Journal : l’histoire de mon coeur et de mon cul

Attiré bien sûr par la couv’ et le titre très tentants, je suis tombé sur un livre féministe des plus intimes et passionnants. Alors certes, il y a quelques longueurs, mais quel journal !

Je crois que c'est une de mes névroses fondatrices, une des dernières sur lesquelles je bute encore aujourd'hui : d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours considéré le sexe comme une monnaie d'échange contre de l'amour. Voulant être aimée et acceptée, j'ai toujours cru que j'obtiendrais le nécessaire en échange de faveurs sexuelles.
Et surtout j'ai très longtemps confondu désir et amour.
Journal : l’histoire de mon coeur et de mon cul de Noémie de Lattre

Premièrement, c’est très drôle et Noémie se livre sans détours. Mais ce que j’ai trouvé vraiment bien foutu, c’est qu’elle débriefe son propre journal au fil de sa lecture. Et là, ça devient très intéressant.

Personne ne m'a parlé du plaisir sexuel animal de l'allaitement. Je n'en reviens pas. Cela dit, c'est logique. Dans un cas je suis tout à mon amour maternel, donnant à mon enfant un sein nourricier. Dans l'autre je suis en mode chagasse offrant à mon amant un nichon putassier. Mais peu importe la valeur symbolique que j'y mets, ça reste mon téton qui est sucé !

On assiste à la naissance de sa conscience et de son activisme féministe dans une démarche très personnelle (et souvent absolument universelle). Le journal d’une femme qui se bat et qui apprend à s’aimer et se connaitre.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La Reine de la Pipe
12 mars 2005
Merde ! Mais qu'est-ce que j'ai ? C'est quoi le problème ? J'ai une odeur ? Un truc horrible caché dans le vagin ou tatoué dans le dos qui fait fuir tous ceux qui s'approchent trop près ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Me voici donc, toute nue, toute véhémente, toute dérisoire. Voici les méandres de ma tête et de mon cœur. Voici ma pulpe, le bois dont je suis faite. »
PS : À ma famille, mes ex et à leurs parents : s'il vous plaît, ne lisez pas ce livre. Je vous aime

La fille de Deauville

Durant les années 80, les groupuscules terroristes d’extrême-gauche faisaient parler d’eux. Attentats, braquages enlèvements et assassinats. Brigades rouges en Italie, Faction Armée Rouge en Allemagne et Action Directe en France.

Alors qu'elle se croyait tranquille, les poulets remontaient la piste du chèque. Ils avaient trouvé l'adresse des parents, avaient mis la main sur le box, découvert le stock d'armes qui s'y trouvait puis attendu tranquillement qu'elle se jette dans la gueule du loup. Mohand l'accompagnait ce jour-là. Elle avait pour mission de récupérer des faux papiers et un flingue. Elle ne pouvait pas savoir que les flics avaient découvert la cache, qu'ils grouillaient dans chaque recoin du parking. Ils leur étaient tombés dessus, armés jusqu'aux dents, au moment où elle et Mohand s'engouffraient dans la rampe d'accès. Ils les avaient sortis violemment de la voiture et les avaient plaqués au sol. Un véritable guet-apens.
Cette fois, t'es foutue ma grande. C'est parti pour la taule, il va falloir tenir le coup.
La fille de Deauville de Vanessa Schneider

Naviguant entre faits historiques et fiction, Vanessa Schneider suit l’histoire de Joëlle Aubron, membre de AD traquée par un flic violent et opiniâtre jusqu’à l’arrestation des quatre principaux membres le 21 février 1987

