Vivre vite

Voilà un Goncourt qui a fait couler pas mal d’encre, finaliste d’inséparables. Du coup, un Goncourt un peu mal élu et c’est dommage.

Un titre à la James Dean (déjà utilisé par Philippe Besson), un livre aussi qui, comme Isabelle Carré joue des « si ».

Je résume.La maison, les clés, le garage, ma mère, mon frère, le Japon, Tadao Baba, la semaine de vacances, Hélène, mon service de presse. Ça commence à faire un sacré bordel.
Vivre vite de Brigitte Giraud

Mais si Isabelle Carré s’en amusait, Brigitte Giraud les ressasse. En boucle et sans fin. Et si …, mon amour n’était pas mort.

Claude a dit à notre ami Marc, avec qui nous avions passé un moment le dimanche sous le cerisier, à tester le salon de jardin tout juste acheté aux puces, Claude a dit en désignant la moto dont la présence massive perturbait l'atmosphère du rez-de-chaussée: Ça, c'est interdit, une vraie bombe, il ne faut pas y toucher.Marc me l'a répété après.

Un deuil impossible en forme de litanie.

Un livre juste et touchant où l’émotion, tant d’années plus tard, irradie encore

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Après avoir résisté pendant de longs mois, après avoir ignoré jour après jour les assauts des promoteurs qui me pressaient de leur céder les lieux, j'ai fini par rendre les armes.
Aujourd'hui j'ai signé la vente de la maison.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C'était inespéré et je n'ai pas flairé l'engrenage qui allait faire basculer notre existence.
Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l'accident. »

En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l'accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s'étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu'à produire l'inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l'enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimée

Journal d’Adam & Journal d’Ève

Un tout petit (vraiment très petit) journal des premiers jours, le journal d’Adam suivi du journal d’Ève

Lundi
La nouvelle créature, avec ses longs cheveux, est toujours fourrée dans mes pattes. Toujours à traîner à mes basques et à me suivre comme un petit chien. Et je n'aime pas ; je n'ai pas l'habitude d'avoir de la compagnie. Si seulement elle voulait bien rester avec les autres animaux... Ciel couvert aujourd'hui, avec un petit vent d'est ; je pense que nous allons avoir de la pluie... Nous ?... Où est-ce que j'ai bien pu dénicher ce mot?... Je me souviens maintenant - c'est la nouvelle créature qui l'emploie.
Journal d’Adam & Journal d’Ève de Mark Twain

C’est cocasse et léger, une petite (oui, vraiment) lecture distrayante.

Avec des trop rares illustrations de Sarah d’Haeyer

Et pourtant, on se lasse rapidement de cet Adam insensible, distant et mutique et de cette Ève bavarde, collante et émotive… (vous saisissez le cliché ?)

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Je crois que je commence à comprendre à quoi sert la semaine : à donner le temps nécessaire pour récupérer des grandes fatigues du dimanche. L'idée n'est pas mauvaise. Il a fallu qu'Ève grimpe à nouveau à cet arbre. Je l'en ai fait redescendre vite fait en lui balançant des mottes de terre. Elle a dit que personne ne l'avait vue. Apparemment, ça lui suffit comme justification pour courir tous les risques, même quand il y a danger. C'est ce que je lui ai dit. Le mot justification l'a remplie d'admiration - et l'a rendue aussi un peu envieuse, je pense. C'est un bon mot

Le siècle des égarés : de l’errance identitaire au sentiment de soi

Julia de Funès se lance à contre-courant et part en campagne contre le wokisme ! Woaw ! Mais bon… pourquoi pas ? Mais non, j’ai quand-même eu un peu de peine à la suivre. Et finalement, réac ou éclairé, j’ai longtemps hésité.

Comprendre qu'on est initialement complet
Chacun, chaque chose a sa « perfection propre », nous dit régulièrement Spinoza. Inutile de lorgner la perfection du voisin, ou d'une identité idéale, pour ressentir le sentiment de soi. Devenir comme untel ou unetelle n'est pas seulement vain et frustrant, mais suicidaire. Supposons un triangle et un carré ; si le triangle rêvait d'avoir comme le carré un côté de plus, il deviendrait avec ce côté, non pas un triangle plus parfait, mais un carré. Il serait mort comme triangle. Spinoza nous alerte : l'imagination nous fait croire que nous pourrions emprunter les qualités aux autres - c'est le principe sur lequel se fonde la publicité -, mais si c'était le cas, ce serait au prix de notre vie. Imiter un autre, c'est mourir à soi-même. La question pour accéder à soi-même n'est donc pas « à qui ressembler ? »
Le siècle des égarés : de l’errance identitaire au sentiment de soi de Julia de Funès

Car, dans ce livre, j’ai eu parfois le sentiment de me retrouver avec des affirmations non étayées, des sophismes ou des propositions personnelles érigées en vérité. Je me suis même demandé si, avec les mêmes arguments et références, il serait possible d’arriver à des conclusions opposées.

