Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du Général

Curieuse suite de la France goy (que je n’ai pas lu, aurais-je dù ?)… Voilà une écriture avec un style bien torché et pas mal d’humour, une intrigue qui s’annonce intéressante, une histoire de famille plutôt glauque dans un milieu qui ne l’est pas moins, un titre très accrocheur, la grande histoire qui rencontre les petites, des morts, des suicides, des fachos et des fous de guerre, des fils qui souhaitent tuer le père… et… ?

Le « Search Engine Optimization » est une sorte d'agence, de système, un moteur de recherche qui repère et conseille l'utilisation des mots-clés. Par exemple, quand j'envoie ma chronique à L'Express intitulée « Comparaisons déraisonnables », estimant que ce titre ne va pas générer la moindre vue, les responsables du numérique, en se basant sur le rapport du SEO, proposent à la rédaction en chef un autre titre, avec des mots-clés censés attirer les internautes. C'est ainsi que mes comparaisons déraisonnables deviennent dans leur version numérique « Poutine contre Hitler ». Plus accrocheur.
Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du Général de Christophe Donner

Et pas grand chose en fait.

Presque un gachis en fait, comme un soufflé servi trop tard, comme un excès de vouloir trop bien faire ou d’en faire trop.

Peut-être suis-je juste passé à côté, mais… dommage

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je ne sais pas parler. J'apprends. Je prends les mots qu'on me donne. J'ai appris à dire Maman, mais elle ça n'est pas Maman. Je ne peux pas non plus l'appeler Mamie parce que j'en ai déjà une. Et pas question de Mémé, elle ne me répondrait même pas si je l'appelais Mémé. Elle n'aime pas non plus Grand-mère. À tout prendre, elle préférerait encore Mère-grand, ça la ramènerait au Chaperon rouge, en pleine fiction, mais là, c'est moi qui coince, à cause des r peut-être, ou du gr... je ne sais pas faire le gr. J'arrive juste à prononcer les consonnes douces, les syllabes faciles, ma, in.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le sort du fascisme français s'est joué le 24 novembre 1923, quand Philippe Daudet, alors âgé de 14 ans, décide de tuer son père, Léon Daudet, leader charismatique de l'extrême droite antisémite.

Au même moment, le jeune de Gaulle et le vieux Pétain écrivent l'autre grande tragédie oedipienne de la République française. On croyait tout savoir sur cet épisode, on était loin du compte.

Alors que le roman de Christophe Donner s'annonçait comme la suite de La France goy, surgit Otto Zorn, oligarque en rupture de poutinisme ayant fait fortune dans les crypto-monnaies. Ce roi Midas du numérique nourrit un singulier fantasme : devenir le propriétaire exclusif du premier roman du métavers.

Moyennant fortune et impunité, l'écrivain s'engage, au prix de son âme, à le lui livrer, révélant le dernier grand secret de sa famille : les circonstances qui ont conduit sa grand-mère, à moitié nue, sur le bureau du Général.

Gauguin : loin de la route

Comme indiqué dans l’avant-propos, cette bande dessinée ne tient pas à relater l’entièreté de la vie de Gaugin, mais s’attache plutôt à la fin de la vie du peintre aux Marquise :

C’est vers un Gauguin cynique – en Diogène des îles Marquises -, boiteux et bringueur, fort en gueule et fragile, bourlingueur incontrôlable, ogre d’égoïsme et de sublime, que nous naviguerons. Un Gauguin qui fit honneur à la mémoire de sa grand-mère, Flora Tristan, écrivaine et ouvrière féministe, socialiste et internationaliste. Un Gauguin qui vécut ses dernières années, celles que nous avons choisi de retracer tout au long de ces pages, comme chante le cygne de la légende avant de tirer sa révérence.

Gauguin : loin de la route de Maximilien Le Roy, dessin de Christophe Gaultier, couleurs de Marie Galopin

Et, en ce sens, c’est un portrait plutôt réussi, magnifié par un dessin fort en trait très affirmé et dont les sales couleurs renforcent magnifiquement le propos de ce rude personnage, monstre boiteux finissant.

Un album bien loin des vahinés alanguies pour un âpre portrait, certainement plus ressemblant que les images d’Epinal de l’imaginaire publicitaire. Et franchement, cet anarchiste, anticolonialiste et anticlérical me plait beaucoup.

