Maigret et le client du samedi

Un homme – un faiblard que Maigret aimerait bien secouer – vient lui annoncer après pas mal d’hésitations qu’il va bien finir par tuer sa femme et son amant qui couchent dans son lit alors que lui est relégué au salon sur un lit pliable.

Ce fut un dimanche matin comme les autres, paresseux et vide, un
peu terne. Maigret avait l'habitude, ce jour-là, quand, par chance, il le passait chez lui, de faire la grasse matinée et, même s'il n'avait pas sommeil, il restait au lit, sachant bien que sa femme n'aimait pas « l'avoir dans les jambes » tant qu'elle n'avait pas fini le gros du ménage. 
Presque toujours, il l'entendait se lever avec précaution, vers sept heures, se glisser hors du lit, gagner la porte sur la pointe des pieds; puis il entendait le déclic du commutateur dans la pièce voisine et un trait lumineux se dessinait au ras du plancher. 
Il se rendormait, sans s'être éveillé tout à fait. Il savait que les choses se passaient ainsi et cette certitude pénétrait son sommeil.
Maigret et le client du samedi de Georges Simenon

Mais voilà que trois jours après, il disparaît.

Il mangea son rôti de veau sans appétit et sa femme se demanda pourquoi il lui disait tout à coup: 
 - Demain, tu nous feras des andouillettes...

Une enquête pas vraiment intéressante et qui tient avec des bouts de ficelles mais raconte une bien navrante histoire. Et si Maigret n’a pas beaucoup d’empathie pour les soumis, il semble franchement détester les forts-à-bras

Maigret 87/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Certaines images, sans raison, sans que nous y soyons pour rien, se raccrochent à nous, restent obstinément dans notre souvenir alors que nous sommes à peine conscient de les avoir enregistrées et qu'elles ne correspondent à rien d'important. Ainsi, sans doute, Maigret, des années plus tard, pourrait- il reconstituer minute par minute, geste par geste, cette fin d'après-midi sans histoire du Quai des Orfèvres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Léonard Planchon est un homme médiocre et faible, qui a repris, à la mort de son patron, une petite entreprise de peinture assez prospère. Plusieurs samedis consécutifs, on l'a vu à la P.J. faisant antichambre pour parler au commissaire Maigret, mais repartant toujours avant d'être reçu. Ce « client du samedi », comme on l'appelle au quai des Orfèvres, se présente – un samedi également – à l'appartement du commissaire ; il veut s'ouvrir à lui d'une idée qui l'obsède : tuer sa femme et son amant, Roger Prou, un bel homme, qui travaille chez Planchon où, peu à peu, il prend la place du patron

La colère de Maigret

Voilà donc un excellent Maigret ! Une intrigue pas trop compliquée, quelques chausses-trappes, un commissaire qui doute, un Maigret humain, véritable !

 - Cela fait un bout de temps... s'exclamait-il en regardant autour de lui, sa casquette à la main. Vous vous souvenez du Tripoli et de la Tétoune?
A deux ou trois ans près, les deux hommes devaient avoir le même âge.
- C'était le bon temps, dites donc!...
Il faisait allusion à une brasserie qui existait jadis rue Duperré, à portée de pierre du Lotus, et qui avait eu, avant la guerre, tout comme sa patronne, son heure de célébrité.
La Tétoune était une opulente Marseillaise qui passait pour faire la meilleure cuisine méridionale de Paris et qui avait l'habitude d'accueillir ses clients par de gros baisers et de les tutoyer.
C'était une tradition, en arrivant, d'aller la voir dans sa cuisine, et on rencontrait chez elle une clientèle inattendue.
La colère de Maigret de Georges Simenon

Et aussi un petit polar de rien du tout qui raconte Paris, un vieux Paris avec ses cabarets, sa faune interlope, ses petits brigands, et le milieu presque gentillet de Paris la nuit.