L'identité est également l'une des moins bonnes réponses qu'un collectif puisse trouver pour se sentir être. Les conflits sexistes, racistes, idéologiques sont pour la plupart des problèmes identitaires, dont l'éloignement avec l'universalisme des Lumières mène aux pires intransigeances égalitaristes. Si, hier, la bataille pour l'égalité était la bonne, elle ne semble plus l'être aujourd'hui. Chercher à prouver que la femme, le racisé, l'homosexuel est égal à l'homme blanc hétérosexuel n'a plus aucune pertinence en France en 2022. Du point de vue de l'égalité des chances, nous ne sommes certes pas égaux, mais du point de vue de l'égalité de droit, le combat est gagné grâce aux combattants des siècles passés. Ce n'est pas par l'identitarisme ni par son exigence égalitariste que nous progresserons désormais vers une plus juste reconnaissance individuelle et paix sociale, mais par la liberté.

Mais ! Et même si je ne partage vraiment pas toutes ses idées, reste un livre pour comprendre les reproches possibles aux idéologies identitaristes et communautaristes et pour décortiquer le «qui suis-je», l’inné et l’acquis, la construction de soi, nos parts culturelles et biologiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Qui suis-je vraiment ? Comment ne pas brimer une partie de moi-même et vivre pleinement ce que je désire ? Quel est mon style ? En ai-je seulement un ? À quel point suis-je le résultat d'une culture, d'une descendance, d'une couleur de peau ou d'un genre ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En faisant de l'identité une priorité, notre siècle s'égare. Philosophiquement, l'identité est un concept dont la validité reste incertaine. Politiquement, les dogmatismes identitaires s'exacerbent au point de déstabiliser l'universalisme républicain. Individuellement, l'identité nous fige dans des postures qui nous éloignent de nous-mêmes.

Si l'identité est à questionner, quelque chose de cette notion semble toutefois ne pas pouvoir se laisser abandonner : le désir d'être soi-même. Alors, comment parvenir au sentiment de soi sans tomber dans le piège identitaire ? Tel est l'enjeu de ce livre

Les métiers cachés de la bande dessinée

Amusant petit livre d’humour rigolo sur les métiers de la BD, des plus foufous aux plus concrets.

Le lecteur idéal est indispensable au travail de l'auteur.
Car le lecteur idéal comprend tout. Il ressent les finesses de l'œuvre, ses nuances, ses non-dits. C'est son métier.
Pour mieux connaître le dessinateur, il a couché avec sa femme, sa mère et sa fille. Il a assisté à ses séances de psychanalyse. Il a promené son chien. Il a nettoyé son appartement. Il a lu tous ses livres.
Les métiers cachés de la bande dessinée de Jean-Luc Coudray, dessins de Emmanuel Reuzé

Amusant aussi de retrouver – à l’heure de la grande controverse de l’expo de Bastien Vivès à Angoulème – un petit Titeuf tout nu avec un gros zizi. Cela pose-t-il problème ? Certes, le dessin est guère réaliste mais le zizi est quand même bien gros, non ?

Le nu de Titeuf révèle, de manière surdimensionnée, les deux éléments relationnels du corps, la tête et le zizi.
Nous découvrons dans cette radiographie une confirmation éclatante de la théorie freudienne qui affirme que le psychique et le sexuel sont à peu près la même chose.
Le tronc, les bras et les jambes, réduits à de simples fils de fer, ne sont que de modestes outils au service de la tête et du sexe.
Nous en déduisons ainsi que Titeuf est un être entièrement orienté vers autrui.
Les mauvais esprits qui penseront, au vu de son zizi imposant, que Titeuf serait projeté vers les autres par des pulsions égoïstes n'auront qu'à se souvenir que le sexe, au service de l'espèce et non de l'individu, est l'organe de l'altruisme.

Un petit moment bien sympa en trois parties. Les vrais-faux métiers, quelques hommages aux grands auteurs de la bande dessinée à la papa et finalement les faux-vrais métiers. Et même si j’aurais bien aimé y retrouver des personnages de comics, mangas ou d’autres plus contemporains, je n’ai pas boudé ces instants drôles

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une réflexion générale sur la bande dessinée par J.-L. Coudray illustrée par E. Reuzé et accompagnée de photos anciennes légendées et détournées

Mademoiselle Baudelaire

A la suite des cahiers préparatoires Baudelaire, voici l’impressionnant résultat. Un chef-d’œuvre aux dessins oniriques et érotiques avec quelques pleines pages époustouflantes ! Une histoire qui a gagné en consistance et cohérence, un dessin qui a pris encore plus de force et de matière et des personnages plus incarnés et vivants dans une époque plus réaliste.

Mademoiselle Baudelaire de Yslaire

Un résultat beaucoup plus sexuel que les cahiers – en tout cas dans la première partie – pour terminer dans une sombre torpeur.