Une histoire sympa mais qui ne propose pas vraiment de point de vue

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Luigi Pareno n'avait jamais été un grand optimiste et ce qu'il voyait n'était pas de nature à le rassurer. Partout où il promenait son regard il y avait du blanc. Blanc coton de la neige nappant les champs d'une couverture épaisse, blanc-gris du ciel couvrant le soleil d'un voile opaque, blanc-jaune de la façade éclairée, blanc bleuté des plaques de glace sur le toit.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une poignée de femmes et d'hommes décident de mettre la France à feu et à sang. Braquages, attentats à la bombe, assassinats, ils frappent puis disparaissent, dans un souffle âcre de tracts, d'explosifs et de terreur. Leur nom de guerre : Action directe.
En ce mitan des années 1980, la police placarde leurs visages sur les murs du pays. Commence alors une traque intense et chaotique menée par des policiers aguerris qui suivent leurs traces de Barcelone aux rues de Lyon, des campagnes les plus reculées aux HLM de banlieue. Luigi Pareno, solitaire et douloureux, méthodique et taciturne, y consacre toute son énergie, sa rage et ses obsessions.
Une jeune femme aux yeux d'or occupe particulièrement ses pensées. La police, qui ne l'a pas encore identifiée, la surnomme « la fille de Deauville ». Issue des beaux quartiers, Joëlle Aubron deviendra l'une des deux meurtrières d'Action directe. Pareno l'observe à distance dans ce Loiret enneigé où elle se cache avec ses camarades de combat Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon. Elle le fascine, il la hait autant qu'il s'y attache.
La fille de Deauville raconte la colère et la destruction, la folie politique et les rêves d'absolu. Traqués, reclus, les membres du dernier carré d'Action directe s'aiment, se désirent, se déchirent, s'inquiètent, dans l'attente d'une fin inéluctable.
Vanessa Schneider nous offre le grand roman de l'impossible révolution. Paysages et silences, rires et complots, lits tièdes ou pavés brûlants, elle nous emporte avec ces femmes et ces hommes qui se croyaient libres

Paradis, clef en main

Comme un exorcisme, Nelly Arcan s’amuse avec l’idée du suicide et avec les relations mère-fille. Un jeu qui semble, à posteriori, bien macabre.

C'EST MA VIE 
On a tous déjà pensé à se tuer. Au moins une fois, au moins une seconde, le temps d'une nuit d'insomnie ou sans arrêt, le temps de toute une vie. On s'est tous imaginé, une fois au moins, s'enfourner une arme à feu dans la bouche, fermer les yeux, décompter les secondes et tirer. On y a tous pensé, à s'expédier dans l'au-delà, ou à s'envoyer six pieds sous terre, ce qui revient au même, d'un coup de feu, bang. Ou encore à en finir sec dans le crac de la pendaison. La vie est parfois insupportable.
C'est ainsi.
Ça vient, ça prend à la gorge, et ça passe.
Dans le meilleur des cas.
Paradis, clef en main de Nelly Arcan

Antoinette veut mourir, elle s’adresse alors à une société secrète qui propose des suicides clef en main.

Je me suis souvent demandé si on pouvait se tuer par peur trop grande de mourir.

Une fiction un peu convenue (qui pourrait faire penser à Amélie Nothomb) et bien en deçà d’À ciel ouvert et de ses brillants Putain, Folle ou Burka de chair.

Peut-être pas la meilleure porte d’entrée pour cette autrice remarquable qu’il faut absolument lire ! Il faut lire Nelly Arcan !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C’est ma vie
On a tous déjà pensé se tuer. Au moins une fois, au moins une seconde, le temps d’une nuit d’insomnie ou sans arrêt, le temps de toute une vie. On s’est tous imaginé, une fois au moins, s’enfourner une arme à feu dans la bouche, fermer les yeux, décompter les secondes et tirer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une obscure compagnie organise le suicide de ses clients. Une seule condition leur est imposée : que leur désir de mourir soit incurable. Pur, absolu. Antoinette a été une candidate de Paradis, Clef en main. Elle n'en est pas morte. Désormais paraplégique, elle est branchée à une machine qui lui pompe ses substances organiques. Et Antoinette nous raconte sa vie. Elle raconte sa mère, dont elle pourrait être la copie conforme. Elle raconte Paradis, Clef en main et son processus de sélection, ses tests et ses épreuves, son chauffeur et son psychiatre halluciné, le caniche blanc qui ponctue les scènes rocambolesques, son comité de sélection. Un monde Kafkaïen. Elle nous raconte aussi son oncle Léon, dont le suicide, également organisé par Paradis, Clef en main, a fait les manchettes du monde entier. Et surtout, elle nous raconte son nouveau désir d'exister, son second souffle.
Paradis, Clef en main est le cinquième livre de Nelly Arcan, qui s'aventure ici, et avec brio, dans la fiction. Roman d'anticipation, roman sur le désir de vivre, sur celui de mourir. Roman sur la responsabilité, sur le rapport à l'autre, sur le rapport au corps, à la vie. Roman fabuleux écrit d'une plume acérée

