La poussette

Suite à un accident de poussette avec un bébé, une jeune fille reste « coincée » dans une sorte de douce folie, un peu poétique et déconnectée de la réalité.

Et puis l'hiver est venu. La neige tombait devant la fenêtre. J'allumais la bougie parfumée qu'on m'avait donnée à la pharmacie, j'étais une bonne cliente à cause des pilules. Dans ma tête, c'est devenu plus tranquille. À Noël, j'ai fait des biscuits pour mon mari et pour Newborn, mais c'est moi qui les ai tous mangés.
La poussette de Dominique de Rivaz

Un livre tendre pour des sujets qui ne le sont pas du tout

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout ça ne serait pas arrivé si au cours de puériculture de l'école, quatre semaines avant le brevet, la poussette ne s'était pas renversée.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Il faut dire à ma décharge que c'était une poussette qui avait dû servir à plusieurs bébés, une poussette à l'ancienne, haute sur pattes, un peu usée mais encore assez élégante, je crois même qu'elle s'appelait Gloria. Si elle s'était appelée Citysport Cocoon, Loola Up Full, ou Baby Safe Sleeper, avec quatre roues tout terrain comme elles sont aujourd'hui, tout ça ne serait pas arrivé. »

Une jeune femme raconte son histoire. Avec une saine autodérision, elle essaie d'oublier l'accident qui l'a pour toujours figée dans l'adolescence. Comment vivre après cela ?

Sans pathos ni apitoiement, la voix attachante de la narratrice donne à La Poussette un ton à la fois naïf et cruel, tendre et inconfortable.

L’homme aux mille visages

Il y a des bouquins comme ça, qu’on ne lirait pas forcément et qui nous tombent dans les mains par hasard. On en lit une page et impossible de le reposer avant la fin. C’est ce qui m’est arrivé avec cet homme aux mille visages.

Chaque occupation que Ricardo s'invente, photographe, ingénieur, chirurgien, médecin humanitaire, policier, recèle une double finalité: incarner un rêve universel et adapté aux femmes qu'il séduit. Et libérer du temps.
Avec Marianne, il est en formation de chirurgie pédiatrique à Toulouse une semaine par mois plus ses gardes de nuit à l'hôpital. Avec Nicole, il est en mission à l'étranger, au Soudan surtout, dont il rentre avec une odeur de poudre et d'aventure. Chez Peugeot, il part régulièrement visiter des usines en Pologne, en Chine, où il se casse hélas une jambe et se trouve bloqué sur place plusieurs semaines. À son retour, il porte un plâtre. Carolina lui a acheté des béquilles. Pendant des semaines, il marche difficilement, du moins quand il est avec elle.
L’homme aux mille visages de Sonia Kronlund
L’histoire d’un énorme mytho, le prince de l’embrouille, le roi de la manipulation, l’empereur des imposteurs ! Sonia Kronlund a mené l’enquête aux trousses de Ricardo (un de ses nombreux noms). Séducteur aux milles vies.

Et c’est très impressionnant !
On imagine toujours que les femmes trompées, absées, escroquées, ne « veulent pas voir » ou « savaient » d'une certaine façon. Je crois plutôt qu'elles ont peur et que cette peur panique devient une seconde nature qui fait écran tout autant qu'elle aiguise la méfiance. Et je parle d'expérience. Je n'ai pas beaucoup pratiqué le « coping proactif » : après les mythomanes plus ou moins psychopathes, j'ai enchaîné avec les infidèles de toutes espèces, les collectionneurs, les suractifs senti- mentaux, les hommes mariés trompant leur femme autant que leur « maîtresse », quand ils ne trompaient pas leur « maîtresse » avec leur femme, disait l'un d'eux, assez fier de son trait. Des profils petits bras comparés à Ricardo, mais des expériences cuisantes quand même, et répétitives.
Une enquête poussée qui va la mener du Brésil en Pologne. Et si la partie interprétation psy du personnage m’a parfois moins convaincu (mais il faut bien essayer de comprendre pourquoi ? Qu’est-ce qui peut bien le pousser dans de tels délires ?), le travail journalistique est impressionnant et le résultat se lit comme un roman quasi psychédélique.

