Salut Bernard

Merci pour tout ce que tu as fait pour le livre en francophonie !

Bernard Pivot

Vraiment, pour tout ça, mille merci !

Après… Tous les deux, on n’était souvent pas d’accord, même si tu n’en as évidemment rien su (et rien eu à en faire non plus, d’ailleurs).

Alors, merci !

Nouaison

NOUAISON, subst. fém.
BOT., ARBORIC. Stade […] du cycle végétatif d’un arbre fruitier ou de la vigne, qui marque le début du développement du fruit après la fécondation

Un livre qui raconte une maternité, qui ne vient pas. Examens, diagnostics, opération et… patience.

Nouaison de Silvia Härri

Une histoire dont l’homme est absent. Juste une femme et son besoin d’enfant.

Un livre un peu court à la très belle écriture, sensible et poétique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ils disaient maldonne malchance c'est mal fait, madame.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tes doigts se prennent aux fleurs turquoise de ton chemisier, puis tu les glisses là où quelque chose pousse, affleurant doucement. De la paume, tu caresses ce qui frémit, éclat de vie sans nom encore, aux contours incertains, pulsation souterraine.

Mais elles sont toujours là, les blouses. Dans les couloirs, dans l'ascenseur, plus nombreuses que dans les cauchemars. Elles te guettent encore, tapies derrière la porte qui se referme dans un claquement sec. Franchir le seuil de la pièce, un voeu noué au creux du ventre, silencieux et lancinant.

Tu es prise au piège des vapeurs de désinfectant, des serres métalliques du lit, de ce blanc, vautour qui rôde et souille l'univers. Sauf toi et moi, pries-tu tout bas. Que les rapaces se muent en colibris, que les murs de cette salle où tu attends (quoi, au juste ?) s'écartent pour laisser au moins une infime ouverture.

Nouaison est à la fois le livre et le lieu de métamorphoses multiples : celle de la fleur en fruit, comme suggère son titre, de la femme en mère, du ventre vide en ventre plein, de l'embryon en enfant, de l'absence en présence. L'auteur évoque par touches discontinues et allusives plusieurs facettes de la maternité dans un texte qui convoque tour à tour le fragment, le récit, le journal, la prose et la poésie. Ainsi c'est la langue elle-même qui noue et se transforme au fil des pages.

Le prophète

Inclassable et merveilleux.

Le prophète de Khalil Gibran, illustré par Zeina Abirached

Ce recueil de pensées philosophiques pleines de sagesse et de spiritualité à été écrit il y a une centaine d’année. Zeina Abirached l’a mis en images de la plus belles des façons pour en faire un magnifique objet.

Toutefois, s’il fallait trouver quelque chose à redire, c’est que la lecture du conte en pâtit en devenant moins fluide.

Un livre à poser à côté de son fauteuil de lecture préféré pour en tourner quelques pages lorsque le moment est propice

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Almustafa,
L'Élu et le bien-aimé,
aurore de sa propre vie,
attendait depuis douze ans dans la cité d'Orphalèse le retour du navire qui devait le ramener sur son île natale.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il y a cent ans paraissait Le Prophète.
Ce conte philosophique devenu culte a été traduit dans le monde entier.
Zeina Abirached offre ici la première version entièrement dessinée du chef-d'œuvre de Gibran. Dans une chorégraphie d'ombres et de lumières, elle nous invite à rejoindre les habitants de la cité d'Orphalèse, réunis dans le soleil couchant pour écouter les enseignements spirituels du jeune Almustafa: après avoir délivré son message, « l'élu et le bien-aimé » embarquera sur le navire qui doit le ramener sur son île natale.
Enfant du Liban et de l'exil, comme Khalil Gibran avant elle, Zeina Abirached nous propose de découvrir autrement ce texte magistral dont la force et la portée n'ont pas fini de nous surprendre.

Assemblage

Une bonne claque ! Voilà un livre qui va me faire réfléchir encore longtemps.

Va prendre ce train.
Mais me voilà, 
malgré tout, 
debout, immobile
à la gare.
Vraiment, je devrais
Assemblage de Natasha Brown

Une femme noire qui a réussi après de brillantes études tombe malade. Cancer. Un choc qui va l’amener à réfléchir à sa situation, son intégration.

