La nuit

La nuit, je deviens fou chantait Salvatore Adamo. À la mort de sa femme d’un cancer, Druillet crée la nuit. Un cri de haine et de colère, une fuite en avant vers la mort à la recherche de shoote dans le dépôt bleu.

La nuit de Philippe Druillet
Des bandes rivales, unies pour le shoote dans une guerre totale, apocalyptique.

… Un jour… Moi aussi… Je crèverais tripes au vent
Mais en attendant ombre shoote
La mort je baise !!

Un chef d’oeuvre dans la colère, une prière hallucinée, un cri d’amour venu des enfers

Alors, certes, les chagrins y verront des dialogues d’une pauvreté consternante, un scénario confus et tout aussi misérable, un dessin plus approximatif que d’autres productions de Druillet, mais quelle rage ! Un chef d’oeuvre, vous dis-je !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Au cœur de la ville morte vers le grand futur sifflaient les motos de la nuit, la nuit seulement., tout bougeait enfin, mais au matin quand disparaissait la lune molle devenue folle, éclatée, quand le jour terrible naissait tout retournait au tombeau...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En 1975, Philippe Druillet perd sa femme Nicole, victime d'un cancer foudroyant. Il exorcise sa peine dans un album au pessimisme assumé, pointant l'absence totale d'échappatoire à l'issue finale. S'ouvrant sur une préface laissant éructer la rage de l'auteur, La Nuit nous décrit un monde en proie aux gangs de motards anarchiques ou autres barbares déglingués et accros à la dope, se dirigeant tous, au cours d'une bataille sanglante pour le « shoot » ultime, vers une fin inéluctable. Les planches grandioses s'y succèdent comme de véritables tableaux dressant le portrait d'une humanité en perdition, folle, désespérée et nihiliste.

Explosive, fantastique, sombre, violente, baroque, outrancière : les adjectifs ne manquent pas pour décrire l’œuvre géniale de Druillet, mais s'il est un album qui se distingue parmi tous ses univers, c'est bien celui-ci. Probablement le plus noir mais aussi le plus fascinant, La Nuit est de ceux que l'on n'oublie pas. À nouveau disponible avec sa couverture originale, cette réédition lui rend hommage.

Qimmik

Les peuples premiers du Canada (et ce n’est pas le seul pays), ont été victimes d’atrocités, d’acculturation, de vols d’enfants, liquidations, pensionnats, viols… la liste est longue. Michel Jean réussi avec Qimmik à donner vie aux victimes. Ce ne sont plus des centaines ou des milliers ou plus encore, mais c’est Saullu et Ulaajuk, deux jeunes amoureux Innu, leurs chiens, leurs difficultés, le grand Nord hostile, la faim, les ours, la passion de vie.

J'ai un peu de difficulté à accoster à cause de la glace. La bête est lourde, mais je parviens quand même à la hisser à bord. Je remonte, m'éloigne et prends cette fois le chemin le plus court pour traverser l'archipel. Je vois un autre phoque sur un rocher. Il m'a vue lui aussi, mais avant qu'il ait le temps de sauter à l'eau je l'abats d'un coup précis. Il est plus petit mais bien gras.
La lumière décline et je file vers le soleil qui plonge dans le lac. Notre campement apparait au détour d'une ile. La fumée s'élève de la cheminée de la tente avec lenteur dans le bleu ambré du ciel. Sur la berge, assise, Tallujuak guette mon retour. Ce regard fidèle et patient qui fixe le lac en m'attendant me rappelle que les humains ne sont pas seuls. Cette pensée réchauffe mon cœur.
Qimmik de Michel Jean
Et l’état fédéral, la police…

Un récit entrecroisé avec une enquête pour le meurtre de vieux policiers.

Un livre magnifique malgré un rapprochement qui pourrait sembler un peu trop évident entre les deux parties mais qui évite toutefois de sombrer dans un mélo trop convenu.

