Destins coréens

Attiré par un dessin très graphique, une bichromie toute en aplats des plus réussies, j’ai découvert une bande dessinée aux messages d’une grande profondeur.

Em Corée, le statut social repose sur un modèle très strict[e]. Encore aujourd'hui, un homme ne peut prétendre devenir un bon père de famille que s'il a effectué son service militaire et qu'il a un métier. Chan-Wook, qui était toujours étudiant, avait donc, sans surprise, préféré rompre tout contact avec Joy, en apprenant la grossesse de cette dernière.
Destins coréens de Laëtitia Marty et Jung, dessins de Jung
En Corée du Sud, les mères célibataires sont victimes de fortes discriminations et de nombreux enfants nés hors mariage sont proposés à l’adoption. Jung, lui même adopté à l’âge de cinq ans, a réalisé une bande dessinée sur le sujet qui touchera Joy, jeune coréenne au moment où, enceinte, elle se retrouvera devant ce choix.

Un album magnifique tant pour ses qualités esthétiques que pour sa sensibilité à traiter de ce sujet

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Lors d'un séjour en Corée, j'ai fait une de ces rencontres qui ne laissent pas indemne, tant elles questionnent et bouleversent. Cette expérience invraisemblable a affecté mon propre quotidien mais a aussi changé la vie d'une lectrice...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans ce récit de vie inspiré de la réalité, Joy, une jeune Coréenne, tombe enceinte après une relation éphémère.

Hantée par la honte et le poids des regards, elle s'apprête à faire adopter son enfant. Mais en passant devant une librairie, elle découvre la BD autobiographique d'un Coréen adopté. La rencontre avec son auteur bouleverse ses certitudes.

Les noces de Poitiers

Le roman de la désillusion, de la pauvreté, de la fin des rêves. Ces noces de Poitiers ne font pas rêver. C’est crasse et sans espoir pour ce jeune couple qui se marie, faute de pouvoir cacher leur faute à l’époque où une grossesse hors mariage était impossible dans une petite ville et où l’avortement était interdit, dangereux et condamné. (Des temps révolus ? Pas sûr !)

Je n'en ai pas honte, au contraire. C'est encore une vérité qui n'a pas cours à Poitiers, mais qu'ici il est bon de te mettre dans la tête : plus un homme a de dettes, à Paris, et plus il est considéré, plus il a de crédit... Parfaitement, de crédit... Par contre, il y a une chose qu'on ne te pardonnera jamais : de faire pauvre... Eh bien! mon petit, ne te vexe pas, tu fais pis que pauvre...
Il s'écoutait parler, regardait la fumée de sa cigarette égyptienne à bout doré qui parfumait le bureau, remplissait de vermouth doré les verres qu'il avait apportés.
Tu es encore trop nouveau à Paris pour comprendre... Mais tu comprendras un jour... Par exemple, c'est sans importance que tu décharges les légumes aux Halles, la nuit... Tu pourrais, à la rigueur, coucher sous les ponts ou vendre des journaux dans la rue... Il y en a un qui vendait des journaux dans la rue et qui est aujourd'hui directeur de trois grands théâtres...
Les noces de Poitiers de Georges Simenon
Direction l’anonymat de Paris avec encore l’espoir de pouvoir y fonder leur famille et faire leur vie. Mais comment faire sans argent ?

Tout va mal et rien ne va mieux.

Une sombre histoire, d’une tristesse absolue

Le 54e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quelqu'un qui parlait dut soudain se taire. Mais qui parlait à ce moment-là ? Gérard, quelques secondes plus tard, était incapable de s'en souvenir. Peut-être même personne ne parlait-il ? Sans doute, dans ce cas, le changement eût-il été moins frappant ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Douze personnes qui se taisent dans une arrière-salle lors d'un repas de noce. Et le marié, à la lumière déclinante du soir, qui devine son avenir dans un élan tragique de lucidité ! Auvinet, pourtant, a vingt ans et trouvé une bonne place à Paris. Il va enfin donner libre cours à ses rêves, quitter sa province alanguie et les contraintes de la promiscuité. N'est-il pas courageux, travailleur et vaillant ? N'a-t-il pas pour épouse une douce jeune femme ?.... La réalité d'une grande ville, surtout lorsqu'on y arrive avec des mensonges plein les poches, est autrement plus féroce comme une révélation de soi-même...