Avec une facilité vertigineuse, les faits de l'histoire non militaire de la Grande-Bretagne au vingtième siècle ont été déracinés, expurgés de la mémoire collective du pays. Supplantés. De vagues contes de fées vantant la bienveillance impériale fleurissent à la place. Comment peut-on engager la réflexion, discuter, ne serait-ce que penser dans une perspective post-coloniale, sans le moindre socle de connaissances partagées? Alors que tout récit des faits, même le plus simple préservé dans les archives du pays, paraît suspect, comme un délire de conspirationniste, à l'esprit des citoyens éduqués ?

Un livre sur l’Angleterre post-coloniale qui secoue bien fort la bien-pensance en démontrant la brutalité de tous les non-dits.

Il y a bien plus que de la poussière sous les tapis. Est-il possible de continuer à marcher dessus ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout va bien
Faut que tu arrêtes, dit-elle.
Arrêter quoi, on fait rien. Elle a eu envie de le reprendre. Il n'y avait pas de « on ». Il y avait lui le sujet et elle l'objet, mais lui, il a dit écoute, pas la peine de t'énerver pour rien.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Découvrir l'âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à « Oxbridge », débuter une carrière. Faire tout ce qu'il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des œuvres d'art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n'était.

La narratrice d'Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au cœur de la campagne anglaise. C'est l'occasion pour elle d'examiner toutes les facettes de sa personnalité qu'elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?

Le premier roman de Natasha Brown a été une véritable déflagration dans le paysage littéraire britannique. « Virtuose » (The Guardian), « tranchant comme un diamant » (The Observer), Assemblage raconte le destin d'une jeune femme et son combat intime pour la liberté.

Salut Paul

Je viens d’entendre ta mort ce matin à la radio. Trop tard pour te dire merci.

Paul Auster
Paul Auster

J’ai découvert la littérature américaine grâce à toi à travers Moon Palace et ta trilogie new-yorkaise, ce fut un choc assez similaire à celui que je ressentis alors avec Kundera et depuis (bien maladroitement) vous étiez associés dans mon esprit.

Et tout comme avec lui, je t’ai petit à petit perdu, j’ai lâché 4321 et tant Invisible que Baumgartner ne réussirent à vraiment me toucher.

Alors, évidement trop tard, mais merci ! Merci pour tout !

L’oreille d’or

L’autrice est sourde d’une oreille. Un handicap chéri.

L’oreille d’or de Élisabeth Barillé

Dans cette autobiographie oxymore Élisabeth parle d’elle et de sa vie en déséquilibre sur cette particularité. C’est touchant, intime et surtout, c’est très bien écrit

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je finirai renversée sur une route. Voici comment se passeront les choses : un engin à moteur foncera sur ma gauche ; ce jour-là, sur cette nationale, cet innocent trottoir offrant ses rêveries au rêveur, il n'y aura personne pour saisir ma main, me tirer en arrière, aucun bon ange pour me servir d'oreille, aucun sauveur. Un vacarme de ferraille sera mon bûcher de malentendante.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Entendre, mais d'une seule oreille. Ne pas entendre comme il faudrait, donc, à l'école, en société, chez soi, mais entendre autre chose, souvent, entendre mieux, parfois. Dans ce récit intime, Élisabeth Barillé évoque son handicap invisible, malédiction et trésor, qui l'isole mais lui accorde aussi le droit d'être absente, le droit à la rêverie, au retrait, à la rétention, voire au refus. «Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir tout ce qui fait groupe, la surdité m'a condamnée à l'aventure de la profondeur...»

Elle revient sur ce parcours du silence : sa vie d'enfant un peu à part, les refuges inventés, les accidents et les rencontres... De l'imperfection subie au «filon d'or pur», Élisabeth Barillé traverse l'histoire littéraire et musicale, dans une réflexion presque spirituelle.

Petit éloge de l’embrassement

Depuis de nombreuses années, Belinda Cannone danse le tango.

