Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Après un tome trois qui m’avait vraiment laissé sur ma faim (mais peut-être étais-je mal luné ce jour-là), voilà un brillant quatrième opus.
On y retrouve tout ce qui a fait le génie (si, si) des premiers albums, une vision de notre société tout aussi absurde qu’elle peut l’être.
Nous sommes fous ! Merci de nous l’avoir démontré !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je voudrais une baguette, s'il vous plait.
Ça fera 10 euros, Madame.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Vu le prix de l'électricité, les pauvres ont-ils encore les moyens de s'électrocuter ? Comment s'opérer tout seul de l'appendicite grâce à Internet ? Peut-on trouver un travail fictif à mi-temps ? Où trouver le temps de faire un burn-out quand on est débordé ?
Emmanuel Reuzé revient avec un tome 4 encore plus grinçant qui maltraite la bêtise ordinaire de notre société.
Régis Jauffret a le don de s’intéresser au pire. Au pire du pire, aux saletés et à la merde. Claustria m’avait choqué et retourné. Là encore, il s’attaque a un indicible.
Enfin… il ne s’y atèle pas directement. Cette fois-ci il s’y prend par la bande, il remonte plus loin pour voir à l’origine des pires travers et (les psy tous en cœur approuveront), quel coupable plus facile et évident que la mère ?
Mais, Régis ne cède pas à la facilité. Si c’est bien dans le ventre de Klara que grandit le futur génocidaire, c’est plus de l’entourage dont il est sujet. Bondieuserie, clergé culpabilisateur, mari abusif et manipulateur (et un peu consanguin…), isolement et rabaissement systématique…
De quoi devenir fou et…
Un livre dans un milieu sale et puant. Terreau fertile pour annoncer pire encore
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) De juillet 1888 à avril 1889, Klara Hitler porte dans son ventre celui qui est destiné à devenir l'incarnation du mal absolu.
Pour la première fois, la mère du monstre prend la parole sous la plume magistrale de Régis Jauffret, et nous confie le récit de sa grossesse funeste.
Neuf mois de violence et de religiosité étouffante, desquels naîtra celui qui incarnera le nazisme et la Shoah. Neuf mois durant lesquels Klara est traversée, habitée, possédée déjà par l'innommable, partagée entre l'amour pour son enfant à venir et les visions qu'elle reçoit malgré elle des crimes que ce fœtus, une fois devenu homme, commettra contre l'humanité tout entière.
Peu d'auteurs ont su explorer l'indicible avec le génie narratif dont fait preuve Régis Jauffret. Lui seul pouvait faire ce voyage dans les abysses, avec la conscience que seule la littérature peut explorer profondément l'âme humaine.
S’agit-il d’un prospectus de l’office du tourisme de Séoul ou manuel pour apprendre à gérer son diabète sans stress ?
Agréable et facile à lire, souvent drôle, ce petit livre reste en surface de toute problématique. Reste un joli voyage à Séoul pour y découvrir quelques curiosités et, pourquoi pas, stimuler les volontés touristiques…
Mais cette fin, misère ? Vite, entamons notre Glucose révolution avec Jessie Inchauspé ? Non ! Là, c’est trop
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le diagnostic était tombé. Il allait devoir modifier drastiquement ses habitudes, lui qui ne s'était jamais amusé à les définir avec précision.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Un jeune Français, enfant adopté, solitaire et apathique, passe son temps devant un écran d’ordinateur. Adepte de jeux vidéo et de junk food, il se soucie peu de sa santé, jusqu’au jour où il apprend qu’il a du diabète et qu’il doit modifier fondamentalement son hygiène de vie. Il décide alors de partir en Corée pour y pratiquer le taekwon- do, bénéficier de la saine gastronomie de la péninsule et, par la même occasion, découvrir sa culture d’origine.
Loin d’être une énième variante sur la quête identitaire d’un individu déraciné́, ce roman réjouissant, à la fois mélancolique et tendre mais non dénué́ d’ironie, relate l’histoire d’une renaissance, sans faits glorieux ni émotions de pacotille.
Une histoire de proche aidant. Une fille et sa mère dans la souffrance, la dépression et l’envie d’en finir.
Une narration originale entre roman et poème, un style décousu qui exprime à lui tout seul le désarroi et la perte de repères.
Un relation fille-mère réunies par la violence de la maladie
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) un jour d'été, un jour de joie
deux ans ça se fête tu me diras
je ferai tout pour être là
nous sommes trois jours avant
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) De retour dans son pays natal après une longue absence, une femme prend soin de sa mère tombée malade. La veille de son hospitalisation, sa fille lui fait une promesse : l’emmener à Montauk, quand tout ira mieux. Mais comment voguer jusque-là ?
Boussole pour éviter la chute et déjouer l’urgence, l’écriture dessine la route vers ce lieu inconnu, au détour des trajets et des souvenirs réveillés par les souffrances de la mère. Montauk se révèle être une utopie du calme, du bruit aboli, de la parole retrouvée. Un lieu où, enfin, entre une mère et une fille, tout est simple.
