Je vais ainsi

Deux sœurs et un petit voisin devenus grands se racontent dans un triptyque intime et mélancolique.

Tu crois à la vie antérieure ?
Pas moi.
Dans une vie antérieure, j'ai été tué par une explosion.
C'est ce que je crois même si je n'y crois pas.
Parfois je rêve.
Je vais ainsi de Jungeun Hwang
Dans une traduction peut-être un peu précieuse, le style et la mise en scène peinent à laisser les émotions s’épanouir pour former un tableau aux tons pastels derrière lequel on ressent bien des couleurs vives qui n’auraient demandé qu’à éclater.

Une lecture en demi-teinte donc, qui ravira certainement des âmes plus poétiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'appelle So Ra.
Le caractère chinois ra de So Ra désigne le persil. Au départ, mes parents voulaient prendre un autre ra, qui signifie « fruit », mais mon grand-père qui était allé déclarer ma naissance à l'état civil avait commis une erreur. Il paraît qu'il aimait bien manger du persil, alors il ne s'agissait peut-être pas d'une erreur, mais de ses goûts personnels. En effet, les formes de ces sinogrammes ne sont-elles pas très distinctes ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il y a So Ra, la grande sœur douce et rêveuse ; Na Na la cadette, déterminée et libre ; et Na Ki, le frère de cœur, qui cache un lourd secret derrière son sourire fêlé. À tour de rôle, ils prennent la parole et racontent : leur rencontre et l'enfance dans l'appartement commun, un demi-sous-sol divisé en deux par une cloison ; le séjour de Na Ki au Japon d'où il est revenu changé ; la grossesse de Na Na, enceinte d'un homme qui n'est pas encore son mari. À travers le récit croisé de ces voix qui reflètent chacune un imaginaire propre, événements et situations se déploient dans toutes leurs nuances. Lumineuse ou mélancolique, d'une fraîcheur candide ou d'une sourde violence, l'écriture de Hwang Jungeun saisit la trajectoire de ces personnages tellement attachants, capte leurs contradictions et leurs espoirs.

La peau des filles

Trois jeunes femmes, la trentaine et quelques casseroles se retrouvent à partir sur un coup de tête pour quelques jours de repos dans le pays basque, au bord de la mer.

Une averse déchiquette le ciel, dépeuple la plage.
Rose sanglote, ça agite sa poitrine. Deux ou trois personnes l'étudient, se détournent. Ils doivent la prendre pour une folle. Si loin de la poupée de porcelaine qu'elle s'évertue à être. Ils ne savent pas, ces fils de pute. Ils ne savent pas les bains à la fleur d'oranger, jouer du piano et aimer Musset. Personne ne sait. On constate une anorexique, bardée de cicatrices.
Rose défie son public
La peau des filles de Joanne Richoux
Quelques jours entre phobies, anorexie, séparation et autres angoisses avec, en filigrane : des hommes.

Un roman au phrases courtes, pleines d’un rythme qui peine à trouver son souffle, Joanne Richoux vise l’intime, juste sous la peau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
─ Notre truc, c'est le rock sale.
Sa voix est chaude et granuleuse, son souffle pro-jette des effluves de chewing-gum. Louise acquiesce. Bavardage de jeune homme à la chlorophylle. Elle a raté plusieurs phrases. Comment il s'appelle, déjà ? Louise sollicite ses notes, des bavures de mots qui ne l'aideront pas au moment de rédiger l'article. En dessous, elle a dessiné une caricature d'Elvis.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le temps d’un été, Jenna, Louise et Rose désertent. Ces trois trentenaires, fragilisées par leurs angoisses et le monde qui les entoure, quittent leur job et prennent la route. Elles partent explorer leur féminité, accepter leurs chagrins, leurs besoins, et tout envoyer valser.
De l’Auvergne aux Hautes Alpes, en passant par Saint-Jean-de-Luz, elles vont, dans une grande inspiration, faire le deuil de l’enfance, se réconcilier, se revendiquer. Et apprendre la liberté véritable, intime.