Avec une bonne grosse colère qui lui donne son titre… et sa saveur

Maigret 89/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était midi et quart quand Maigret franchit la voûte toujours fraîche, le portail flanqué de deux agents en uniforme qui se tenaient tout contre le mur pour jouir d'un peu d'ombre. Il les salua de la main, resta un moment immobile, indécis, à regarder vers la cour, puis vers la place Dauphine, puis vers la cour à nouveau.
Dans le couloir, là-haut, ensuite dans l'escalier poussiéreux, il s'était arrêté deux ou trois fois, faisant mine de rallumer sa pipe, avec l'espoir de voir surgir un de ses collègues ou de ses inspecteurs. Il était rare que l'escalier soit désert à cette heure mais cette année, le 12 juin, la P.J. avait déjà son atmosphère de vacances.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La colère de Emile Boulay, patron de plusieurs cabarets montmartrois, est découvert étranglé près du Père-Lachaise. Avec qui avait-il rendez-vous ? Pourquoi, quelque temps plus tôt, cet homme habituellement si économe a-t-il retiré 500 000 francs de son compte bancaire ? Peu à peu, Maigret reconstitue les faits et découvre que Boulay est soupçonné de n'être pas étranger à la mort d'un racketteur du nom de Mazotti. Et, lorsqu'il s'apercevra que son nom a été cité, dans une sordide escroquerie, comme celui d'un policier corruptible, sa colère éclatera...

Maigret hésite

Ce Maigret commence bien printanièrement, avec un commissaire qui goûte à un mois de mars ensoleillé.

 - Salut Janvier
 - Bonjour, patron. 
 - Bonjour, Lucas.
 - Bonjour, Lapointe...
En arrivant à celui-ci, Maigret ne pouvait s'empêcher de sourire. Pas seulement parce que le jeune Lapointe arborait un complet neuf, très ajusté, d'un gris pâle moucheté de minces fils rouges. Tout le monde souriait, ce matin-là, dans les rues, dans l'autobus, dans les boutiques.
On avait eu, la veille, un dimanche gris et venteux, avec des rafales de pluie froide qui rappelaient l'hiver, et soudain, bien qu'on ne fût que le 4 mars, on venait de se réveiller au printemps.
Certes, le soleil restait un peu acide, le bleu du ciel fragile, mais il y avait de la gaieté dans l'air, dans les yeux des passants, une sorte de complicité dans la joie de vivre et de retrouver la savoureuse odeur du Paris matinal.
Maigret hésite de Georges Simenon

Et le commissaire divisionnaire a bien l’intention d’en profiter.

Maigret tricha, ce jour-là. Il téléphona à sa femme qu'il était retenu par son travail. Il avait envie de fêter ce soleil printanier en déjeunant à la brasserie Dauphine où il s'offrit même un pastis au comptoir.
Si des emmerdements l'attendaient, comme disait Lapointe, tout au moins commençaient-ils d'une façon agréable.

Mais voilà qu’une lettre anonyme le prévient qu’un meurtre aura lieu pour une sorte de chronique d’une mort annoncée. Mais où, qui et quand ?

« Il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. »
 - Qu'en pensez-vous? questionnait le gnome en se penchant vers lui.
 - Je préfère ne pas être magistrat. Ainsi, je n'ai pas à juger...
 - Voilà ce que j'aime vous entendre dire...

Un opus qui plonge dans une famille bien aisée, pour un questionnement autour d’un fameux article 64 du code pénal français abrogé en mars 1994

Maigret 96/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Salut Janvier
- Bonjour, patron.
- Bonjour, Lucas. Bonjour, Lapointe...
En arrivant à celui-ci, Maigret ne pouvait s'empêcher de sourire. Pas seulement parce que le jeune Lapointe arborait un complet neuf, très ajusté, d'un gris pâle moucheté de minces fils rouges. Tout le monde souriait, ce matin-là, dans les rues, dans l'autobus, dans les boutiques.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Averti par lettre anonyme qu'un meurtre se prépare au domicile de l'avocat Emile Parendon, Maigret obtient de ce dernier l'autorisation de séjourner chez lui. Avec son inépuisable et patiente curiosité envers les êtres, le taciturne commissaire comprend vite tout ce qui sépare l'avocat, physiquement disgracié mais prodigieusement brillant, passionné par le thème de la responsabilité du criminel, et sa femme, grande-bourgeoise éprise de mondanités, qui ne l'empêche plus de chercher un réconfort affectif et moral auprès d'Antoinette, sa secrétaire.
Mais qui va tuer qui ? La présence de Maigret suffira-t-elle à conjurer le drame ?
Fascination pour les passions secrètes qui mûrissent derrière la façade des convenances et du quotidien ; imminence d'une mort annoncée, de plus en plus obsédante et palpable...