Le fils

Dans une longue lettre adressée à son fils, un père se raconte.

Pourtant, en dépit d'une sécheresse voulue, on devine, à l'arrière-plan, une vie brillante, souvent insouciante, des réceptions, des bals, des intrigues où se mêlent l'amour et la politique. 
Non seulement ma mère et ses sœurs ont connu cette existence, mais ma mère a tenu, sur une scène dont le décor était celui des dernières cours, un rôle brillant. Pour elle, Édouard VII, Léopold II, l'empereur d'Allemagne, les grands-ducs, n'étaient pas des noms dans les journaux et les manuels, mais des êtres en chair et en os qui ont souvent, pour certains, figuré sur son carnet de bal.
Elle était belle, son portrait au pastel qui se trouve dans mon bureau en fait foi, et, ce qui te surprendra sans doute, elle avait une vitalité débordante, un dynamisme, comme on dit aujourd'hui, qui en faisait le centre de toutes les fêtes. Plus libre d'allures que la plupart des jeunes filles de son monde en ce temps-là, on lui a imputé, sinon des aventures, tout au moins des imprudences qui alimentaient la chronique scandaleuse.
Le fils de Georges Simenon
Mais cette confession qui semble peine d’humilité tire en longueur. A force de circonvolutions et de rajouts biographiques sur sa famille, tout cela lasse et s’enlise pour donner un portrait de vieux sage aux blessures mal cicatrisées.Ils se sont rencontrés à un bal officiel, quelques mois après le fameux duel dont on devait encore parler, et mon père est tombé follement amoureux. 
Vois-tu à quel point on doit se méfier de certaines images ? Cette vieille femme énorme, à la chair malsaine, que tu n'as connue que dans son fauteuil, l'œil fixe, l'esprit absent, était alors une des jeunes femmes les plus vives et les plus spirituelles de Paris, où ses irrévérences faisaient scandale.Certes, la fin est très impressionnante et pourrait rattraper ce livre qui m’a quand même fait bâiller à plus d’une page

Le 88e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mon fils,
Est-ce que ces deux mots-là te font sourire ? Suffisent-ils à trahir ma gêne ? Je n'ai pas l'habitude de t'écrire. Au fait, je me rends soudain compte que je ne t'ai plus écrit depuis le temps où, enfant, tu partais en vacances plus tôt que moi avec ta mère et où je t'envoyais de courts billets.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Peu après la mort de son père, Alain Lefrançois décide de se raconter par lettre à son fils, Jean-Paul, au moment où il va devenir un homme. Il lui parle de la vie de ses grands-parents, gens de la haute bourgeoisie, de son métier, qui le satisfait, et de sa vie conjugale, qui n'est qu'une demi-réussite. Au rappel de récentes disputes familiales relatives à la succession, il remonte à la période de ses études de droit à Poitiers, de sa mobilisation, de son mariage ; il évoque ses réactions lorsqu'il apprit qu'il allait être père. Enfin, Lefrançois en arrive, « malgré sa répugnance », à parler de son adolescence et de sa jeunesse. Celle-ci est lourde d'un secret.

Le Coup de Vague

Je me suis souvent posé la question. Simenon était-il raciste, sexiste, antisémite… ? Difficile à dire. Mais en tout cas, c’est un formidable peintre de son époque qui elle l’était. Et donc, forcément, on y retrouve une société odieuse (comme ici), cupide, cynique… ou un langage et des comportements très dérangeant comme dans Le blanc à lunettes. Les peinture fidèles ne sont pas toujours les plus belles.