Un livre trouvé dans la magnifique petite librairie-café Le vent se lève lors d’un passage à Saint-Ursanne avec un délicieux jus de gingembre-citron bio

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le ciel, le roc, l'océan. Sous une lumière obscène, face à l'Arctique, mer de glace. Terre nue. Pays sans arbre. Entre te ressac et le silence, le vent, le vent du nord, règne sans partage. Son souffle glacial soulève les flots, emporte dans son sillage des tourbillons de neige qui courent sur la terre comme sur l'eau. La toundra gronde.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vingt chiens.
Vingt cœurs fidèles et courageux
me ramènent chez moi, sur la côte.
Le bruit de leurs pas résonnent dans
l’air froid et bat la cadence.
C’est la musique des Inuit.

Dans les années 1960, au Nunavik, la jeune Saullu rencontre Ulaajuk, un mystérieux Inuk du Nord. Fascinée par sa douceur et son insouciance, elle décide de le suivre. Avec l’aide de leurs chiens de traîneaux, les Qimmiit, le jeune couple parcourt le territoire encore sauvage. Leur quotidien est fait de chasse, de pêche, de moments de plénitude et de rencontres mémorables. Ils sont heureux et libres. Mais, plus au sud, les autorités obligent les Inuit à se sédentariser et à se regrouper dans des communautés.
Quelques décennies plus tard, Eve Beaulieu, une jeune avocate montréalaise est chargée de défendre Uqittuq Ainalik, un vieil Inuk accusé des meurtres de paisibles retraités. L’homme reste mutique et Eve peine à comprendre ce qui pourrait avoir déclenché une telle folie meurtrière. Cela a-t-il un lien avec le fait que les victimes étaient d’anciens policiers, en poste au Nunavik dans les années 1960 ?
Cette recherche de la vérité entraînera la jeune avocate plus loin qu’elle ne l’imaginait, l’obligeant à s’interroger sur ses propres origines.

Les inconnus dans la maison

Touchant cet avocat, solitaire et alcoolique depuis que sa femme l’a quitté. Reclus mutique dans un hôtel particulier en compagnie de sa fille, d’une cuisinière et d’une bonne qui change régulièrement.

Il avait regardé Nicole, à table, Nicole qui, faute de bonne, se levait parfois et allait prendre les plats dans la trappe, les posait sur la nappe sans mot dire.
Il avait regardé Manu... Il avait écouté Jo le Boxeur... Il était allé là-bas, dans cette étrange auberge aux deux filles qu'une mère en peignoir surveillait par l'entrebâillement de la porte... 
Il avait envie de...
C'était terriblement difficile à dire et même à préciser en pensée, surtout qu'il n'avait pas l'habitude, qu'il avait peur d'un certain ridicule.
Il n'osait pas dire « envie de vivre ». Mais envie de se battre ? C'était presque cela. De se secouer, de secouer la paille de sa bauge, les odeurs douteuses qui lui collaient encore à la peau, les aigreurs de son moi qui avait trop longtemps mijoté entre des murs tapissés de livres.
Les inconnus dans la maison de Georges Simenon
Ermite autrefois brillant, négligeant hygiène et société, le voilà secoué par le meurtre d’un inconnu dans sa maison et les frasques de sa fille.

Un polar judiciaire explorant les relations humaines dans une petite ville

Le 37e roman dur de Simenon

Adapté en 1942 par Henri Decoin avec Raimu, Juliette Faber et Gabrielle Fontan

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Allô ! Rogissart ?
Le procureur de la République était debout, en chemise, près du lit d'où émergeait le regard étonné de sa femme. Il avait froid, surtout aux pieds, car il s'était levé si soudainement qu'il n'avait pas trouvé ses pantoufles.
- Qui est à l'appareil ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hector Loursat boit. Sa femme l'a quitté. Il ne plaide plus. Seule sa fille Nicole, qu'il n'aime pas, partage encore avec lui des repas pris sans un mot dans leur grande maison vide. Dix-huit ans que cela dure, à ne rien faire, retiré du monde.
Un soir, pourtant, tout bascule. Découvrir sous son toit un homme tué d'une balle dans le cou tire l'avocat d'une longue peur de vivre. La mort le réveille. Il est seul. Sa fille est une inconnue. Il la croyait sans âme, il découvre une force. Il la croyait docile, c'est une révoltée. Un mystère qui s'ouvre sur un meurtre et toute une ville qui attend. Une ville de notables. De frileux. Une bonne société qui louvoie, qui accuse. Qui aimerait tant pouvoir être hors du coup...