Maigret et l’affaire Nahour

Suite à ma précédente lecture, je remarquais l’image de Paris et de la France qu’offraient les Maigret. Sortes de photographies nous racontant la vie d’alors, les concierges, les relations de couples (et extra-conjugales) et la vie des hommes avec la consommation d’alcool ou du tabac (pas vraiment compatible avec la loi Évin)

Vingt minutes plus tard, Maigret, attablé en face de sa femme, dégustait une savoureuse choucroute à l'alsacienne comme on n'en trouve que dans deux restaurants de Paris. Le petit-salé était particulièrement « goûteux » et le commissaire avait ouvert des bouteilles de bière de Strasbourg.
La neige tombait toujours de l'autre côté de la fenêtre et il faisait bon être au chaud, sans avoir à s'aventurer sur les trottoirs glissants comme le port d'Amsterdam.
 - Fatigué ?
 - Pas trop.
Il ajouta après un silence, avec un regard un peu narquois à sa femme:
 - Au fond, un policier ne devrait pas être marié.
 - Pour ne pas devoir rentrer chez lui et manger de la choucroute ? répliqua-t-elle du tac au tac.
Maigret et l’affaire Nahour de Georges Simenon

Mais aujourd’hui, il est tout aussi intéressant de voir quel est la place des femmes chez Simenon. Certes, l’homme aux 10’000 femmes a déjà du tirer l’oeil là dessus. Reste qu’il est fort amusant de s’attarder sur Madame Maigret, son rôle d’épouse, de ménagère, de cuisinière (et quelle cuisinière, misère !), de confidente, de supportrice inconditionnelle ou chauffeuse (oui, elle a son permis de conduire, Monsieur non !).

Une fois dans son bureau, il ouvrit la porte de celui des inspecteurs. 
 - Lucas!... Janvier!... Lapointe!...
On aurait dit qu'ils l'attendaient tous les trois.
 - Mettez votre pardessus et venez avec moi...
Ils le suivirent sans lui demander où ils les conduisait. Quelques minutes plus tard, ils montaient les marches usées de la Brasserie Dauphine.
 - Alors, monsieur Maigret, cette affaire Nahour? lui lançait le patron.
Il regretta sa question, car le commissaire le regarda en haussant les épaules.
Il se hâta d'ajouter :
 - Vous savez, aujourd'hui, il y a de l'andouillette...

Et la cuisine française !

Un meurtre dans le monde du jeu, celui de l’illusion et du mensonge

Maigret 91/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il se débattait, acculé à se défendre puisqu'on l'empoignait traîtreusement par l'épaule. Il tenta même de frapper du poing, avec l'humiliante sensation que son bras ne lui obéissait pas et restait mou, comme ankylosé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En pleine nuit, le docteur Pardon alerte son ami Maigret : un inconnu vient de lui amener une jeune femme, Lina, légèrement blessée par balle. Puis le couple a disparu ; donnant de la blessure une explication très sommaire... Le lendemain, un Libanais du nom de Félix Nahour, joueur professionnel, est découvert assassiné, dans son hôtel particulier. Il n'était autre que le mari de la jeune. femme, dont la police retrouve la trace à Amsterdam, où elle s'est enfuie avec son amant, Vicente, un étudiant colombien. Nahour a-t-il tiré sur sa femme, comme celle-ci le prétend, parce qu'elle voulait demander le divorce ? Faut-il croire le secrétaire de Nahour, aux yeux de qui le meurtrier est évidemment l'amant de Lina ? Maigret ne parvient pas à : se contenter de ces explications trop claires. Il lui faudra toute son intuition pour comprendre la mentalité des étrangers dont il s'occupe, et tout son. ascendant pour leur faire avouer peu à peu la vérité

Le voleur de Maigret

Les Maigret sont de véritables capsules temporelles. Ils nous racontent Paris et la France des années 30 à 60 (à peu de choses près, mais sans la guerre). Une époque où les hommes portaient un chapeau, fumaient la pipe et des cigarettes partout où c’était possible (et c’était possible partout !). Ces années qui verraient arriver les yéyés et sonnerait la fin des maisons closes.

