Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste

En pleine crise du Covid, Dominique, 81 ans, apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle qui avait toujours été dans le rang, conformiste, elle décide de se suicider dans les trois jours.

Je me demande combien de gens ont regretté d'avoir eu leurs vieux sous respirateur. Mamie a émergé des limbes, on a bien prié et la petite a mis une bougie à l'église, et voilà que maintenant elle se chie dessus et me prend pour Mireille Darc... C'est embêtant quand même. Qu'est-ce qu'on va en faire? En réalité, tout le monde s'en tamponne, des vieux. Enfin, certaines gens aimeraient garder un peu leurs propres antiquités. Mais de manière générale, notre société n'en a rien à foutre des vieux qui peuplent le monde, les anonymes, les sans visage, ceux des autres, ou pire : ceux qui ne sont plus à personne, les innombrables zombies qui traînent leur déambulateur dans les couloirs de l'oubli.
Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste de Emmanuelle Pirotte

Trois jours pour livrer ses regrets et ses bonheurs. Un regard acéré sur une vie pas si flamboyante.

Dans les années 1960, 1970, alors que je m'emmerdais ferme à tenter de réussir la langue de bœuf sauce madère, d'autres, partout dans le monde, écoutaient Led Zeppelin et jouissaient dans des sous-sols improbables, emmêlaient leurs cheveux, découvraient leur corps et leurs désirs, rencontraient parfois leur moi profond.

Mais aussi, derrière beaucoup d’humour (et c’est vraiment très drôle), des réflexions sur la vieillesse et le droit de mourir dignement, sur « qu’ai-je fait de ma vie », et sur notre société de manière plus générale.

Un tout gros coup de cœur pour Dominique qui aurait peut-être pu mieux réussir sa vie, mais qui ne loupe pas ses adieux

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mon nom est Dominique Biron, et je n'ai jamais réussi à m'y faire. Depuis près de quatre-vingt-deux ans, je hais de toute mon âme ce que ces cinq syllabes expriment d'invisibilité, de tiédeur insipide, de discrétion bigote.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Je m'appelle Dominique Biron
et j'ai décidé de mourir dans trois jours.
C'est le temps qu'il a fallu au Christ
pour revenir d'entre les morts,
ça me suffira bien pour faire mon petit ménage. »


Quand Alzheimer frappe à sa porte, Dominique, 81 ans, préfère ne pas s'attarder. Elle se prépare à dire adieu à sa petite vie, ses enfants, ses bibelots... Lorsqu'elle fait le tri dans ses souvenirs, c'est avec une réjouissante férocité. Car l'ennui bourgeois n'a pas réussi à priver Dominique d'une certaine hauteur de vue sur l'Existence.

Le plus difficile est de prendre congé de sa petite-fille adorée, Victoire, 20 ans. Que lui dire ? Que lui écrire ? Comment lui faire comprendre que le choix de sa grand- mère est celui de la liberté et, paradoxalement, de la vie ?

Dans un texte qui claque comme un uppercut, Emmanuelle Pirotte fait du lecteur le dépositaire d'une singulière confession, implacable, drôle et tendre. Travaillé par les problématiques qui hantent nos sociétés modernes, le roman interroge sans concession notre rapport à la mort et au libre arbitre.

Flamboyant crépuscule d'une vieille conformiste est le portrait d'une femme qui se lance, avec panache, dans un ultime face-à-face avec elle-même.

Développement personnel

Mais quelle maladie touche les auteurs après leurs grandes créations ? Pourquoi ce besoin de combler ce vide en parlant d’eux ?

Cela me fait penser à ces pensées de Haruki Murakami (qui, lui non plus) n’a pas évité ce travers

Écrire un roman n’est pas très difficile. Écrire un roman magnifique n’est pas non plus si difficile, je ne prétends pas que c’est simple, mais ce n’est pas non plus impossible. Ce qui est particulièrement ardu, en revanche, c’est d’écrire des romans encore et encore. Tout le monde n’en est pas capable. Comme je l’ai déjà dit, il faut disposer d’une capacité particulière, qui est certainement un peu différente du simple « talent ».
Profession romancier de Haruki Murakami

Olivier Bourdeaut n’y déroge pas. Mais, il faut bien le reconnaître, il est un bien drôle de bonhomme bien drôle

