Sans preuve & sans aveu

Peut-on lire Jaenada seulement pour son écriture ? Oui ! (enfin, si on supporte les parenthèses !)

Il faut passer aux choses sérieuses. (Une dernière remarque (deux) à propos de l'ADN (je suis débordé de trucs à dire, c'est la pagaille) : les techniciens en investigations criminelles ont essayé d'en prélever le plus possible dans la maison de Marie. Ils n'ont pas trouvé grand-chose - seulement le plus évident et facile à identifier, dans les échantillons de sang, les cheveux et poils, la salive (sur les mégots); ailleurs : rien. Mais en 2004, les méthodes de prélèvement et d'analyse de ce qu'on appelle l'ADN de contact n'étaient pas encore au point, c'était la préhistoire.
Sans preuve & sans aveu de Philippe Jaenada

Mais en plus, ses romans (enquêtes, essais ?) sont passionnants. Et c’est avec un talent plein de cynisme, d’humour, de second degré, de sérieux, de minutie et de travail (oui, vraiment beaucoup de travail (impossible autrement)) qu’il s’attelle à ses sujets.

Après avoir poli, lissé, verni, blindé leur témoin principal (unique), il ne restait plus aux gendarmes et aux juges d'instruction qu'à faire tomber ce qui lui faisait face : l'alibi d'Alain Laprie - pour l'accuser en négatif, puisque le positif, la recherche de preuves, n'a pas fonctionné. J'ai oublié une autre tentative infructueuse (il y en a eu tellement, il y a tellement de choses à écrire (et je me précipite peut-être un peu) que j'en ai laissé en route et ça se bouscule à la fin (heureusement qu'on a inventé les parenthèses))

Un bémol ? Souvent il en fait trop ! (Est-ce un reproche ? Serait-ce possible de faire tout ce travail au rabais ? Non, clairement) Mais ici, non, Philippe est presque sobre. Certes, dans cette affaire les personnages sont nombreux, mais vite on se retrouve portés par son verbe et son art de conteur.

Et le fond ? L’affaire ?

L’invraisemblable sentiment d’assister à un procès de guignol, une gendarmesquerie, un déni de justice

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que j'écrive vite, on ne m'en voudra pas (non) : la littérature, parfois, tant pis. (Au placard, digressions et parenthèses !) Il faut que j'écrive vite en croisant les doigts - c'est très difficile - pour toucher quelques personnes, qui peut- être en alerteront d'autres (on va dire que je me prends pour un justicier ou je ne sais quoi, que mes livres me sont montés à la tête, que je pars en sucette et sors de mon rôle : tant pis), car pendant que je fais des phrases, un homme fermente dans une cellule, un homme qui ressemble à mon voisin du cinquième, au pharmacien du coin de la rue ou au plombier de ma mère et que je crois aussi innocent que ma mère et son plombier réunis - mais peu importe ce que je crois. Les pages qui suivent ne serviront peut-être à rien, mais je ne m'imagine pas ne pas les écrire, donc voilà.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L'incompréhension et l'indignation. Philippe Jaenada a été saisi de ces sentiments au spectacle de l'injustice flagrante qui, en juin 2021, a condamné à quinze ans de prison un homme de soixante-six ans sans aucune justification avérée. Il a tenu à écrire dans le détail le cheminement de cette instruction longue et litigieuse qui a conduit à une décision inacceptable

Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes

Dans Le siècle des égarés, Julia de Funès affirme que : « Chercher à prouver que la femme, le racisé, l’homosexuel est égal à l’homme blanc hétérosexuel n’a plus aucune pertinence en France en 2022. »

Titiou Lecoq démontre ici brillamment que sur ce point, tout n’est pas aussi clair que ça. Que les inégalités sont insidieuses, que les lois sont parfois perverses, que leur application peut être retorse et que finalement, si ! Il est pertinent et même fondamental de se pencher là dessus !

En France, entre 1998 et 2015, l'écart de patrimoine entre les femmes et les hommes est passé de 9% à 16%.
Il a quasiment doublé.
Alors que l'on s'attendait à ce que ces inégalités se résorbent avec le temps, il se produit l'inverse. Elles se creusent. Pour y mettre fin, il faut en prendre conscience.
Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes de Titiou Lecoq

Dans cet essai, nous suivons Gwendoline de sa naissance à sa retraite en passant par le célibat, la vie en couple, le mariage, des enfants et un divorce. Et à chaque étape, l’écart se creuse. De l’argent de poche à la pension, les inégalités sont flagrantes.