Il avait eu la chance de voir arriver un autobus à plate-forme, ce qui était déjà un sujet de satisfaction. Ces voitures devenaient de plus en plus rares, car on les retirait peu à peu de la circulation, et bientôt il serait obligé de vider sa pipe avant de s'enfermer dans un de ces énormes véhicules d'aujourd'hui où on se sent prisonnier.
Le voleur de Maigret de Georges Simenon

Les concierges étaient omniprésentes (oui, souvent des femmes) et seraient bientôt remplacées par des digicodes et des cameras de surveillance. Une époque où le petit vin blanc démarrait la journée et où les hommes pichtronnaient du matin jusqu’au soir (le commissaire le premier !).

 - Je suis à votre disposition...
Maigret lui désigna le bistrot du bougnat.
 - Vous ne voulez rien boire?
 - Non, merci.
Dommage, car Maigret aurait volontiers commencé cette journée printanière par un petit vin blanc.

Ici, c’est une histoire un peu alambiquée (pas forcément le meilleur opus) dans laquelle le commissaire commence par se faire voler son portefeuille avec sa médaille !

Le jeune homme désignait à Maigret la porte, fermée celle-ci, qui se trouvait devant eux et le commissaire fit ce qu'on lui demandait.
Son compagnon ne s'enfuit pas. L'odeur, pourtant, était écœurante, malgré la fenêtre ouverte.
Près d'un divan transformé en lit pour la nuit, une femme était étendue sur le tapis marocain à dessins multicolores et des mouches bleues tournoyaient en bourdonnant autour d'elle.

S’en suit une plongée dans le monde des petites mains du cinéma, auteurs en devenir, petit producteurs et starlettes prêtes à tout pour un petit rôle. Tiens, rien n’aurait changé ou oserait-on croire que #metoo viendra casser tout ça ?

La plupart sont prêtes à tout pour obtenir un bout de rôle.
 - C'est exact.
 - Je crois savoir qu'il vous arrive d'en profiter ?
 - Je ne m'en cache pas...
 - Même de Nora?
 - Je vais vous expliquer... Que je profite de temps à autre, comme vous dites, d'une jolie fille, Nora ne s'en inquiète pas trop, à condition que ce soit sans lendemain... Cela fait partie du métier... Tous les hommes en font autant, sauf qu'ils n'ont pas tous les mêmes occasions... Vous-même, commissaire...
Maigret le regarda lourdement, sans sourire.

Maigret 94/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Pardon, Monsieur...
- De rien...
C'était la troisième fois au moins, depuis le coin du boulevard Richard-Lenoir, qu'elle perdait l'équilibre, le heurtait de son épaule maigre et lui écrasait son filet à provisions sur la cuisse.
Elle demandait pardon du bout des lèvres, ni confuse, ni navrée, après quoi, elle se remettait à regarder droit devant elle d'un air à la fois tranquille et décidé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un matin, sur la plate-forme d'un autobus, on vole le portefeuille de Maigret. Le matin suivant, son portefeuille lui est restitué par la poste et il reçoit un appel téléphonique du voleur lui demandant un rendez-vous. Maigret s'y rend et apprend de son voleur, François Ricain, que sa femme, Sophie, a été assassinée

Maigret

Les Maigret, il y en a des bons et des autres. C’est plutôt un autre. Une nouvelle, en fait.

Maigret haussa les épaules, enfonça ses mains dans ses poches et s'éloigna sans répondre. Il venait de passer une des plus sales journées de sa vie. Des heures durant, dans son coin, il s'était senti vieux et mou, sans ressort, sans idée.
Le décalage s'était produit. Une petite flamme avait jailli. Mais il fallait en profiter tout de suite.
 - On verra bien, nom de Dieu! grogna-t-il pour achever de se donner confiance.
Les autres jours, à cette heure-là, il lisait son journal, sous la lampe, les jambes allongées vers les bûches.
Maigret de Georges Simenon

Pourtant, il y a plusieurs éléments amusants, à commencer par le titre de ce Maigret intitulé Maigret. Oui, simplement !

