La position de la cuillère : et autres bonheurs impertinents

Voilà un livre qui nécessite une certaine culture littéraire pour pouvoir en profiter pleinement. Car les pensées de Deborah découlent principalement de ses lectures. Et là, elle m’a perdu bien des fois.

M
Midi (démon de)
Vous vous êtes acheté une moto, vous ne vous rasez plus, vous avez demandé à votre assistante de vous commander des livres écrits par des femmes. Et ce, parce que votre jeune petite amie a remarqué que votre bibliothèque ne comptait que des livres d'hommes. Vous écoutez du Sébastien Tellier sur vos appareils connectés (mais vous préférez Simon and Garfunkel), vous rêvez d'un bœuf bourguignon bien fondant mais vous foncez tête baissée vers un curry végane au bras de votre démon de midi adoré.
La position de la cuillère : et autres bonheurs impertinents de Deborah Levy

Mais lorsqu’elle parle de Ballard, de Crash ! et de voitures, de Marguerite Duras, de féminisme ou du désir j’ai pu me raccrocher plus facilement à ses pensées à l’humour fort britannique.

Marguerite Duras était une penseuse intrépide, égocentrique, même à vrai dire légèrement ridicule. Mais aurait-il pu en être autrement? Quand elle pousse sa créature frêle et audacieuse en chaussures lamé or dans les bras de son millionnaire chinois, Duras n'a pas le moindre mot d'excuse pour les libertés morales et psychologiques qu'elle prend pour exister.

Une lecture pleine de pistes de lectures

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Chère étrangère,
J'ai plusieurs fois commencé cette lettre mais jusque-là, je ne croyais pas à ce que j'écrivais. Je suis romancière et j'ai écrit des livres sur le bonheur comment la pression qu'on nous met pour être constamment heureux peut nous rendre malheureux et silencieux alors que tous les autres ont le bonheur bruyant.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Et si Deborah Levy nous ouvrait les portes de sa bibliothèque personnelle ? Si elle nous emmenait à la découverte des artistes qui l'inspirent et la secouent ? Et si, en passant, elle nous livrait une anecdote savoureuse impliquant les petites cuillères, son voisin de palier et Nietzsche ?
Tour à tour jeune femme aux yeux noircis de khôl, ses fidèles creepers aux pieds pour arpenter le Londres underground des années 1970, déjà fascinée par Colette et Simone de Beauvoir, amante féministe relisant Marguerite Duras et Sigmund Freud et Violette Leduc et Roland Barthes, voyante lorsqu'il s'agit de scruter l'âme des artistes qui l'obsèdent - Edouard Manet, Lee Miller, Francesca Woodman -, à l'affût du monde sous toutes ses coutures - technologie, pandémie, gastronomie... - Deborah Levy nous livre au fil de ces textes réjouissants, rassemblés ici pour la toute première fois, un véritable traité de l'indiscipline et une plongée revigorante dans son intimité loufoque et érudite.

Regarder le monde, négocier la façon dont en retour le monde nous regarde, est au coeur de l'écriture.

Légère et court-vêtue

Il est impressionnant de voir à quel point chaque livre d’Antoine Jaquier est différent et pourtant comme des thématiques et ses préoccupations s’y cristallisent. A chaque fois une claque qui vient d’ailleurs !

J'ai autant envie d'une relation sexuelle que d'un cancer du côlon. Elle doit le savoir et me tend une pilule. C'est du Cialis, dit-elle, avec ça tu vas l'avoir dure jusqu'à demain soir. Je lui dis que je n'en ai pas besoin. D'un geste autoritaire elle signale que la réponse n'est pas à choix multiple. Après tout, pourquoi pas. Autant ça que bander mou. La pilule gobée elle m'invite à trinquer, boit sa coupe presque cul sec et fouille dans les paquets pour en sortir les strings.
 - Déshabille-toi mon loulou, je veux voir comment tu portes ça.
Légère et court-vêtue de Antoine Jaquier

Légère et court vêtue c’est l’histoire de Mélodie, une instagrameuse ex miss Suisse-romande coincée avec Tom, un looser addict au jeu. Et là, on devine rapidement qu’en grand spécialiste, Antoine Jaquier va les faire morfler grave.

Je me souviens particulièrement de cette phrase assénée comme un coup de massue: Si la solution est une redistribution des richesses, dire que les riches vont se crisper serait un euphémisme

Mais ! Chaque livre est différent et cette fois encore, Antoine réussit à surprendre.