Les aiguilles d’or

Après Blackwater et Katie, j’ai été un peu surpris par l’absence de fantastique ou de mystérieux dans ces aiguilles d’or. Mais c’est pourtant le même climat glauque qui ne tarde pas à s’installer, tant dans la crasse des bas-fonds de New-York à la fin du 19e, que dans ses classes les plus riches.

Il n'était pas tout à fait mort quand elle lui trancha la gorge d'une oreille à l'autre avec un rasoir de barbier. Elle et son amie s'écartèrent de la trajectoire du jet de sang, et quand celui-ci se fut atténué, elles se maudirent l'une l'autre de n'avoir pas d'abord ramassé les pièces d'or qui s'étaient déversées de la poche de Benjamin.
Le verre de la lampe était constellé du sang crépitant des Stallworth, et le tas de pièces sur le matelas reposait tel un îlot luisant au milieu d'une mer écarlate.
Les aiguilles d’or de Michael McDowell

Car ici, tout est sale et oppressant. Et si la misère est bien visible dans les quartiers pauvres, c’est bien la moralité des plus riches qui est repoussante.

Encore une jolie réussite avec des femmes puissantes avec une fin plutôt trash et réjouissante pour Monsieur Toussaint Louverture et cette série de traductions-résurrections de Michael McDowell

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Par une sombre nuit d'hiver, sept enfants se blottissaient près d'une grille de ventilation sur Mulberry Street. Chacun à leur tour, pendant environ une minute, ils s'asseyaient directement sur la grille en fer pour profiter de la vapeur qui s'échappait de la chaudière des locaux de la police de New York.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D'un côté, l'opulence et le faste. De l'autre, le vice monnayé et l'alcool frelaté. C'est à leur frontière, au coeur de l'infâme Triangle Noir, qu'une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d'une main de fer par leur patriarche, l'influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.

La main

Il faudrait probablement cesser de cataloguer Simenon dans les romans policiers. Et même les Maigret, finalement. Des meurtres, certes, il y en a bien souvent dans ses livres, mais est-ce vraiment ce qui l’intéressait ? Oui, ici encore, un homme laisse mourir son ami dans le froid et la fin est brutale. Pour autant, s’agit-il de polars ?

C'est sur le banc rouge, dans la grange dont la porte battait, qu'une vérité m'est apparue, qui a tout changé :
 — Je le hais...
Je le hais et je le laisse mourir. Je le hais et je le tue. Je le hais parce qu'il est plus fort que moi, parce qu'il a une femme plus désirable que la mienne, parce qu'il mène une existence comme j'aurais voulu en mener, parce qu'il va dans la vie sans se préoccuper de ceux qu'il bouscule sur son passage....
Je ne suis pas un faible. Je ne suis pas non plus un raté. Ma vie, c'est moi qui l'ai choisie, comme j'ai choisi Isabel.
L'idée d'épouser Mona, par exemple, ne me serait pas venue si je l'avais connue à l'époque. Ni celle d'entrer, Madison Avenue, dans une affaire de publicité. Ce choix, je ne l'ai pas fait par lâcheté, ni par paresse. 
Cela devient beaucoup plus compliqué. Je touche à un domaine où je soupçonne que je vais faire des découvertes déplaisantes.
La main de Georges Simenon
En pleine tempête de neige, ivre, Donald se fige dans une grange et n’arrive pas à se relever pour aller chercher son ami perdu dans la nuit. Il se convainc alors qu’il est responsable de sa mort et entame une grande introspection. N’a-t-il pas loupé sa vie ? La grosse question de la crise de la 40-50aine.Avons-nous jamais eu quelque chose à nous dire ?
Je restais là, à le regarder, à me tourner parfois vers la rue dont le va-et-vient avait changé depuis mon enfance. Jadis, on comptait les voitures et il était possible de parquer n'importe où.
 — Quel âge as-tu, au fait ?
 — Quarante-cinq ans...
Il hocha la tête, murmura comme pour lui-même :
 — C'est jeune, évidemment...
Il allait en avoir quatre-vingts. Il s'était marié tard, après la mort de son père, qui dirigeait déjà le Citizen. Il avait fait ses premières armes à Hartford, et, quelques mois seulement, dans un quotidien de New-York.
J'ai eu un frère, Stuart, qui aurait vraisemblablement repris l'affaire s'il n'avait été tué à la guerre. Il ressemblait plus à mon père que moi et j'ai l'impression qu'ils s'entendaient bien tous les deux.
Nous nous entendions bien aussi, mais sans intimité
 — C'est ta vie, après tout...
Il grommelait. Je n'étais pas obligé d'avoir entendu.Une impressionnante plongée dans la psyché d’un homme qui doute et qui cherche les coupables – tout en sachant qu’il est le premier !