Il s'essuya la bouche du revers de la main, tapota la table avec une pièce de monnaie pour appeler le garçon.
 - Laissez ça ! C'est ma tournée.
 - Si tu veux. On boira la mienne quand ce sera fini. Au revoir, Lucas.
 - Au revoir, patron.
La main de Lucas s'attarda une seconde dans la main rugueuse de Maigret
 - Prenez garde quand même, dites!
Et Maigret, debout, de prononcer à voix haute : 
 - J'ai horreur des couillons!
Il s'éloigna tout seul, à pied. Il avait le temps, puisqu'il ne savait même pas où il allait.

Mais aussi parce que cette nouvelle écrite en 1934 (au tout début, donc) se passe après la retraite du commissaire.

Et le voilà forcé de quitter ses campagnes pour aider son neveu (policier, lui aussi) coincé dans une sombre affaire de meurtre.

Maigret 19/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avant d'ouvrir les yeux, Maigret fronça les sourcils, comme s'il se fût méfié de cette voix qui venait lui crier tout au fond de son sommeil :
- Mon oncle !...
Les paupières toujours closes, il soupira, tâtonna le drap de lit et comprit qu'il ne rêvait pas, qu'il se passait quelque chose puisque sa main n'avait pas rencontré, là où il eût dû être, le corps chaud de Mme Maigret.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Avant d'ouvrir les yeux, Maigret fronça les sourcils, comme s'il se fût méfié de cette voix qui venait lui crier tout au fond de son sommeil :
- Mon oncle ! ...
Les paupières toujours closes, il soupira, tâtonna le drap de lit et comprit qu'il ne rêvait pas, qu'il se passait quelque chose puisque sa main n'avait pas rencontré, là où il eût dû être, le corps chaud de Mme Maigret. Il ouvrit enfin les yeux. La nuit était claire. Mme Maigret, debout près de la fenêtre à petits carreaux, écartait le rideau cependant qu'en bas quelqu'un secouait la porte et que le bruit se répercutait dans toute la maison.
- Mon oncle ! C'est moi...

Maigret chez le ministre

Appelé au secours en toute discrétion par un ministre pris dans un traquenard, Maigret va devoir se mêler des jeux de pouvoirs au milieu des journalistes et sous la pression de l’impatiente opinion publique.

Il n'osait pas, tout de suite, poser ces questions-là. Il avait devant lui un homme effondré et il sentait que ce n'était pas par faiblesse. En le regardant, Maigret était pénétré d'un sentiment complexe, fait d'écœurement et de colère, de découragement aussi.
Une fois dans sa vie, il s'était trouvé dans une situation similaire, encore que moins dramatique, et c'était venu aussi d'une affaire politique. Il n'y était pour rien. Il avait agi exactement comme il devait le faire, s'était conduit, non seulement en honnête homme, mais selon son strict devoir de fonctionnaire.
Il n'en avait pas moins eu tort aux yeux de tous ou de presque tous. Il avait dû passer devant un conseil de discipline et, comme tout était contre lui, on avait été obligé de lui donner tort.
C'est à cette époque-là qu'il avait quitté momentanément la P.J. et s'était vu exilé pendant un an à la Brigade mobile de Luçon, en Vendée, justement, le département que Point représentait à la Chambre.
Maigret chez le ministre de Georges Simenon

Et il aime pas ça, le Jules ! Mais voilà, il va bien falloir qu’il s’y coltine !

Une main toucha doucement son épaule en même temps qu'une voix soufflait à son oreille :
 - Maigret ! Il est sept heures.
L'odeur de la tasse de café que sa femme tenait à la main lui montait aux narines. Ses sens et son cerveau se mettaient à fonctionner un peu à la façon d'un orchestre quand, dans la fosse, les musiciens essaient leurs instruments. Il n'y avait pas encore coordination. Sept heures, donc un jour différent des autres, car il se levait d'habitude à huit. Sans ouvrir les paupières, il découvrait qu'il y avait du soleil, alors que la journée de la veille avait été brumeuse.

