L’été où tout arriva : 1927, l’Amérique en folie

Tournant principalement autour de l’événement majeur de cette année, la traversée de l’Atlantique par Charles Lindbergh, Bill Bryson nous raconte à sa manière cette année marquante de l’Amérique moderne.

XXVI
Les années 1920 ont été surnommées les Années folles, mais aux États-Unis on aurait peut-être dû les baptiser « l'âge de la haine ». Il n'y a probablement pas eu d'autre moment, dans l'histoire de ce pays, où autant de gens ont détesté autant d'autres gens venus d'autant d'horizons et pour moins de raisons. Le sectarisme était alors systématique et quasi universel. Au New Yorker, Harold Ross interdisait l'emploi de l'expression « papier toilette » pour une question de goût (cela le mettait mal à l'aise), mais il n'avait absolument rien contre « nègre » ou « moricaud ». Quelques jours avant la traversée de Lindbergh, son journal avait publié un dessin humoristique où figurait cette réplique aussi impérissable qu'affligeante : « Pour moi, les Nègres se ressemblent tous. »
L’été où tout arriva: 1927, l’Amérique en folie de Bill Bryson

Un été de prohibition, juste avant le grand crash économique et la grande guerre qui suivra, en pleine démocratisation de la radio et à l’arrivée du cinéma parlant, au milieu des États-Unis – pays de la boxe et du base-ball – gouvernés de façon (j’allais dire bizarre mais peut être faudrait-il écrire) habituelle.

Lindbergh se trouvant momentanément indisponible, il fallait à l'Amérique quelque distraction sublimement absurde, et un certain Shipwreck Kelly s'apprêtait à la lui fournir. Le 7 juin à 11 heures du matin, il escalada un mât de 15 mètres fixé sur le toit de l'hôtel Saint Francis de Newark, dans le New Jersey, et s'assit au sommet. Il ne fit rien d'autre pendant des jours et des jours, mais le public enchanté afflua à Newark pour le voir.

En vrai rat de bibliothèque, documentaliste infatigable, scrutateur de l’énorme et du détail, Bill Bryson livre un pavé d’humour et d’histoire.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mai 1927 : Charles Lindbergh traverse l'Atlantique seul, sans escale et de continent à continent. Cet exploit va changer le monde et les États-Unis, comme plusieurs autres événements survenus jusqu'en septembre dans ce pays qui ne connaît pas encore la crise mais doit déjà faire face aux dérèglements climatiques, aux tueurs fous et aux bizarreries de son président.

Cette Amérique qui ressemble à celle d'aujourd'hui nous est racontée par l'auteur de non-fiction préféré des Anglo-Saxons. Il le fait avec autant de joyeuse érudition que d'humour noir, et au travers d'une foule de personnages aussi différents que Henry Ford (génial constructeur automobile mais sinistre antisémite), Al Capone (joufflu comme un bébé mais beaucoup moins inoffensif) et Walt Disney, à qui l'exploit de Lindbergh inspirera un héros pilote sous les traits... d'une souris

Une sortie honorable

Après une brève description de l’enfer colonial qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux atrocités commises par Léopold II au Congo, rappelées dans Le coeur des ténèbres, en Algérie ou qu’on retrouve dans Exterminez toutes ces brutes !, Eric Vuillard raconte avec force anecdotes la guerre d’Indochine.

Une sortie honorable de Éric Vuillard

Et comme à son habitude, il use d’effets, de projections, de circonvolutions et de bons mots (un peu beaucoup d’ailleurs, et cela nuirait presque à l’efficacité de son argumentaire).

Mais à la fin, il retombe sur ces pattes et cette sortie honorable démontre qu’elle ne le fut en rien. Les profiteurs de guerre dans leurs beaux salons s’en sont rempli les poches dans leurs beaux costumes une fine et un cigare à la main. Les incapables en uniformes de parade ont fait leur job à la perfection en décimant tant et plus ne laissant que désolation et terres brulées.

Qui, bien au chaud, gouverne, à qui profitent ces crimes et les puants sont-ils dans les cachots ?

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Et si je vous en donnais deux ?, lui lança-t-il.
- Deux quoi ? », répondit le ministre français, interloqué, incapable de faire le lien entre la conversation diplomatique, somme toute assez classique qu'il menait à propos de Diên Biên Phu, et cette question à la tournure tout à fait saugrenue.
« Deux bombes atomiques... », précisa le secrétaire d'Etat américain.
É.V.

