avait un vieux foulard indien autour du cou. C'était plus cool. J'ai embrassé Jérôme sur Imagine de John Lennon. Le maillot de corps, je ne pouvais pas.
Une autobiographie de Nina Childress de Fabienne Radi

Et d’ailleurs, merci autant à Fabienne Radi qu’à Nina Childress – qui sont désormais devenues un peu des sœurs jumelles indissociables dans mon esprit – pour cette bio aussi déjantée (en fait, sûrement moins) que la vie de Nina l’a été jusqu’à aujourd’hui.

Dans ma période punk avec les Lucrate, j'aimais cuisiner des plats trash avec des abats. Ma spécialité c'était les lasagnes aux cœurs de poulet. Facile et bon marché. J'adorais faire des tripes aussi, leur forme me fascinait. Je lisais un livre de cuisine qui s'intitulait La Cuisine de Madame Saint-Ange. C'était de la littérature. Elle prenait trois pages pour expliquer comment bien cuire les œufs à la coque. Quand j'étais en descente d'acide, il m'arrivait de me lancer dans des trucs très compliqués, comme confectionner des pâtes fraîches.

Certes, le début est bien plus amusant et le livre finit par lasser un tantinet dans la longue galerie des différentes périodes d’une artiste qui, incessamment, se renouvelle, se réinvente, cherche, copie (on peut dire ou c’est péché ?), s’inspire, invente et crée.

Nina Childress 611 _ Blurriness (dancer)_ 1999 _huile sur toile, 81 x 60 cm

On livre où l’on croise, en vrac et juste pour l’anecdote, Andy Warhol et Sylvie Vartan, toute une galerie d’ex, Sisi, la famille Ewing de Dallas, Hedy Lamarr ou l’inspecteur Bourel (…il y en a tant). Une bio très drôle et décomplexée pour les férus d’art contemporain, les fans de Fabienne Radi et tous-tes les curieuses-x

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce livre raconte la vie de l'artiste-peintre Nina Childress. On y croise un camion de glaces en Californie, une sculpture de Picasso à New York, des piscines au Texas, le milieu punk parisien des années 80, des artistes de la scène française des années 90, une famille de rats, un cheval, des couples de nudistes et une paire de culottes. On a l'occasion de rencontrer indirectement Sylvie Vartan, Hedy Lamarr, Simone de Beauvoir, Britt Ekland, Kate Bush et Sissi impératrice d'Autriche.
On peut apprendre des choses sur la peinture, les crêpes, les soeurs jumelles, les coupes de cheveux et les galeristes

Maigret et son mort

Un excellent mort que voilà ! Avec presque du suspense, des coups de feu, des rebondissements et même… des sentiments.

 - Allons voir le vieux singe! soupira Maigret, qui n'avait jamais pu sentir le juge Coméliau.
Il savait fort bien que celui-ci l'accueillerait par une phrase glacée qui constituerait à ses yeux le plus cinglant des reproches :
« Je vous attendais, monsieur le commissaire... »
Il aurait été capable de dire:
« J'ai failli attendre... »
Maigret s'en moquait éperdument.
Depuis deux heures et demie du matin, Maigret vivait avec son mort.
Maigret et son mort de Georges Simenon

Et tout le monde est là ! Maigret et Madame, Moers de l’identité judiciaire, les éternels Lucas, Janvier, Lapointe, Torrence, un juge toujours impatient et des criminels bien méchants, des indics, des barmans, des hôtels miteux aux patrons louches, des petits brigands et des danseuses… Et bien sûr, des nuits blanches à la bière et sandwichs.

Il hésita en montant dans la voiture. Est-ce qu'il n'avait pas dormi la nuit précédente ? N'avait-il pas eu trois jours et trois nuits pour se reposer pendant sa fameuse bronchite ? Moers avait-il le temps de dormir?
 - Où est-ce que nous trouverons quelque chose d'ouvert? questionna-t-il.
Il avait faim, tout à coup. Faim et soif. L'image d'un verre de bière bien fraîche, à la mousse argentée, lui faisait monter l'eau à la bouche.
 - En dehors des boîtes de nuit, je ne vois guère que La Coupole, ou les petits bistrots des Halles.
Il le savait. Pourquoi avait-il posé la question? 
 - A La Coupole.

