Malax

Que raconte Malax ? Eh bien, ce n’est peut-être pas le plus important à savoir dans ce petit livre. Pour faire court, l’inspecteur Jean enquête sur une mort suspecte.

 - Tu ne regardes pas le film ? s'étonne Juliette.
 - Je n'aime pas le sang.
 - Ce n'est pas handicapant pour un inspecteur ?
 - Je connais un jardinier sujet au rhume des foins, un boulanger allergique à la farine et un ingénieur affligé de dyscalculie. Le pont n'est tombé, le pain est croustillant et le jardin en fleurs.
 - Je n'ai dit que tu faisais mal ton travail. Seulement que tu dois parfois souffrir.
 - Pas tellement. Les gens sont de plus en plus propres. Ils préfèrent une mort aux médicaments plutôt qu'aux armes. Peut-être parce que les médicaments sont remboursés par l'assurance.
Malax de Marie-Jeanne Urech

Mais savoir ça ne permet guère de comprendre ce qui vous arrive en lisant cette histoire surréaliste et absurde.

 - Pensez-vous qu'il se soit suicidé en apprenant son licenciement ? lui demande le supérieur.
 - On ne sait pas encore s'il a été licencié. Dans l'affirmative, pourquoi aurait-il souri avant de mourir ?
 – Parfois, c'est un tel soulagement de quitter le monde du travail, lâche le supérieur en frottant nerveusement sa médaille.
 - On aurait trouvé des traces de cyanure dans sa bouche ou tout au moins une odeur de médicaments, objecte l'inspecteur Jean.
 - Vous oubliez le trou dans le bras. Il s'est peut-être administré une substance dans les toilettes du Bâtiment des Forces Générales.
 - Souhaitez-vous que je passe les toilettes au peigne fin ?

Bienvenue dans un monde où rien n’est à sa place, comme un rêve sous acide après avoir lu 1984 à la sauce Brazil de Terry Gilliam. Tout semble normal mais rien ne l’est. Tout semble fonctionner mais rien ne marche. Tout le monde semble sensé mais rien n’est logique… Une balade sous surveillance, hallucinée et hilarante, dans une nonsense City

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sourire aux lèvres, un homme s'écroule sur la chaussée, mort. Dans ses poches, un billet de dix francs, une clé, un stylo, un roman de gare, un dé à coudre, mais pas d'identité. Le temps presse. Bientôt, il faudra retirer le corps du frigo pour y placer la dinde de Noël de la Brigade. L'inspecteur Jean ne négligera aucune piste pour offrir une sépulture à celui que la science nommera Pierre comme ces squelettes préhistoriques que l'on rend humain d'un simple prénom.
Une enquête urbaine, labyrinthique, hasardeuse et qui de façon improbable aboutit. Un univers noir, sombre, enté de rares couleurs chaudes, une narration froide qui rapidement gagnent notre sympathie, nous retiennent. Des personnages lointains, insolites, hésitants, affairés à des affaires absurdes et auxquels on s'attache

Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune

Oui, navrants ! Nous sommes navrants !

Art de vivre
Le hygge
L'hyperconnexion
Le culino-champêtre
La mompreneuse
Bien-être
#happy
La pleine conscience
La sylvothérapie
La détox
Mode
La fashtivisme
La mode ethnique
La mode digitale
Le greenwashing
Déco
Le style poorgeois
Le minimalisme/maximalisme
Airspace
Le rangement
Radicalité
Le survivalisme
Le hikikomori
Le métavers
Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune de Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau

A vouloir être « nous-même » tout en cherchant à ressembler à … (à qui d’ailleurs ?). A nous regarder le nombril pour y trouver notre richesse intérieure. A acheter notre aura pour mieux étaler notre humilité…

Florilège d'objets connectés navrants
Hydratesparke, une bouteille d'eau intelligente qui « brille pour vous assurer que vous n'oublierez plus jamais de boire de l'eau ». Pour seulement 63 euros.
Kerastase Hair Coach, la brosse à cheveux intelligente et suréquipée (d'un gyroscope, d'un accéléromètre et d'un micro) qui vous dit comment vous brosser les cheveux.
Slide, le petit boîtier à 300 euros qui permet d'ouvrir ses rideaux avec son smartphone.