En résumé, elle est un être vivant.
Mais elle, elle pense qu'elle a des complexes.
Et que la meilleure manière de s'en débarrasser, ce n'est pas de s'accepter, mais de les éliminer.
Alors Gwendoline se lance dans une vaste guerre contre son corps, une guerre qui va durer toute sa vie.
Ce faisant, elle participe à quelque chose dont elle n'a sans doute pas conscience, un immense marché économique. Le marché économique de la féminité.

Un livre comme un état des lieux (certainement pas exhaustif et purement économique) des inégalités (légales, sociales, familiales, éducationnelles…) économiques au détriment des femmes.

Gwendoline a vieilli.
Elle va enfin pouvoir s'arrêter de courir et profiter un peu.
Elle prend sa retraite.
Mais les inégalités économiques qui l'ont suivie toute sa vie explosent avec l'âge.
À ce stade, les femmes ont moins gagné en salaire, elles ont accumulé moins de patrimoine, elles ont moins hérité et elles ont moins épargné et investi. Brusquement, Gwendoline voit bien le rapport entre les heures de travail ménager gratuit qu'elle a fait et les heures de travail salarié qui lui ont manqué pour cotiser.
Elle regarde une nouvelle fois ses mains. C'est combien de lessives, une vie? Une vie de femme? Avec une famille de quatre personnes, puis ses parents âgés dont elle s'est occupée? Si elle avait touché 1 euro par lessive faite...

Avec une conclusion en forme de check-list et des questions à se poser au cours des différentes étapes de la vie (et franchement, ça vaut le coup d’oeil… tout comme les petits caractères des contrats d’assurance)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les hommes sont plus riches que les femmes. Ce constat se retrouve partout, a l'échelle de la société comme à celle de la famille.
Et pourtant, longtemps, il ne m'a pas intéressée. J'ai travaillé sur les violences sexuelles, les féminicides, la parentalité, le domestique, l'effacement des femmes dans l'Histoire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Les hommes sont plus riches que les femmes.

Dès l'enfance, les garçons reçoivent plus d'argent de poche que les filles. Adultes, à poste égal, les femmes sont moins bien payées que les hommes. Et le couple accentue encore les inégalités : au cours de la vie à deux, l'écart ne cesse de se creuser, sans que ni l'une ni l'autre ne s'en rende compte. Ou bien préfère l'ignorer. Chaque fois, il y a des explications et une combinaison de "bonnes raisons" mais le tableau général est accablant. J'écris depuis des années sur les violences sexuelles, le travail domestique, l'invisibilisation des femmes.

Il était temps que je m'intéresse à ce qui est souvent plus tabou que la vie sexuelle : l'argent. »

Avec un talent rare pour la pédagogie, Titiou Lecoq décortique les statistiques les plus récentes. Elle convoque l'historienne Michelle Perrot, des économistes, une conseillère en gestion de patrimoine, des banquières, sa mère et même des arnaqueuses. Son ton mordant fait le reste.

On tourne les pages avec étonnement et parfois colère. Mais Titiou Lecoq propose aussi des solutions simples qui peuvent tout changer

La procrastination : l’art de reporter au lendemain

Voilà un petit essai qui brille principalement pour ce qu’il ne promet pas : guérir de la procrastination.

Ne jamais remettre au lendemain ce que l'on pourrait faire le surlendemain.
Mark Twain

Auteur d’un article qui fit beaucoup de bruit, John s’est fendu (après moultes reports) d’un petit bouquin sur la procrastination structurée.

Il n'aura pas échappé au lecteur attentif que la procrastination structurée requiert une bonne dose de mauvaise foi, puisqu'elle repose sur une constante arnaque pyramidale contre soi-même.
La procrastination : l’art de reporter au lendemain de John D. Perry

Un livre bourré d’humour et (quand même) de quelques conseils, pour nous permettre (si ce n’est de guérir) de mieux vivre avec ce handicap fréquemment lié, selon lui, à un autre défaut, le perfectionnisme. Mais ne serait-ce pas, là aussi, un peu de mauvaise foi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'homme est un animal rationnel, c'est bien connu.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Autant s'y mettre tout de suite (ou, allez... dès demain) ! »

Le philosophe américain John Perry est professeur émérite à l'université de Stanford en Californie. Étant de son propre aveu un procrastinateur invétéré, il a créé le concept révolutionnaire de « procrastination structurée ».