Un bon Maigret, sans mort (tiens, c’est plutôt rare) dans lequel on apprend que le réveil du commissaire, c’est Madame et son café

Maigret 74/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le rapport de feu Calame
Comme toujours quand il rentrait chez lui le soir, au même endroit du trottoir, un peu après le bec de gaz, Maigret leva la tête vers les fenêtres éclairées de son appartement. Il ne s'en rendait plus compte. Peut-être, si on lui avait demandé à brûle-pourpoint s'il y avait de la lumière ou non, aurait-il hésité à répondre. De même, par une sorte de manie, entre le second et le troisième étage, commençait-il à déboutonner son pardessus pour prendre la clef dans la poche de son pantalon alors qu'invariablement la porte s'ouvrait dès qu'il posait le pied sur le paillasson.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le commissaire Maigret est ici confronté à une sombre affaire politique - un monde qu'il n'a jamais aimé. Un sanatorium pour enfants s'est écroulé par suite d'un glissement de terrain, causant des dizaines de morts. Peu de temps après le drame, la rumeur court qu'un rapport technique avait nettement mis en garde les pouvoirs publics contre le danger. Ce rapport a été remis à Auguste Point, nouveau ministre des Travaux publics, mais le document lui a été volé la nuit suivante. Ses adversaires politiques l'accusent déjà de l'avoir fait disparaître afin de protéger les responsables du désastre. Il fait officieusement appel à Maigret pour retrouver le rapport. Parlementaires corrompus, presse de chantage, cynisme des puissants...

Le commissaire explore de sinistres coulisses. Ce tableau de mœurs n'a pas vieilli, et le drame d'Auguste Point - un homme intègre, dévoué à son pays, légèrement naïf et piégé - rappellera aux lecteurs des affaires plus récentes

Maigret et le tueur

Encore un excellent Maigret ! Décidément les derniers écrits me semblent tellement plus riches que les premiers !
Dans cette enquête on retrouve l’amour de de l’auteur pour Paris et ses canaux, ses péniches, ses quartiers et ses petites ruelles.

Maigret n'avait pas encore vu la sœur du mort, que la famille appelait Minou, et qui, paraît-il, avait de curieuses fréquentations.
Les trains de péniche glissaient lentement sur la Seine grise et les remorqueurs baissaient leur cheminée au moment de passer sous le pont Saint-Michel.
Maigret et le tueur de Georges Simenon

Une enquête avec un petit twist qui débouche sur un tueur fort attachant ?!? Car oui, Maigret ne juge généralement pas, il laisse ce soin à la justice.

Ils avaient beau avoir une voiture depuis un an - que Maigret n'avait jamais conduite -, Mme Maigret préférait s'en servir le moins possible dans Paris. Ils l'utilisaient surtout, le samedi soir ou le dimanche matin, pour gagner Meung-sur-Loire où ils avaient leur petite maison.
Quand je prendrai ma retraite...
Parfois on pouvait croire que Maigret, pressé de la prendre, comptait les jours. D'autres fois, on sentait chez lui une certaine panique à la perspective de quitter le Quai des Orfèvres.
Jusqu'à trois mois plus tôt, l'heure de la retraite, pour les commissaires, était de soixante-cinq ans et il en avait soixante-trois.

Un roman qui m’a pas mal fait rire (jaune) aujourd’hui, alors que toute la France revendique la conservation des acquis sociaux sur les retraites. A deux ans de la retraite, Maigret apprend qu’il va écoper de trois ans de malus. Bim ! (Et personne ne moufte ?)

Un nouveau décret venait de tout changer et de porter cette retraite à soixante-huit ans...
Dans certaines rues, le brouillard était plus épais que dans d'autres et les voitures roulaient lentement, une auréole autour de leurs phares.