On me pardonnera d'avoir régulièrement fait ce grand écart en évoquant, en face de l'une des plus joyeuses manières d'être en relation, le tango, la plus cruelle, celle que suscite l'homme exilé et errant qui se présente sous nos yeux. Même si nous estimons qu'une personne a eu tort en prenant le risque d'escalader une falaise, sommes-nous libérés du devoir de l'aider, quand elle tombe devant nous ? J'embrasse qui j'aime, mais ne dois-je pas aussi prendre dans mes bras celui qui se tient, démuni et affaibli, devant moi ?
Petit éloge de l’embrassement de Belinda Cannone

Elle voit dans le tango l’accueil de l’autre, l’hospitalité, la sensualité et la séduction. Mais aussi un art d’improvisation extrêmement codifié qui mérite travail, répétition, travail, répétition, travail, répétition, travail…

Un éloge comme un essai, surprenant, et qui ravira certainement les danseuses et danseurs

Bref, pas vraiment un livre pour moi… par contre, son petit éloge du désir est un vrai bonheur !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Toi, Tu, Autre, mes autres. Prééminence d'autrui dans mon existence.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Lorsque dans la milonga (ainsi nomme-t-on le bal de tango) les danseurs se rejoignent sur le parquet, leurs bras se lèvent doucement et ils s'enlacent - ils se prennent dans les bras, ils s'embrassent, étymologiquement. D'où le terme argentin, adopté par les Français : l'abrazo. La main gauche de la femme se place sur le haut du bras de l'homme ou sur son omoplate, ou bien encore passe par-dessus son épaule, tandis que celui-ci, glissant sa main droite par en dessous, la pose sur le dos de sa partenaire. De l'autre côté, leurs mains se tiennent en l'air, paume contre paume. Dès qu'on entre dans l'abrazo, on devine, à son corps, sa tenue, sa prise, on devine quelque chose de son partenaire. »

La route

Ils sont deux, l’homme et l’enfant. Ils marchent vers le Sud, vers la mer. Au milieu d’un monde post-apocalyptique et des hordes cannibales. Charognards opportunistes, survivants dans un monde déjà mort.

Assis en face d'elle de l'autre côté de la flamme de la lampe il lui avait dit: On est des survivants.
Des survivants ? dit-elle.
Oui.
Pour l'amour de Dieu qu'est-ce que tu racontes ? On n'est pas des survivants. On est des morts vivants dans un film d'horreur.
Je t'en supplie.
Ça m'est égal. Ça m'est égal que tu pleures. Ça ne signifie rien pour moi.
S'il te plaît.
Arrête.
Je t'en supplie. Je ferai n'importe quoi.
Quoi par exemple ? Il y a longtemps que j'aurais dû le faire. Quand il y avait trois balles dans le revolver au lieu de deux. J'ai été idiote. On a déjà parlé de tout ça. Ce n'est pas moi qui en suis arrivée là. On m'y a amenée. Et maintenant c'est fini pour moi. J'ai même pensé ne rien te dire. Ç'aurait sans doute mieux valu. Tu as deux balles de revolver et alors ? Tu ne peux pas nous protéger. Tu dis que tu mourrais pour nous mais à quoi ça nous avance. Je l'emmènerais avec moi et c'est pour toi que je ne le fais pas. Tu sais que je le ferais. C'est ce qu'il faut faire.
La route de Cormac McCarthy

Lu juste après la fidèle adaptation de Larcenet, le roman n’en est pas moins impressionnant.

Une père qui veille sur son fils. Ils avancent. Pourquoi ?

Quelle est cette pulsion de vie qui ne lâche jamais et qui m’a rappelé Quand on eut mangé le dernier chien de Justine Niogret ?

En bien plus sombre, sous une pluie de cendres

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand il se réveillait dans les bois dans l'obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l'enfant qui dormait à son côté.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur voyage ?

Phallers

Voilà un petit bouquin qui vaudrait bien 5 étoiles rien que pour son trigger warning hilarant ! Merci Chloé de penser à nous, petites choses fragiles !