Il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas. C'est une de mes citations favorites. Elle est attribuée à Sainte Thérèse d'Avila. La première fois que je l'ai lue, elle m'a semblé un peu cryptique. En quoi réaliser un rêve peut-il rendre malheureux? C'est pourtant bien ce qu'annonce cette sentence. Exaucez votre prière, réalisez votre rêve, accomplissez votre fantasme et vous allez pleurer toutes les larmes de votre corps. Reconnaissons-le, tout ça n'est pas très développement personnel. Si un gourou du bien-être recommandait de tracer son chemin, de suivre sa route, de poursuivre son destin pour finir comme une merde dans un océan de larmes, il n'aurait pas une grande carrière, pas beaucoup d'adeptes, ne vendrait aucun livre. Et finalement, il mourrait seul, noyé lui-même dans un océan de larmes. 
Namasté.
Développement personnel de Olivier Bourdeaut

Et dans ces souvenirs autobiographiques, Olivier Bourdeaut se dépeint – avec beaucoup d’humour et d’autodérision – sous les traits d’une sorte de looser dilettante au bagout bien assuré attendant (par quelle grâce ?) de réaliser son Grand-Oeuvre

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Benirrás m'a-t-on glissé à l'oreille comme s'il s'agissait d'une formule magique.
Benirrás ai-je entendu, avec la même intonation que B.B. susurrant Almería à l'oreille de Gainsbourg. Benirrás, un code secret.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai la chance de gagner ma vie en racontant des histoires. Du moins jusqu'à présent. Car j'ai un problème, un problème de taille : je n'ai plus d'imagination. Je ne comprends pas pourquoi, je ne sais pas comment cela est arrivé mais j'ai beau froncer les sourcils, serrer mes petits poings, rien ne vient. Alors j'ai décidé de parler de moi.

Selon des chercheurs de Harvard, nous passerions soixante pour cent de notre temps à parler de nous. Parler de soi stimulerait les mêmes zones du cerveau que la cocaïne, le sexe ou un bon plat. Et si Harvard dit que ça fait du bien, je n'ai aucune raison d'en douter. Après tout, Mark Zuckerberg en est diplômé et il a toujours su, mieux que tout le monde, ce qui est bon pour l'humanité... »

Avec une franchise pleine d'autodérision, Olivier Bourdeaut revient sur son enfance compliquée, sa courte et chaotique scolarité et le périlleux apprentissage du métier d'écrivain. L'auteur d'En attendant Bojangles se dévoile, et sa vulnérabilité nous touche.

Nous nous verrons en août

De son vivant, Gabriel García Márquez ne souhaitait pas publier ce roman (nouvelle ?). Et pourtant, 10 ans après sa mort parait Nous nous verrons en août ! Qu’en penser ?

Certes, l’éditeur et les enfants semblent avoir des arguments et le livre n’est vraiment pas dénué de qualités… Mais !

Il n'y eut pas d'autres formalités. Tous les deux savaient où ils allaient, et c'était pour elle la seule chose claire qu'elle pouvait attendre de lui depuis qu'ils avaient dansé le premier boléro. Elle fut stupéfaite par la maîtrise de magicien de salon avec laquelle il la dénuda du bout des doigts, pièce de vêtement après pièce de vêtement, comme s'il pelait un oignon. Au premier assaut, elle crut mourir de douleur et d'une commotion atroce de génisse écartelée
Nous nous verrons en août de Gabriel García Márquez

Incapable de trancher sur ce fond polémique, voilà une nouvelle fraîche et titillante sur le désir d’une femme mariée.

Tous les ans, un soir, sur l’île, après avoir déposé des glaïeuls sur la tombe de sa mère, Ana Magdalena trouve… un nouvel amant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Elle revint dans l'île le vendredi 16 août par le bac de trois heures de l'après-midi.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Il était absurde d'attendre une année entière pour soumettre au hasard d'une nuit le restant de ses jours. »

Une fois par an, le 16 août, Ana Magdalena Bach prend un ferry pour passer une nuit sur l'île où est enterrée sa mère. Indifférente à la splendeur des Caraïbes, elle se contente de déposer un bouquet de glaïeuls sur sa tombe avant de retrouver son mari. Mais l'été de ses quarante-six ans, une aventure avec un inconnu va précipiter son destin.