Un polar avec des voleurs de tableaux, un psychopathe au couteau, une famille richissime, une serveuse amoureuse, Madame Maigret (qui conduit la voiture !), des sandwiches et des bières…

Maigret 98/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pour la première fois depuis qu'ils dînaient chaque mois chez les Pardon, Maigret devait conserver de cette soirée boulevard Voltaire un souvenir presque pénible.
Cela avait commencé boulevard Richard-Lenoir. Sa femme avait commandé un taxi par téléphone, car il pleuvait, depuis trois jours, comme, selon la radio, il n'avait pas plu depuis trente-cinq ans. L'eau tombait par rafales, glacée, vous fouettant le visage et les mains, collant les vêtements mouillés au corps.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Antoine Batille a-t-il payé de sa vie - sept coups de couteau - sa curieuse habitude d'enregistrer au magnétophone les conversations d'inconnus? De fait, l'écoute de la dernière bande livre très vite à la police une équipe de voleurs de tableaux.
Mais pourquoi l'assassin n'a-t-il pas dérobé cet enregistrement compromettant? Et quel est l'inconnu qui téléphone à Maigret, indigné que les journaux accusent les trafiquants de ce meurtre?
C'est chez lui, boulevard Richard-Lenoir, que le commissaire Maigret entendra la confession de l'assassin. Une confession à la fois pathétique et dérisoire, qui lui révèle le drame de toute une vie...

Maigret et son mort

Un excellent mort que voilà ! Avec presque du suspense, des coups de feu, des rebondissements et même… des sentiments.

 - Allons voir le vieux singe! soupira Maigret, qui n'avait jamais pu sentir le juge Coméliau.
Il savait fort bien que celui-ci l'accueillerait par une phrase glacée qui constituerait à ses yeux le plus cinglant des reproches :
« Je vous attendais, monsieur le commissaire... »
Il aurait été capable de dire:
« J'ai failli attendre... »
Maigret s'en moquait éperdument.
Depuis deux heures et demie du matin, Maigret vivait avec son mort.
Maigret et son mort de Georges Simenon

Et tout le monde est là ! Maigret et Madame, Moers de l’identité judiciaire, les éternels Lucas, Janvier, Lapointe, Torrence, un juge toujours impatient et des criminels bien méchants, des indics, des barmans, des hôtels miteux aux patrons louches, des petits brigands et des danseuses… Et bien sûr, des nuits blanches à la bière et sandwichs.

Il hésita en montant dans la voiture. Est-ce qu'il n'avait pas dormi la nuit précédente ? N'avait-il pas eu trois jours et trois nuits pour se reposer pendant sa fameuse bronchite ? Moers avait-il le temps de dormir?
 - Où est-ce que nous trouverons quelque chose d'ouvert? questionna-t-il.
Il avait faim, tout à coup. Faim et soif. L'image d'un verre de bière bien fraîche, à la mousse argentée, lui faisait monter l'eau à la bouche.
 - En dehors des boîtes de nuit, je ne vois guère que La Coupole, ou les petits bistrots des Halles.
Il le savait. Pourquoi avait-il posé la question? 
 - A La Coupole.

Un polar bien équilibré avec, une fois n’est pas coutume, une fin touchante

Maigret 54/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Pardon, madame...
Après des minutes de patients efforts, Maigret parvenait enfin à interrompre sa visiteuse...
- Vous me dites à présent que votre fille vous empoisonne lentement...
- C'est la vérité...
- Tout à l'heure, vous m'avez affirmé avec non moins de force que c'était votre beau-fils qui s'arrangeait pour croiser la femme de chambre dans les couloirs et pour verser du poison soit dans votre café, soit dans une de vos nombreuses tisanes...
- C'est la vérité...
- Néanmoins... - il consulta ou feignit de consulter les notes qu'il avait prises au cours de l'entretien, lequel durait depuis plus d'une heure - vous m'avez appris en commençant que votre fille et son mari se haïssent...
- C'est toujours la vérité, monsieur le commissaire.
- Et ils sont d'accord pour vous supprimer ?
- Mais non! Justement... Ils essayent de m'empoisonner séparément, comprenez-vous ?...
- Et votre nièce Rita ?
- Séparément aussi...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Pardon, madame...
Après des minutes de patients efforts, Maigret parvenait enfin à interrompre sa visiteuse...
- Vous me dites à présent que votre fille vous empoisonne lentement...
- C'est la vérité...
- Tout à l'heure, vous m'avez affirmé avec non moins de force que c'était votre beau-fils qui s'arrangeait pour croiser la femme de chambre dans les couloirs et pour verser du poison soit dans votre café, soit dans une de vos nombreuses tisanes...
- C'est la vérité...
- Néanmoins... - il consulta ou feignit de consulter les notes qu'il avait prises au cours de l'entretien, lequel durait depuis plus d'une heure - vous m'avez appris en commençant que votre fille et son mari se haïssent...
- C'est toujours la vérité, monsieur le commissaire.
- Et ils sont d'accord pour vous supprimer ?
- Mais non ! Justement... Ils essayent de m'empoisonner séparément, comprenez-vous ?...
- Et votre nièce Rita ?
- Séparément aussi...