Maintenant… pour ce qui est des très jeunes filles… une vision plus critique aurait peut-être été utile, et ce malgré le bien léger avertissement préliminaire

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
2 septembre 1903, Papeete, Tahiti
Cinq francs ici, qui dit mieux ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lassé de sa vie en France, Paul Gauguin débarque à Tahiti où il décide de s'installer. Face au dépaysement absolu que lui procure la vie sous les Tropiques, le peintre retrouve un nouveau souffle, un appétit de vivre et une inspiration renouvelée.

Je partirai là-bas et je vivrai en homme retiré du monde soi-disant civilisé pour ne fréquenter que les soi-disant sauvages.
Paul Gauguin

Prague

Histoire d’une passion qui ne veut pas dire son nom. C’est cru, rude, ça part doucement en vrille et difficile de voir vers où le tourbillon se dirige.

Je suis arrivée en premier au bar, le même qu'à l'habitude. J'ai reconnu la serveuse. Je l'avais déjà rencontrée dans un party où, encore une fois, j'avais pleuré, vomi, fait une conne de moi. Elle m'avait nettoyé le visage et les cheveux.
Prague de Maude Veilleux

Une autofiction qui goûte très authentique, avec style et rythme ! Pleine de questionnements et qui tente de n’en éviter aucun… ou presque, mais sera-ce le sujet du livre suivant.

Je n'en revenais pas de découvrir le sexe. Je croyais avoir tout compris. Je veux dire, pas dans la pratique, mais dans l'émotion. Je pensais avoir aimé, avoir désiré, mais je me rendais compte que ça pouvait être autre.

Un court roman comme une démonstration de l’adaptation hédonique. Impossible de rester éternellement en haut. Et comment faire ensuite ?

Finalement on y trouve la difficulté de tout embrasser. Et prendre dans ses bras peut aussi signifier qu’il faut laisser tomber ce qui s’y trouvait

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Nous avions commencé à parler de partir à Prague à la blague. Nous étions dans un bar, avions déjà bu pas mal. Je lisais Vérité et amour de Claire Legendre. Il adorait Milan Kundera. J'avais toujours rêvé de Prague sans trop savoir pourquoi. L'idée était venue comme ça. Nous avons payé nos verres, dit au serveur que nous partions en voyage la semaine suivante. Nous sommes sortis, avons traversé la rue jusqu'à son appartement et avons acheté les billets.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le livre avait beau parler du couple ouvert au début, ce n’était plus tout à fait le sujet.
Le sujet, c’était je-ne-sais-plus-trop-quoi. Le sujet, c’était mon angoisse à ne plus aimer quelqu’un qui m’avait sauvé, qui avait tout pour me plaire, qui m’aimait, que j’aimais. Ne plus aimer quelqu’un que j’aimais et aimer un autre, un imparfait, un inconnu. Ne plus aimer l’homme que je voulais aimer pour toujours.
J’hésite à l’écrire : ne plus aimer l’homme que j’avais voulu aimer pour toujours.

L’âge des corbeaux

Vladimir Principal n’arrive pas à se faire publier. Pourtant, il est bien convaincu par son talent. En plein désespoir il laisse femme et enfant et sort noyer sa misère dans l’alcool. Il rencontre alors un éditeur de destin qui va, en un éclair, changer sa sa vie.

L’âge des corbeaux de Parno, dessins de Jicé

Mais que désirait-il vraiment ?

Une fable un peu gentillette aux dessins fort soignés, un tourbillon bien rythmé au milieu d’un magnifique Paris la nuit des années 40-50

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
En panne d'inspiration
«... à la faveur du brouillard, les corbeaux envahirent le terrain...»


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vladimir Principal, écrivain malchanceux, n’est jamais parvenu à se faire publier. Un beau soir, il va boire son désespoir et faire le deuil de son inspiration dans un bar. Il y rencontre un bien mystérieux individu, un vieil homme qui se dit « éditeur de destin ». Ce dernier propose à Vladimir ni plus ni moins que d’avoir ce qu’il a toujours voulu.
Le voici donc écrivain célèbre, honoré, convoité, chouchouté, adulé, suivi, harcelé…

La tristesse de l’éléphant

Il y a tout dans cette bande dessinée. L’histoire est d’une rare poésie, le dessin crayonné superbe alterne entre monochrome et un rouge et bleu aux couleurs cirque, des personnages attachants… C’est magnifique.