À ciel ouvert

Après les autobiographiques Putain et Folle, Nelly Arcan a fait une incursion dans la fiction avec À ciel ouvert.

De voir Rose avait mis le doigt sur quelque chose en elle, sur une cicatrice de cœur manquant. Physiquement elles se ressemblaient, c'est vrai, mais cette ressemblance en indiquait une autre, cachée derrière, celle de leur mode de vie consacré à se donner ce que la nature leur avait refusé ; Rose et Julie étaient belles de cette beauté construite dans les privations, elles s'en étaient arrogé les traits par la torsion du corps soumis à la musculation, à la sudation, à la violence de la chirurgie, coups de dé souvent irréversibles, abandons d'elles-mêmes mises en pièces par la technique médicale, par son talent de refonte. Elles étaient belles de cette volonté féroce de l'être.
À ciel ouvert de Nelly Arcan

Un livre où elle explore les corps et la beauté, la vénérée beauté, la froide et chirurgicale beauté. Cette burqua de chair dont on oblige les femmes à se vêtir et qui donnera le titre à son dernier ouvrage posthume.

Des femmes prisonnières de leur image et des hommes esclaves de leurs fantasmes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le ciel à marée haute
C'est sous un soleil d'été que cette histoire avait commencé, l'an dernier, sur le toit de l'immeuble où vivait Julie O'Brien et où elle était allongée comme une écorchure, sans mentir, mot qu'elle s'était donné en respect pour sa peau formée de rousseur et de blondeur, une peau qui venait de l'Irlande si on la faisait remonter à la troisième génération paternelle et qui n'était pas armée, s'était-elle dit ce jour-là, contre l'acidité du soleil d'aujourd'hui, qui darde, qui pique vers la population mondiale ses rayons.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sur le toit d'un immeuble de Montréal, une femme au teint de rousse est allongée, immobile, sous le soleil. Julie O'Brien souffre le martyre, mais considère les soins qu'elle s'inflige comme obligatoires.
La beauté, chez Nelly Arcan, est toujours sujet et objet de maltraitance. La beauté est une guerre. Et la guerre surgit lorsque Rose Dubois rejoint Julie sur ce toit brûlant...

Mon fils en rose

Camilla a un fils qui s’habille en rose depuis tout petit… Et alors ?

Elle raconte ici les difficultés et les joies qu’elle rencontre en Italie, avec la famille, les amis, l’école, les psy et les médecins, les groupes de personnes concernées, des sites spécialisées, des réseaux…

Je m'appelle Camilla et mon fils s'habille en rose.
Vous l'aviez surement déjà compris puisque c'est le titre de ce livre, mais voilà bien la question : pourquoi mon fils s'habille-t-il en rose ? Et surtout : pourquoi ce besoin d'écrire un livre sur pourquoi mon fils s'habille en rose ? Si vous avez un fils qui s'habille en vert ou en bleu, vous n'allez certainement pas en faire un livre. Mais ce qui est bizarre, c'est que même si votre fille s'habille en vert ou en bleu, vous n'allez pas écrire un livre là-dessus.
Disons-le franchement, tout le monde s'en fiche des couleurs que portent vos enfants. Sauf si c'est un garçon qui s'habille en rose.
Mon fils en rose de Camilla Vivian

Une mère qui tente d’accompagner au mieux son enfant en l’écoutant sans figer ses points de vues, en protégeant, en se renseignant et en évitant de projeter ses à priori. Et c’est probablement dans ses questionnements et ses remises en questions qu’elle touche au plus juste.