Un polar bien équilibré avec, une fois n’est pas coutume, une fin touchante

Maigret 54/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Pardon, madame...
Après des minutes de patients efforts, Maigret parvenait enfin à interrompre sa visiteuse...
- Vous me dites à présent que votre fille vous empoisonne lentement...
- C'est la vérité...
- Tout à l'heure, vous m'avez affirmé avec non moins de force que c'était votre beau-fils qui s'arrangeait pour croiser la femme de chambre dans les couloirs et pour verser du poison soit dans votre café, soit dans une de vos nombreuses tisanes...
- C'est la vérité...
- Néanmoins... - il consulta ou feignit de consulter les notes qu'il avait prises au cours de l'entretien, lequel durait depuis plus d'une heure - vous m'avez appris en commençant que votre fille et son mari se haïssent...
- C'est toujours la vérité, monsieur le commissaire.
- Et ils sont d'accord pour vous supprimer ?
- Mais non! Justement... Ils essayent de m'empoisonner séparément, comprenez-vous ?...
- Et votre nièce Rita ?
- Séparément aussi...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Pardon, madame...
Après des minutes de patients efforts, Maigret parvenait enfin à interrompre sa visiteuse...
- Vous me dites à présent que votre fille vous empoisonne lentement...
- C'est la vérité...
- Tout à l'heure, vous m'avez affirmé avec non moins de force que c'était votre beau-fils qui s'arrangeait pour croiser la femme de chambre dans les couloirs et pour verser du poison soit dans votre café, soit dans une de vos nombreuses tisanes...
- C'est la vérité...
- Néanmoins... - il consulta ou feignit de consulter les notes qu'il avait prises au cours de l'entretien, lequel durait depuis plus d'une heure - vous m'avez appris en commençant que votre fille et son mari se haïssent...
- C'est toujours la vérité, monsieur le commissaire.
- Et ils sont d'accord pour vous supprimer ?
- Mais non ! Justement... Ils essayent de m'empoisonner séparément, comprenez-vous ?...
- Et votre nièce Rita ?
- Séparément aussi...

Maigret et l’homme du banc

Tiens, voilà une enquête où l’on ne croise que des innocents (enfin… presque). Maigret et ses collaborateurs interrogent, fouinent, cherchent, mais aucun coupable crédible ne semble apparaître.

Tandis qu'il montait dans la voiture, les deux femmes le regardaient par-dessus les layettes et les lainages blancs et roses.
 - Où allons-nous, patron ? 
Il était onze heures du matin.
 - Arrête au premier bistrot.
 - Vous en avez un à côté du magasin.
Une pudeur l'empêchait d'entrer dans celui-là, sous les yeux de Léone.
 - Tourne le coin de la rue.
Il voulait téléphoner à M. Kaplan, chercher dans le Bottin l'adresse exacte de M. Saimbron, quai de la Mégisserie.
Par la même occasion, puisqu'il avait commencé sa journée par un calvados, il en but un autre au comptoir.
Maigret et l’homme du banc de Georges Simenon

Simenon ne va quand même pas nous faire le coup du coupable surprise qu’il sort de sa manche juste à la fin et bim ?

Maigret alla tisonner le poêle, bourra une pipe et, pendant près d'une heure, se plongea dans de la besogne administrative, annotant des pièces, en signant d'autres, donnant quelques coups de téléphone sans intérêt.
 - Je peux entrer, patron?
C'était Santoni, tiré à quatre épingles selon son habitude, et, comme toujours aussi, répandant une odeur de coiffeur qui faisait dire à ses collègues :
 - Tu sens la putain! 
Santoni était frétillant.
 - Je crois que j'ai découvert une piste. 
Maigret, sans s'émouvoir, le regarda de ses gros yeux troubles.

Mais non, ça tient la route, cet homme du banc est un bon Maigret, un poil atypique, mais d’une brillante et surprenante construction !

Maigret 69/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les souliers jaunes
Pour Maigret, la date était facile à retenir, à cause de l'anniversaire de sa belle-sœur, le 19 octobre. Et c'était un lundi, il devait s'en souvenir aussi, parce qu'il est admis au Quai des Orfèvres que les gens se font rarement assassiner le lundi. Enfin, c'était la première enquête, cette année-là, à avoir un goût d'hiver.
Il avait plu tout le dimanche, une pluie froide et fine, les toits et les pavés étaient d'un noir luisant, et un brouillard jaunâtre semblait s'insinuer par les interstices des fenêtres, à tel point que Mme Maigret avait dit :
- Il faudra que je pense à faire placer des bourrelets.
Depuis cinq ans au moins, chaque automne, Maigret promettait d'en poser le prochain dimanche.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Comment Louis Thouret, marié, habitant Juvisy et magasinier de son état, a-t-il pu finir tué d'un coup de couteau dans une impasse proche du boulevard Saint-Martin ? C'est en se posant cette question que Maigret va découvrir une existence étrange, la double vie d'un homme très ordinaire.
Depuis longtemps, Thouret était pour sa femme un inconnu. Depuis longtemps, il n'était plus magasinier. Depuis longtemps, il mentait, mû par une crainte dérisoire et plus forte que tout. À quelle déchéance progressive ce mensonge initial a pu conduire le défunt, c'est ce que Maigret comprendra peu à peu, en explorant une de ces vies à la fois ordinaires et mystérieuses qu'excelle à camper Georges Simenon

Le charretier de la Providence

Ces Maigret écrits dans les années 30 permettent de bien se rendre compte de l’époque. Car entre deux guerres, toutes les péniches n’étaient pas à moteur et nombre d’entre elles étaient tirées par des chevaux le long des chemins de halage.