La tristesse de l’éléphant de Nicolas Antona, dessins de Nina Jacqmin

Mais c’est triste aussi (peut-être limite mélo, mais c’est réussi).

L’histoire de (Lou-)Louis, un garçon orphelin en surpoids, souffre douleur du pensionnat qui tombe amoureux d’une petite dresseuse d’éléphants.

Une merveille !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tu sais, mon vieux compagnon...
Quelqu'un m'a dit un jour :
« La vie, c'est des étapes...
La plus douce, c'est l'amour,
La plus dure, c'est la séparation,
La plus pénible, c'est les adieux,
La plus belle, c'est les retrouvailles. »


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Louis est un adolescent mal dans sa peau élevé chez les jésuites. Il n'a pas d'ami et sert de bouc émissaire à ses camarades. Mais cette existence morose s'illumine quand Louis se rend au cirque Marcos et qu'il y retrouve Clara, une jeune dompteuse d'éléphants

Confidences à Allah

Le roman duquel est tirée cette bande dessinée est un chef d’œuvre. Remarquez que tous les livres de Saphia Azzeddine valent le détour ! Mais Confidences à Allah est son premier roman et c’est vraiment un livre qui m’avait marqué par sa puissance !

Confidences à Allah de Saphia Azzeddine, dessin et couleurs de Marie Avril, récit de Eddy Simon

Mais alors, que dire de cette adaptation ? Oui, forcément, j’ai été un peu déçu. J’aurais imaginé des visages différents, d’autres corps, couleurs… Mais surtout, un trait moins lisse, un rendu plus râpeux, rêche, rude comme le désert et toutes ces personnes qui se trouvent sur le chemin de Jbara.

Alors certes, la bande dessinée est fidèle et il est difficile de lui faire d’autres reproches que : « je n’aurais pas vu ça comme ça ».

Je vous laisserais donc vous faire votre avis, mais avant tout : lisez le roman et vous aussi, vous serez envoutés par l’écriture de Saphia Azzeddine

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Allah, si j'étais née dans une famille bien, dans une ville bien, avec une éducation bien, j'aurais forcément été une fille bien. Mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé au départ, Tu avoueras que je suis partie avec vachement plus d'emmerdes.

Eddy Simon et Marie Avril adaptent le monologue fiévreux de Saphia Azzeddine, portrait sans concession d'une jeune femme qui rêve d'émancipation et refuse de se soumettre

Catharsis

Ce n’est pas vraiment une bande dessinée, mais ce n’est pas non plus juste un carnet de croquis. C’est plus sûrement le cri de douleur d’un dessinateur.

Catharsis de Luz

Luz était arrivé en retard, mais assez tôt pour voir ses amis partir sous les balles lors de l’attentat de Charlie Hebdo. Ces dessins témoignent d’un douloureux chemin vers la guérison.

Un livre qui n’est pas sans rappeler Dessiner encore de Coco.

Un album intime et très touchant.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un jour, le dessin m'a quitté, le même jour qu'une poignée d'amis chers. À la seule différence qu'il est revenu, lui. Petit à petit. A la fois plus sombre et plus léger..
Avec ce revenant, j'ai dialogué, pleuré, ri, hurlé, je me suis apaisé à mesure que le trait s'épurait.
Tous deux, nous avons essayé de comprendre. Nous nous sommes dit, le dessin et moi, que nous ne serions plus jamais les mêmes.
Comme tant d'autres.
Ce livre n'est pas un témoignage, encore moins un ouvrage de bande dessinée, mais l'histoire de retrouvailles entre deux amis qui ont failli un jour ne plus jamais se croiser.
Luz


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après les attentats terroristes contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, le dessinateur du journal signe cet album intime et libérateur. Une thérapie par le dessin dans lequel il livre ses pensées et évoque son quotidien bouleversé par l'événement.

Femme de Vitruve

Nora et Simone, deux très belles et très jeunes femmes, parfaites ! Au pire, il serait toujours possible d’effectuer quelques éventuelles retouches d’un petit coup de bistouri. Deux objets lucratifs, vitrines publicitaires ou escorts, des pièces de valeurs. Mais elles ? Qui sont-elles ?