Bref, qu'est-ce qui nous fait croire qu'aujourd'hui, tout à coup, nos enfants font seulement des caprices et qu'est-ce qui nous autorise à les cataloguer comme de potentiels malades psychiatriques ? N'est-il pas plus simple de considérer qu'une variation de genre a toujours existé, et que des années de normalisation par la culture occidentale ont conduit à une simplification utilitariste, pourtant pas représentative de la réalité des choses ? Et s'il faut vraiment parler de maladie psychiatrique, les comportements dysphoriques ne seraient-ils pas tout bonnement la conséquence des pressions de la société extérieure, qui n'est pas disposée à renoncer à la normalisation et tend donc, pour simplifier, à réprimer plutôt qu'à accepter ce qui est différent ?

Un livre magnifique sur l’amour et le respect et qui, humblement, pose peut-être plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Et c’est probablement une de ses plus grandes qualités.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'appelle Camilla et mon fils s'habille en rose.
Vous l'aviez surement déjà compris puisque c'est le titre de ce livre, mais voilà bien la question : pourquoi mon fils s'habille-t-il en rose ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Camilla Vivian vit seule avec ses trois enfants. Federico, son deuxième fils, manifeste depuis l'âge d'un an et demi le désir d'être - aussi - une fille.
Elle choisit de ne pas l'en empêcher et d'être plutôt à l'écoute.
Elle se documente, lit, trouve sur internet des histoires similaires à la sienne et découvre l'existence de la dysphorie de genre, des enfants gender fluid, transgender, non-binaires et d'autres encore.
Avec détermination, délicatesse et ironie, Camilla Vivian raconte son propre cheminement à travers l'histoire de Federico, un petit garçon serein et conscient de sa différence, avec ses cheveux longs, ses habits et son vernis à ongles roses.
Elle évoque le quotidien de sa famille, à l'école et à la piscine, pendant les courses et les fêtes d'anniversaire, la pression sociale et familiale, tout en partageant ses propres doutes et interrogations

Burqa de chair

Quelle autrice ! Quelle écriture ! Un livre écrit en plusieurs étapes, rassemblé et publié après son suicide. Quelle tristesse !

La vie est un scandale immune. Mais la vie, cette éblouissante déchéance, cet éclair phosphorescent qui part du ciel pour s'écraser au sol, qui crève le silence comme une condamnation à être, une sommation à voir le jour, à hurler sous la tape médicale dans le dos, à se lever et à marcher, à chier dans un pot et à grandir, à devenir plantation ou semence, homme ou femme, finira un jour par rebondir d'où elle a chuté, le Rien, le Grand Vide, le Ciel de mon père, l'horizon caché de toutes ses prières.
Burqa de chair de Nelly Arcan

Nelly Arcan nous parle, presque sereine (en tout cas avec plus de distance et termine en parlant d’elle à la troisième personne), de sa relation au corps, à sa mère, à la beauté, à son image et au regard de l’autre.

Puis à l'aube de ses trente ans sa fille était devenue folle. Sous couvert de dépression elle avait voulu s'achever bien des fois. Par maladresse elle avait toujours survécu. Depuis quelques années la mère avait dû conclure que les chirurgies n'avaient pas rassasié sa fille et qu'elle était donc fondamentalement insatiable de ce qu'elle n'était pas. Elle avait dû conclure que son rôle de mère ne cesserait jamais alors que ce rôle aurait dû devenir celui d'une grand-mère. La conclusion était qu'il n'y aurait pas de flambeau à passer et que c'était mieux ainsi. Le nez de son père n'irait plus jamais se plaquer sur le visage d'un nouveau-né.