Et ici, tout est un peu sale, moche… Les secrets pourrissent tout et pourtant, on s’y accroche, et ça coûte cher… aux femmes d’abord.

C'est ainsi qu'ils étaient descendus tous les trois chez Nine, un café du bord de la route, où ils avaient continué à boire. Nine était une sorte de jument moustachue au langage encore plus cru que celui de Jourin, à l'érotisme débordant et vulgaire.
On l'avait saoulée. Puis, comme Jourin voulait la prendre devant les autres et qu'elle s'était débattue, on l'avait attachée sur le lit, les mains et les pieds aux quatre coins.
Jean était ivre aussi. Il avait fait comme les autres, mais c'était Jourin, encore, qui avait eu l'idée, à certain moment, de remplacer l'eau chaude par du vin rouge.
 - Tu te souviens?... Celle-ci, je crois bien qu'on n'aurait pas besoin de l'attacher...
Et Jean comprenait l'invite. L'autre n'était pas assez saoul pour se montrer plus catégorique, mais il n'y aurait eu qu'un signe à faire : ils seraient entrés tous les deux dans la chambre de derrière....
 - Faut que je m'en aille, dit-il.
Le Coup de Vague de Georges Simenon
Des vies tristes aux petits plaisirs gâchés par les compromissions.

Simenon peintre réaliste de la puanteur faisandée

Le 36e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il n'avait pas le moindre pressentiment. Si, au moment où il se levait et regardait par la fenêtre le ciel encore barbouillé de nuit, on lui avait annoncé qu'un événement capital marquerait pour lui cette journée, il n'aurait sans doute pas haussé les épaules, car il était volontiers crédule. Peut-être aurait-il pensé, en fixant le plancher de ses yeux gonflés de sommeil :
- Sûrement un accident de motocyclette !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jean a toujours vécu heureux avec ses deux tantes, dans son village de Marsilly, non loin de La Rochelle. Il aime son travail de bouchoteur, sa moto et une partie de billard de temps à autre ; la vie lui semble unie, simple, sans mystère. Mais un incident lui fera découvrir que le village n'est pas aussi serein qu'il le paraît et que ses tantes elles-mêmes cachent des secrets. On l'oblige à partir et, lorsqu'il revient, le village a repris son visage impassible. Curieuse sérénité...

Le péril Dieu

« Féminisme religieux », impossible oxymore
Le péril Dieu de Tristane Banon

Une lecture éclairante pour qui voudrait comprendre les sens premiers de féminisme ou de laïcité et leurs relations. Un réquisitoire implacable contre le sexisme des religions, sans jamais confondre foi et clergé, intime et politique, croyances et manipulation.

Des trois monothéismes, c'est bien le christianisme qui, le premier, exige des femmes qu'elles portent un voile en avançant des arguments strictement religieux, alors que dans le même temps, voulant se démarquer du judaïsme, il libère la tête des hommes.

Un livre qui commence par un gros saut en arrière, à la naissance des trois grandes religions monothéistes, pour comprendre comment elles se sont constamment assises sur les droits des femmes, simples outils procréatoires.

La femme, pourtant chargée de faire grandir les enfants, n'a paradoxalement aucune autorité sur eux.
Seul l'homme détient le droit au commandement, Dieu l'a voulu ainsi. Amen!
C'est alors logiquement qu'avec beaucoup de clairvoyance et un certain sens de l'à-propos, complètement dans l'air de son temps, le grand théologien saint Augustin s'interroge aux alentours de l'an 400 : « Je ne vois pas quelle utilisation peut faire l'homme de la femme, si on exclut la fonction d'élever les enfants » !

Un essai qui démontre, pas à pas, comment les religieux ont conservé leur emprise et quelles révolutions (française, bolchevique, féministes…) ont petit à petit redonné aux femmes des droits sur leur corps et leurs libertés.