Le 110e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis sur le banc, dans la grange. Non seulement j'avais conscience d'être là, devant la porte déglinguée qui, à chaque battement, laissait s'engouffrer une rafale de vent et de neige, mais je me voyais aussi nettement que dans un miroir, me rendant compte de l'incongruité de ma position.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les Sanders passent le week-end chez leurs amis Dodd. Ils se rendent ensemble à une réception organisée par les Ashbridge : les libations vont bon train et Donald Dodd est troublé en découvrant par hasard Ray Sanders dans les bras de la maîtresse de maison. Au retour, une violente tempête de neige empêche la voiture de Dodd d'atteindre sa maison et les deux couples amis doivent effectuer à pied la fin du parcours. A l'arrivée, on s'aperçoit que Ray, perdu dans le blizzard, n'est pas là. Donald fait mine d'aller à sa recherche dans la neige, mais, abruti par la fatigue et l'alcool, il préfère se réfugier dans la grange.

Jungle : une traversée de l’autisme au féminin

Attention, il ne faut pas voir ici qu’une petite bande dessinée au dessin chou et naïf. Jungle est un vrai bijou de porte d’entrée pour qui veut comprendre un peu l’autisme et sortir des clichés. Alors oui, l’autisme, c’est tout un spectre, mais ici, on parle de Gabi, une jeune femme qui va gentiment comprendre ce qu’elle ne comprend pas (j’interprète peut-être, désolé).

Je pensais que tout le monde faisait semblant. J'avais tort. J'étais la seule à faire semblant.
Jungle : une traversée de l’autisme au féminin de Adélaïde Barat Magan, Justine Langlois et Fanny Modena
Et c’est magnifique, plein d’émotions et de sensibilité, tout en étant très clair et pédagogique.

Une pépite à mettre dans toutes les mains pour ouvrir les yeux

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À quoi associes-tu le mot « fleurs » ?
Euh, ben... c'est simple...
Les fleurs sont comme les organes des plantes supérieures, souvent appelées phanérogames


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Gabi a 26 ans.

26 années passées à masquer ce qu'elle est et ce qu'elle ressent, à se perdre dans un monde qui lui échappe. Aujourd'hui, elle tient entre ses mains un diagnostic : trouble du spectre de l'autisme.

À travers lui, elle revisite sa vie. Ses luttes et son féminisme, ses joies, ses peurs et les obstacles invisibles qu'elle affronte chaque jour, encore et encore. Gabi est une femme et Gabi est autiste.

Pour elle, la vie est une jungle.

Marie qui louche

Simenon déroule ici un roman au féminin avec Marie et Sylvie liées par une bien curieuse amitié-haine-jalousie.

Chaque jour, on allumait les lampes un peu plus tôt et on avait pris l'habitude de fermer les portes ; toutes les deux heures, dans le poêle de fonte qui luisait au milieu de la salle, Marie versait un demi-seau de charbon aux grains durs et brillants qui faisait, en dégringolant, un bruit d'hiver, et les gens qu'on ne connaissait pas entraient en coup de vent, la moustache humide, pour boire au comptoir un petit marc ou un café arrosé.
Marie qui louche de Georges Simenon
Il raconte aussi la condition de la femme dans les années 40-50. Sylvie est pauvre mais belle et ambitieuse. Quant à Marie, tout est dans le titre.

