Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
La bête : tome 2 de Zidrou, dessin de Frank Pé, couleurs de Elvire de Cock
Si vous cherchez un Marsupilami tout choupinou, une histoire pour endormir les petits enfants avec des blagounettes un peu niaiseuses générées à la pelle par une IA dégénérée… passez votre chemin !
La bête, une histoire de caractère, avec quelques messages biens vus au milieu d’un Bruxelles au sortir de la 2e guerre. C’est dur et violent, ça parle d’amour, d’enfance et d’animaux. Une histoire qui peut déraper à tout instant et qui reste sur le fil tout du long.
Et si ce deuxième tome est peut-être un micro-poil en dessous de mes attentes, reste une magnifique réinterprétation de la créature de Franquin !
Ils sont deux, portés par une passion, Candy et Mathurin.
Candy de Gagnon Chainey Benjamin
Dans ce petit livre à l’écriture originale, soignée et créative, nous les suivons de Paris au Canada, dans une fuite qui ressemble à une quête (ou serait-ce le contraire ?), un amour fou et aveugle.
Un peu trop fou pour moi tout de même, je me suis perdu
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Mon corps est un chaos qui jamais ne se coagule.
Les nuits me suivent mais ne me ressemblent pas.
Seule en silence au creux de ma loge, je m'assieds devant mon miroir, fébrile et nerveuse. Mon spectacle va bientôt commencer.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Candy, drag queen étoile du cabaret Rocambole, à Villecresnes, en a assez de mourir à la chaîne toutes les nuits. Dansante diva dans sa robe de paillettes, elle rêve de devenir une icône. Une nuit hantée de janvier 198*, Candy prendra la fuite au bras de son amant Mathurin, jeune carabin de l'Université Paris-Descartes. Au détour d'une ruelle, les amoureux tomberont sur une étrange apparition. Ce sera leur premier meurtre. Cette nuit-là, les fugitifs passeront à l'acte. Ils uniront leurs destins de parias dans le sang et mettront le cap sur le paradis. Candy raconte une histoire d'amour, d'aventures et de métamorphoses... Une cavale fantasmagorique contre la montre, la maladie et la mort
La violence est-elle contagieuse ? Se retrouve-t-on forcément un jour à rendre les coups reçus, peut-on pardonner, comment se reconstruire ?
Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel
Un livre puissant, rude. Une famille avec un père violent, abuseur, incestueux, imprévisible et pervers. Une grosse saloperie ! Une femme et deux filles prises dans ses griffes dans un petit village du Valais (mais il y en a partout) où chacun regarde ailleurs, refuse de voir, d’aider, d’intervenir.
L’histoire d’une fuite, d’une reconstruction, des cicatrices qui ne se referment pas. L’histoire des victimes et du bourreau.
Un roman qui ne se referme pas sans malaise et questionnements. Une fiction qui dépeint une affreuse réalité, celle de la maison d’à côté, de l’étage en dessus, la porte du voisin
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma sœur jacassait. Comme souvent. Mon père disait « Elle peut pas la boucler, cette gamine ».
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa soeur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l'assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l'École normale d'instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa soeur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.
Réfugiée à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d'apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu'elle s'accorde. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d'êtres bienveillants que sa sauvagerie n'effraie pas, s'essayant même à une vie amoureuse.
Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite.
Sa préférée est un roman puissant sur l'appartenance à une terre natale, où Jeanne n'aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n'avoir su la protéger de son destin
Et si à la sortie de l’aéroport, en fin de soirée, épuisée, fatiguée et lasse d’attendre un conjoint qui ne viendrait pas, vous suiviez une personne tenant une pancarte au nom de Emma Auster ? L’héroïne de ce jeu des si tente l’expérience.
Le jeu des si de Isabelle Carré
Un livre un peu convenu qui tout à coup, bim ! sans prévenir, saute dans l’autofiction (pour en revenir plus tard) tout en tissant des parallèles entre celle qui aurait osé s’échapper et l’autrice coincée par le confinement. Amusant et déroutant !
Mais voilà, Isabelle Carré m’a semblé bien plus convaincante lorsqu’elle ne se cache pas
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le visage collé au hublot, j'admirais les montagnes qui s'étalaient autour du long ruban goudronné de la piste d'atterrissage. Les lignes blanches et les pointillés défilaient à toute vitesse, tels d'impeccables formulaires à découper.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Et si vous pouviez changer de vie ? Jeu des si, mode d'emploi :
Règle n° 1 : Trouvez un nouveau nom.
Règle n° 2 : Remplacez vos proches par des inconnus.
Règle n° 3 : Modifiez votre personnalité, cessez de mentir par exemple.
N'oubliez aucune piste. Peut-être vous embarquerez-vous sur un coup de tête dans le taxi d'une autre, comme Élisabeth. Et peut-être serez-vous plus libre à l'arrivée.
Isabelle Carré nous invite à découvrir un jeu fascinant, tendre, cruel, parfois dangereux. Les strates de la fiction s'y déplient pour dessiner le portrait d'une femme bouleversante et singulière qui pourtant nous ressemble. Qui n'a jamais songé à disparaître, pour mieux recommencer ?
Une BD difficile à positionner. Plutôt une œuvre graphique onirique quasiment sans paroles.