Fascinant !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand j'avais une vingtaine d'années, le premier garçon avec qui j'ai vécu a dissimulé un magnétophone dans mon salon entre le radiateur et le mur. Il enregistrait ce qui se passait en son absence, puis il écoutait ce que j'avais dit aux gens de passage ou au téléphone.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il se fait appeler Ricardo, Alexandre, Daniel ou Richard. Il est argentin, brésilien ou portugais, se prétend chirurgien, ingénieur, photographe ou encore policier. Sous ses multiples légendes, il mène en parallèle plusieurs histoires d'amour dans différents pays. Sans qu'aucune compagne ne se doute de rien.

Qui est cet imposteur de haut vol ? Comment procède-t-il ? Pourquoi ?

Avec l'aide des femmes qui l'ont aimé, d'un détective privé polonais et de policières brésiliennes, Sonia Kronlund a mené l'enquête. Pendant cinq ans, elle a cherché les traces de l'homme aux mille visages. Aujourd'hui, elle raconte comment ce fascinant caméléon s'est trouvé pris à son propre piège.

Pour Britney

Pour Britney se lit dans un souffle, sans répit. C’est dur, la lecture est harassante, exigeante. Mais quel texte !

Nelly Arcan en avait fini par se pendre de toutes ces histoires-là, Nelly Arcan qui avait pour elle, l'intelligence et la poésie, mais dont la plus grande part de l'énergie avait été perdue, gâchée à cela : comparer ses seins à ceux des autres femmes à l'aune et sous la surveillance de ce regard-là, qui souvent traversait les yeux des garçons que l'on aimait, et ça faisait mal - et je me demande moi, ce que ça ferait si depuis toutes petites, on s'amusait comme ça, à voix haute, à détailler devant tout le monde le corps des garçons, les garçons qui ont peur je le sais bien, tout le monde le sait, on nous le répète assez souvent comme s'il s'agissait là d'un argument indémontable, d'une raison suffisante pour, peur que leur bite ne soit pas, oui mais ce n'est pas une raison suffisante et ça n'a jamais été, une affaire publique discutée dans la cour de l'école par des petites filles assemblées en [...]
Pour Britney de Louise Chennevière
Nelly Arcan et Britney Spears, deux mêmes jeunes femmes broyées sous le regard des hommes. Et, peut-être pire encore, sous leur propre regard sous le regard des hommes.

Et il ne s’agit pas que du regard ! Regard n’est qu’un euphémisme maladroit.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai rouvert l'été dernier, des cartons qui dormaient, depuis plus de vingt ans, dans un box triste d'un entrepôt triste qui se dresse le long du périph - je passais quelquefois devant en rentrant en taxi d'une soirée loin de l'autre côté, avec des amis ivres et en silence je pensais, alors c'est là que repose mon enfance. C'est une drôle de chose que l'enfance, c'est, la chose la plus loin et peut-être, la plus proche. Je sais de source vive que, de certaines enfances on ne se remet pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce que je vois quand je regarde la photo de cette petite fille à l'aube de ce siècle nouveau, c'est qu'elle ne sait rien encore de ce que le monde va lui apprendre, et qu'être une petite fille est pour elle une joie parce que ça veut dire pouvoir devenir Britney Spears et que Britney Spears pour elle alors, c'est chanter et danser, c'est être dans son corps, sans crainte et sans distance, se sentir très vivante, c'est se tenir, très loin de la peur mais.

Il pleut bergère

Simenon a regardé tomber la pluie bergère par la fenêtre un peu comme Hergé avait recherché les bijoux de la Castafiore. Une histoire construite autour de pas grand chose, un suspense vide, un soufflé tenant juste le temps du service. Un exercice de style en creux.

J'ai été gratifié, ce matin-là, d'un réveil aérien, un de ces réveils qui vous imprègnent de joie pour toute la journée. Encore fort avant dans le sommeil, à peine conscient du tambourinage d'une pluie fine sur les toits de zinc, un frôlement plutôt, comme la vie d'un nid de souris qu'on perçoit dans l'épaisseur d'un mur, je retrouvais confusément la promesse d'un jour exceptionnel. Mais cette promesse, je ne mettais aucune hâte à la préciser. Je me couvrais frileusement, au contraire, de toutes les bribes de sommeil que je pouvais ramener à moi.
Il pleut bergère de Georges Simenon

Oui, ça fonctionne presque et c’en devient même fascinant, hypnotique. On regarde avec Jérôme cette pluie noire avec attention, on la sent même sur la peau, pesante, froide, oppressante. Autant que la repoussante tante Valérie.