Mais également combien ces avancées sont constamment remises en questions, comme elles sont fragiles.

Tristane Banon termine aujourd’hui, avec les débats autour du voile ou de la laïcité avec une position claire et étayée qui n’est pas sans rappeler les brillantes plaidoiries de Richard Malka.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je suis née des trois religions du Livre.
Mon grand-père était musulman, ma mère est catholique et mon père, juif.
Longtemps j'ai voulu suivre une voie religieuse. C'eût été réconfortant et confortable, balisé.
La religion vous prend au berceau, littéralement, et s'occupe de vous jusqu'à la mort. Elle vous exempte de beaucoup de questionnements, elle pallie le doute, les incertitudes, vous console des accidents de la vie, aussi. Avec les années, elle vous dit quoi faire, comment, qui respecter, quoi espérer, quel chemin emprunter.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand « Dieu » est érigé en maître à penser politique, c'est la femme qui, la première, courbe l'échine. Il suffit d'observer les fondamentalistes islamistes imposer le niqab, la burqa, le tchador ou le hijab, les juifs ultra-orthodoxes perruquer leur femme, ou encore les traditionalistes catholiques aller jusqu'au meurtre lors de raids anti-avortement, pour s'en convaincre. Bien sûr, ils sont les radicaux, les extrémistes, ils sont ceux pour qui la religion est le moyen d'installer un ordre social au sein duquel la femme se soumet, s'oublie et vit cachée, à l'ombre des hommes.

Ce livre ne veut pas faire le procès de la croyance, il appartient à chacun de décider ce en quoi il veut placer sa confiance, cela relève de l'intime.

Mais aucun texte sacré - ni la Torah, ni la Bible, ni le Coran - ne veut l'émancipation de la femme, aucun ne lui reconnaît les mêmes possibles qu'aux hommes. Seuls existent des croyants humanistes, conscients de ce que les écrits ont à enseigner, et de ce qu'il faut savoir laisser au bord du chemin de l'universalisme.

Alors que l'obscurantisme intégriste gagne doucement du terrain, bien plus ancré dans les mentalités que ce que l'on croit, Tristane Banon dénonce les grands marionnettistes de droit divin et rappelle qu'il n'y a pas de féminisme envisageable sans l'irrespect des religions et une bonne part de laïcité

Automne, en baie de Somme

Un riche industriel est retrouvé mort empoisonné sur son bateau en baie de Somme et Amaury Broyan enquête et soupçonne rapidement la richissime veuve.

Automne, en baie de Somme de Philippe Pelaez, dessin de Alexis Chabert

Une bande dessinée dans le tout Paris de la belle époque, au milieu des peintres et des modèles magnifiques, des faux semblants et des avortements clandestins.

Une historiette sympa mais surtout, un dessin magnifique et des aquarelles qui se marient à merveille avec l’époque pour sublimer les rues de Paris

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« À la Belle Époque, elles détiennent deux armes d'exception : la beauté et l'argent. »

1896. Le corps d'un riche industriel est découvert à bord d'une goélette échouée dans la baie de Somme. Pour une affaire de cette importance, on envoie le meilleur policier de Paris, Amaury Broyan. Très vite, l'inspecteur soupçonne la veuve, héritière de l'immense empire. L'enquête révèle alors que l'industriel avait également une maîtresse, Axelle Valencourt, un modèle ayant posé pour de nombreux artistes et notamment Alfons Mucha.

Des quartiers cossus de Paris aux cabarets de la Butte Montmartre, l'inspecteur se retrouve plongé dans une affaire complexe et périlleuse, dans laquelle chaque personnage, y compris l'inspecteur, va révéler sa part d'ombre

Simone Veil, mon héroïne

C’est tout court, très court, trop court, mais c’est émouvant

Simone Veil, mon héroïne de Leïla Slimani

Comme un hommage à une personne admirée

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Leïla Slimani rend hommage au parcours de Simone Veil, à ses combats et à son engagement