Mamie disait que les plus grandes inventions du XXe siècle étaient le lave-linge et la pilule - qu'on aurait pu s'arrêter là.

Un livre glam-trash peut-être un peu plus facile que ses autres productions, l’histoire de l’émancipation d’une femme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mélodie
Le poids de Mango sautant sur le lit me tire de mon sommeil. Je n'ouvre pas les yeux. Ne veux pas que cette journée commence, mais mon chat préféré est déjà sans pitié. Sa petite patte touche mon visage. Assis sur le rebord de l'oreiller, il piaille. Ça m'arrache un sourire il insiste.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Découvrir les Parisiens affectés à ce point me bouleverse. Des mecs m'expliquent que mes robes légères deviennent politiques. Ma crinière démesurée qu'on disait m'as-tu-vu est aujourd'hui assimilée à un signe fort de liberté - on n'arrête pas de m'en féliciter. Mes gambettes et mes escarpins feraient rempart à l'extrémisme radical pour les plus exaltés. Ma frivolité est d'un coup perçue courageuse. En d'autres termes : je suis une cible. Continuer à s'amuser semble être le mot d'ordre même s'il sonne parfois creux dans ce milieu. Que peut-on faire d'autre de toute manière ?
C'est décidé, je m'entêterai à vivre bien maquillée, court-vêtue et riant à gorge déployée - jusqu'à ce qu'on me la tranche. »

Bijou de banlieue

Inclassable et délirant. Intime, invraisemblable et tellement réel !

Bijou de banlieue de Sara Hébert

Sara Hébert convoque Bijou, son alter ego, pour nous causer de féminisme à la québécoise de banlieue. Une version punk et décomplexée pour visiter sa vie, ses journaux intimes et prodiguer de bons conseils. Vie professionnelle, drague, crushs lourdingues à virer, coups d’un soir, gestion des émotions, grand amour ou maternité.

Un festival de collages qui piquent les yeux, de portraits d’hommes et de relations merdiques, de souvenirs tendres ou chaotiques.

Enfin un manuel de développement personnel qui sent vrai et authentique. En bonus : ça fait bien marrer !

Et pour suivre les memes et collages de Sara Hébert il y a Instagram. Merci Madame Bijou !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Coucou !
Auriez-vous, par hasard, de la difficulté à :
Vous faire confiance
Respirer
Décrocher
Prendre une décision
Vous choisir
Exiger votre dû
Vous affirmer
Foncer
Et savoir ce qui est bon pour vous ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sara Hébert puise dans l’imaginaire punk, le langage des meetings AA et les souvenirs du mariage de sa mère afin de tracer les contours de sa vie amoureuse et professionnelle. De façon intime, touchante et combative, cette autofiction illustrée s’approprie les codes des guides de bienséance, des magazines féminins et manuels de croissance personnelle pour critiquer la positivité toxique, le mythe du prince charmant et la culture du travail sexiste. Elle espère, à travers ses textes et collages, vous aider à reprendre confiance en vous, à repenser vos rapports aux patrons et à vous libérer des hommes-bouées

Le monde avant #MeToo : à travers 100 images pop culture décryptées

Génial. Déjà pour les images qui illustrent le propos. A chaque page c’est un choc, une surprise, un rappel, une évidence. Oui, elles sont déjà vues (justement), inconsciemment intégrées, souvent sans aucun questionnement. Et là, toutes à la suite, impossible, C’est un choc !

Il fut un temps où l'on considérait qu'une bonne fessée pouvait faire du bien à une femme.
Dès qu'elle la ramenait un peu trop ou prenait un peu trop le dessus, hop! une fessée ! Et le monde continuait de tourner rond. Moi qui étais une jeune fille un peu grande gueule et qui avais tendance à la ramener, je ne compte plus le nombre de fois où l'on m'a dit : « Plus tard, ton mari te foutra des trempes! »
Le monde avant #MeToo : à travers 100 images pop culture décryptées de Agnès Grossmann

Ensuite, pour le propos ! Ce livre n’est pas qu’une collection d’images. L’essai est construit, avec un argumentaire et un point de vue clair et limpide. Les causalités s’enchainent et Agnès Grossmann démontre.