Maigret et l’homme du banc

Tiens, voilà une enquête où l’on ne croise que des innocents (enfin… presque). Maigret et ses collaborateurs interrogent, fouinent, cherchent, mais aucun coupable crédible ne semble apparaître.

Tandis qu'il montait dans la voiture, les deux femmes le regardaient par-dessus les layettes et les lainages blancs et roses.
 - Où allons-nous, patron ? 
Il était onze heures du matin.
 - Arrête au premier bistrot.
 - Vous en avez un à côté du magasin.
Une pudeur l'empêchait d'entrer dans celui-là, sous les yeux de Léone.
 - Tourne le coin de la rue.
Il voulait téléphoner à M. Kaplan, chercher dans le Bottin l'adresse exacte de M. Saimbron, quai de la Mégisserie.
Par la même occasion, puisqu'il avait commencé sa journée par un calvados, il en but un autre au comptoir.
Maigret et l’homme du banc de Georges Simenon

Simenon ne va quand même pas nous faire le coup du coupable surprise qu’il sort de sa manche juste à la fin et bim ?

Maigret alla tisonner le poêle, bourra une pipe et, pendant près d'une heure, se plongea dans de la besogne administrative, annotant des pièces, en signant d'autres, donnant quelques coups de téléphone sans intérêt.
 - Je peux entrer, patron?
C'était Santoni, tiré à quatre épingles selon son habitude, et, comme toujours aussi, répandant une odeur de coiffeur qui faisait dire à ses collègues :
 - Tu sens la putain! 
Santoni était frétillant.
 - Je crois que j'ai découvert une piste. 
Maigret, sans s'émouvoir, le regarda de ses gros yeux troubles.

Mais non, ça tient la route, cet homme du banc est un bon Maigret, un poil atypique, mais d’une brillante et surprenante construction !

Maigret 69/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les souliers jaunes
Pour Maigret, la date était facile à retenir, à cause de l'anniversaire de sa belle-sœur, le 19 octobre. Et c'était un lundi, il devait s'en souvenir aussi, parce qu'il est admis au Quai des Orfèvres que les gens se font rarement assassiner le lundi. Enfin, c'était la première enquête, cette année-là, à avoir un goût d'hiver.
Il avait plu tout le dimanche, une pluie froide et fine, les toits et les pavés étaient d'un noir luisant, et un brouillard jaunâtre semblait s'insinuer par les interstices des fenêtres, à tel point que Mme Maigret avait dit :
- Il faudra que je pense à faire placer des bourrelets.
Depuis cinq ans au moins, chaque automne, Maigret promettait d'en poser le prochain dimanche.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Comment Louis Thouret, marié, habitant Juvisy et magasinier de son état, a-t-il pu finir tué d'un coup de couteau dans une impasse proche du boulevard Saint-Martin ? C'est en se posant cette question que Maigret va découvrir une existence étrange, la double vie d'un homme très ordinaire.
Depuis longtemps, Thouret était pour sa femme un inconnu. Depuis longtemps, il n'était plus magasinier. Depuis longtemps, il mentait, mû par une crainte dérisoire et plus forte que tout. À quelle déchéance progressive ce mensonge initial a pu conduire le défunt, c'est ce que Maigret comprendra peu à peu, en explorant une de ces vies à la fois ordinaires et mystérieuses qu'excelle à camper Georges Simenon