Traduit dans une vingtaine de langues, cet ouvrage lui vaut aujourd'hui une reconnaissance internationale

Chattitudes

Sayo Koizumi a deux chats, une femelle et un mâle, un gros et une petite, une stérilisée et un castré, une grise et un noir et blanc (enfin presque).

En japonais, chat vient du verbe « dormir »
« Miaou » Mes chats dorment au premier étage de la maison. Quand ils descendent, en général, cela signifie : « J'ai un petit creux ! Donne-moi quelque chose à manger ! » Mes chats ont la belle vie. Ils dorment la plupart du temps et ne se réveillent que pour manger. En japonais, chat se dit neko.
L'étymologie est la suivante : nemuru ko (« dormir » et « enfant ») a donné neko.
Chattitudes de Sayo Koizumi

Et elle les dessine et nous en parle en 100 questions-réponses.

C’est kawaii et choupinou, c’est parfait si votre nièce ou votre filleul a envie d’un chaton, un petit plaisir à offrir pour faire craquer les parents

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
AIMEZ-VOUS LES CHATS ?
JE SUPPOSE QUE OUI PUISQUE VOUS TENEZ CET OUVRAGE ENTRE LES MAINS.
J'ai pour ma part une profonde affection pour les chats, et voilà près de vingt ans que je vis en leur compagnie.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sayo Koizumi nous fait partager avec humour et un grand sens de l'observation 100 moments complices qui en disent long sur le tempérament des chats : comment ils nous disent bonjour, leurs jeux préférés, ce qu'ils expriment quand ils remuent la queue, pourquoi ils dorment tant et dans des postures incroyables...

Chôjirô, le grand frère et Raku la petite soeur, sont les deux chats adorés de Sayo Koizumi, une illustratrice vivant à Tokyo. Comme tous les chats du monde, ils ont leurs habitudes, leurs petits défauts, leur langage, leurs mystères...

Le guide complètement « kawaii » des amoureux des chats !

Depuis plus de 20 ans, Sayo Koizumi dessine et met en scène ses chats. Amusée, tendre, voire taquine, elle les croque dans toutes les situations de la vie quotidienne, nous faisant partager de délicieux moments de complicité...

Le siècle des égarés : de l’errance identitaire au sentiment de soi

Julia de Funès se lance à contre-courant et part en campagne contre le wokisme ! Woaw ! Mais bon… pourquoi pas ? Mais non, j’ai quand-même eu un peu de peine à la suivre. Et finalement, réac ou éclairé, j’ai longtemps hésité.

Comprendre qu'on est initialement complet
Chacun, chaque chose a sa « perfection propre », nous dit régulièrement Spinoza. Inutile de lorgner la perfection du voisin, ou d'une identité idéale, pour ressentir le sentiment de soi. Devenir comme untel ou unetelle n'est pas seulement vain et frustrant, mais suicidaire. Supposons un triangle et un carré ; si le triangle rêvait d'avoir comme le carré un côté de plus, il deviendrait avec ce côté, non pas un triangle plus parfait, mais un carré. Il serait mort comme triangle. Spinoza nous alerte : l'imagination nous fait croire que nous pourrions emprunter les qualités aux autres - c'est le principe sur lequel se fonde la publicité -, mais si c'était le cas, ce serait au prix de notre vie. Imiter un autre, c'est mourir à soi-même. La question pour accéder à soi-même n'est donc pas « à qui ressembler ? »
Le siècle des égarés : de l’errance identitaire au sentiment de soi de Julia de Funès

Car, dans ce livre, j’ai eu parfois le sentiment de me retrouver avec des affirmations non étayées, des sophismes ou des propositions personnelles érigées en vérité. Je me suis même demandé si, avec les mêmes arguments et références, il serait possible d’arriver à des conclusions opposées.