Et c’est ainsi que toutes petites, depuis bien longtemps, on apprend aux filles que les loups guettent. Puis que leur beauté est dangereuse, que leur indépendance leur coutera cher, qu’elles sont faites pour être belles et susciter le désir des hommes… et ainsi de suite. Un boulevard de conditionnements pour arriver à l’apothéose Weinstein – #metoo

Un essai qui peut sembler peut-être un peu léger, mais qui brille justement par sa lisibilité et sa concision ! Comme une excellente introduction au sujet

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
En octobre 2017, deux grands journaux américains, le New York Times et le New Yorker, faisaient éclater l'affaire Weinstein, du nom d'un grand producteur de cinéma américain.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En octobre 2017, le mouvement #MeToo a secoué la planète. Parti d'Hollywood avec l'affaire Weinstein, il s'est propagé dans le monde entier et a changé, sans doute définitivement, en tout cas en Occident, la donne entre les hommes et les femmes. Les cartes ont été rebattues. #MeToo est une ligne de fracture entre un ancien et un nouveau monde dans lequel il ne doit plus être possible de maltraiter le corps féminin.

Ce livre, Le monde avant #MeToo, revient sur les représentations des femmes et des rapports hommes-femmes avant cette ligne de fracture. À travers la culture pop des années 1950 à nos jours, en décryptant des contes pour enfants, des dessins animés, des films, des affiches publicitaires, des photos, Le monde avant #MeToo essaie de comprendre les mécanismes culturels, le système de pensée, qui ont permis qu'un Harvey Weinstein se conduise comme un prédateur sexuel, au vu et su de tout le monde, jusqu'en octobre 2017

Le vide : mode d’emploi : aphorismes de la vie dans les ruines

Cet excellent recueil d’aphorismes pêche malheureusement par son excès. Peut-être sous la forme d’un calendrier en remplacement des bondieuseries journalières détachables ou en rappel journalier sur les réseaux sociaux ci-conchiés ? Je ne sais pas, mais hélas la quantité nuit malheureusement au propos.

Résumé du livre jusqu'à présent
Je pense donc j'ennuie.
J'aurais dû m'en apercevoir plus tôt
Notre société n'est pas hypersexuée, finalement. Elle est juste hyperhétérosexuelle.
Marché du carbone
Brûler une banque émet peut-être du carbone, mais c'est quand même un bon moyen de lutter contre les changements climatiques.
Le vide : mode d’emploi : aphorismes de la vie dans les ruines de Anne Archet

Pourtant c’est drôle, virulent, engagé, contestataire, violent, juste, léger, solide, réfléchi… (il y a de tout, du bon, du très bon et même du meilleur. Mais il y en a tant)

Un dernier souhait
Que vos crimes soient sublimes et que jamais vous ne vous fassiez prendre.
La conclusion logique
Je n'ai pas encore tout abandonné pour aller rejoindre le cirque, mais ça ne saurait tarder.

Si vous ne connaissez pas Anne Archet, commencez peut-être par ses courts textes érotiques. Mais si vous y avez déjà gouté, si vous êtes patient-e-s et si vous vous contentez d’un page par jour, ce recueil est aussi puissant et goûtu qu’un espresso napolitain matinal

Avec des illustrations de Sara Hébert

Et si vous ne connaissiez pas encore Sara Hébert, Bijou de Banlieue, c’est elle ! Et c’est incroyable

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Posture
Je suis celle qui dit tout bas ce que personne ne pense.

Autre posture
Sur internet, personne ne sait que je ne suis qu'une stratégie discursive.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«J’ai dit à la mère de mon amoureux que j’étais aphoriste et elle m’a donné son appui dans ma lutte pour l’acceptation et la reconnaissance. Je l’ai remerciée avec émotion, même si j’ai vite compris qu’elle pensait que le mot “aphoriste” désignait une identité sexuelle ou de genre à la mode. Pour une fois qu’on ne se moque pas de mes prétentions littéraires, je n’allais quand même pas gâcher mon plaisir.»

«Je crois qu’il faut cesser de dire “environnement” et commencer à dire “survie de l’espèce humaine”. Ce serait rigolo d’entendre les politicien•ne•s dire “la survie de l’espèce humaine est importante, mais pas aux dépens de l’économie”.»

Anne Archet est connue pour ses récits érotiques et les textes polémiques qu’elle publie sur le web depuis la fin des années 1990. Avec Le vide: mode d’emploi, cette écrivaine caustique, fulgurante, volontiers provocatrice et un brin mythomane, s’essaie à un nouveau genre: l’aphorisme.

Les brefs commentaires sur le monde d’aujourd’hui dont est composé cet essai sont autant de petites grenades lancées pour faire éclater nos certitudes, ou simplement pour nous faire éclater de rire. Un essai à lire pour faire le vide autour de soi! Anne Archet est une auteure anarchiste

Êtes-vous sûr d’avoir raison ?