Le droit d’emmerder Dieu

Tout est dans le titre de cette plaidoirie de Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo lors du procès des attentats de 2015.

Le droit d’emmerder Dieu de Richard Malka

Une plaidoirie intégralement retranscrite sur la non négociabilité de la liberté d’expression, sur les responsabilités politiques, médiatiques et religieuses. Une langue magnifique, des arguments brillamment mis en place dans un déroulé implacable. Un contre pied ferme contre toute tentative de retourner les responsabilités des attentats. Le droit au blasphème est partie entière des libertés.

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«C'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de réfléchir, d'analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d'être ce que nous voulons. C'est à nous, et à personne d'autre, qu'il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
À nous de rire, de dessiner, d'aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration - en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot.»

Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès intellectuel, procès historique, au cours duquel l'auteur retrace, avec puissance, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur, évoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre. Bien plus qu'une plaidoirie, un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée

Parles-tu la langue ?

Trop gourmand pour prendre plaisir à la poésie, il me faut me tenir, m’imposer un instant, m’empêcher la vitesse et ignorer l’urgence de finir. C’est un effort.

Mais certains moments en valent la peine, c’est le cas avec ce délicat recueil de poésie de Nathalie Berthod.

Parles-tu la langue de Nathalie Berthod

Un moment à s’offrir, une tendre pause, une délicatesse qu’on ne referme qu’avec cette promesse de retrouvailles

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Parles-tu la langue ? Mais quelle langue ? Une langue universelle. Nathalie Berthod part à la quête des rêves, des amours et des mots pour les dire… Elle cherche les ponts, les ailes, les frontières, une terre sous ses pieds, elle se déplace avec lenteur entre les images, les sons, les odeurs, parfois les douleurs. Tout se mélange sur la toile de la vie, où elle aime se perdre pour tout recommencer

Le roi n’avait pas ri

Triboulet fut le fou du roi Louis XII puis de François 1er.

Le roi n’avait pas ri de Guillaume Meurice

Guillaume Meurisse, amuseur public et politique en conte son histoire de façon… un peu désabusée

L’humour n’aurait donc aucune autre utilité que celle de faire rire ?

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Triboulet fut le difforme et volubile bouffon de Louis XII et François Ier. À travers sa vie de frasques et de facéties, il testa à chaque instant les limites de sa liberté. Jusqu'à... la blague de trop.

Le pouvoir tolère-t-il vraiment le rire ? Lorsqu'elle est permise par un roi, l'irrévérence fait-elle révérence ?
L'ascension et la chute de Triboulet, racontée par un bouffon du XXIe siècle

Soyez gentils : petit éloge de la bonté à l’usage des générations futures

Les américains semblent raffoler de ces discours de promotion.

Soyez gentils : petit éloge de la bonté à l’usage des générations futures de George Saunders

En dehors du côté « gentillet » de ce tout petit livre, reste que son propos et son ton léger méritent de s’y attarder

Un bon conseil d’une généreuse simplicité

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le 11 mai 2013, l'écrivain George Saunders était invité à prononcer le discours de remise des diplômes de l'université de Syracuse, dans l'État de New York. Soyez gentils reprend, sous une forme légèrement remaniée, l'intégralité de ce discours.

Avec humour, verve et sensibilité, George Saunders livre une méditation touchante et profonde sur la gentillesse, invitant chacun d'entre nous à ne jamais se lasser d'errer sur la voie de la bonté

Le bal des folles

Humanisme, exhibitionnisme ou voyeurisme, les débuts de la médecine psychiatrique ont donné lieu à quelques approximations dans une société patriarcale et conformiste. Un livre qui témoigne de la position des femmes et de leur fragilité dès qu’elles montraient quelque velléité d’affirmation ou qui aspiraient à simplement vivre comme elles le souhaitaient.

Le bal des folles de Victoria Mas

Pas trop fan des esprits… Mais qu’importe, Magnifique !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Depuis l'arrivée de Charcot à la Salpêtrière, on dit que seules les véritables hystériques y sont internées. Mais le doute subsiste... »

Chaque année, à la mi-carême, se tient, à la Salpêtrière, le très mondain Bal des folles. Le temps d'une soirée, le Tout-Paris s'encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Cette scène joyeuse cache une réalité sordide : ce bal « costumé et dansant » n'est rien d'autre qu'une des dernières expérimentations de Charcot, adepte de l'exposition des fous.