Encore un roman dur bien atypique d’un auteur qui tente de se glisser entre deux femmes

Le 75e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
─ Tu dors ?
Sylvie ne répondit pas, ne bougea pas, n'eut pas un frémissement. Elle respira seulement un peu fort, pour donner le change, mais il n'y avait pas beaucoup d'espoir que la Marie s'y laissât prendre.
─ Je sais que tu ne dors pas.
La voix de Marie était calme, monotone, vaguement plaintive, comme la voix de certaines femmes qui ont eu des malheurs.
─ Tu le fais exprès de ne pas dormir, continuait-elle dans l'obscurité de la chambre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sylvie possède des seins magnifiques qui affolent les hommes, une nature gourmande et sensuelle alliée à une paresse invincible et, par-dessus tout, elle hait la pauvreté. Marie, son amie d'enfance, n'est qu'une fille qui louche, envieuse et sournoise, habitée par une âme d'esclave. Ensemble, elles ont fui le quartier misérable des remparts de Rochefort où elles sont nées.

Sylvie est capable de tout pour réussir. Marie la méprise et l'adore, la jalouse et la hait. Mais elle ne peut pas se passer d'elle. La vie les sépare pourtant. Vingt ans plus tard, elles se retrouvent dans la foule des Champs-Elysées qui fête la victoire. Sylvie est devenue la maîtresse d'un vieil homme qui s'apprête à mourir en lui laissant son hôtel de l'avenue Foch. Marie est libre, toujours aussi pauvre, et prête à jouer, comme autrefois, son rôle d'âme damnée.

La Marie du port

Simenon ne cesse de me surprendre.

Et voilà qu’au milieu de ses romans durs, il glisse une romance à quat’ sous, une bluette chou, drôle et sympa. Une histoire d’amour avec une bien jeune fille qui sait où elle veut aller et qui ne s’en laissera pas conter !

 - Il faudra quand même que tu me laisses partir...
Et chaque jour la Marie répondait :
 — Reste encore un peu...
Sa sœur ne demandait pas mieux. Elle avait une bonne petite vie, toute seule dans la maison tiède où c'est tout juste si, vers midi, elle prenait la peine de se débarbouiller. Elle cousait. Maintenant que le linge était fini, la Marie lui faisait broder son initiale et Odile parvenait à broder tout en lisant un roman à vingt sous posé sur la table.
 — Ça ne pourra pas durer éternellement, soupirait-elle. Il faudra bien que je travaille.
 — T'as le temps...
Je sais que je ne dépense pas beaucoup, mais ce n'est pas juste que ton argent...
La Marie du port de Georges Simenon
Et c’est plutôt réussi. Et en même temps, il en profite pour croquer plutôt finement la condition de la femme des années 30 et le machisme de l’époque.

L’histoire de la Marie, jeune orpheline bien décidée à ne pas dévoiler toutes ses cartes du premier coup

Un roman dont fut tiré un film réalisé par Marcel Carné avec Jean Gabin, Blanchette Brunoy et Nicole Courcel

Le 33e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'était le mardi et les cinq ou six chalutiers qui pêchent toute la semaine sur la côte anglaise étaient rentrés le matin. Comme d'habitude, ils s'étaient amarrés dans l'avant-port, près du marché aux poissons et maintenant seulement, à marée haute, on leur ouvrait le pont tournant.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
A Port-en-Bessin, Marie, jeune femme de dix-sept ans, vient de perdre son père. Sa soeur Odile vient avec Henri Chatelard, son. amant, assister à l'enterrement. Celui-ci s'éprend de Marie et, pour la voir, achète un bateau dont il va chaque jour s'occuper. Que lui importe ensuite tout le reste, maintenant qu'il est pris entre la vie du port et l'amour de Marie ?...

Le passager clandestin

Une fois encore avec Simenon, l’histoire semble prétexte aux portraits. À Tahiti dans les années 40, les hommes blancs s’encanaquent entre men’s club, alcool, poker et jeunes tahitiennes. Un tableau abrutissant de vacuité sous le soleil dans un paysage magnifique.