Avec une préface émouvante et bienvenue de Nancy Huston sur l’importance de l’oeuvre de Nelly Arcan

Quand paraît en 2001 son premier livre Putain, Nelly Arcan est une belle jeune femme.
Elle sera lue, photographiée, filmée, interviewée, jamais tout à fait prise au sérieux, admirée pour son culot et pour son cul, et Dieu sait qu'elle jouera sur l'ambiguïté, difficile pour une jolie jeune femme de ne pas jouer là-dessus, difficile, oui, même en étant, comme elle, d'une lucidité javellisante, d'avoir les idées parfaitement claires alors que des journalistes vous filment et vous flattent, vous tirent dans tous les sens, vous caressent l'ego dans le sens du poil et le poil dans le sens de l'ego, difficile de savoir comment se tenir, comment regarder la caméra, alors qu'on veut plaire, et vendre, c'est-à-dire se vendre, toujours, le désir vient jeter du trouble, toujours... mais bon.
Avec une préface de Nancy Huston

Et finalement, oui…

Se tuer peut nuire à la santé
Nelly Arcan

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La robe de chambre
La vie est un scandale, c'est ce que je me dis tout le temps. Être foutue là sans préavis, sans permission, sans même avoir consenti au corps chargé de me traîner jusqu'à la mort, voilà qui est scandaleux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Septembre 2001-septembre 2009 : en l'espace de huit ans, une jeune femme déploie son chant et disparaît. Huit ans seulement pour entrer avec fracas dans la littérature et pour s'échapper du monde tout aussi violemment. Nelly Arcan était une guerrière, sous les fragiles apparences d'un ange blond. Son courage intellectuel n'avait d'égal que son effroi de vivre, c'est-à-dire d'habiter un corps. Un corps de femme, exposé et convoité, prison et camisole, étendard et linceul. Burqa de chair, disait-elle dans une formule saisissante. Il semblerait que très tôt elle ait appris à poser les bonnes questions, celles qui dérangent, que s'emploie à détailler Nancy Huston dans sa préface. Les textes qu'on lira ici sont du meilleur Nelly Arcan. Dernières pierres blanches au bord d'une route interrompue, ils nous donnent l'occasion d'entendre encore une fois la beauté de cette langue inimitable, étourdissante, et qui laisse le lecteur hors d'haleine

Belle de jour

Une femme heureuse, à qui tout sourit aux bras d’un mari aimant. Mais, après avoir rencontré un troublant bellâtre et entendu qu’une dame de ses connaissances avait été aperçue sortant d’une maison de plaisir, elle se dit :
– Moi aussi, je veux !

- Ma chérie, ma chère chérie.
Severine alluma doucement la lampe posée sur une table basse près du lit. Elle avait besoin de voir la félicité pure, dépouillée de pensée qui se livrait dans ces paroles. La lumière, voilée d'une soie opaque, s'étala mollement à travers la chambre. Pierre n'en fut pas heurté, ne remua point, mais ce que Séverine avait tenté de surprendre, le mystère végétal d'un visage qui n'appartient encore qu'aux ombres et à la vie, avait disparu de ses traits. Il était revenu au sentiment de lui-même. 
- Comme je suis heureux de te retrouver, dit-il... Cela me manquait tant.
Il ouvrit soudain les yeux.
Belle de jour de Joseph Kessel

Incapable de résister à son fantasme, à son dévorant désir transgressif, elle s’en va vendre ses charmes chez Madame Anaïs. Une lecture dans l’attente d’un « classique, juste et moral » retour de manivelle.

Le tout dans une écriture un peu passée et ampoulée. Bof, bof… un homme qui parle des femmes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pour aller de sa chambre à celle de sa mère, Séverine, qui avait huit ans, devait traverser un long couloir. Ce trajet qui l'ennuyait, elle le faisait toujours en courant. Mais, un matin, Séverine dut s'arrêter au milieu du couloir. Une porte qui, à cet endroit, donnait sur la salle de bains, venait de s'ouvrir. Un plombier parut. Il était petit, épais. Son regard, filtrant sous de rares cils roux, se posa sur la petite fille. Séverine, qui, pourtant, était hardie, eut peur, recula.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une femme de la haute bourgeoisie finit par s'adonner à la prostitution en raison de sa misère affective et du caractère insipide de sa vie

Folle

Après le choc de Putain, j’ai directement entamé Folle, livre dans lequel Nelly Arcan annonce son suicide pour ses 30 ans (ce qu’elle réalisera tristement un peu plus tard). Elle y parle d’une déception amoureuse, de ses obsessions pour la « jeunesse-beauté » (duo indissociable selon elle et qu’elle voit s’échapper) et des rôles assignés aux femmes.