L'identité est également l'une des moins bonnes réponses qu'un collectif puisse trouver pour se sentir être. Les conflits sexistes, racistes, idéologiques sont pour la plupart des problèmes identitaires, dont l'éloignement avec l'universalisme des Lumières mène aux pires intransigeances égalitaristes. Si, hier, la bataille pour l'égalité était la bonne, elle ne semble plus l'être aujourd'hui. Chercher à prouver que la femme, le racisé, l'homosexuel est égal à l'homme blanc hétérosexuel n'a plus aucune pertinence en France en 2022. Du point de vue de l'égalité des chances, nous ne sommes certes pas égaux, mais du point de vue de l'égalité de droit, le combat est gagné grâce aux combattants des siècles passés. Ce n'est pas par l'identitarisme ni par son exigence égalitariste que nous progresserons désormais vers une plus juste reconnaissance individuelle et paix sociale, mais par la liberté.

Mais ! Et même si je ne partage vraiment pas toutes ses idées, reste un livre pour comprendre les reproches possibles aux idéologies identitaristes et communautaristes et pour décortiquer le «qui suis-je», l’inné et l’acquis, la construction de soi, nos parts culturelles et biologiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Qui suis-je vraiment ? Comment ne pas brimer une partie de moi-même et vivre pleinement ce que je désire ? Quel est mon style ? En ai-je seulement un ? À quel point suis-je le résultat d'une culture, d'une descendance, d'une couleur de peau ou d'un genre ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En faisant de l'identité une priorité, notre siècle s'égare. Philosophiquement, l'identité est un concept dont la validité reste incertaine. Politiquement, les dogmatismes identitaires s'exacerbent au point de déstabiliser l'universalisme républicain. Individuellement, l'identité nous fige dans des postures qui nous éloignent de nous-mêmes.

Si l'identité est à questionner, quelque chose de cette notion semble toutefois ne pas pouvoir se laisser abandonner : le désir d'être soi-même. Alors, comment parvenir au sentiment de soi sans tomber dans le piège identitaire ? Tel est l'enjeu de ce livre

Les métiers cachés de la bande dessinée

Amusant petit livre d’humour rigolo sur les métiers de la BD, des plus foufous aux plus concrets.

Le lecteur idéal est indispensable au travail de l'auteur.
Car le lecteur idéal comprend tout. Il ressent les finesses de l'œuvre, ses nuances, ses non-dits. C'est son métier.
Pour mieux connaître le dessinateur, il a couché avec sa femme, sa mère et sa fille. Il a assisté à ses séances de psychanalyse. Il a promené son chien. Il a nettoyé son appartement. Il a lu tous ses livres.
Les métiers cachés de la bande dessinée de Jean-Luc Coudray, dessins de Emmanuel Reuzé

Amusant aussi de retrouver – à l’heure de la grande controverse de l’expo de Bastien Vivès à Angoulème – un petit Titeuf tout nu avec un gros zizi. Cela pose-t-il problème ? Certes, le dessin est guère réaliste mais le zizi est quand même bien gros, non ?

Le nu de Titeuf révèle, de manière surdimensionnée, les deux éléments relationnels du corps, la tête et le zizi.
Nous découvrons dans cette radiographie une confirmation éclatante de la théorie freudienne qui affirme que le psychique et le sexuel sont à peu près la même chose.
Le tronc, les bras et les jambes, réduits à de simples fils de fer, ne sont que de modestes outils au service de la tête et du sexe.
Nous en déduisons ainsi que Titeuf est un être entièrement orienté vers autrui.
Les mauvais esprits qui penseront, au vu de son zizi imposant, que Titeuf serait projeté vers les autres par des pulsions égoïstes n'auront qu'à se souvenir que le sexe, au service de l'espèce et non de l'individu, est l'organe de l'altruisme.

Un petit moment bien sympa en trois parties. Les vrais-faux métiers, quelques hommages aux grands auteurs de la bande dessinée à la papa et finalement les faux-vrais métiers. Et même si j’aurais bien aimé y retrouver des personnages de comics, mangas ou d’autres plus contemporains, je n’ai pas boudé ces instants drôles

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une réflexion générale sur la bande dessinée par J.-L. Coudray illustrée par E. Reuzé et accompagnée de photos anciennes légendées et détournées

Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune

Oui, navrants ! Nous sommes navrants !