Comment échapper à l’ennui du dimanche après-midi m’avait un peu amusé, légèrement, sans risque. Ici, c’est quand même autre chose !

« Ta pute de mère. » Ça ne te dérange pas que je parle de ta génitrice comme ça ? Si ? Alors, tu comprends que « tête de nègre », ça peut poser des problèmes à certains.
Tout cela n'est pas anodin: il faut voir comme nos pensées dépendent de notre langage et de notre langue, de nos mots, et comme les préjugés sont entretenus par l'usage de tel ou tel mot. D'où le combat de certains pour - justement – changer notre manière de dénommer les choses, manière de changer nos manières de penser. Et tant que chacun utilise son propre vocabulaire lourdement connoté dans la discussion, il paraît impossible de changer d'avis.
Êtes-vous sûr d’avoir raison ? de Gilles Vervisch

Sous ce drôle de titre se trouve un bien drôle de livre. Drôle parce qu’il est plein d’humour, mais aussi parce qu’il m’a semblé plus curieux qu’attendu, plus profond, souvent subtil, déconcertant et qui – s’il était trop vite lu – pourrait bien démontrer l’exact contraire de son propos. Oui, Gilles Vervisch semble s’amuser à obliger le lecteur à un minimum de réflexion et de pensée.

C'est ce qui me fait dire que les deux critères essentiels de l'intelligence, c'est le doute et le sens de l'humour. Enfin, il y a toujours des débats, mais disons que ça rend un peu moins con, et que si vous en avez au moins un des deux, ça vous sauve un peu; ça permet déjà de discuter. Le doute, ça consiste à pouvoir se remettre en question; ne jamais être sûr d'avoir raison. L'humour, rire de soi, surtout, ne pas se prendre trop au sérieux, c'est un peu pareil; le doute et l'humour, c'est la capacité à pouvoir prendre un peu de recul, de distance par rapport à ce qu'on pense. Ça tombe bien, c'est à la mode : « On n'a pas assez de recul! » Et à quoi ressemble quelqu'un qui n'a ni doute ni sens de l'humour ? Quelqu'un qui est sûr d'avoir raison et en plus, qui ne veut surtout pas qu'on (en) rigole? À un fanatique religieux. À un intégriste.

Un très bon livre où l’auteur n’hésite pas à rire du pire, à démontrer par l’absurde, à inviter les lectrices-eurs à se faire un avis sans qu’il ne taise le sien. Un livre qui invite au doute et qui décortique wokisme, féminisme, #metoo, moralité et point Goodwin, climatoseptiques et complotistes…

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ! »
Tout le monde pense avoir raison ! Vous, moi... Même si moi, c'est vrai : j'ai raison ! Alors que vous... c'est moins sûr. Mes goûts et mes couleurs sont les meilleurs ; mes valeurs morales, mes croyances, mes convictions politiques sont les bonnes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tout le monde pense avoir raison. Et s'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, on peut faire confiance à la mauvaise foi de chacun pour défendre ses opinions lors des débats en famille ou sur les réseaux sociaux ; vaccin, pass sanitaire, #MeToo, complotisme, climat, wokisme, politique, religion, etc.

J'y mettrais ma main au feu, ma tête à couper. Mais comment puis-je être sûr de ne pas me tromper ? D'où nous viennent nos opinions et nos certitudes ? Pourquoi y sommes-nous tant attaché(e)s ? Et dans le fond, faut-il avoir raison ?

Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes

Dans Le siècle des égarés, Julia de Funès affirme que : « Chercher à prouver que la femme, le racisé, l’homosexuel est égal à l’homme blanc hétérosexuel n’a plus aucune pertinence en France en 2022. »

Titiou Lecoq démontre ici brillamment que sur ce point, tout n’est pas aussi clair que ça. Que les inégalités sont insidieuses, que les lois sont parfois perverses, que leur application peut être retorse et que finalement, si ! Il est pertinent et même fondamental de se pencher là dessus !

En France, entre 1998 et 2015, l'écart de patrimoine entre les femmes et les hommes est passé de 9% à 16%.
Il a quasiment doublé.
Alors que l'on s'attendait à ce que ces inégalités se résorbent avec le temps, il se produit l'inverse. Elles se creusent. Pour y mettre fin, il faut en prendre conscience.
Le couple et l’argent : pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes de Titiou Lecoq

Dans cet essai, nous suivons Gwendoline de sa naissance à sa retraite en passant par le célibat, la vie en couple, le mariage, des enfants et un divorce. Et à chaque étape, l’écart se creuse. De l’argent de poche à la pension, les inégalités sont flagrantes.