La vérité sur Bébé Donge

Simenon est quand même un auteur bien intriguant. Il est capable de voir très finement l’âme humaine, les couples, les désirs comme les frustrations, de voir toute la douleur d’une femme délaissée et, en même temps, de poser des descriptions d’une goujaterie hallucinante. Un vrai gros rustre sexiste qui objective toutes les parties des femmes (trop molles, maigres, grosses, fades…) et qui pourtant, à le lire, semble les comprendre…

Les jambes amenèrent l'image des bas de soie ultras-fins que Bébé s'obstinait à porter, fût-ce à la campagne. Et cette femme qui, depuis des mois, n'avait pas eu l'occasion de se dévêtir devant un homme, portait du linge plus raffiné qu'une grande coquette !
Voilà ce qu'il pensa d'abord, simplement, en homme pratique, comme on constate une évidence. Il n'en était ni outré, ni chagrin. Il n'était pas avare.
Sa seconde pensée, amenée par la première, par un souvenir de nudité, fut que Bébé pouvait être gracieuse, jolie de visage, elle n'en avait pas moins un corps fade, sans élan, sans consistance, et sa peau était d'une pâleur peu engageante.
 - Un morceau de sucre, maman ?...
La vérité sur Bébé Donge de Georges Simenon
Quelle putain d’époque, quand même… Et c’est pas si vieux !
Mme Flament, parbleu! Il avait oublié l'odeur de sa secrétaire, Mme Flament, une rousse bien en chair, l'œil vif, la lèvre humide, le corsage rempli, les reins cambrés, mais qui transpirait abondamment.
N'était-ce pas à cause d'elle que, tout au début...Bébé tente de tuer son mari à l’arsenic, l’occasion pour le survivant d’analyser son couple dans une introspection pleine de remords

Un roman adapté au cinéma en 1952 par Henri Decoin, avec Jean Gabin et Danielle Darrieux

Le 47e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
N'arrive-t-il pas qu'un moucheron peine visible agite davantage la surface d'une mare que la chute d'un gros caillou ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après dix ans de mariage, Bébé Donge verse de l'arsenic dans le café de son mari. François Donge en réchappe, mais remet en question leurs années de vie commune en cherchant les causes de la faillite de leur couple : une jeune fille trop romantique, un voyage de noces décevant, une incompréhension qui grandit dans l'ombre et le silence, des maîtresses...

Le voyageur de la Toussaint

Voilà un des romans dur de Simenon des plus balzacien. Une petite ville, des petites gens, de l’argent, des jalousies, des amours tristes ou impossibles…

 - Tu ferais mieux de t'acheter de beaux vêtements, une belle auto, et d'aller t'amuser à Paris ou dans le Midi... Ici, ce n'est pas pour toi
Elle ne s'était jamais expliquée franchement.
 - Tu n'as rien à voir avec eux, tu comprends ?... disait-elle sans jamais préciser qui elle entendait par eux.
Ou encore :
 - Ce n'est pas un métier pour toi... Ils finiront par t'avoir...
Il n'y avait pas cru. Il se refusait encore à y croire. Et pourtant, il commençait à concevoir la possibilité d'une conjuration sournoise.
 - Vous avez tout ce qu'il vous faut ? venait parfois questionner le patron.
 - Mais oui...
 - Alors, tout va bien...
Et il retournait annoncer à la cuisine :
 - J'ai vu des repas d'enterrement plus gais que cette noce.
Le voyageur de la Toussaint de Georges Simenon
A la Rochelle un héritage vient rebattre les cartes des petits puissants de la ville. Le jeune héritier saura-t-il faire face ?