Un livre qui m’a souvent fait penser à l’excellent Développement (im)personnel de Julia de Funès. Démontage en règle de tous ces manuels, tous ces gourous, toutes ces tendances qui nous promettent le bonheur en nous vendant leurs techniques et merdouilles éphémères et standardisées (tout en salopant, exploitant, détruisant et exterminant en toute hypocrisie). L’industrialisation de nos tristesses ou comment tirer profit des misères humaines.

La réponse est dans un article du site américain The Verge, « Welcome to Airspace », de Kyle Chayka. Ou quand la décoration résulte d'algorithmes. Dans son texte, l'auteur se demande dans quelle mesure la Silicon Valley contribue à rpandre la même esthétique stérile à travers le monde. Tout à coup, on est saisi et l'on se rend compte en effet que les espaces se ressemblent de plus en plus malgré des propriétaires qui claironnent à tous vents décorer leurs intérieurs en fonction de leur personnalité, pour obtenir quelque chose qui leur ressemble vraiment, quoi... Mehdi se précipite sur tous ses magazines préférés, de Milk à Kinfolk et The Socialite Family, là où justement il se souvient avoir aimé ceci, moins cela, annoté et plié des pages pour y revenir

Un essai salutaire et hilarant d’une triste société consternante d’individualisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le monde va mal. Ceux qui l'habitent, pas ouf. « L'environnement », comme un écran psychiatrique sur lequel nous autres humains projetons nos névroses, déversons nos poubelles, crachons notre détresse, se détériore dans des proportions jamais atteintes et
qui menacent jusqu'à la survie de l'espèce.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quel est le point commun entre une architecte qui cherche son salut dans les plaids molletonnés, une jeune active qui tente de reprendre pied en enlaçant des arbres, une grande bourgeoise autoproclamée styliste qui fait bénir ses « créations » par un chaman, un trentenaire qui ingurgite des jus verts dans l'espoir de purifier son corps, accessoirement son âme, et une femme au foyer qui range compulsivement pour ne pas s'effondrer sous sa charge mentale ? Tous sont victimes des tendances.

Omniprésentes et insidieuses, sur nos écrans et dans nos magazines, suivies ou subies, elles se présentent comme des solutions miracles à tous nos maux. Un burn out ? La pleine conscience ! Un couple en crise ? Le minimalisme ! De l'éco-anxiété ? Le greenwashing ! Les tendances sont surtout des symptômes, ceux d'une époque où la religion consumériste fait marcher sur la tête, scier la branche sur laquelle on est assis, et chercher désespérément un sens qui se dérobe de plus en plus.

Dans ce faux guide de développement personnel, Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau démontrent sans jugement et avec beaucoup d'humour qu'il est essentiel d'arrêter de se soumettre à ces injonctions absurdes qui, en prétendant nous tendre les clés du bonheur, font de nos vies des simulacres. Et affirment qu'alors tout ira mieux !

La folle de Maigret

Maigret fait aussi des erreurs ! Et là, une petite vieille – la folle – va en faire les frais.

Il y avait des moments où sa dureté presque masculine n'était pas tellement antipathique et pouvait passer pour de la franchise. Elle n'était pas belle. Elle n'avait jamais été jolie. L'âge l'épaississait. 
Pourquoi ne revendiquerait-elle pas le même droit que les hommes qui, dans son cas et dans sa position, s'offrent des aventures? Elle ne se cachait pas. Elle recevait chez elle ses amants d'une nuit ou d'une semaine. 
La concierge les voyait entrer et sortir. Les autres locataires devaient être au courant.
La folle de Maigret de Georges Simenon

Dans cet opus qui compte parmi les dernier (mais aussi dans bien d’autres) il est intéressant de voir l’importance du « qu’en dira-t-on » et de son traitement par Simenon. Maigret qui n’ose pas embrasser sa femme sur un banc, mais qui – flegmatique – souligne les injustices faites aux femmes qui sont jugées bien plus sévèrement que les hommes ainsi que nombre de petites hypocrisies.