Ana Magdalena découvre l'infidélité et la passion des corps en même temps que le dépit amoureux. Prise dans une spirale érotique, chaque pèlerinage sur l'île lui réserve un nouvel amant. En comprenant l'origine de l'attachement de sa mère à cette lagune peuplée de hérons bleus, Ana Magdalena échappera-t-elle au sortilège des Caraïbes ?

Nous nous verrons en août est une oeuvre d'une intense sensualité dans laquelle Gabriel García Márquez déploie tout son talent pour brosser le portrait d'une femme libre. La publication de ce roman inédit annonce les retrouvailles exceptionnelles avec le prix Nobel de littérature colombien.

L’instant infime d’une respiration

S’il n’avait été si court, voilà un livre que j’aurais laissé tomber. Et pourtant ! Intrigué par la quatrième de couv’, j’ai persisté un petit peu et je me suis laissé prendre par ce père de famille, postier, avec quelques TOC et qui aime courir…

L'esprit comprend. Il comprend la vacuité de l'acte, du mouvement perpétuellement reconduit sans but autre que les kilomètres, de la mécanique trop bien huilée qui indéfiniment se meut sans raison que l'effort superflu et la performance vaine. L'usure des semelles à l'égal de l'usure de la vie, à peine de la poussière soulevée et déjà retombée, à peine d'infimes particules déplacées. Un chemin harassant, inutilement parcouru, une souffrance stérile, une énergie gaspillée. Et des résultats décevants, toujours décevants. Un travail d'arriérés qui nie l'être et ne valorise que la performance. Une famille-couperet, des ailes rognées, des jambes sciées, un cerveau lesté au sol, à ras de terre, qui désespère d'un envol ou d'un écrasement, et s'embourbe dans le quotidien.
Pourquoi courir ? Il aurait fallu fuir à temps. Mais pour aller où ?
L’instant infime d’une respiration de Catherine Bex

Jusqu’à sa rencontre avec Dieu.

L’histoire d’un délire mystique qui voit un homme sombrer en lui même.

Chronique d’une horreur

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ils serrent. Surtout ils serrent. Sans secouer. Mais ils serrent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Martin vit comme il court, court comme il vit. Avec une exigence extrême. Perfectionniste, introverti, il passe aux yeux de tous pour un homme travailleur et sportif, bon père et bon mari. Pourtant, Martin est faille, bloc fragile sur le ballant. Rattrapé insidieusement par la maladie, aspiré par l'idéal et obnubilé peu à peu par son sentiment d'impuissance face à Dieu, il perdra pied inexorablement. Jusqu'au drame.

S'inspirant de faits réels, L'instant infime d'une respiration tente de dépeindre la plongée d'un homme a priori banal dans la folie, une folie menant à la négation complète d'autrui.

Helvetic park

Imaginez une sorte de Koh-Lanta préhistorique au milieu du Jura, un parc d’attractions sans attractions, duquel il ne serait possible de sortir qu’au bout d’un an. Un stage d’une année de survie dans lequel il n’y aurait rien à gagner, si ce n’est peut-être, quelques kilos en moins.

Helvetic Park jour 30 :
Lucie malaxait la peau douce et rugueuse à la fois. Elle sentait l'organe se raidir et se ramollir sous ses doigts et soudain, le liquide blanc gicla par saccades. C'était son film porno du jour : essayer de traire la vache. De plus, il fallait viser dans la gamelle, ce qui était objectivement plus difficile que de viser les ennemis dans un jeu vidéo sur la Wii de Bertrand.
Helvetic park : une (pré)histoire de couple de Martina Chyba

Et c’est là que Martina Chyba dépose Lucie et Bertrand (et quelques autres…) pour d’aventureuses aventures aventurières.

Et c’est très, très drôle ! Alors, certes, la deuxième partie m’a peut-être un poil moins emballé, mais quel humour, quelles trouvailles.

L’occasion de rire de nos helvétitudes désarçonnées sous une plume très aiguisée !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Si vous ne connaissez pas la Suisse ce n'est pas grave, c'est juste un pays dans lequel on s'emmerde un peu plus qu'ailleurs.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La Suisse est un pays anesthésié par le confort et l'ennui. Plus personne ne sait ce que c'est que d'avoir faim, froid, peur ou envie de faire l'amour.