Un très bon Simenon à l’ambiance fausse et aux conseils appuyés

Un roman adapté au cinéma en 1943 par Louis Daquin

Le 44e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Gilles Mauvoisin regardait sans voir et il avait les yeux rouges, la peau gercée de quelqu'un qui a beaucoup pleuré. Pourtant, il n'avait pas pleuré.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand un héritage est en jeu, les bonnes âmes montrent soudain leur noirceur.

Un jeune homme et sa tante, d'abord opposés, s'allient contre ceux qui les prennent pour de naïves victimes. L'histoire se passe à La Rochelle, et c'est un puissant tableau de la vie de province, des haines familiales, des jalousies, des infamies que l'on voit trop souvent se perpétrer pour des questions d'argent dans la bourgeoisie aisée. Mais là, les faibles triomphent des forts.

Estampillage : détourné en dérision

Le détournement est un humour qui me fait bien rigoler, et ici, c’est vraiment bien réussi !

Si l'Histoire se répète, c'est que personne ne la lit
Estampillage : détourné en dérision de Benjamin Le Boucher
Alors, certes, il y a bien plus qu’une simple inspiration des hilarantes productions du Penseur Étoile (format, calembours…), mais difficile de dire qui a commencé quand on retombe sur certaines productions de Cavanna dans Hara-Kiri (et ce n’était probablement de loin pas le premier)

Veux-tu bien rendre Grand'Mère tout de suite ?
La grande encyclopédie bête et méchante de François Cavanna (1981)
Une bonne marrade donc, avec quelques cartes collector. Oui, ce sont des cartes postales pour envoyer à ses amis (et aux autres)

Et comme je constate qu’il s’agit d’un tome 2, je m’en vais illico visiter les excellentes éditions Lapin pour tenter d’obtenir le premier tome

Et on peut retrouver le poinçon de Benjamin le Boucher sur Insta @estampillage

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je vous l'avais bien dit que ça allait péter !
Nul n'est prophète en Pompéi


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Passé maître dans les jeux de mots, l’absurde et l’abscons, Benjamin Le Boucher s’évade à nouveau dans les archives des estampes, en détournant les jeux et contes de notre enfance, des scènes de vie du Moyen-Âge, d’un ours férue de livre, sans oublier les querelles de village.

S’y glisse insidieusement un soupçon d’humour noir, liant la vie à l’incongruité et le rire à la mort. Alors installez-vous confortablement et en avant la musique !

45° à l’ombre

Il fait chaud sur l’Aquitaine qui remonte du Congo vers Bordeaux. Et un voyage qui commence mal, ne finit que rarement bien. Le navire gite et prend l’eau, les annamites en troisième classe meurent sous l’œil vaguement concerné de l’équipage (c’était l’époque coloniale, et ça se sent salement bien à 45° sans mauvais jeu de mots), les premières classes s’échauffent… Il y a des voyages où semble planer une sombre malédiction.

Le second Chinois en profita pour mourir pendant le dîner, que Donadieu dut interrompre. Il remarqua, en passant, que Jacques Huret, qui avait bu plusieurs apéritifs, était gai et parlait d'une voix sonore.
Le docteur plongea dans la chaleur des troisièmes classes, trouva Mathias au seuil d'une cabine.
 - Fini ! annonça l'infirmier. J'ai trouvé son argent sous l'oreiller.
Il y avait deux mille trois cents francs, gagnés en trois ans à poser des traverses de chemin de fer.
Cela se traduisait, pour Donadieu, par une bonne heure à remplir des paperasses.
45° à l’ombre de Georges Simenon
Et les problèmes s’enchaînent en espérant impatiemment que les côtes françaises apparaissent.