 - Oui, avoua-t-il. Et j'avais envie, au moins une fois dans ma vie, de m'asseoir sur un banc. 
Il ajouta vivement:
 - Surtout avec toi. - 
Tu n'as pas beaucoup de mémoire.
 - Cela nous est arrivé ?
 - Pendant nos fiançailles, sur un banc de la place des Vosges. C'est même là que tu m'as embrassée pour la première fois.
 - Tu as raison. Je manque de mémoire. Je t'embrasserais volontiers, mais il y a vraiment trop de gens autour de nous.
 - Et ce n'est plus tout à fait de notre âge, n'est-ce pas ?
 Ils ne rentrèrent pas dîner. Ils allèrent manger dans un restaurant qu'ils aimaient et où ils allaient de temps en temps, place des Victoires.

Simenon féministe ?

Maigret 100/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'agent Picot se tenait en faction du côté gauche du portail, quai des Orfèvres, tandis que son camarade Latuile se tenait du côté droit. Il était environ dix heures du matin. On était en mai ; le soleil était vibrant et Paris avait des couleurs pastel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La police n'en finirait pas, si elle devait tout prendre au sérieux. Par exemple, les craintes de cette vieille dame, à l'évidence un peu dérangée, qui prétend être suivie et ajoute que des objets bougent chez elle...
Pourtant, Léontine de Caramé est bel et bien retrouvée assassinée dans son appartement. Maigret doit-il soupçonner Angèle, qui ne fréquentait guère sa vieille tante que dans l'espoir de toucher l'héritage ? Y a-t-il un lien entre cette affaire et le subit départ pour Toulon du Grand Marcel, barman bien connu de la police et amant d'Angèle ? Il n'y avait pas d'argent chez Léontine lorsqu'elle a été tuée.
Mais les tiroirs des vieilles dames renferment parfois des secrets autrement surprenants...

Maigret et le marchand de vin

Les derniers Maigret sont (pour moi) les plus savoureux. Le trait y est plus fin, l’énigme moins dense passe au second plan et les personnages prennent réellement corps.

Mme Blanche paraissait cinquante ans, mais elle en avait certainement une soixantaine. C'était une petite femme boulotte que certains auraient trouvée très distinguée. Elle portait une robe de soie noire sur laquelle tranchaient deux ou trois rangs de perles.
 - Toujours aussi active et aussi discrète ?
Il l'avait connue trente ans plus tôt, quand elle arpentait encore le boulevard de la Madeleine. Elle était jolie et douce, avec toujours un sourire avenant qui lui faisait deux fossettes.
Plus tard, elle était devenue sous-maîtresse dans un appartement de la rue Notre-Dame-de-Lorette où l'on était toujours sûr de rencontrer de jolies femmes.
Maigret et le marchand de vin de Georges Simenon

Ici, c’est du meurtre d’un chef d’entreprise dont il s’agit. Un homme à femme, imbuvable (et pour un marchand de vin, c’est bien triste), féroce et odieux. Et Maigret grippé de chercher – bon gré, mal gré – son assassin.

 - Tu as bien dormi?
 - Magnifiquement. Je serais capable de dormir toute la journée.
 - Tu ne veux pas prendre ta température?
 - Si tu y tiens.
Cette fois, il avait 37°6.
 - C'est nécessaire que tu ailles à ton bureau?
 - Il est préférable que j'y aille, oui.
 - Prends donc une aspirine avant de partir. 
Docilement, il en prit une puis, pour en faire passer le goût, il se versa un tout petit verre de prunelle d'Alsace que leur envoyait sa belle-sœur.
 - Je t'appelle tout de suite un taxi.