Journal d’une tempête, Voir Montauk est une déclaration d’amour, où l’ironie et la poésie fendent la glace clinique des hôpitaux.
"mais il faut d’abord que j’apprenne ta mort, que j’apprenne à te laisser mourir, que j’arrête de dire non comme le font toujours les mamans"
Une histoire de village, d’Italie et de guerre. Une histoire de haines ancestrales, de jalousies, de rivalités et… au milieu, un terreau fertile pour les amours interdites des jeunesses qui se découvrent.
Malgré plusieurs époques et leur traitement un peu brouillon (ou trop emmêlé pour moi), le style et la passion emportent ce livre très touchant.
Il ne manque qu’un balcon pour se croire à Vérone…
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Lundi 6 septembre 1943
Premier jour d'école. Je ne sais pas si je tiendrai. Ils m'ont amené leurs gosses avec une méfiance de paysans obtus et coincés. C'est parce que je ne suis pas d'ici. Et que je suis une femme.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) "Dans ma famille, aucun évènement, pas même la guerre, ne pouvait enfreindre les certitudes d’un nom qui se savait fort pour sa discrétion, sa respectabilité. Aucune faute, commise ou non, ne serait jamais avouée. On trouverait le moyen de l’étouffer, de la rendre invisible et non advenue.
C’est ainsi que les histoires de famille, racontées à demi-mot par des tantes radoteuses, réchappées à l’enclos du silence pendant les fugues de mon enfance, constituèrent, à l’insu de tous, les vraies bases de mon éducation."
Âpre et rude est la vie à Rocca Patrizia ; frustres et obtus sont ses habitants. Dans cette atmosphère où l’on s’observe, se toise et se jalouse évoluent les familles du village. Leurs liens se dévoilent subtilement au fil des pages. Simona Brunel-Ferrarelli redonne vie avec fougue à cette Italie d’autrefois, aussi dramatique qu’envoûtante. Un roman que porte une écriture musicale et charnelle.
Très amusé par sa Patate chaude, c’est avec joie que je suis tombé sur le livre précédent de Marie Beer. Et quelle surprise, quelle claque ! Je me suis fait prestidigiter en toute beauté !
On suit ici le docteur Wilson, sa femme et sa patiente Sagama. Une histoire que l’on découvre au travers du journal du docteur harcelé tant par son épouse délaissée que par Sagama, suicidaire, abusée par son beau père, fragile, dépendante, instable, fugueuse, manipulatrice et qui dialogue avec des anges… Folle ?
Et ?
Et ce livre m’a retourné la tête !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Samedi 19 juillet 2014
J'ai offert ce jour à mon épouse un joli carnet auquel confier ses tourments. C'était une manière, peut-être malhabile, d'excuser ma suractivité professionnelle des derniers mois, vécue par elle comme un délaissement. Il m'arrive de conseiller à mes patients de coucher leurs maux par écrit avec des résultats très positifs. Un adolescent affronte ainsi un parent tyrannique sans risque de conflit.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Entouré d'une épouse un peu trop parfaite et d'un cercle social désespérément conformiste, le docteur Wilson, un psychiatre quinquagénaire, se réfugie dans l'écriture de son journal. Il y retrace la psychose de Sagama, une jeune patiente dont la disparition l'inquiète et dont la personnalité le fascine malgré lui... Un texte subtil, intense et drôle qui, au fil des pages, bouscule les représentations conventionnelles de la folie.
Voilà clairement le livre le plus américain d’une autrice suisse que j’ai pu lire.
OK, Pour le côté ricain, le livre se passe au États-Unis et la riche famille Haynes qui se prélasse au bord de la piscine donnent immédiatement un ton à la Bret Easton Ellis (la coke en moins), ou alors une famille à la Meet Joe Black (les névroses en plus). Mais il y a plus que ça. L’écriture, le style et récit très scénarisé, quasi cinématographique qui navigue constamment entre différentes périodes brosse un tableau très étasunien de cette famille dysfonctionnelle.
Une très belle réussite que cette noyade dans une famille étouffée par les secrets et les non-dits
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Dans la lumière déclinante de l'après-midi, les gouttes d'eau, brièvement suspendues dans l'air, prennent l'apparence de minuscules perles étincelantes. Une série d'empreintes de pieds humides, en bordure de la piscine, s'évapore lentement sous la chaleur de juillet. Depuis la terrasse résonne le tintement des couverts contre les assiettes, des chaises qu'on déplace.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Les enfants Haynes et leurs conjoints sont réunis autour d'Elizabeth, la matriarche charismatique. En apparence, la dynastie incarne la success-story américaine. Mais à vouloir se conformer à cette image de réussite, ils se sont enfermés dans des rôles de composition. Combien de temps pourront-ils encore taire leurs mensonges et leurs trahisons sans en payer le prix ? Accepteront-ils de tomber les masques dès lors qu'une tragédie les frappe ?