Mais quand même un peu vide, non ?

Le 42e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis par terre, près de la fenêtre en demi-lune, au milieu de mes petits meubles et de mes animaux. Mon dos touchait presque l'énorme tuyau de poêle qui, venant du magasin et traversant le plancher, allait se perdre dans le plafond après avoir chauffé la pièce. C'était amusant car, quand le feu, en bas, ne ronflait pas, le tuyau conduisait le son et j'entendais distinctement tout ce qui se disait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand il avait sept ans, Jérôme passait toutes ses journées à la fenêtre, regardant le spectacle de la rue. Dans la maison en face de la sienne il y avait un petit garçon, Albert, qui, lui aussi, était toujours à sa fenêtre. Une grande sympathie naquit entre les deux enfants et Jérôme peu à peu découvrit le secret de son petit voisin. Le père de celui-ci était un assassin recherché par la police et dont la tête était mise à prix. Et, de sa fenêtre, Jérôme put voir la police resserrer lentement son étreinte et finalement arrêter le père du petit garçon qui, comme lui-même, regardait toujours à sa fenêtre.

Le mal joli

L’histoire d’une passion. Mais la grosse passion, celle qui emporte tout. Celle où la douleur côtoie l’extase. La passion adultère, celle qui ne peut vivre ni mourir.

Quand je dis ça, je ne suis pas en train de soutenir qu'il faille prendre pitié des femmes et des hommes adultères. Ça ne viendrait à l'idée de personne, pas même aux gens qui l'ont vécu. Mais je dis qu'il existe dans cette existence humaine des drames qui se promènent déguisés en miracles, et il est étrange que ce drame que nous sommes tant à partager ne soit compris par pratiquement personne, que nous nous trouvions toujours seuls face à l'abîme de nos pensées, seuls comme face à un deuil, à la maladie, et que personne n'ait jamais pensé à réunir les gens atteints de cette affliction sous un même toit, deux fois par semaine, pour vider leurs poches pleines de considérations terribles, où se dissolvent les enfants, les responsabilités, le sens commun.
Le mal joli de Emma Becker

Un livre que j’ai lu en me demandant comment il allait se terminer – on le sait bien, les histoires d’amour finissent mal. Faudra-t-il un second tome me demandais-je en voyant la fin approcher ?

Un jour, je ne saurai plus mentir. Tout le reste de mon existence s'adaptera à mon amour pour Antonin et je n'aurai qu'à hausser les épaules. Parce que c'est ça, la vie : c'est la matière devenue folle.

Une autofiction forcément impudique dans laquelle Emma Becker nous vend ses talents d’amante tout en peignant un tableau au réalisme cru. Celui d’un amour interdit, torture divine auto-infligée.

Et que celles et ceux qui n’ont jamais vécu telle passion gardent leur pierre pour s’en frapper au soir de leur mort

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il me semble a posteriori que tout allait bien lorsque j'ai rencontré Antonin pour la première fois. C'est déjà faire preuve de relativisme m'aurait-on posé la question ce soir-là, cafardeuse et assommée d'herbe comme je l'étais, j'aurais eu un sourire triste et répondu qu'on m'avait déjà enculée plus aimablement.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pendant combien de temps peut-on supporter deux amours inconditionnelles ? Pendant combien de temps une femme peut-elle vivre écartelée entre une passion amoureuse et un amour absolu pour ses enfants ?

Dans ce nouveau roman, Emma Becker regarde en face et dévoile sans complaisance les moments les plus dangereux, les plus intenses et les plus beaux d'une vie.

Elle ausculte ici le mal joli, cette traversée des plaisirs incandescents et des peines inavouables qui scandent un amour interdit. Et elle nous conte cette histoire d'amour, ou plutôt nous la fait vivre en temps réel, durant un printemps, un été et un automne.