L’occasion pour un Simenon anthropologue de Paris de décrire une ville libertine tournant autour d’un petit tyran puant

Maigret 99/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Tu l'as tuée pour la voler, n'est-ce pas ?
- Je ne voulais pas la tuer. La preuve, c'est que je n'avais qu'un revolver d'enfant.
- Tu savais qu'elle avait beaucoup d'argent ?
- Je ne savais pas combien. Elle avait travaillé toute sa vie et, à quatre-vingt-deux ou quatre-vingt-trois ans, elle devait avoir des économies.
- Combien de fois es-tu allé lui demander de l'argent ?
- Je ne sais pas. Plusieurs fois. Quand je venais la voir, elle savait pourquoi j'étais là. C'était ma grand-mère et elle me donnait automatiquement cinq francs. Vous vous rendez compte ? Quand on est chômeur, qu'est-ce qu'on peut faire avec cinq francs ?
Maigret était grave et lourd, un peu triste. C'était l'affaire banale, le crime sordide comme il s'en produit à peu près chaque semaine, le garçon de moins de vingt ans qui s'attaque à une vieille femme seule pour la dépouiller.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qui a pu assassiner Oscar Chabut, opulent négociant en vins, réputé pour sa férocité en affaires, alors qu'il sortait avec sa secrétaire d'une maison de rendez-vous?

Quel est le personnage insaisissable qui, à chaque stade de l'enquête, met ses pas dans les pas de Maigret, lui écrit, lui téléphone même, pour lui dépeindre Chabut comme une crapule?

La vérité n'échappera pas longtemps au plus célèbre enquêteur que la P.J. ait compté dans ses rangs... Mais ici, comme dans ses dizaines d'enquêtes, c'est moins la vérité des faits qui intéresse Maigret que celle des hommes. C'est la personnalité de Chabut qu'il reconstitue post mortem, à petites touches, au gré des témoignages et des aveux. Et c'est une vérité humaine encore qui le fascinera en écoutant la confession de l'assassin. Vérité toujours confuse, imparfaite, en demi-teintes, qui donne à l'univers romanesque de Georges Simenon son ambiance et sa saveur inimitables

Pietr-le-Letton

Pietr-le-Letton est intéressant à un titre essentiellement, c’est le premier Maigret paru, écrit par Simenon en septembre 1929 à Delfzijl (Pays-Bas), pendant qu’on recalfatait son bateau, l’Ostrogoth. Port que le commissaire visitera dans Un crime en Hollande.

Du moment qu'il y avait un poêle dans le laboratoire, Maigret devait forcément y échouer. Il resta campé là pendant près d'une heure, à fumer des pipes, tandis que Torrence suivait le photographe dans ses allées et venues.
Pietr-le-Letton de Georges Simenon

Une aventure qui sert à présenter les personnages, le commissaire, son épouse, le Quai des Orfèvres et ses sandwichs, ou le poêle que (le pas encore prénommé) Jules prend du plaisir à tisonner.

Chaque race a son odeur, que détestent les autres races. Le commissaire Maigret avait ouvert la fenêtre, fumait sans répit, mais de sourds relents continuaient à l'incommoder.
Était-ce l'hôtel du Roi-de-Sicile qui en était imprégné ? Ou la rue ? On recevait déjà des bouffées de cette odeur-là quand le gérant à calotte noire entrouvrait son guichet. Elle s'épaississait à mesure que l'on montait dans la cage d'escalier.
Dans la chambre d'Anna Gorskine, elle était compacte. Il est vrai qu'il traînait de la mangeaille partout. Les saucissons, d'un vilain rose, étaient mous, criblés d'ail. Il y avait sur un plat des poissons frits nageant dans une sauce aigre.
Des bouts de cigarettes russes. Du thé au fond d'une demi-douzaine de tasses.
Et des draps de lit, du linge, qui semblaient être encore moites, des acidités de chambre à coucher jamais aérée.

A noter qu’il s’agit d’un livre des années 30, et que les notions de races sont encore présentes et les stéréotypes bien gênants

Maigret 1/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Âge apparent 32, taille 169 »
C.I.P.C. à Sûreté Paris.
Xvzust Cracovie dimontra m ghks triv psot uv Pietr-le-Letton Brême vs tyz btolem.