Aussi je mourrai parce que, pour être aimée des autres, il m'aurait fallu sourire. Je mourrai pour démontrer que le sourire est une façon de s'économiser comme le sommeil. Tu m'aimais mais tu détestais la tristesse sur mes lèvres fermées qui perdurait dans les moments heureux comme l'odeur du corps sous celle de la lavande. Bien sûr il m'arrivait de sourire mais le sourire des gens tristes a toujours quelque chose de laborieux, il met du temps à venir, ça ressemble aux poulains à peine sortis du ventre de leurs mères qui tentent de tenir debout ; pour y arriver, ils doivent s'y prendre à plusieurs reprises, et devant leurs mères désemparées, ils titubent, ils se cassent la gueule. Un jour d'anniversaire où j'avais dans les bras une nouvelle poupée, ma mère m'a frappée parce qu'elle en avait assez d'attendre la joie. Très tôt j'ai, compris que, dans la vie, il fallait être heureux ; depuis, je vis sous pression.
Folle de Nelly Arcan

Une fin de relation toxique et chaotique pleine d’aigreur et de regrets.

Cette lettre est mon cadavre, déjà, elle pourrit, elle exhale ses gaz. J'ai commencé à l'écrire le lendemain de mon avortement, il y a un mois.
Aujourd'hui, ça fait exactement un an qu'on s'est rencontrés.
Demain, j'aurai trente ans.

Des phrases plus courtes, posées, un style plus maîtrisé mais moins déconcertant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À Nova rue Saint-Dominique où on s'est vus pour la première fois, on ne pouvait rien au désastre de notre rencontre. Si j'avais su, comme on dit la plupart du temps sans dire ce qui aurait dû être su au juste, et sans comprendre que savoir à l'avance provoque le pire, si on avait pu lire dans les tarots de ma tante par exemple la couleur des cheveux des rivales qui m'attendaient au tournant et si de l'année de ma naissance on avait pu calculer que plus jamais tu ne me sortirais de la tête depuis Nova...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Ensuite j'ai eu peur de tout, j'ai eu peur qu'il soit comme toi, qu'en naissant le bébé ait déjà un passé rempli d'autres femmes. [...] Il me semblait qu'en venant de toi, cet enfant me quitterait.»
Devenant son propre personnage, Nelly Arcan, jeune romancière sulfureuse, écrit une lettre à l'homme qui l'a quittée. Histoire de conquête et d'abandon, de désir et d'humiliation entre une jeune femme québécoise et son amant français, consommateur de cyber-sexe et de coke. Elle s'y révèle amoureuse folle, folle de jalousie, folle de son corps haï, folle de la dictature planétaire de l'image.
Après le succès éblouissant de Putain, Nelly Arcan plonge une nouvelle fois dans la beauté d'un désespoir absolu

Putain

Nelly Arcan raconte sa vie avec des phrases longues comme les pages pour tenter de décrire tout ce qu’elle n’arrive pas à dire. Une lecture hypnotique qui parle d’une société malade, de la valorisation et marchandisation du corps, de la beauté et des choses.

Alors pour les antidépresseurs je ne dis pas non, en attendant que ma mère meure je veux bien prendre tout ce qu'on peut m'offrir, des comprimés bleus le jour et des blancs la nuit, je veux bien rire d'un faux rire et sans raison sous la pression de la dopamine, rire en attendant de trouver la force de me tuer,
Putain de Nelly Arcan