Un roman où la sauce peine à prendre et l’ennui des passagers tend à gagner les lecteurs

Le 14e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le steward, de son doigt replié, frappa trois ou quatre petits coups, approcha l'oreille de la porte de la cabine et, après quelques instants d'attente, murmura doucement :
- Il est quatre heures et demie.
Dans la cabine du Dr Donadieu, le ventilateur ronronnait, le hublot était ouvert, mais le docteur, couché nu sur les draps, n'en était pas moins moite des pieds à la tête.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le docteur Donadieu, médecin de bord, observe les passagers de l'Aquitaine qui s'agitent sous le soleil africain: Lachaux, qui prédit toujours les pires catastrophes, Bassot, le fou enfermé dans sa cabine, la coquette madame Dassonville, Huret, injustement accusé de vol... Les drames se nouent, les passions s'exacerbent et le mercure continue à monter.

Les vivants

Voilà un livre qui porte absolument bien son titre !

Chaque année au mois d'octobre, une vieille amie de Céline, ex-copine de fac devenue épouse oisive d'un banquier opulent, organise avec son mari une fête somptueuse pour montrer au monde que même si monsieur trompe madame à un rythme industriel et que madame représente à elle seule 10% du marché français de Prozac, ils peuvent une fois par an s'entendre sur un traiteur et faire bonne figure, le temps d'une soirée.
Les vivants de Ambre Chalumeau
Alors, certes, les grincheux pourraient trouver ça un peu convenu, feel-good, adulescent… Mais c’est frais, vivant (oui, vraiment le titre est très bon !), coloré et bien souvent très drôle (quel sens des métaphores !).Diane a toujours été une enfant sage.
Diane, quand elle joue à GTA, elle fait des créneaux. Elle va voir les gangsters et elle les aide à reprendre leurs études.En s’emparant de sujets difficiles comme la maladie et le coma d’un jeune ou le viol , Ambre réussi à écrire un livre plein de lumières, de couleurs et de contrastes… comme la vie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout arrive d'un coup, la sueur glacée, le brouhaha autour, les jambes qui faiblissent. Ce pote qu'on devine du coin de l'œil en train d'alerter son voisin et qui, premier de la fête à avoir remarqué qu'on flanche, devient sans le savoir le premier au courant de notre drame.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle demande de répéter.
On demande toujours de répéter, alors qu’en fait on a très bien entendu.
Quelque part dans notre crâne, un globule blanc se lève et pète du coude la vitre à ne casser qu’en cas d’urgence, celle qu’on pensait ne jamais avoir à briser : on sait qu’on devrait déclencher un protocole spécial pour accueillir la nouvelle, sauf que personne n’a été briefé, les stagiaires sont incapables, en plus on est samedi soir les bureaux sont déserts, y’a bien les anciens qui sauraient quoi faire, les vieux neurones du fond là, paniqués en permanence, ils nous ont dit qu’un jour ça pouvait arriver mais on les écoute plus ils radotent tellement, et maintenant qu’on a besoin d’eux putain ils sont où ?
Et aussi simplement que ça, une nuit comme les autres devient un Début. »

Histoire du passage à l’âge adulte, histoire d’émotions contraires, Les Vivants est un premier roman à la sincérité désarmante où le drame et la comédie nous illuminent à chaque page.

Le coup de lune

Ce coup de lune ressemble furieusement au Long cours que Simenon publiera en 1936. Certes, sur un autre continent, mais avec la même folie qui frappe un homme dans les colonies.

Au pied des arbres hauts de cinquante mètres, dans cette forêt dont nul ne connaissait les limites, il n'y avait, sur les nattes, que quelques poignées de manioc, quelques bananes, quatre ou cinq petits poissons fumés. Les vieilles femmes étaient nues. Deux d'entre elles fumaient la pipe. La troisième allaitait un gamin de deux ans qui, de temps en temps, se tournait avec curiosité vers les blancs.
Aucun contact entre ceux-ci et les indigènes. Pas un salut. Adèle marchait la première, regardait les petits tas de marchandises, se penchait pour jeter un coup d'œil dans les cases. Elle se baissa et prit une banane qu'elle ne paya pas.
Il n'y avait pas d'hostilité non plus ! C'étaient des blancs ! Ils faisaient ce qu'ils voulaient, parce qu'ils étaient blancs !
Le coup de lune de Georges Simenon
Un homme qui perd pied (un gros coup de lune), fou de jalousie, épuisé par la dengue, écrasé par la chaleur étouffante et abruti par l’alcool.