Le commissaire Maigret, de la 1re Brigade mobile, leva la tête, eut l'impression que le ronflement du poêle de fonte planté au milieu de son bureau et relié au plafond par un gros tuyau noir faiblissait. Il repoussa le télégramme, se leva pesamment, régla la clef et jeta trois pelletées de charbon dans le foyer.
Après quoi, debout, le dos au feu, il bourra une pipe, tirailla son faux col, qui, quoique très bas, le gênait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jumeaux et escroquerie... La police internationale signale l'arrivée à Paris du célèbre escroc Pietr-le-Letton. Maigret le file dès sa descente du rapide L'Etoile-du-Nord. Mais alors que le suspect se rend à l'hôtel Majestic, on découvre dans le train un cadavre qui est son sosie. Tandis que Pietr prend de mystérieux contacts avec un milliardaire américain, M. Mortimer-Levingston, l'enquête sur le meurtre conduit Maigret à Fécamp, où il l'aperçoit, sortant de la villa d'une certaine Mme Swaan...

Maigret et Monsieur Charles

Le dernier Maigret de Simenon. Mais si !

Mme Maigret lui jeta le petit regard anxieux qu'elle avait toujours quand son mari menait une enquête difficile. Elle ne s'étonnait pas de son silence, de son air grognon. On aurait dit qu'une fois à la maison, il ne savait où se mettre, ni quoi faire.
Il mangeait distraitement et il arrivait à sa femme de lui demander en souriant :
 - Tu es là ?
Car il n'y était pas en esprit. Elle se souvenait d'une conversation entre les deux hommes, un soir qu'ils dînaient chez le docteur Pardon.
 - Il y a une chose, disait Pardon, que j'ai de la peine à comprendre. Vous êtes tout le contraire d'un justicier. On dirait même que, quand vous arrêtez un coupable, vous ne le faites qu'à regret. 
 - Cela arrive, oui.
 - Et pourtant vous prenez vos enquêtes à cœur comme si cela vous touchait personnellement...
Et Maigret avait répondu simplement :
 - Parce que c'est chaque fois une expérience humaine que je vis. Quand on vous appelle au chevet d'un malade inconnu, est-ce que vous n'en faites pas une affaire personnelle, vous aussi ?
Maigret et Monsieur Charles de Georges Simenon

Une histoire à mettre dans les grands classiques de Maigret. Un polar « sociologique » qui s’intéresse à un couple bien aisé (Monsieur est notaire et il possède une des études les plus en vue de Paris) mais qui ne se côtoie plus, ne s’aime plus et ne se croise plus que rarement dans un grand appartement. D’ailleurs, monsieur s’absente régulièrement dans les bras de jeunes filles et madame boit à la maison. Madame boit beaucoup !

Et madame débarque dans le bureau du commissaire pour signaler la disparition de monsieur Sabin-Levesque…

Maigret 103/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Maigret jouait, dans un rayon de soleil de mars encore un peu frileux. Il ne jouait pas avec des cubes, comme quand il était enfant, mais avec des pipes.
Il y en avait toujours cinq ou six sur son bureau et, chaque fois qu'il en bourrait une, il la choisissait avec soin selon son humeur.
Son regard était flou, ses épaules tassées. Il venait de décider du reste de sa carrière. Il ne regrettait rien, mais il en gardait une certaine mélancolie.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Voilà longtemps que Nathalie Sabin-Levesque sait à quoi s'en tenir sur les fugues de son mari. Tandis qu'elle sombre peu à peu dans l'alcool, rejetée par l'entourage de ce confortable notaire du faubourg Saint-Germain, Gérard, qui ne l'aime plus, se distrait dans les boîtes de nuit des Champs-Elysées, où les professionnelles le connaissent sous le nom de monsieur Charles. Mais cela fait un mois maintenant que Gérard n'a pas reparu... C'est à l'histoire d'un couple depuis longtemps désuni que Maigret va s'intéresser ici, telle que lui permettent de la reconstituer les témoignages des amis et des domestiques. Et à une femme dont l'ascension sociale aura été payée du prix de la solitude et de la déchéance

Maigret, Lognon et les gangsters

Voilà un Maigret bien sympa, et ça, pour plusieurs raisons.

La première, c’est d’y retrouver le grisâtre Lognon, le Malgracieux ! Et que dire de sa femme, misère !