Jean est médecin et il voit passer bien des patients. A chaque fois, c’est une fenêtre sur leur intimité qu’ils ouvrent. Une tranche de vie qui se dévoile au travers d’une maladie transactionnelle.
Au fil de ce livre d’une grande tendresse, c’est aussi le médecin qui se dévoile avec ses peurs, ses douleurs et ses culpabilités… Mais aussi ses convictions, son féminisme, son homosexualité et toutes ses rages et colères.
Alors oui, c’est parfois un peu mielleux-mélo-sirupeux, mais c’est aussi souvent bien drôle. La vie d’un médecin qui ne peut pas sauver tous ses patients et qui peine aussi à se sauver lui-même
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) C'est un petit cabinet médical. On y accède après avoir traversé un couloir en crépi beige, très beige, puis longé un patio fleuri, très fleuri. Parfois, ça sent les fleurs séchées, parfois rien du tout.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Jean a trente-six ans. Il fume trop, mâche des chewing-gums à la menthe et fait ses visites de médecin de famille à vélo. Il a supprimé son numéro de portable sur ses ordonnances. Son cabinet médical n'a plus de site Internet. Il a trop de patients : jusqu'au soir, ils débordent de la salle d'attente, dans le couloir, sur le patio.
Tous les jours, Jean entend des histoires. Parfois il les lit directement sur le corps des malades. Il lui arrive de se mettre en colère. Mais il ne pleure jamais. Ses larmes sont coincées dans sa gorge. Il ne sait plus comment pleurer depuis cette nuit où il lui a manqué six minutes.
Une petite fille raconte son arrivée en Suisse, depuis l’ex-Yougoslavie.
Elle parle de ses découvertes, du goût du lait et de la Bündnerfleisch… Mais aussi de l’absence du père qui lui… s’est retrouve à la Hague […]
Un petit (vraiment tout petit) morceau de tendresse et d’émotions toutes aussi contradictoires que viscérales…
Un livre au curieux début qui, finalement, éclaire toute l’histoire
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je me souviens très bien de notre arrivée en Suisse. Il faisait gris. 13°C. Les douaniers parlaient une langue bizarre comme dans les films sur la guerre mondiale et quand ils nous ont mis contre le mur j'ai regardé mama et elle m'a dit de sourire.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Une petite fille arrive en Suisse avec sa mère pour fuir la guerre. Ballottée entre les langues, les souvenirs et les combines de survie, elle raconte son nouveau quotidien, marqué par la Bündnerfleisch et le chocolat. Mais une question se fait lancinante : où est passé son père ?
Avec un tact d’une rare maîtrise, Ed Wige aborde les sujets graves que sont l’exil et les conséquences de la guerre, sous l’apparence de la légèreté. Un texte plein de malice.
Il y a la forme et il y a le fond. La forme est superbe, l’édition, la typo, la mise en page, l’écriture et le style sont soignés, presque précieux.
Pour ce qui est du fond… désolé, je n’y ai pas compris grand-chose. Ébahi par le style, gêné par une lecture trop rapide ou handicapé par un manque de culture littéraire, religieuse ou historique je n’ai pas réussi à comprendre où Alice Bottarelli avait souhaité m’emporter.
Une histoire moyenâgeuse un peu surréaliste au drôle style impressionnant où je n’ai (je l’avoue) pas dû (su) comprendre ou saisir tout ce qui était proposé.
Imier, le saint patron des orphelins ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le petit Rodogune, dont l'éloignement de la mer et de son air iodé ainsi que le vent continu qui descend la vallée avaient eu sur le cerveau un effet dévastateur, le privant de certaines facultés de raison, comme à vrai dire un certain nombre d'autres habitants de la région, profita d'un instant de distraction de sa sœur qui avait craint que la soupe brusquement ne brûlât, s'échappa de la cuisine pour filer à travers le potager puis le champ où le second mari de sa mère entre deux gros bœufs était occupé au labour, sa mère le dos courbé sur un poireau le voyant courir, puis bientôt courant après lui, et criant, passa entre la charrue et les bœufs qui d'un même élan se retournèrent et se retrouvèrent avant celle-ci, inversion à la source d'un proverbial désordre et d'un affolement total des bêtes, qui quittèrent le chemin de terre puis le champ pour s'enfuir vers la grand-route au grand dam de leur propriétaire terrifié; l'enfant, les animaux, la charrue puis la mère criant affluèrent dans cet ordre courant sur la grand-route chassés comme par un furieux démon, lorsque saint Imier, pèlerin et missionnaire mais non encore saint en vérité au moment où commence ce récit, Imier donc, entrait pour la première fois dans la petite ville délicatement sise entre deux pans de collines, et pour une fois inondée de soleil.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Un naïf et un saint, un curé ventripotent, une pèlerine et un enfant, se heurtent et rebondissent dans un moyen âge extravagant, pétri d'anachronismes, affabulé des pieds à la tête. Un pied devant l'autre et la tête légère, pourtant, c'est ainsi qu'avancent ces quelques destinées accessoires, dont nous n'attraperons qu'un aperçu, un parfum, un éclair, un rien.