Trois saisons privée des siens auprès de l'homme qu'elle aime, privée de lui auprès des siens.
Trois saisons dans la vie d'une femme.
Trois saisons d'extase et de déchirement.

Emma Becker va encore plus loin dans l'écriture de l'intime et jamais elle ne nous avait tendu un miroir aussi universel.

Alors c’est bien

Une merveille !

Depuis deux ans, le père de Clémentine était malade. Elle raconte ici son père, ses parents, la famille, la maladie, la mort, la cérémonie. Elle raconte l’amour, la famille, les rires et les joies.

Le couple que formaient mes parents, c'est La Promesse de l'aube, de Romain Gary: « On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. » Lorsque j'étais enfant, je n'avais aucun doute sur le fait qu'une fois adulte, je vivrais dans la plus idéale complicité avec quelqu'un qui m'aime sans condition. Tout comme, en voyant les seins identiques et parfaits des danseuses du Crazy Horse à la télévision les soirs de réveillon, j'étais convaincue que, plus tard, j'en aurais de pareils. Pour les seins comme pour l'amour, la vie nous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient pas toujours
Alors c’est bien de Clémentine Mélois
Et c’est drôle et c’est beau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que je raconte cette histoire tant qu'il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j'ai peur que les souvenirs s'en aillent avec elle, comme un rêve qui s'échappe au réveil et qu'on ne peut retenir.

Avec ce bleu, j'ai peint le cercueil de Papa.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Bernard Mélois est sculpteur. Il a consacré son existence à souder des figures spectaculaires dans le capharnaüm de son atelier, en chantant sous une pluie d'étincelles. Alors qu'il vit ses derniers jours, ses filles reviennent dans leur maison d'enfance. En compagnie de leur mère, des amis, des voisins, elles vont faire de sa mort une fête, et de son enterrement une oeuvre d'art. Périple en Bretagne pour faire émailler la croix, customisation du cercueil, préparatifs d'une cérémonie digne d'un concert au Stade de France : l'autrice raconte cette période irréelle et l'histoire de ce père hors du commun dont la voix éclaire le récit.

D'une fantaisie irrésistible, Alors c'est bien offre un regard sensible et inattendu sur la perte et la filiation. C'est aussi l'hommage de l'artiste Clémentine Mélois à son père, ce bricoleur de génie qui lui a transmis son humour inquiet, son amour des mots et son vital élan de création.

La végétarienne

Séparé en trois parties, la végétarienne ressemble à un conte malaisant duquel personne ne pourrait ressortir indemne.

La première partie raconte une famille coréenne qui bascule autour de Yonghye qui devient végétarienne. Inconcevable !

Le dîner que ma femme m'avait préparé était composé de feuilles de batavia, accompagnées de pâte de soja, d'une soupe aux algues sans viande ni coquillages, et de kimch'i. C'était tout.
 - Qu'est-ce que c'est cette histoire ? Tu veux dire que tu as balancé toute notre viande à cause d'un fichu rêve ? Tu te rends compte de ce que ça représentait comme argent ?
Je me suis levé pour aller ouvrir la porte du congélateur. À part de la poudre de céréales grillées, des piments moulus, de jeunes piments surgelés et un sachet d'ail haché, il n'y avait plus rien.
La végétarienne de Kang Han
La deuxième s’attache plutôt aux fantasmes artistiques du beau-frère sur le corps de Yonghye, et les événements s’enchaînent dans la dernière partie qui la voit sombrer du véganisme à une délirante anorexie devant l’impuissance de sa sœur.

Il reste à la fin de cette troublante lecture, un malaise, une sorte d’impuissance devant le déroulement des événements, la sensation que tout a été pris à l’envers et que personne n’a vraiment compris comment aider Yonghye

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avant qu'elle ne commençât son régime végétarien, je n'avais jamais considéré ma femme comme quelqu'un de particulier. Pour être franc, je n'avais pas été attiré par elle quand je l'avais vue pour la première fois. Ni grande ni petite, des cheveux ni longs ni courts, une peau jaunâtre qui desquamait, des paupières lourdes, des pommettes un peu saillantes et une tenue aux couleurs ternes qui semblait dénoter un souci de fuir toute marque d'originalité. Chaussée de souliers noirs du modèle le plus simple, elle s'était approchée de la table où je l'attendais, d'un pas qui n'était ni rapide ni lent, ni énergique ni indolent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une nuit, Yonghye se réveille et va au réfrigérateur, qu'elle vide de toute la viande qu'il contient. Guidée par son rêve, elle a désormais un but : devenir végétale, se perdre dans l'existence calme et inaccessible des arbres et des plantes.