 - Je vous suis tellement reconnaissante d'être venu! Si vous saviez l'admiration que mon pauvre mari a pour vous !
Ce n'était pas vrai. Lognon le détestait. Lognon détestait tous ceux qui avaient la chance de travailler Quai des Orfèvres, tous les commissaires, tout ce qui avait un grade supérieur au sien. Il détestait ses aînés parce qu'ils étaient ses aînés et les jeunes parce qu'ils étaient jeunes. Il...
 - Asseyez-vous, monsieur le commissaire...
 - Elle était petite, maigre, mal coiffée, vêtue d'une robe de chambre en flanelle d'un vilain mauve. Ses yeux étaient profondément cernés, ses narines pincées, et elle portait sans cesse la main au côté gauche de sa poitrine comme quelqu'un qui souffre du coeur.
Maigret, Lognon et les gangsters de Georges Simenon

C’est aussi un Maigret d’action. Et ça bouge, ça tire, il a des virées de nuit en voiture et des blessés !

 - Je n'ai jamais vu Charlie Cinaglia en chair et en os, car j'ai quitté les Etats-Unis avant qu'il se fasse connaître et je n'ai pas entendu dire qu'il soit venu en Europe.
 - Je pensais que quelqu'un aurait pu vous en parler. Il s'est rendu plusieurs fois chez Pozzo. Or, vous êtes d'origine italienne tous les deux.
 - Je suis d'origine napolitaine, rectifia Luigi.
 - Et Pozzo?
 - Sicilien. C'est un peu comme si vous confondiez les Marseillais et les Corses.

Enfin, c’est une enquête à l’américaine. Avec des vrais gangsters, des italo-américains qui défouraillent et n’ont pas peur des coups. Des professionnels du crime.

 - Rien à me dire?
Pour toute réponse, il reçut une des injures les plus crues de la langue anglaise faisant allusion à la façon dont sa mère l'avait conçu.

Et là, le commissaire que l’on tente de décourager par tous les moyens mais qui, suite à son voyage aux États-Unis ne complexe pas, persiste et embarque !

Maigret 67/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Où Maigret est contraint de s'occuper de Mme Lognon, de ses infirmités et de ses gangsters.
- Entendu... Entendu... Oui, monsieur... Mais oui... Mais oui... Je vous promets de faire tout mon possible.. C'est cela... Je vous salue... Comment ? Je dis : je vous salue... Il n'y a pas d'offense... Bonjour, monsieur...
Pour la dixième fois, sans doute, il ne les comptait plus, Maigret raccrocha le téléphone, ralluma sa pipe avec un regard de reproche à la pluie longue et froide qui tombait derrière les vitres et, saisissant sa plume, se pencha sur le rapport commencé depuis une heure et qui n'avait pas encore une demi-page.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Surnommé l'inspecteur Malgracieux à cause de son humeur et de son aspect sinistre, Lognon se croit sans cesse persécuté : il est convaincu qu'une vaste conspiration nuit à son avancement. Or, voici que se présente l'affaire de sa vie : une nuit, un corps est jeté d'une voiture sur la chaussée ; aussitôt arrive une autre voiture, dont le conducteur enlève le corps. Lognon qui a assisté à la scène décide d'agir sans en référer à ses chefs, mais bientôt sa femme reçoit la visite d'inquiétants personnages parlant anglais. Effrayé, Lognon raconte tout à Maigret, lequel prend l'affaire en main d'autant que le jour même, Lognon est attaqué, et se retrouve à l'hôpital, sérieusement blessé

Le port des brumes

En ramenant un amnésique qui s’était pris une balle dans la tête (de quoi la perdre, donc), Maigret se retrouve dans le brouillard d’un port de Normandie, à Ouistreham, avec l’espoir de démêler un sacré sac de noeuds…
Mais les marins et les normands ne sont guère causants ni vraiment collaboratifs.