Un texte glaçant qui se déroule sans fin pour tenter de trouver… Mais trouver quoi dans toute cette putasserie ou les hommes paient pour baiser des jeunes femmes de l’âge de leurs filles ? Qu’un bain de mousse et un sac Hermès peuvent apporter du bonheur ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je n'ai pas l'habitude de m'adresser aux autres lorsque je parle, voilà pourquoi il n'y a rien qui puisse m'arrêter, d'ailleurs que puis-je vous dire sans vous affoler, que je suis née dans un village de campagne à la lisière du Maine, que j'ai reçu une éducation religieuse, que mes professeurs étaient toutes religieuses, des femmes sèches et exaltées devant le sacrifice qu'elles faisaient de leur vie, des femmes que je devais appeler mères et qui portaient un faux nom qu'elles devaient d'abord se choisir, sœur Jeanne pour Julie et sœur Anne pour Andrée, des sœurs-mères qui m'ont enseigné l'impuissance des parents à nommer leurs enfants, à les définir adéquatement auprès de Dieu, et que voudriez-vous savoir de plus, que j'étais somme toute normale, plutôt douée pour les études, que dans cette campagne de fervents catholiques où j'ai grandi on renvoie les schizophrènes aux prêtres pour qu'on les soigne par exorcismes, que la vie y est très belle lorsqu'on se contente de peu, lorsqu'on a la foi ? Et quoi encore, que j'ai joué du piano pendant douze ans et que j'ai voulu comme tout le monde quitter la campagne pour habiter la ville, que depuis je n'ai plus joué une note et que je me suis retrouvée serveuse de bar, que je me suis faite putain pour renier tout ce qui jusque-là m'avait définie, pour prouver aux autres qu'on pouvait simultanément poursuivre des études, se vouloir écrivain, espérer un avenir et se dilapider ici et là, se sacrifier comme l'ont si bien fait les sœurs de mon école primaire pour servir leur congrégation ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Cachée derrière les rideaux de sa chambre, une prostituée patiente entre deux clients. L'attente se nourrit du souvenir : une famille dévote, une mère absente et un père distrait. Et parfois la jouissance éprouvée avec ces hommes auxquels elle fait l'amour, ces hommes qu'elle déteste peut-être autant qu'elle-même. Un récit obsessionnel qui ressemble à un exorcisme désespéré pour se maintenir en vie

Le carnet écarlate : fragments érotiques lesbiens

Un bijou de petites phrases, pensées et anecdotes sur le désir et la jouissance.

Je ne suis que polissonne. J'attends de vieillir pour devenir vraiment vicieuse.
Le carnet écarlate : fragments érotiques lesbiens de Anne Archet

Le tout entrecoupé de (trop) rares illustrations de Mélanie Baillargé.

Elle lance le carnet écarlate sur la table de nuit tt s'approche de moi avec un sourire trop pincé pour être honnête.
- Alors ? Jusqu'à présent... tu aimes ?
Pour toute réponse, elle m'embrasse et me dit :
-J'adore me frotter à ton redoutable sens de la répartie, mais ta cuisse dégage beaucoup plus de chaleur.
Avec les dessins de Mélanie Baillargé

Une femme qui parle – avec beaucoup de style – de son amour des femmes, de sexe, de domination, de masturbations et autres infinis plaisirs lesbiens.

La violence du désir peut être une source de sérénité. Donne-moi ta chair en sacrifice, je lécherai longuement tes plaies après t'avoir mordue.

Un cadeau à mettre entre tous les doigts polissons sans les avertir

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? me demande-t-elle en feuilletant le carnet écarlate.
- Le meilleur de moi-même.
- Vraiment ?
Alors je dois lui faire l'amour. Elle lèche une page comme s'il s'agissait de mon sexe, effaçant petit à petit de sa salive tout ce que j'avais écrit, puis offre à ma bouche un petit bout de langue bleue. Vedette anarcha-féministe du wild wild web, Anne Archet fait son entrée officielle dans la littérature papier avec ce recueil joyeux et sans complexe. À la fois torride et tendre, cruel et hilarant, Le carnet écarlate réunit des centaines d'aphorismes et microrécits sulfureux mettant en scène l'érotisme lesbien sous toutes ses formes. Un livre cochon et féministe qui vous fera rire aux éclats, pour un public large (d'esprit).
Avec les dessins de Mélanie Baillairgé