Ils étaient là une trentaine de Blancs venus d'Europe, Dieu sait pourquoi, une trentaine d'hommes pour qui la grande distraction, celle de tous les jours, de toutes les nuits, était de boire et de se frotter à la chair brune de ces filles maoris qui semblaient appartenir à un autre monde.
Un bateau était arrivé, jadis, devant cette île où vivaient, comme dans un Paradis terrestre, des hommes et des femmes couronnés de fleurs.
Les hommes, aujourd'hui, étaient garçons de café ou chauffeurs; les filles, les plus belles d'entre elles, passaient en riant des bras d'un homme blanc aux bras d'un autre homme blanc.
Le passager clandestin de Georges Simenon
Une histoire d’héritage qui fait tourner bien des têtes

Le 57e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un bateau italien qui venait de San Francisco était accosté au pier, devant les bâtiments de la douane. De ce côté-là, on avait allumé toutes les lampes, d'énormes ampoules électriques à la lumière blanche et crue qui pendaient à des fils un peu partout, de sorte que de loin cela donnait l'impression d'un plateau de cinéma, avec des ombres s'agitant en tous sens, les coups de sifflet commandant le vacarme métallique des grues et des palans, les couleurs mangées par les projecteurs, le vert et le rouge du pavillon, par exemple, tout pâles, tranchant à peine sur le blanc.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'Aramis vogue entre Panama et Papeete. Parmi les passagers, le major Owen, parti à la recherche de René, fils et héritier de son ami Joe Hill, magnat de l'industrie cinématographique, récemment décédé.

Et voici qu'au cours du voyage, Owen découvre un passager clandestin, à qui il vient en aide. Il s'agit en réalité d'une jeune femme, Lotte. Elle aussi souhaite retrouver René, désormais riche, et dont elle a naguère été la maîtresse. Ils décident de faire équipe. Mais c'est compter sans un repris de justice, lui aussi à bord du bateau, qui a surpris leur secret.

Loin de ses décors coutumiers, quartiers de Paris ou province française, le grand romancier fait surgir sur une toile de fond exotique des personnages ambigus, dont les motivations ne sont pas forcément des plus nobles. Inquiétants, fascinants, ils nous entraînent sur leurs traces, et nous nous demandons à chaque page ce qu'ils cherchent...

Les noces de Poitiers

Le roman de la désillusion, de la pauvreté, de la fin des rêves. Ces noces de Poitiers ne font pas rêver. C’est crasse et sans espoir pour ce jeune couple qui se marie, faute de pouvoir cacher leur faute à l’époque où une grossesse hors mariage était impossible dans une petite ville et où l’avortement était interdit, dangereux et condamné. (Des temps révolus ? Pas sûr !)

Je n'en ai pas honte, au contraire. C'est encore une vérité qui n'a pas cours à Poitiers, mais qu'ici il est bon de te mettre dans la tête : plus un homme a de dettes, à Paris, et plus il est considéré, plus il a de crédit... Parfaitement, de crédit... Par contre, il y a une chose qu'on ne te pardonnera jamais : de faire pauvre... Eh bien! mon petit, ne te vexe pas, tu fais pis que pauvre...
Il s'écoutait parler, regardait la fumée de sa cigarette égyptienne à bout doré qui parfumait le bureau, remplissait de vermouth doré les verres qu'il avait apportés.
Tu es encore trop nouveau à Paris pour comprendre... Mais tu comprendras un jour... Par exemple, c'est sans importance que tu décharges les légumes aux Halles, la nuit... Tu pourrais, à la rigueur, coucher sous les ponts ou vendre des journaux dans la rue... Il y en a un qui vendait des journaux dans la rue et qui est aujourd'hui directeur de trois grands théâtres...
Les noces de Poitiers de Georges Simenon
Direction l’anonymat de Paris avec encore l’espoir de pouvoir y fonder leur famille et faire leur vie. Mais comment faire sans argent ?

Tout va mal et rien ne va mieux.