Non, elle ne prend plus ses médicaments, et alors? Depuis qu'elle a jeté sa prescription à la toilette, Nora passe ses journées à réfléchir à la meilleure façon de se suicider. Elle visualise son corps tomber du haut d'une tour. Elle imagine le bruit que ferait son squelette en se fracassant contre l'asphalte, après une chute interminable. Femme de Vitruve dans un cercle de sang.
Femme de Vitruve de Sara Lazzaroni

Un livre qui n’est pas sans rappeler ceux de Nelly Arcan, avec des questionnements similaires sur le corps, la beauté, sa marchandisation et… le sens de tout ça.

Et même si j’ai parfois eu de la peine avec le passage entre les deux protagonistes et que leur tardive rencontre m’a quelque peu frustré, ce duo décrit parfaitement notre système économique implacable aux victimes dont l’obsolescence est programmée

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Nue devant la glace, Simone inspecte son profil gauche, le plus faible, celui qui n'est pas photogénique. Son regard descend le long du flanc. Un peu de graisse s'est accumulée sous le nombril. Un relief tendre et lisse est apparu, enflé tel un fruit mûr. Simone tire sur la peau pour faire saillir la structure du bassin. Voilà, comme ça c'est bien, tout à l'intérieur des os.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Simone et Nora travaillent pour une agence spécialisée en lancement de produits. Elles en font secrètement la promotion en fréquentant des lieux publics où elles sont susceptibles d’être vues du plus grand nombre. Ces geishas nouveau genre ne se connaissent pas, mais elles se croiseront aux portes d’un ascenseur, là où se joue leur sort.
Avec un style vivant, précis et sobre, Sara Lazzaroni déterre ce qui enfoui sous les apparences, ce qui se cache derrière la solitude une toutes les caméras, toutes les lumières éteintes

Le singe de Hartlepool

Excellente bande dessinée sur la bêtise humaine, la bétise crasse, sale, infecte. Celle des mouvements de groupes, racistes et nationalistes.

Le singe de Hartlepool de Wilfrid Lupano, illustrations de Jérémie Moreau

En plus, non contents d’être seulement méchants, voilà de sacrées bandes de crétins, idiots dégénérés !

Tiré d’une histoire possiblement vraie où un pauvre petit singe fera les frais de son uniforme français. (Des français pas moins cons et que les anglais, d’ailleurs. Pas de frontière pour ça !)

Un magnifique album avec un scénario à la hauteur du dessin !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
1814 au large des côtes du petit village anglais de Hartlepool, un navire de la flotte napoléonienne fait naufrage lors d'une tempête. Au petit matin, sur la plage, les villageois retrouvent un survivant parmi les débris. C'est un singe qui jouait le rôle de mascotte à bord du vaisseau, et qui porte l'uniforme français. Or les habitants de Hartlepool détestent les Français, même s'ils n'en ont jamais vu en vrai. D'ailleurs, ils n'ont jamais vu de singe non plus. Mais ce naufragé arrogant et bestial correspond assez bien à l'idée qu'ils se font d'un Français... Il n'en faut pas plus pour qu'une cour martiale s'improvise.

Inspiré d'une légende tristement célèbre du Nord de l'Angleterre, Le Singe de Hartlepool est une fable tragi-comique qui parle de nationalisme va-t-en-guerre et du racisme ignorant qui ne connaît pas de frontières...

Mâle occidental contemporain

Le pauvre Thomas aimerait bien baiser, mais il ne sait pas vraiment comment aborder les femmes. Mais bon, il propose quoi le Thomas ? Et attention, en plus, il faudrait quand même qu’elle soit jolie et pas trop grosse !

Mâle occidental contemporain de François Bégaudeau et illustrations de Clément Oubrerie

Une bande dessinée sur ces pauvres hommes qui se lamentent parce qu’ils ne savent plus comment faire.

… Les pauvres chouchous

Non, vraiment… difficile d’adhérer

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
En ce temps-là, pas si lointain, les femmes représentaient à peine plus de la moitié du million qui habitait la ville.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Thomas dépense beaucoup d'énergie pour établir la communication avec l'autre sexe. Mais tout cela se traduit souvent par des échecs, autrement nommés des râteaux. Il n'a pas réalisé que le féminisme avait fait son oeuvre. Les filles sont devenues exigeantes, directes, malicieuses. Thomas va devoir hausser le niveau et se remettre en question jusqu'à trembler sur ses bases viriles.

Une comédie douce-amère sur les relations hommes/femmes sublimée par un duo de choc : le style caustique et fantaisiste de Bégaudeau décuplé par le trait vif d'Oubrerie