Un étrange milliardaire a donc créé le parc d'attraction ultime, dans lequel on ne va pas passer une journée mais une année. Il s'agit d'un lieu unique, permettant à l'homme moderne de retourner aux origines de lui-même.

Un couple en crise y entre pour repartir de zéro. Leurs expériences dans le parc dépasseront toutes leurs attentes !

Cela vous tente ? Allez-y, laissez à la consigne tout ce que vous avez accumulé en 3 500 000 ans d'histoire et redevenez un Homo sapiens comme à l'époque préhistorique. Vous saurez qui vous êtes, si votre mariage est solide, si votre corps fonctionne bien, si vous possédez l'instinct de survie, si vous êtes heureux et si vous êtes vraiment sapiens.

Vous pouvez aussi ne jamais en revenir.

Une femme regarde les hommes regarder les femmes

Lire Siri Hustvedt est une expérience impressionnante. Une cuture folle, un discours argumenté, des références précises… Il y a tout ça ! Bon, c’est clair que je me suis parfois senti complètement largué, mais elle a chaque fois réussi à me rattraper. C’est brillant !

Après la mort de son mari, Bourgeois cannibalisa son propre père dans son art, à travers l'énorme gueule rose-rouge qu'elle créa et intitula The Destruction of the Father (
Une femme regarde les hommes regarder les femmes de Siri Hustvedt

Ce recueil d’une dizaine d’articles autour de différent-e-s artistes nous parle d’art et de féminisme. De ce regard masculin, assez similaire au mansplaining, plein de condescendence, manipulation et supériorité

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ce que les artistes disent de leur propre travail est fascinant, car cela nous raconte quelque chose au sujet de ce qu'ils croient faire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Siri Hustvedt, fidèle à son engagement envers la cause des femmes, analyse ici la nature et les implications du regard, bien souvent manipulateur, voire prédateur, que les artistes de sexe masculin tendent à poser sur les femmes (quelles soient « simples » modèles ou elles-mêmes artistes). Mais elle s'attache surtout à identifier les partis pris, conscients et inconscients, qui affectent notre manière de juger l'art, la littérature et le monde en général.

Convoquant entre autres les oeuvres de Picasso, De Kooning, Max Beckmann, Jeff Koons, Robert Mapplethorpe, en passant par Pedro Almodovar, Wim Wenders, Louise Bourgeois ou Emily Dickinson, l'auteur d'Un monde flamboyant développe une réflexion sur l'art dans ses rapports avec la perception ; elle interroge la façon dont nous évaluons la notion de créativité et montre que les critères d'appréciation se modifient constamment dès lors que nous nous déplaçons d'une culture à une autre ou d'une période de l'histoire à la suivante - alors même que d'aucuns prétendent que tout art digne de ce nom relève de critères tout à la fois universels, intemporels et quasi immuables.

S'insurgeant contre un tel postulat, Siri Hustvedt, respectueuse de l'éthique intellectuelle dont elle a toujours fait preuve en tant qu'essayiste, privilégie les questions par rapport aux réponses et se montre avant tout soucieuse d'ouvrir des espaces de libre discussion, invitant le lecteur à adopter divers angles d'approche, comme pour mieux lui laisser le choix ultime de celui qu'il fera sien.

Francia

Rubén est devenue Francia. Arrivée en France, elle devient une TdS, une travailleuse du sexe au bois de Boulogne.

À dix-huit ans, au terme de son année de bac philo à Janson, Ernest a perdu la foi de façon aussi subite que radicale. Un jeune prof leur ayant fait faire un tour rapide de l'histoire des religions, il lui est devenu évident que, vu le nombre et la variété des salades que les humains se sont racontées au long des millénaires sur les cinq continents, les chances pour que la salade locale corresponde à la vérité sont équivalentes à zéro.
Hélas, c'était trop tard : Ernest avait été marqué au fer rouge. L'Église avait imprimé à son corps-âme une méchante torsion, impossible à redresser. Le désenchantement de l'ado ne guérissait pas les blessures infligées à l'enfant. Rien n'effacerait jamais ces stigmates. Pour autant, à la différence de tant de garçons rendus fous par ce beau quartier, il n'a envie ni d'apprendre à parler fort en roulant les mécaniques, ni de s'improviser gay par compensation. Ce serait trop facile. De quoi a-t-il envie alors ?
Francia de Nancy Huston

Francia, c’est la vie des prostituées, la drogue, l’insécurité, la précarité, la violence, la vulnérabilité, le sexe et l’argent. C’est aussi les clients, 17 portraits (trop) rapides intercalés dans la vie de Francia.