Dans ce livre terrible, puissant, écrit au scalpel, Victoria Mas choisit de suivre le destin de ces femmes victimes d'une société masculine qui leur interdit toute déviance et les emprisonne. Parmi elles, Geneviève, dévouée corps et âme au service du célèbre neurologue ; Louise, une jeune fille « abusée » par son oncle ; Thérèse, une prostituée au grand coeur qui a eu le tort de jeter son souteneur dans la Seine ; Eugénie Cléry enfin qui, parce qu'elle dialogue avec les morts, est envoyée par son propre père croupir entre les murs de ce qu'il faut bien appeler une prison.

Un hymne à la liberté pour toutes les femmes que le XIXe siècle a essayé de contraindre au silence

14 juillet

En s’emparant de la prise de la Bastille, Eric Vuillard a voulu redonner son nom au peuple. Quentin, Richard, Rogé, Masson, Miclet et tant d’autres…

14 juillet de Éric Vuillard

Du coup, comme dans tous ses livres c’est toujours aussi brillant, enlevé, drôle et incisif… mais, un peu longuet quand même et parfois brouillon. Mais bon ! Cette journée était brouillonne et fut fort longue…

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Tout commence par une folie. Le 28 avril 1789, quelques jours avant l'ouverture des états généraux, les ouvriers de la manufacture royale, menacés d'une baisse de salaire, mettent à sac la folie Titon.

Moins de trois mois passent. Au matin du 14 juillet, le peuple de Paris se soulève, la Bastille doit rendre gorge. Une myriade d'émeutiers, hommes et femmes, donnent chair à la révolte à coup de petits héroïsmes, morceaux de bravoure prosaïques : charrier des planches de bois, rouler les canons sur le pavé, soigner les blessés, encourager les uns, vilipender les autres, cogner, vociférer, mettre le feu aux poudres...

Parce que c'est depuis la foule sans nom que l'on comprend le soulèvement d'un peuple, Éric Vuillard déploie une narration collective composée de figures singulières, entraînées dans ce formidable élan qu'est la prise de la Bastille. Ses miniatures éclatantes forment une fresque magistrale qui redonne vie à cette grande journée pétrifiée par le temps. Un livre flamboyant, où notre fête nationale retrouve sa beauté tumultueuse

Ganda

Eugène nous raconte les grands explorateurs du Portugal au travers du périple de Ganda, rhinocéros d’Inde offert par Alfonso de Albuquerque à son Roi, Manuel I et peint par Albrecht Durer qui ne l’avait jamais vu. Un roman historique dans la veine des meilleurs romans historiques de Cavanna.

Ganda de Eugène
Ganda de Eugène

C’est monstre drôle et cultivé ! Un voyage autour du monde avec le célèbre Ganda et son cornac, le sourire en bandoulière.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ganda, c'est l'histoire folle d'un rhinocéros parti d'Inde pour rejoindre la ménagerie du roi Manuel Ier du Portugal, en caravelle ! Un cadeau diplomatique de deux tonnes et demie qui ne passe pas inaperçu et aiguise les imaginations...

C'est aussi le roman d'Ossem, le cornac obligé de suivre le pachyderme dans son odyssée. Malin, inventif, Ossem se donne tous les droits pour améliorer son triste sort.

Avec ironie et une pointe d'érudition, Eugène nous emmène dans un récit plein de surprises. De Goa à Lisbonne et de Gênes à Nuremberg, les puissants de ce monde en prennent pour leur grade

La guerre des pauvres

En Europe, les inégalités sont crasses (en ce 15e siècle), le clergé s’engraisse et les impôts tabassent.

La guerre des pauvres de Éric Vuillard
La guerre des pauvres de Éric Vuillard

Les hommes se soulèvent.

Un livre peut-être un peu moins inspiré que les brillantissimes Congo ou l’ordre du jour. Restent une écriture impeccable et un sujet fort bien amené par conteur talentueux!

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les exaspérés sont ainsi, ils jaillissent un beau jour de la tête des peuples comme les fantômes sortent des murs.
É. V.