Art de vivre
Le hygge
L'hyperconnexion
Le culino-champêtre
La mompreneuse
Bien-être
#happy
La pleine conscience
La sylvothérapie
La détox
Mode
La fashtivisme
La mode ethnique
La mode digitale
Le greenwashing
Déco
Le style poorgeois
Le minimalisme/maximalisme
Airspace
Le rangement
Radicalité
Le survivalisme
Le hikikomori
Le métavers
Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune de Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau

A vouloir être « nous-même » tout en cherchant à ressembler à … (à qui d’ailleurs ?). A nous regarder le nombril pour y trouver notre richesse intérieure. A acheter notre aura pour mieux étaler notre humilité…

Florilège d'objets connectés navrants
Hydratesparke, une bouteille d'eau intelligente qui « brille pour vous assurer que vous n'oublierez plus jamais de boire de l'eau ». Pour seulement 63 euros.
Kerastase Hair Coach, la brosse à cheveux intelligente et suréquipée (d'un gyroscope, d'un accéléromètre et d'un micro) qui vous dit comment vous brosser les cheveux.
Slide, le petit boîtier à 300 euros qui permet d'ouvrir ses rideaux avec son smartphone.

Un livre qui m’a souvent fait penser à l’excellent Développement (im)personnel de Julia de Funès. Démontage en règle de tous ces manuels, tous ces gourous, toutes ces tendances qui nous promettent le bonheur en nous vendant leurs techniques et merdouilles éphémères et standardisées (tout en salopant, exploitant, détruisant et exterminant en toute hypocrisie). L’industrialisation de nos tristesses ou comment tirer profit des misères humaines.

La réponse est dans un article du site américain The Verge, « Welcome to Airspace », de Kyle Chayka. Ou quand la décoration résulte d'algorithmes. Dans son texte, l'auteur se demande dans quelle mesure la Silicon Valley contribue à rpandre la même esthétique stérile à travers le monde. Tout à coup, on est saisi et l'on se rend compte en effet que les espaces se ressemblent de plus en plus malgré des propriétaires qui claironnent à tous vents décorer leurs intérieurs en fonction de leur personnalité, pour obtenir quelque chose qui leur ressemble vraiment, quoi... Mehdi se précipite sur tous ses magazines préférés, de Milk à Kinfolk et The Socialite Family, là où justement il se souvient avoir aimé ceci, moins cela, annoté et plié des pages pour y revenir

Un essai salutaire et hilarant d’une triste société consternante d’individualisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le monde va mal. Ceux qui l'habitent, pas ouf. « L'environnement », comme un écran psychiatrique sur lequel nous autres humains projetons nos névroses, déversons nos poubelles, crachons notre détresse, se détériore dans des proportions jamais atteintes et
qui menacent jusqu'à la survie de l'espèce.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quel est le point commun entre une architecte qui cherche son salut dans les plaids molletonnés, une jeune active qui tente de reprendre pied en enlaçant des arbres, une grande bourgeoise autoproclamée styliste qui fait bénir ses « créations » par un chaman, un trentenaire qui ingurgite des jus verts dans l'espoir de purifier son corps, accessoirement son âme, et une femme au foyer qui range compulsivement pour ne pas s'effondrer sous sa charge mentale ? Tous sont victimes des tendances.

Omniprésentes et insidieuses, sur nos écrans et dans nos magazines, suivies ou subies, elles se présentent comme des solutions miracles à tous nos maux. Un burn out ? La pleine conscience ! Un couple en crise ? Le minimalisme ! De l'éco-anxiété ? Le greenwashing ! Les tendances sont surtout des symptômes, ceux d'une époque où la religion consumériste fait marcher sur la tête, scier la branche sur laquelle on est assis, et chercher désespérément un sens qui se dérobe de plus en plus.

Dans ce faux guide de développement personnel, Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau démontrent sans jugement et avec beaucoup d'humour qu'il est essentiel d'arrêter de se soumettre à ces injonctions absurdes qui, en prétendant nous tendre les clés du bonheur, font de nos vies des simulacres. Et affirment qu'alors tout ira mieux !

Blanc

Après un livre d’images Noir fort surprenant, Sylvain Tesson revient à la vie avec ce Blanc. Une rando à peaux de phoque à travers les Alpes en compagnie de du Lac et de Rémoville, un autre montagneux rencontré sur les cimes enneigées. Quatre tronçons répartis sur quatre hivers. Du blanc, du blanc, du blanc et du blanc !