Calmez-vous, Messieurs, ça va bien se passer
Le trigger warning est un avertissement au public. Il prévient qu’une œuvre contient des éléments pouvant déclencher le souvenir d’un traumatisme.
Personnellement je ne suis pas pour, mais il faut tout envisager tant la situation est actuellement tendue.
Certaines diront que, une femme étant agressée sexuellement ou violée toutes les sept minutes, ce qui se passe dans cette fiction relève du cathartique.
Certains agiteront Freud, tous les petits garçons connaissent « l’intense angoisse de castration ».
C’est par égard pour eux que se trace cet encadré.

Et si certaines femmes, par la grâce du fantastique, devenaient des super héroïnes ?

Marcia a beau parler de légitime défense autant que de protection, Violette reste lucide : faire imploser les bites, elle sait que c'est illégal. Mutilation génitale d'un humain, quand bien même en réponse à un viol ou une agression sexuelle, quelque chose dans sa tête lui hurle que si la police, suivie par la justice, suivie par les médias, découvrait ce qu'elle a fait et tout ce qu'elle pourrait faire, ses chances de s'en sortir seraient égales au néant.
Phallers de Chloé Delaume

Une bonne blague, (zut, c’est juste une blague ?) sans beaucoup plus de prétentions, mais qui m’a bien fait rigoler !

… Et derrière la blague… toutes les sept minutes !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Noël se meurt dans les vitrines de la galerie marchande.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Comment cela a été rendu possible, personne n'en sait rien. C'est en train d'arriver, c'est tout. Ainsi, très soudainement, un certain nombre de filles et de femmes ont la capacité psychique de faire imploser les phallus. Ces super-héroïnes d'un genre particulier ont pour nom les Phallers.

Violette a dix-sept ans et se serait bien passée de cet étrange pouvoir. Mais elle aimerait, comme toutes, apporter une réponse à cette question cruciale qui hante notre société : comment faire pour que les hommes cessent de violer ?

Baumgartner

Un écrivain de 70 ans raconte ses deuils et, malgré tout, ses espoirs. Son enfance et ses parents, et un peu tout ce qui lui passe par la tête, finalement.

En rentrant chez lui à pied le lendemain après-midi, soit quatre jours avant le dixième anniversaire de la mort d'Anna, il sait qu'il ne sera marié qu'une fois dans sa vie. Judith va continuer à l'éconduire jusqu'à ce qu'il abandonne et s'en aille ou reste en acceptant de jouer selon ses règles à elle, jusqu'au jour où elle s'en ira. Il est trop vieux pour elle, elle ne l'épousera jamais, même si elle l'aime à sa façon, peut-être autant qu'il laime, mais il n'est qu'une pause dans sa vie, le temps qu'elle récupère des blessures infligées par son mariage avec Joe, et dès qu'elle sera complètement remise sur pied, elle tombera dans les bras d'un homme plus jeune et plus excitant que lui et l'affaire sera bouclée.
Baumgartner de Paul Auster

Oui, c’est bien écrit. Un livre à la musique austerienne, comme une balade douce dans les pensées d’un écrivain vieillissant, résigné…

Un livre qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler du Modiano. C’est sympa, mais quand même un peu neurasthénique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Baumgartner est assis à son bureau dans la pièce du premier étage qu'il désigne parfois comme son bureau, son cogitorium ou son trou.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sy Baumgartner, professeur de philosophie à Princeton, veuf solitaire de soixante-dix ans, entame un voyage dans le grand palais de la mémoire. Ses pensées lentement partent à la dérive « vers le passé, le passé distant que l'on distingue à peine, vacillant à l'extrémité la plus lointaine de la mémoire, et par fragments lilliputiens, tout lui revient ».

Se déploient, en spirales de souvenirs et de réminiscences, sa jeunesse à Newark, la vie de son père, révolutionnaire fantôme d'origine polonaise, sa rencontre foudroyante, à vingt et un ans, avec Anna, poétesse en herbe, puis leur amour fou quarante années durant. Jusqu'à sa disparition, qui laisse Sy comme amputé de celle qu'il appelait sa moitié. Se dessine alors une étude sensible, profonde et fouillée sur l'attachement et les méandres du deuil de l'être aimé.

Un roman traversé par les forces de l'amour et de la perte, étonnamment lumineux.