Depuis une heure qu'il était là, le commissaire n'avait songé qu'à se familiariser avec un monde qu'il découvrait soudain et sur lequel il n'avait en arrivant que des notions fausses ou confuses.
L'éclusier lui avait dit :
 - Il n'y avait presque rien dans le bief : deux moteurs avalants, un moteur montant, qui a éclusé l'après-midi, une vidange et deux Panama. Puis le chaudron est arrivé avec ses quatre bateaux...
Et Maigret apprenait qu'un chaudron est un remorqueur, qu'un Panama est un bateau qui n'a ni moteur ni chevaux à bord et qui loue un charretier avec ses bêtes pour un parcours déterminé, ce qui constitue de la navigation au long jour.
Le charretier de « la Providence » de Georges Simenon

Cette enquête est la deuxième de Maigret et ces premiers livres ne font pas vraiment partie de mes préférés. L’écriture y est moins fluide, les personnages moins clairs. Une histoire de jeune femme retrouvée étranglée dans un canal glauque et sombre.

Deux écluses encore! Rien! Maigret devait suivre les éclusiers sur les portes, car, à mesure qu'il avançait, le trafic était plus intense. A Vésigneul, trois bateaux attendaient leur tour. A Pogny, ils étaient cinq.
Du bruit, non! grogna le préposé à cette dernière écluse. Mais je voudrais bien savoir qui a eu le culot de se servir de mon vélo...
Le commissaire s'épongea en entrevoyant enfin un semblant de but. Il avait le souffle court et chaud. Il venait de parcourir cinquante kilomètres sans même boire un verre de bière.
 - Où est votre bicyclette?
 - Tu ouvriras les vannes, François? cria l'éclusier à un charretier.

Un Maigret toutefois intéressant pour qui souhaite découvrir des termes tels que Panama, charretier, cabestan, un système de trématage ou savoir qu’il y avait une écurie sur les péniches

Maigret 2/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'écluse 14
Des faits le plus minutieusement reconstitués, il ne se dégageait rien, sinon que la découverte des deux charretiers de Dizy était pour ainsi dire impossible.
Le dimanche - c'était le 4 avril -, la pluie s'était mise à tomber à verse dès trois heures de l'après-midi.
A ce moment, il y avait dans le port, au-dessus de l'écluse 14, qui fait la jonction entre la Marne et le canal latéral, deux péniches à moteur avalantes, un bateau en déchargement et une vidange.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Des faits le plus minutieusement reconstitués, il ne dégageait rien, sinon que la découverte des deux charretiers de Dizy était pour ainsi dire impossible.
Le dimanche - c'était le 4 avril -, la pluie s'était mise à tomber à verse dès trois heures de l'après-midi.
A ce moment, il y avait dans le port, au-dessus de l'écluse 14, qui fait la jonction entre la Marne et le canal latéral, deux péniches à moteur avalantes, un bateau de déchargement et une vidange.
Un peu avant sept heures, alors que commençait le crépuscule, un bateau-citerne, I'Eco-III, s'était annoncé et avait pénétré dans le sas

T’as pas l’impression de prendre toute la couverture ? : Poésies visuelles et jeux de (mauvais) caractères

C’est magnifique, hilarant, drôle, cocasse, c’est un chef d’oeuvre, c’est fou, juste, débile, incroyable, impertinent, marrant, génial, surprenant, inconvenu, bienvenu… (encore ?)

T’as pas l’impression de prendre toute la couverture ? : Poésies visuelles et jeux de (mauvais) caractères de l’Indéprimeuse

L’Indéprimeuse (Davina Sammarcelli et Felicia Sammarcelli) m’avaient déjà impressionné avec leur traduction de Guillaume Remuepoire et garnissent mon intérieur de leurs tableaux et impressions. Elles réjouissent les imprimeuses-eurs, typographes, correctrices-eurs, polygraphes, infographistes, metteuses-eurs en pages, titreuses-eurs… (tiens, j’y pense, sont-elles pour ou contre l’écriture inclusive ?) et toutes et tous !

Tiens, celui-là, je ne l’ai pas comprise tout de suite

Mais surtout, elles dont drôles et poétiques !

Et c’est un chef-d’oeuvre !

Merci l’Indéprimeuse, c’est un bonheur