En résumé, elle est un être vivant.
Mais elle, elle pense qu'elle a des complexes.
Et que la meilleure manière de s'en débarrasser, ce n'est pas de s'accepter, mais de les éliminer.
Alors Gwendoline se lance dans une vaste guerre contre son corps, une guerre qui va durer toute sa vie.
Ce faisant, elle participe à quelque chose dont elle n'a sans doute pas conscience, un immense marché économique. Le marché économique de la féminité.

Un livre comme un état des lieux (certainement pas exhaustif et purement économique) des inégalités (légales, sociales, familiales, éducationnelles…) économiques au détriment des femmes.

Gwendoline a vieilli.
Elle va enfin pouvoir s'arrêter de courir et profiter un peu.
Elle prend sa retraite.
Mais les inégalités économiques qui l'ont suivie toute sa vie explosent avec l'âge.
À ce stade, les femmes ont moins gagné en salaire, elles ont accumulé moins de patrimoine, elles ont moins hérité et elles ont moins épargné et investi. Brusquement, Gwendoline voit bien le rapport entre les heures de travail ménager gratuit qu'elle a fait et les heures de travail salarié qui lui ont manqué pour cotiser.
Elle regarde une nouvelle fois ses mains. C'est combien de lessives, une vie? Une vie de femme? Avec une famille de quatre personnes, puis ses parents âgés dont elle s'est occupée? Si elle avait touché 1 euro par lessive faite...

Avec une conclusion en forme de check-list et des questions à se poser au cours des différentes étapes de la vie (et franchement, ça vaut le coup d’oeil… tout comme les petits caractères des contrats d’assurance)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les hommes sont plus riches que les femmes. Ce constat se retrouve partout, a l'échelle de la société comme à celle de la famille.
Et pourtant, longtemps, il ne m'a pas intéressée. J'ai travaillé sur les violences sexuelles, les féminicides, la parentalité, le domestique, l'effacement des femmes dans l'Histoire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Les hommes sont plus riches que les femmes.

Dès l'enfance, les garçons reçoivent plus d'argent de poche que les filles. Adultes, à poste égal, les femmes sont moins bien payées que les hommes. Et le couple accentue encore les inégalités : au cours de la vie à deux, l'écart ne cesse de se creuser, sans que ni l'une ni l'autre ne s'en rende compte. Ou bien préfère l'ignorer. Chaque fois, il y a des explications et une combinaison de "bonnes raisons" mais le tableau général est accablant. J'écris depuis des années sur les violences sexuelles, le travail domestique, l'invisibilisation des femmes.

Il était temps que je m'intéresse à ce qui est souvent plus tabou que la vie sexuelle : l'argent. »

Avec un talent rare pour la pédagogie, Titiou Lecoq décortique les statistiques les plus récentes. Elle convoque l'historienne Michelle Perrot, des économistes, une conseillère en gestion de patrimoine, des banquières, sa mère et même des arnaqueuses. Son ton mordant fait le reste.

On tourne les pages avec étonnement et parfois colère. Mais Titiou Lecoq propose aussi des solutions simples qui peuvent tout changer

T’as pas l’impression de prendre toute la couverture ? : Poésies visuelles et jeux de (mauvais) caractères

C’est magnifique, hilarant, drôle, cocasse, c’est un chef d’oeuvre, c’est fou, juste, débile, incroyable, impertinent, marrant, génial, surprenant, inconvenu, bienvenu… (encore ?)

T’as pas l’impression de prendre toute la couverture ? : Poésies visuelles et jeux de (mauvais) caractères de l’Indéprimeuse

L’Indéprimeuse (Davina Sammarcelli et Felicia Sammarcelli) m’avaient déjà impressionné avec leur traduction de Guillaume Remuepoire et garnissent mon intérieur de leurs tableaux et impressions. Elles réjouissent les imprimeuses-eurs, typographes, correctrices-eurs, polygraphes, infographistes, metteuses-eurs en pages, titreuses-eurs… (tiens, j’y pense, sont-elles pour ou contre l’écriture inclusive ?) et toutes et tous !

Tiens, celui-là, je ne l’ai pas comprise tout de suite

Mais surtout, elles dont drôles et poétiques !

Et c’est un chef-d’oeuvre !

Merci l’Indéprimeuse, c’est un bonheur

Confidences à Allah

Et dire que je n’avais pas lu ce premier roman. Quelle erreur (heureusement réparée !)