Julie en a profité pour tapoter le bout de son nez de sa houppette. Elle a encore les yeux un peu rouges d'avoir pleuré.
C'est drôle ! Il y a des moments où elle est jolie, où elle paraît très fine. Puis d'autres où, sans qu'on sache pourquoi, on sent la petite paysanne restée fruste.
Le port des brumes de Georges Simenon

Une enquête des débuts, avec plus d’action et des énigmes plus fouillées et complexes que dans les derniers. Un commissaire plus actif aussi et qui se retrouve en bien mauvaise posture.

Le médecin arrivait, un ami de la famille qui regardait le cadavre avec effarement.
« M. Grandmaison s'est suicidé ! dit Maigret avec fermeté. A vous de découvrir de quelle maladie, il est mort. Vous me comprenez ? Moi, je me charge de la police... »

Mais déjà, un Maigret pour qui la découverte vérité semble plus importante que la justice

Maigret 12/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le chat dans la maison
Quand on avait quitté Paris, vers trois heures, la foule s'agitait encore dans un frileux soleil d'arrière-saison. Puis, vers Mantes, les lampes du compartiment s'étaient allumées. Dès Evreux, tout était noir dehors. Et maintenant, à travers les vitres où ruisselaient des gouttes de buée, on voyait un épais brouillard qui feutrait d'un halo les lumières de la voie.
Bien calé dans son coin, la nuque sur le rebord de la banquette, Maigret, les yeux mi-clos, observait toujours, machinalement, les deux personnages, si différents l'un de l'autre, qu'il avait devant lui.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un petit port, entre Trouville et Cherbourg. Un vieux capitaine amnésique et sa jeune gouvernante. Et puis un meurtre qui va amener Maigret à remuer de sordides et tragiques secrets de famille. Avec un dossier présentant l'oeuvre et l'auteur, et donnant des clés pour aller à l'essentiel et approfondir l'étude de ce classique des romans policiers

La nuit du carrefour

Avant le voyant d’Etampes (rien à voir, d’ailleurs), il y eu le carrefour d’Étampes. le Carrefour des Trois Veuves ! Un Maigret atypique (une des premières enquêtes de 1931 d’ailleurs, ce qui pourrait être une explication) avec de l’action, des coups de révolver, des menottes et des voitures qui foncent dans la nuit.

Elle lui tendit un briquet finement ciselé, soupira en bombant la poitrine, ce qui échancra son corsage.
Mais le commissaire ne se hâtait pas de la juger. Il avait vu, dans la société qui hante les palaces, de fastueuses étrangères qu'un petit bourgeois eût prises pour des grues.
La nuit du carrefour de Georges Simenon

Après plus d’une trentaine de Maigret, une chose de plus que je trouve fascinante avec Simenon, c’est son traitement des relations hommes-femmes dans une époque bien tradi-patriarcale. Et alors qu’il se vantait d’avoir connu 10’000 femmes lors d’un entretien avec Fellini (il dira par la suite que ce fut une boutade), le commissaire Maigret semble asexué et insensible aux charmes féminins. Pour autant, que dire descriptions des femmes qui parsèment ses livres et peuvent paraître aujourd’hui bien « étranges » ?

Elle frémit.
« C'est sûrement la principale raison pour laquelle il se cache...
 - Mais il vous cache, par le fait !
 - Qu'est-ce que cela peut faire ?
 - Vous êtes sacrifiée...
 - C'est le rôle d'une femme, surtout d'une sœur... Ce n'est pas tout à fait la même chose en France... Chez nous, comme en Angleterre, dans une famille, il n'y a que le fils aîné, l'héritier du nom, qui compte... »

Et les relations Monsieur et Madame Maigret ? Et les différents couples représentés ? Le témoignage d’une époque ?