Le cinquante-sixième jour
De Livigno au col d'Eira en automobile, puis du col au lac de San Giacomo par le val Trela, puis du lac à l'Ofenpass par le val Mora et deux cols, 26 kilomètres et 900 mètres de montée.
Pourquoi ces journées de traces blanches nous parais- saient-elles miraculeuses?
 - Parce que nous allons dans la beauté, dit du Lac.
 - Parce que nous avons la liberté sur la montagne, dit Rémoville.
 - Parce que nous ne visons pas trop loin, dis-je.
Blanc de Sylvain Tesson

Mais trop d’effort vide la tête et ce carnet de bord fini par ressembler à un décompte des dénivelés, cols et bivouacs.

Oui, la plume est sublime et la route est belle. Mais plus créative est l’inaction, mère de l’introspection et des digressions

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Derrière nous, Menton, avec ses maisons jaunes en escalier sur des pentes de fleurs. On goûta l'eau des doigts. Je me léchai l'index car la mer est le sel de la Terre, puis du Lac marmonna « on y va, on n'est pas d'ici ».


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Avec mon ami le guide de haute montagne Daniel du Lac, je suis parti de Menton au bord de la Méditerranée pour traverser les Alpes à ski, jusqu'à Trieste, en passant par l'Italie, la Suisse, l'Autriche et la Slovénie. De 2018 à 2021, à la fin de l'hiver, nous nous élevions dans la neige. Le ciel était vierge, le monde sans contours, seul l'effort décomptait les jours. Je croyais m'aventurer dans la beauté, je me diluais dans une substance. Dans le Blanc tout s'annule - espoirs et regrets. Pourquoi ai-je tant aimé errer dans la pureté ?
S. T.

Les mots qui fâchent : contre le maccarthysme intellectuel

Incessamment, de nouveaux mots se glissent dans notre langue et bien souvent ceux-ci sont détournés, repris, traduits, malaxés et retournés… Des concepts clairs deviennent obscurs et ce qui semblait lipide vire rapidement à l’incompréhensible et tout prête à la controverse. Tout le monde s’y met, politiques, médias, gauche, droite, populistes, militants et intellectuels et nul ne s’y retrouve plus.

Islam
Juliette Galonnier
L'islam occupe une place croissante dans notre vocabulaire. Des populations auparavant désignées par des catégories nationales, socio-économiques ou légales (Algériens, Maghrébins, travailleurs immigrés, étrangers) sont désormais souvent renvoyées à leur appartenance religieuse réelle ou supposée : on parle de plus en plus de « musulmans ». Cette centralité discursive de l'islam est le fruit de plusieurs évolutions. Une partie de ces populations, en particulier leurs enfants et petits-enfants nés et socialisés en France, investit de plus en plus le référent religieux comme catégorie positive d'identification.
Les mots qui fâchent : contre le maccarthysme intellectuel – Islam de Juliette Galonnier

Petit dictionnaire (la liste des termes est dans les mots clés) pour ne plus s’y perdre, cet essai tente de débroussailler cette jungle en faisant appel à nombre de chercheuses et chercheurs pour des mots qui fâchent la France (Car oui, c’est culturel ! Et cette liste ne serait évidement pas la même en Angleterre ou en Allemagne).

Néoféminisme
Martine Storti
Il y a des termes fourre-tout, ils sont bien pratiques, ils permettent de tout confondre et de se dispenser de la complexité. Néoféminisme en est un. Être en désaccord avec tel ou tel courant féministe ou qui s'autoqualifie ainsi et le critiquer est bien sûr un droit indiscutable. Ce qui l'est moins, ce sont les procédés mis en œuvre : homogénéisation, généralisation, simplification, caricature, indifférence aux nuances, aux différences, aux distinctions.
Les mots qui fâchent : contre le maccarthysme intellectuel – Néoféminisme de Martine Storti

Essentiellement centré autour des racismes et des exclusions avec quelques (trop rares) incursions dans les genres et les sexualités, voilà un excellent petit guide pour ne plus s’y perdre. Avec un petit bémol toutefois pour certains auteurs qui ne peuvent s’empêcher de faire des mots ou ceux dont les partis-pris militants écrasent le sujet.