Elle a trouvé ce garçon touchant. Il a juste envie de vivre un peu, mais dans son milieu c'est trop demander. Les Français blancs et riches c'est de vrais nœuds, se dit-elle, c'est la règle ! Ils ont le cerveau hypertrophié et le corps figé, débile, immobile. Ils se prennent la tête, ne savent ni qui ils sont ni ce qu'ils veulent ni ce qu'il leur faut, et le désir les tétanise au point qu'ils n'osent plus remuer le petit doigt. Comment font-ils pour s'embrouiller et s'emberlificoter à ce point ?

Un livre comme un constat – un peu stéréotypé – sans jugement ni moralisation… mais aussi sans trop de point de vue.

Et si on ressent une vraie empathie de Nancy Huston pour Francia… Zut. Me reste le sentiment de n’avoir que survolé le bois

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La conscience qui lui revient petit à petit.
Toujours allongée les yeux fermés, elle prend 'air dans ses poumons et laisse l'oxygène voyager jusqu'aux extrémités, ses vingt doigts aux ongles multicolores, les racines noires de ses cheveux orange aux boucles serrées, une allégresse verdienne dans chaque cellule de son nouveau corps - elle adore Verdi enfin elle ouvre les yeux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Enfant à Girardot, en Colombie, Rubén préférait le monde des femmes. Adolescent il part pour Bogota, se travestit, se prostitue. Après sa transition, elle choisit le nom du pays où elle a décidé de s'installer : Paris - et devient pour toujours Francia.

Au fil des années, cette femme généreuse, fascinante, voluptueuse, cette combattante de chaque instant donne tout ce qu'elle a pour vivre et faire vivre les siens. Entre puissance et lucidité, violence et engagement, tendresse et espérances, son histoire se déploie au rythme effréné d'une de ses journées de travail : le bois de Boulogne, dix-sept clients, quatorze passes acceptées, autant dire une kyrielle d'hommes venus la prendre, se perdre ou revenir à eux-mêmes. Mais le roman ne s'arrête pas à l'expérience de Francia, car il donne corps à ces inconnus, ces mâles, ces clients, en évoquant qui ils sont, et dans quelles circonstances ils viennent là.

Un livre politique, toujours plus près du réel, plus sensible aux interconnexions humaines. Un roman d'espoir, de survies, mais également un portrait kaléidoscopique de la France contemporaine.

Nouaison

NOUAISON, subst. fém.
BOT., ARBORIC. Stade […] du cycle végétatif d’un arbre fruitier ou de la vigne, qui marque le début du développement du fruit après la fécondation

Un livre qui raconte une maternité, qui ne vient pas. Examens, diagnostics, opération et… patience.

Nouaison de Silvia Härri

Une histoire dont l’homme est absent. Juste une femme et son besoin d’enfant.

Un livre un peu court à la très belle écriture, sensible et poétique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ils disaient maldonne malchance c'est mal fait, madame.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tes doigts se prennent aux fleurs turquoise de ton chemisier, puis tu les glisses là où quelque chose pousse, affleurant doucement. De la paume, tu caresses ce qui frémit, éclat de vie sans nom encore, aux contours incertains, pulsation souterraine.

Mais elles sont toujours là, les blouses. Dans les couloirs, dans l'ascenseur, plus nombreuses que dans les cauchemars. Elles te guettent encore, tapies derrière la porte qui se referme dans un claquement sec. Franchir le seuil de la pièce, un voeu noué au creux du ventre, silencieux et lancinant.

Tu es prise au piège des vapeurs de désinfectant, des serres métalliques du lit, de ce blanc, vautour qui rôde et souille l'univers. Sauf toi et moi, pries-tu tout bas. Que les rapaces se muent en colibris, que les murs de cette salle où tu attends (quoi, au juste ?) s'écartent pour laisser au moins une infime ouverture.