Ce dépouillement qui devient le sens de sa vie, le pouvoir érotique, floral de sa nudité vont faire voler en éclats les règles de la société, dans une lente descente vers la folie et l'absolu.

L’émouvante et singulière histoire du dernier des lecteurs

Il y avait eu Fahrenheit 451 où la lecture devenait prohibée par un pouvoir fasciste. Trop dangereuse.

Il est possible que Danier Fohr soit plus proche de la réalité future. En tout cas, la bonne blague est assez plausible et son traitement léger et amusant plutôt bien amené. Et si, simplement, les hommes ne lisaient plus ?

Peut-être que je cesserai moi aussi de lire dans quelques années, peut-être que ce goût disparaitra. Peut-être que je serai rattrapé par l'épidémie, peut-être que je me lasserai d'être le seul et que j'aspirerai à rejoindre mon genre autour d'un barbecue après avoir mis mes livres dans des cartons sur le trottoir. Mais je sais qu'à ma disparition, une partie de l'humanité se retrouvera amputée de quelque chose que je suis incapable de définir.
L’émouvante et singulière histoire du dernier des lecteurs de Daniel Fohr

Certes, sa vision des lectures féminines est bien caricaturale, mais passons car c’est sur un ton plutôt badin que se déroule cette petite histoire.

Pour autant, derrière cette blague potache se pose quand même quelques questions assez essentielles. Car finalement, qui sera la plus dangereux ? Un pouvoir fasciste et tyrannique ou notre propre flemme ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pas plus tard qu'hier.
J'ai pris Le vieil homme et la mer dans une édition de poche et je l'ai mis dans la poche intérieure de mon manteau.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
2021 : 85% des lecteurs sont des lectrices.

Sans qu’on puisse l’expliquer, jour après jour, l’écart continue de se creuser et une projection raisonnable permet même d’affirmer que les lecteurs masculins auront totalement disparu en 2046. Peut-être avant. Ce roman raconte l’histoire du dernier homme qui lisait. Comment a-t-il vécu cette situation inédite, seul au milieu des femmes qui le comprennent encore et partagent sa passion ? Son destin est-il une impasse et saura-t-il renverser la situation ? Qu’en disent les autres hommes ? Un roman-manifeste, aussi drôle qu’inquiétant, que les femmes devraient faire lire d’urgence aux hommes avant qu’il soit trop tard.

Katie

Bien souvent, ce sont les héros qui donnent leurs noms aux romans. Ici, c’est non seulement les méchants qui titrent, mais en plus, c’est d’une femme dont il s’agit. Car à l’instar de la saga Blackwater, ce sont principalement les femmes qui agissent.

« Parfois, suggéra encore Katie, ils se retrouvent avec les bras tranchés à la hache. »
Hannah écarta la peau et eut une expression de dégoût. Dans le ventre du lapin se trouvait une énorme tumeur blanchâtre couverte de veines gonflées ; elle avait comprimé les organes et les avait rendus noirs de mauvais sang. Hannah lâcha rapidement l'animal et s'essuya les doigts sur son tablier. 
« Attends! s'écria Katie. Ouvre-le. » 
Sa belle-mère écarta les deux pans de la chair avec réticence. Katie se pencha par-dessus la table et, seulement pour voir, pressa l'abcès avec le plat de la lame de son couteau. Il gonfla et parut sur le point d'exploser.
« Oh, seigneur! », s'exclama Hannah.
Katie tourna la lame et piqua la tumeur. La bile emmagasinée gicla dans les airs. Des asticots se répandirent et grimpèrent le long du couteau. Hannah retira prestement ses mains et la chair se referma sur l'abcès. Les vers commencèrent à sourdre par la fente qui déchirait la chair du lapin. 
« Et parfois, dit Katie, les vieux tombent sur un mauvais morceau de viande... »
Katie de Michael McDowell