Un petit livre qui m’a rappelé Génération offensée de Caroline Fourest, bien moins léger que Les mots immigrés, moins international que ceux qu’on trouve dans Le dico des mots extraordinaires, moins poétique que le magnifique Il nous faudrait des mots nouveaux et que Jean Roscoff aurait évidement du lire dans Le voyant d’Étampe

Avec les participations de Nicolas Bancel, Rachid Benzine, Magali Bessone, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Ahmed Boubeker, Philippe Corcuff, Claire Cosquer, Juliette Galonnier, Sophie Guérard De Latour, François Héran, Philippe Huneman, Monique Jeudy-Baluni, Memphis Krickeberg, Nicolas Lebourg, Éléonore Lépinard, Françoise Lorcerie, Philippe Marlière, Nonna Mayer, Sarah Mazouz, Laure Murat, Alain Policar, Myriam Revault D’Allonnes, Jacob Rogozinski, Haoues Seniguer, Patrick Simon, Martine Storti, Julien Talpin, Michel Wieviorka, Valentine Zuber

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il est temps de mettre un coup d'arrêt à la dégradation des échanges intellectuels et aux controverses toxiques pour la démocratie qui touchent désormais l'université et le monde de la recherche en France.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
D'antisémitisme à wokisme en passant par identité et laïcité, une liste de mots sujets à controverse selon certains camps politiques dans les milieux intellectuel et universitaire français. Les contributeurs dénoncent le climat délétère qui règnerait dans le monde de la recherche où, selon eux, diatribes et invectives ont remplacé débats et échanges au nom de ce qu'ils nomment bien-pensance

Les mots immigrés

Au travers d’une fablinette, voilà une petite histoire éthymologique de la langue française. Façonnée par des constants enrichissements tout au long de son histoire.

Et pour conclure, un bon café (du moka), avec ou sans sucre. M. Zénith y joignit quelques autres nourritures : 
 - On retrouve aisément les emprunts à l'arabe, quand ils sont précédés de l'article al: alambic, alcool, alcôve, algèbre, almanach. Al-karchuf a donné l'italien (lombard) articcioco, où les Français ont entendu artichaut. Et que dire de l'amiral, venu de l'arabe emir al bahr, « prince de la mer », dont les Français n'ont gardé que le début, emir al, « prince de la » ! Il est vrai qu'amiral rejoignait ainsi le maréchal et le sénéchal, d'origine germanique : les forces armées sont cosmopolites !
- On les reconnaît bien là ! Les langues empruntent sans scrupule, elles altèrent sans réticence, elles font vocable de tout bois.
Les mots immigrés de Erik Orsenna et Bernard Cerquiglini, illustrations de François Maumont

Une fable comme une petite claque aux nauséabondes théories souchiennes de la pureté et de l’isolationnisme. Depuis toujours, les mots se baladent au gré de leurs succès, disparaissent, se transforment et s’adaptent. Les langues sont aussi vivantes que les peuples qui les portent.

Un petit livre sympa et gentil mais bien trop enfantin pour moi, zut

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quelle catastrophe avait donc frappé notre France ? Ce soir-là, le pays était vide.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À l’heure où revient le débat sur l’identité, avec des opinons opposées de plus en en plus violentes, Erik Orsenna a voulu, par la voie du conte commencée avec sa Grammaire est une chanson douce, raconter l’histoire de la langue française. Pour une telle ambition, le savoir lui manquait. Bernard Cerquiglini, l’un de nos plus grands linguistes et son ami de longue date, a bien voulu lui apporter ses lumières aussi incontestées que malicieuses.
Et nous voilà partis, deux millénaires en arrière, chez nos ancêtres les Gaulois dont les mots sont bientôt mêlés de latin, puis de germain. Avant l’arrivée de mots arabes, italiens, anglais... Un métissage permanent où chaque langue s’enrichit d’apports mutuels.
Jusqu’à ce que déferle une vague de vocables dominateurs nés de la mondialisation économique et inventés pour son service. Ce globish aura-t-il raison de la diversité linguistique, aussi nécessaire à nos vies que cette biodiversité dont nous avons appris à reconnaître l’importance capitale, et la fragilité ?
Et si les mots immigrés, c’est à dire la quasi-totalité des mots de notre langue, s’ils décidaient de se mettre un beau jour en grève ? Ce jour-là, les apôtres de cette illusoire pureté nationale deviendraient muets. Il n’est pas interdit d’en rêver…