Comme une bonne claque à ceux qui confondent foi et religion, clergé et Dieu, parole des hommes et message divin.

Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.
Ça baise comme des salauds chez les pauvres, parce que c'est gratuit.
Confidences à Allah de Saphia Azzeddine

L’histoire de Jbara, pauvre bergère du Maghreb qui deviendra prostituée. Une histoire qu’elle raconte elle même au travers de ses conversations avec Allah.

Mes copains n'étaient pas là pour se foutre de moi, alors j'en ai ouvert un, j'ai même osé en lire quelques lignes. Puis une page. Et j'en ai ouvert d'autres. Une fois, j'ai lu un livre entier.
J'apprenais qu'un homme pouvait prendre quatre cents pages pour dire à une femme qu'il l'aime. Quatre cents pages avant le premier baiser, trois cents avant une caresse, deux cents pour oser la regarder, cent pour se l'avouer. À l'heure où on envoie des textos quand on a envie de baiser, je trouvais ça prodigieux, vertigineux, fou, démesuré, extravagant, insensé, grandiose... Voilà, j'apprenais des mots en faisant le ménage. Au moins ça...

Un chef d’oeuvre contre l’obscurantisme, les patriarcats, les religieux qui transforment et utilisent les saintes écritures pour avilir, soumettre et dominer. Des religions comme pouvoir, royaume des hypocrisies !

Et là, au milieu, un message magnifique de tendresse et de candeur

En conclusion : lisez Saphia Azzeddine !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vers qui se tourner quand on vit dans la misère ? À qui parler lorsqu'on est perdu et rejeté par la société ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, choisit Allah. Dans un monde qui ne voulait pas d'elle, Il deviendra son unique confident. C'est à Lui que s'adresse ce monologue fiévreux et enragé, où l'humour perce souvent, celui d'une jeune fille qui tente d'échapper à l'enfermement

L’inconduite

Quoi ? Les mamans ont des désirs sexuels ? elles veulent baiser ? Et bien oui, semblerait-il ! Rien que pour le massacre en règle de ce tabou, voilà un livre enchanteur.

Si on m'avait demandé alors ce que j'entendais par couple libre, j'aurais accouché de tout un tas de théories grandioses auxquelles j'avais fini par croire. Mais je les débitais sans grand entrain, à deux doigts de répondre que c'était facile de ne pas s'en vouloir quand on ne s'aimait plus. Et j'universalisais pour me donner un aplomb, je me disais que tous ces couples libres autour de nous ressentaient la meme indifference. Que c'était juste chouette de faire passer ça pour de l'anarchie. Un couple libre, c'était un couple en fin de vie - mais il y avait les enfants, n'est-ce pas, alors il fallait trouver des solutions.
L’inconduite de Emma Becker

Emma Becker se livre ici sur son désir, son envie de quelque chose de grand, puissant, qui l’emporte et la soulève. Elle veut de la passion et la preuve de la passion, ferme, vigoureuse ! Pourtant, elle reste coincée. Là, entre le père de son fils, un amant, un autre (des autres) et un vieux.

J'étais toute mince alors, 
 affinée par ces semaines à ne rien manger que ses mots caressants. J'avais mes mains sur mes hanches et je déployais ma cage thoracique, le duvet hérissé de bonheur, cuisant lentement sous les yeux de Vincent. 

Il a tendu une main, semblé se reprendre. J'ai effleuré sa main du bout de mon sein. (Je ne vis apparemment que pour me faire des souvenirs, incapable de me sentir vivre au moment où je vis, car déjà occupée à coller précautionneusement les images dans ce catalogue que je relirai jusqu'à l'écœurement, dans l'espoir d'un prochain évènement à momifier au moment meme ou il interviendra.)

Un livre qui ose parler du désir des femmes. Impudique ? Oui, certainement ! Poserait-on la question de la même manière pour celui d’un homme ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La jeune femme remonte sa rue. Sort les clés de sa poche. Se renifle sous les bras pour y détecter l'odeur de l'autre, comme si elle pouvait y changer quoi que ce soit.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Après s'être prostituée à Berlin dans La maison, E. Becker est devenue mère d'un petit garçon et vit avec son compagnon. Elle relate ses aventures sexuelles et amoureuses entre Berlin et Paris avec trois amants très différents mais dont aucun ne parvient à se hisser à la hauteur de sa liberté. Autofiction dans laquelle l'écrivaine évoque son amour des hommes, du sexe et de l'amour