Alors certes, avec Katie, c’est moins fin que sur les bords de la Perdido. C’est un livre de brutes sans foi ni scrupules dans le pays des revolvers et du lynchage expéditif. « KATIE CONTIENT CERTAINS DE MES MEURTRES LES PLUS EFFROYABLES. C'EST SANS DOUTE MON LIVRE LE PLUS CRUEL. C'ÉTAIT TRÈS AMUSANT À ÉCRIRE. »
MICHAEL McDOWELL [1950-1999]

Et c’est tellement trop que c’en devient drôle, c’est enlevé et les pages ne se tournent jamais assez vite.

Du roman noir pour le plaisir du noir

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À la veille de Noël 1863, au plus fort du conflit entre les États du Nord et ceux du Sud, une petite fille de neuf ans nommée Katie Slape était assise devant l'âtre d'une chambre à louer miteuse de Philadelphie. Elle habillait sa poupée de bouts de gaze, de dentelle et de tissu argenté - matériaux étrangement précieux dans cet endroit sombre et sordide.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lorsque Philomela Drax reçoit une lettre de son riche grand-père, qui craint pour sa vie désormais aux mains d'une famille de crapules sans pitié, les Slape, elle se précipite à la rescousse. Mais le temps presse, car Katie Slape, douée du don de voyance et d'un bon coup de marteau, est sur le point d'arriver à ses fins.

Démarre alors une traque endiablée à travers l'âge d'or américain. Mais qui poursuit qui ? Car personne n'échappe à Katie la furie !

Le jour des corneilles

Un jour des corneilles hallucinant et halluciné. Au milieu des forêts québécoises, vivent deux ermites, un père et son fils.

Ce même jour, tandis que le soleil finissait son déroulement en cieux, père, vaincu, vidangé de ses larmes, empoigna son herminette et commença d'usiner quelques planches. Il en forma une bière à dimension de mère puis, saisissant celle-ci une finale fois en ses bras, la déposa doucettement en cercueil. Enfin, portant sur échine mère emboîtée dans ce couche-mort, il chemina en forêt jusqu'au pied de la grande pruche, ainsi que j'en fus instruit bien après. Juste ci-dessous, de ses grosses mains, père approfondit un trou, qui accueillit bientôt mère en son repos durable. Par suite il rebroussa à la cabane, me trouvant bien établi sur paillasse et attendant sagement de prendre repas.
Le jour des corneilles de Jean-François Beauchemin

Suite à des « actes inqualifiables », le fils raconte sa vie dans un invraisemblable français. La mort de sa mère le jour de sa naissance, la douleur et la folie du père, leur vie loin de tous.

Je reste subjugué. Ravi et interloqué

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Nous logions, père et moi, au plus épais de la forêt, dans une cabane de billes érigée ci-devant le grand hêtre. Père avait formé de ses mains cette résidence rustique et tous ses accompagnements. Rien n'y manquait : depuis l'eau de pluie amassée dans la barrique pour nos bouillades et mes plongements, jusqu'à l'âtre pour la rissole du cuissot et l'échauffage de nos membres aux rudes temps des frimasseries. Il y avait aussi nos paillasses, la table, une paire de taboureaux, et puis encore l'alambic de l'officine, où père s'affairait à extraire, des branchottes et fruits du genièvre avoisinant, une eau-de-vie costaude et grandement combustible.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sise au fin fond de la forêt, une cabane en rondins abrite deux êtres hallucinés : un colosse marqué par la folie et son fils. Orphelin de mère livré à lui-même, nourri dans ses premiers jours avec le lait d'une hérissonne trouvée morte, ce dernier se retrouve adulte devant un juge silencieux pour avouer des actes inqualifiables. Son témoignage l'amènera à révéler peu à peu, en toute ingénuité et dans une langue unique, l'incroyable histoire de sa vie comme le destin tragique de son père.

« Le Jour des corneilles est un roman d'amour halluciné, un ovni littéraire incendiaire qui brûle les yeux, tourneboule les sens et la morale. Ici, l'horreur flirte avec la grâce. »
Martine Laval, Télérama