Une sombre histoire, d’une tristesse absolue

Le 54e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quelqu'un qui parlait dut soudain se taire. Mais qui parlait à ce moment-là ? Gérard, quelques secondes plus tard, était incapable de s'en souvenir. Peut-être même personne ne parlait-il ? Sans doute, dans ce cas, le changement eût-il été moins frappant ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Douze personnes qui se taisent dans une arrière-salle lors d'un repas de noce. Et le marié, à la lumière déclinante du soir, qui devine son avenir dans un élan tragique de lucidité ! Auvinet, pourtant, a vingt ans et trouvé une bonne place à Paris. Il va enfin donner libre cours à ses rêves, quitter sa province alanguie et les contraintes de la promiscuité. N'est-il pas courageux, travailleur et vaillant ? N'a-t-il pas pour épouse une douce jeune femme ?.... La réalité d'une grande ville, surtout lorsqu'on y arrive avec des mensonges plein les poches, est autrement plus féroce comme une révélation de soi-même...

Bouffons ! : l’humour est-il un sport de combat ?

Les dialogues et les entretiens sont une méthode assez efficace pour sortir une bonne émission de télé ou de radio. On est dans l’instant, les phrases rebondissent et l’imprévisible se retrouve parfois au coin d’un ricochet. Encore faut-il des avis différents, des personnalités maîtrisant tant le domaine que l’instantané.

G [Guillaume Meurice] : Moi, je trouve ça hyper intéressant à quel point les gens qui se considèrent comme des dominants, des « mâles alpha », sont en fait d'énormes trouillards. Ils passent leur temps à dire : « On veut nous empêcher de dire ça ! Oh là là, regardez, la société va changer, ils veulent marier les homosexuels, il va tomber des pluies de grenouilles. » Dans leur tête, ils se voient comme des Vikings. Mais on dirait plutôt des petits chatons terrifiés.
Ça, ça me régale.
C'est dingue de voir à quel point certains mecs - beaucoup de mecs - ont peur du féminisme. On parle d'égalité de droits. Comment tu peux avoir peur de ça ?
Moi, en cas de guerre de civilisations, j'irai me protéger auprès d'une meuf qui a de l'endométriose, qui sait comment gérer la douleur, plutôt qu'auprès d'un mec qui a peur parce qu'il y a un point médian dans un tract.
S [Swann Périssé] : Je le vois aussi dans les réactions de gens qui sont accusés de viols, dans le cadre du #MeToo Stand-up. Ils ont fait des stories et tout, en disant: « Ça se fait pas, c'est pas bien ce qu'on dit sur moi, je vais me suicider, on me regarde mal. » Les gens sont vraiment concentrés sur leur image, leur ego... Pendant ce temps-là, t'as la police qui interviewe toutes les petites meufs que t'as violées, qui fait son petit dossier de preuves. Et toi, t'es là à faire des stories « Je suis malheureux ». Bon courage pour ce qui est à venir !
Bouffons ! : l’humour est-il un sport de combat ? de Swann Périssé et Guillaume Meurice
Dans un livre, par contre, sans un gros travail d’édition, il est souvent difficile de sortir des platitudes et des « moi, personnellement, je pense que… »

Un petit livre sur le paysage de l’humour en France, sur les radios, les réseaux et dans les salles. Un peu léger, mais sympa…

Bah, pour bouffer, faut bien remplir la marmite

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Guillaume Meurice entre partout avec la nonchalance de ceux qui ont un planning bien chargé : le lundi, renverser le système, le mardi, converser avec un astrophysicien, le dimanche, partir en soirée avec des potes.

Avec quinze minutes de retard et après avoir lancé son seizième projet de la semaine, Swann Périssé débarque et son énergie remplit l'espace. Elle sourit, mais elle plierait le patriarcat juste en levant le petit doigt.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans ce dialogue drôle mais sérieux, Guillaume Meurice et Swann Périssé s'interrogent sur la place de l'humour et des humoristes dans notre société, sur leur métier, leurs limites, et sur ce qui les fait rire (ou pas).

Doit-on rire des faibles comme on rit des puissants ? Les blagues discriminent-elles ? Peut-on rire quand on est triste ? Doit-on rire à tout prix ? Peut-on subvertir l'ordre établi en riant ? Quelles révolutions l'humour mène-t-il ? Le rire est-il toujours encadré par le pouvoir, comme au temps des bouffons ?

Le livre pour ne plus dire qu'on ne peut plus rien dire.