Hallali de Claire Malary
Hélas, le propos n’est pas suffisant pour en trouver une interprétation univoque. Certes, pas indispensable, mais…
Des fils trop légers pour en faire un bon album. Vraiment dommage, j’aurais bien aimé apprécier cette chasse, cette femme rousse… Mais je n’ai pas compris grand chose à ces 60 toutes petites pages
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) L'hallali est le dernier temps de la chasse à courre. Celui où la bête pourchassée est mise à mort
En 1950 paraissait « À marche forcée », récit de l’évasion du Goulag de Slavomir Rawicz. Une fuite de Iakoutsk à Calcutta.
L’axe du loup : de la Sibérie à l’Inde sur les pas des évadés du Goulag de Sylvain Tesson
Malgré des doutes sur son authenticité, ce livre fascine Sylvain Tesson qui décide d’en refaire le trajet sans utiliser de moyens de transports motorisés, by fair means.
Le récit d’une longue marche, de rencontres, de faim et de froid, de douleurs et d’émerveillements comme un hommage à la soif de liberté
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Pendant huit mois, Sylvain Tesson a refait le long voyage de la Sibérie au golfe du Bengale qu'effectuaient naguère les évadés du goulag. Pour rendre hommage à ceux dont la soif de liberté a triomphé des obstacles les plus grands, seul, il a franchi les taïgas, la steppe mongole, le désert de Gobi, les Hauts Plateaux tibétains, la chaîne himalayenne, la forêt humide jusqu'à la montagne de Darjeeling. À pied, à cheval, à vélo, sur six mille kilomètres, il a connu ce qu'il a cherché de plein gré : le froid, la faim, la solitude extrême. La splendeur de la haute Asie l'a récompensé, comme les mots d'une très ancienne déportée heureuse de se confier à lui : «On a le droit de se souvenir.»
«Le récit de voyage qu'il a rapporté est plein d'intelligence, d'authenticité, d'âpreté et d'émotion, traversé de bonheurs d'écriture qui sont la patte d'un écrivain.»
Une femme qui se retrouve à faire ses valises, prendre un flingue et ses deux filles et à fuir, loin, sans laisser de traces pour se protéger, elle et ses filles.
Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé
S’en suit un roman très bien construit, fait de flash-back pour comprendre pourquoi et par qui ?
Et, petit à petit, la personnalité de la mère apparaît, son histoire, enfance, mariage, Tonton Gio, Santini… Le voile se lève
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine ? Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever...
C’est triste comme le mauvais temps, la solitude et l’isolement. Il y a du sexe, mais sans paroles, il y aurait bien des cris, mais ils ne sortent pas, il y a des pleurs, mais on ne voit que les larmes.
Madeleine de Amanda Sthers
Ça fout un peu le blues quand-même.
Un livre déconseillé aux dépressifs, avec quelques clichés et effets de styles dispensables, mais à l’atmosphère bien rendue.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) «Il l'a vouvoyée. Il n'a parlé de rien. Ni de maisons, ni de ce lit, ni de cette fois. Est-ce un rendez-vous ? Une deuxième visite ? Il a donné l'heure d'arrivée de son avion. Le même, même jour. Déjà deux mois plus tard. Le souvenir est bien là, brûlant sur les cuisses de Madeleine. Est-ce qu'il faut aller chez le coiffeur ? Du noir, ça mincit mais la peur aussi, le lointain. Du marine ? Du marron ? Du temps, pas beaucoup ? Que dit-elle ? Elle dit oui, je vous attendrai. Le silence est long. "Vous me reconnaîtrez ?" essaie-t-elle. Il ne répond même pas. Elle ne sait pas comment on attrape un homme, ils lui glissent entre les doigts comme du vif-argent, et celui-là est bien plus qu'un homme. Il est celui qu'elle aime, celui qu'elle attendait.»
Le livre ne commence pas dans la franche rigolade… et pourtant, on comprend très vite que ce sera pire après.
Sérotonine de Michel Houellebecq
Avec parfois du genre, des effets et du dispensable…
… Et des très bonnes pages avec une vision de de nos humanités, de la société, de l’anéantissement par la solitude et des effets des politiques agricoles d’une grande acuité.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) "Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour" écrivait récemment Michel Houellebecq.
Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d’ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman – son double inversé), l’échec des idéaux de leur jeunesse, l’espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue.
Ce roman sur les ravages d’un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret
C’est plutôt bien écrit et le texte très aéré laisse respirer cette étouffante histoire. Celle d’une femme, veuve, qui tua pour se défendre et se voit contrainte à la fuite. Et la misère appelle la misère.
Le cri du diable de Damien Murith
Mais je reste sur ma faim.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Le diable crie dans les veines de Camille. Camille est jalousie. Elle cherche en vain celui qui ne la décevra plus et de village en village, de misère en misère, répand son venin.
Mais le passé rattrape Camille. Alors elle fuit, se cache derrière les murs de la grande ville, loin des hommes qui la traquent.
Après la noirceur de la terre et les profondeurs des tempêtes humaines, la plume vertigineuse de Damien Murith trempe ici dans le poison et achève d'un souffle épique le tragique tryptique que dresse Le cycle des maudits