Maigret 7/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le monocle noir
Quand Maigret, avec un soupir de lassitude, écarta sa chaise du bureau auquel il était accoudé, il y avait exactement dix-sept heures que durait l'interrogatoire de Carl Andersen.
On avait vu tour à tour, par les fenêtres sans rideaux, la foule des midinettes et des employés prendre d'assaut, à l'heure de midi, les crèmeries de la place Saint-Michel, puis l'animation faiblir, la ruée de six heures vers les métros et les gares, la flânerie de l'apéritif.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sur la route de Paris à Étampes, à trois kilomètres d'Arpajon, se trouve un lieu-dit qu'on appelle le Carrefour des Trois Veuves. Il n'y a que trois maisons à ce carrefour: l'une est une villa habitée par un aristocrate danois, Carl Andersen, et sa sœur Else. La deuxième est le pavillon d'un agent d'assurances et de sa femme, les Michonnet. La troisième est celle du garagiste Oscar et de sa femme. Un dimanche, Michonnet découvre que sa voiture, dans son garage, a été remplacée par celle d'Andersen. Et dans le garage de la villa d'Andersen, on trouve la voiture de Michonnet, occupée par le cadavre de Goldberg, un diamantaire anversois. Le commissaire Maigret se rend sur place pour enquêter, et s'installe, avec le brigadier Lucas, à l'auberge d'Avrainville proche

Maigret en meublé

Encore un opus bien sympa du commissaire. Une enquête à tiroirs où les réponses trop évidentes déplaisent à Maigret.

Un polar qui commence durement ! On a tiré sur Janvier, une balle lui a traversé le poumon. Pour démasquer le tireur, Maigret va s’installer en planque dans un meublé.

Le petit bistro, plus loin, où Maigret avait dîné, avait depuis longtemps fermé ses portes, et c'est vers le même moment aussi que, sans raison, Maigret s'était mis à penser à un verre de bière bien fraîche. Peut-être parce qu'un autobus avait freiné du côté du boulevard Saint-Michel, dont il avait évoqué les brasseries ?
Cela devint vite une obsession. La chartreuse lui laissait la bouche pâteuse et il avait l'impression que sa gorge restait grasse du ragoût de mouton qu'il avait mangé chez les Auvergnats et qui lui avait paru si savoureux.
Un instant, il hésita à remettre sa cravate, à descendre sans bruit, à faire un saut à pied jusqu'à la première brasserie.
Mlle Clément était couchée. Il faudrait la réveiller pour sortir, puis à nouveau pour rentrer.
Il alluma une pipe, toujours accoudé à l'appui de sa fenêtre, à respirer la nuit, mais cette idée de bière ne le quittait pas.
Maigret en meublé de Georges Simenon

Un livre bien intéressant pour comprendre le système qui précéda les digicodes : les concierges (même si en l’occurrence il s’agit de la propriétaire) qui étaient chargé-e-s d’ouvrir la porte du bas et d’assurer la moralité – et les commérages – de l’immeuble. Mais également bien amusant pour son traitement de la séduction où, pour une maigre fois, Simenon parle à mots couverts des attraits féminins d’une généreuse propriétaire

Mlle Clément se précipita à sa rencontre, tout excitée, ses gros seins remuant dans son corsage à chaque mouvement comme de la gélatine.

Maigret 65/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Comment Maigret passa une soirée de célibataire et comment elle se termina à l'hôpital Cochin
- Pourquoi ne viendriez-vous pas dîner chez nous, à la fortune du pot?
Le brave Lucas avait probablement ajouté :
- Je vous assure que ma femme en serait enchantée.
Pauvre vieux Lucas ! Ce n'était pas vrai, car sa femme, qui s'affolait pour un oui ou pour un non et pour qui c'était un martyre que d'avoir quelqu'un à dîner, l'aurait certainement accablé de reproches.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qui a tiré sur l'inspecteur Janvier, tandis qu'il surveillait l'immeuble de la rue Lhomond où habitait le nommé Paulus, recherché pour vol ? Afin de le savoir, Maigret recourt une fois de plus à sa bonne vieille méthode : s'immerger dans la vie quotidienne, observer, deviner, prendre son temps. Le voici installé au coeur d'un vieux Paris tranquille et quasi provincial, dans l'immeuble où règne Mlle Clément, la propriétaire, affable, optimiste et espiègle. Au reste, tous les habitants sont sympathiques, même les suspects. Ce n'est tout de même pas Mme Boursicault, l'infirme du deuxième étage, qui a pu tirer sur un policier ? La vérité va d'elle-même venir au-devant de Maigret. Et nous découvrirons une fois encore comment les vies en apparence les plus tranquilles peuvent receler bien des secrets...