Un roman au Gabon des années 30, à Libreville et dans la forêt intérieure, l’occasion d’un portrait écœurant du racisme et de l’entre-soi des colons

Un roman adapté par Serge Gainsbourg au cinéma en 1983 sous le titre Equateur avec Barbara Sukowa et Francis Huster

Adapté également par Eduardo Mignogna en 2001 sous le titre Adela

Le 4e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avait-il une seule raison grave de s’inquiéter ? Non. Il ne s’était rien passé d’anormal. Aucune menace ne pesait sur lui. C’était ridicule de perdre son sang-froid et il le savait si bien qu’ici encore, au milieu de la fête, il essayait de réagir.
D’ailleurs, ce n’était pas de l’inquiétude à proprement parler et il aurait été incapable de dire à quel moment l’avait pris cette angoisse, ce malaise faits d’un déséquilibre imperceptible.
Pas au moment de quitter l’Europe, en tout cas. Au contraire, Joseph Timar était parti bravement, rouge d’enthousiasme.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Parti plein d’enthousiasme pour les colonies, Joseph Timar ressent, dès son arrivé au Gabon, un malaise indéfinissable qui n’est pas seulement dû à la moiteur accablante du climat. Il s’installe dans l’unique hôtel de la ville. Dès son arrivé, la patronne, Adèle, s’offre à lui...

L’évadé

En reconnaissant une femme de son passé criminel, la vie de Jean-Paul Guillaume bascule.

Nous informons notre aimable clientèle que nous nous sommes adjoint le concours de Madame Mado la réputée manucure parisienne
Mme Mado était là, dans la boutique parfumée ! On ne la voyait pas, mais J. P. G. n'avait pas besoin de la voir.
Ce n'était pas une jeune manucure, ni une jolie femme. C'était une personne de cinquante ans, grasse et molle, aux doigts boudinés et aux jambes enflées par toutes les fatigues de la vie.
Si J. P. G. entrait, brusquement, et se campait devant elle sans rien dire ?
Il ne le ferait pas, non ! Il savait bien qu'il n'en arriverait quand même pas là. Mais si pourtant cela se produisait, qu'adviendrait-il ?
Et si, le matin même, au lieu de la voir de dos il s'était trouvé face à face avec elle, si elle l'avait vu également ? Elle l'aurait reconnu, malgré ses mous-taches et sa tête de bois.
L’évadé de Georges Simenon
Dans ce court roman Simenon s’amuse un peu aux dépens de ce pauvre J.P.G., évadé du bagne qui croise Mado, elle qui l’avait aidé à s’enfuir et qu’il avait volé. Toute sa nouvelle vie, sa femme, ses enfants, son travail… tout vacille.

Il en perd même sa moustache.

Un roman dur bien bref, un peu cruel avec cet évadé qui perd pied

Le 16e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le tout premier grincement se produisit le lundi 2 mai, à huit heures du matin.
A huit heures moins cinq, comme d'habitude, la cloche du lycée de garçons avait sonné et les élèves épars dans la cour pavée de briques roses s'étaient groupés en longues files devant les classes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jean-Paul Guillaume, irréprochable professeur d'allemand depuis plus de dix-huit ans à La Rochelle, marié, sans histoires et père de deux enfants, change un matin radicalement de comportement. Il frappe un élève.
Rêve en classe. Ne rentre plus chez lui et ne fait même plus semblant de supporter sa femme. Rien ne laissait prévoir un tel revirement chez cet homme qui s'était évertué depuis des années à ne montrer de lui que le profil vide d'un homme craintif.
Que s'est-il passé ? Qui se cache réellement derrière cette identité ? Une sorte de Docteur Jekyll. Comment ne pas perdre pied ? Comment, après avoir contenu depuis tant d'années sa nature profonde, ne pas ressentir enfin l'indicible joie de redevenir soi-même, assassin peut-être, mais si parfaitement heureux !