Nouaison est à la fois le livre et le lieu de métamorphoses multiples : celle de la fleur en fruit, comme suggère son titre, de la femme en mère, du ventre vide en ventre plein, de l'embryon en enfant, de l'absence en présence. L'auteur évoque par touches discontinues et allusives plusieurs facettes de la maternité dans un texte qui convoque tour à tour le fragment, le récit, le journal, la prose et la poésie. Ainsi c'est la langue elle-même qui noue et se transforme au fil des pages.

Assemblage

Une bonne claque ! Voilà un livre qui va me faire réfléchir encore longtemps.

Va prendre ce train.
Mais me voilà, 
malgré tout, 
debout, immobile
à la gare.
Vraiment, je devrais
Assemblage de Natasha Brown

Une femme noire qui a réussi après de brillantes études tombe malade. Cancer. Un choc qui va l’amener à réfléchir à sa situation, son intégration.

Avec une facilité vertigineuse, les faits de l'histoire non militaire de la Grande-Bretagne au vingtième siècle ont été déracinés, expurgés de la mémoire collective du pays. Supplantés. De vagues contes de fées vantant la bienveillance impériale fleurissent à la place. Comment peut-on engager la réflexion, discuter, ne serait-ce que penser dans une perspective post-coloniale, sans le moindre socle de connaissances partagées? Alors que tout récit des faits, même le plus simple préservé dans les archives du pays, paraît suspect, comme un délire de conspirationniste, à l'esprit des citoyens éduqués ?

Un livre sur l’Angleterre post-coloniale qui secoue bien fort la bien-pensance en démontrant la brutalité de tous les non-dits.

Il y a bien plus que de la poussière sous les tapis. Est-il possible de continuer à marcher dessus ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tout va bien
Faut que tu arrêtes, dit-elle.
Arrêter quoi, on fait rien. Elle a eu envie de le reprendre. Il n'y avait pas de « on ». Il y avait lui le sujet et elle l'objet, mais lui, il a dit écoute, pas la peine de t'énerver pour rien.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Découvrir l'âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à « Oxbridge », débuter une carrière. Faire tout ce qu'il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des œuvres d'art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n'était.

La narratrice d'Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au cœur de la campagne anglaise. C'est l'occasion pour elle d'examiner toutes les facettes de sa personnalité qu'elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?

Le premier roman de Natasha Brown a été une véritable déflagration dans le paysage littéraire britannique. « Virtuose » (The Guardian), « tranchant comme un diamant » (The Observer), Assemblage raconte le destin d'une jeune femme et son combat intime pour la liberté.

L’oreille d’or

L’autrice est sourde d’une oreille. Un handicap chéri.

L’oreille d’or de Élisabeth Barillé

Dans cette autobiographie oxymore Élisabeth parle d’elle et de sa vie en déséquilibre sur cette particularité. C’est touchant, intime et surtout, c’est très bien écrit

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je finirai renversée sur une route. Voici comment se passeront les choses : un engin à moteur foncera sur ma gauche ; ce jour-là, sur cette nationale, cet innocent trottoir offrant ses rêveries au rêveur, il n'y aura personne pour saisir ma main, me tirer en arrière, aucun bon ange pour me servir d'oreille, aucun sauveur. Un vacarme de ferraille sera mon bûcher de malentendante.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Entendre, mais d'une seule oreille. Ne pas entendre comme il faudrait, donc, à l'école, en société, chez soi, mais entendre autre chose, souvent, entendre mieux, parfois. Dans ce récit intime, Élisabeth Barillé évoque son handicap invisible, malédiction et trésor, qui l'isole mais lui accorde aussi le droit d'être absente, le droit à la rêverie, au retrait, à la rétention, voire au refus. «Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir tout ce qui fait groupe, la surdité m'a condamnée à l'aventure de la profondeur...»

Elle revient sur ce parcours du silence : sa vie d'enfant un peu à part, les refuges inventés, les accidents et les rencontres... De l'imperfection subie au «filon d'or pur», Élisabeth Barillé traverse l'histoire littéraire et musicale, dans une réflexion presque spirituelle.