Une histoire racontée par Jeanne Duval, Vénus noire adorée et détestée, muse sulfureuse. Une passion violente ; sous le regard réprobateur de la mère de Charles, l’aigre Madame Aupick.

Jeune modèle, drapée de velours noir, les cheveux défaits
Nadar (1820-1910). Photographe
[Jeanne Duval]
gallica.bnf.fr

Et si quelques pages un peu moins folles ou une typo un peu lassante m’ont chagriné, cette Madame Baudelaire témoigne magnifiquement de la puissance d’un embrasement venimeux qui ne sut s’éteindre

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Madame Aupick,
À vous, je peux le dire qui me demandez qui je suis.
Mais, au risque de paraître orgueilleuse,
aucun lecteur des Fleurs du mal n'oubliera
la Vénus noire de Charles Baudelaire,
la muse immorale, damnée du plus grand des poètes maudits.
Oui, c'est moi, la belle ténébreuse, cette chère
indolente, qui marche en cadence, belle d'abandon,
comme un serpent qui danse...


Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et l'ombre portée de son (oeuvre plane sur celle d'Yslaire depuis ses origines.

C'est Jeanne Duval, la femme que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie comme narratrice pour revisiter la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal. De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien : il reste une photo de Nadar non authentifiée, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, et surtout les poèmes qu'elle lui a inspirés. Jeanne, « c'est l'invisible de toute une époque » qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Stigmatisée comme mulâtresse, surnommée « Vénus noire », elle aimante tous les préjugés d'un siècle misogyne et raciste. Mais c'est avant tout une histoire d'amour, âpre et sensuelle, destructrice et illuminée, dont s'empare Bernard Yslaire. Avec pertinence et maestria, son trait aiguisé ravive le parfum de scandale et la sexualité crue d'une poésie en quête d'absolu. Avec cette Mademoiselle Baudelaire, l'artiste signe ici son chef-d'oeuvre de la maturité.

Rendez-vous

Martina (ou presque Martina) a la cinquantaine. Déjà, ça commence pas trop bien. Seule et pas super à l’aise avec ses paupières et elle même. Les solutions ? Tinder et un psy ! Mais un psy plutôt original qui l’invite à rechercher sa force dans des oeuvres d’art. Direction Martigny, New-York, Vienne ou Amsterdam. Pour ce qui est de Tinder, ça sera direction Paris.

 - Vous me prescrivez d'aller voir Le Faux Miroir de Magritte à New York. Indépendamment du fait que ce sera plus coûteux que des pilules roses vendues par la big pharma helvétique, ce qui n'est pas peu dire, le résultat risque d'être au moins aussi aléatoire non ?
 - C'est comme pour tout traitement. Le secret n'est pas dans le médicament lui-même, mais dans le rapport bénéfice-risque. Vous avez à mon sens plus de chance que ce voyage et cette rencontre avec Magritte vous fassent du bien que d'ingérer une molécule pendant des mois sans rien transformer dans votre vie ou plutôt, dans votre vision de la vie.
Rendez-vous de Martina Chyba

Un livre très drôle (en tout cas au début) avec une écriture pleine d’autodérision et de fatalisme enjoué. Puis, petit à petit, Martina entre dans la viande, le dur… La vie n’est jamais simple longtemps.

Petit.
Je le regarde et il me regarde.
Comment ce que je vois peut-il me donner de la force?
Un tableau peut-il murmurer? Oui, définitivement, il peut. Et voici ce qu'il dit: arrête de tout voir toujours en noir, d'imaginer une guerre nucléaire à chaque coin de rue, de croire que tu vas te retrouver à la rue, sans boulot, sans enfants, sans amour, sans rien d'autre que tes articulations pourries, ton hypertension et ton cerveau déréglé qui te feront souffrir, arrête de croire que tu mourras seule bouffée par ton chat ou que tu finiras dans une maison de retraite avec repas à 17h30, extinction des feux à 19 heures et extinction définitive au bout de dix-huit mois en moyenne.

Un titre très amusant qui peut donc se comprendre de plusieurs manières. Parle-t-elle de ses rendez-vous ou est-ce une invitation à se rendre, à accepter sa vie et cesser le combat ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mon gynécologue est un homme charmant. C'est le seul homme de ma vie devant lequel je me suis intégralement déshabillée après seulement cinq minutes de discussion.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai rendez-vous. Avec un homme. Au bas des marches du Sacré- Coeur, à Paris. Je ne le connais pas. C'est un site de rencontres qui nous a mis en contact par erreur. Il va peut-être me découper en rondelles et on ne découvrira jamais mon corps. Ou passer la nuit avec moi et disparaître. Ce n'est pas gagné. Mais ce n'est pas perdu non plus. Il faut essayer.

Je fais partie d'une génération pathétique, révoltée contre rien mais fatiguée de tout, persuadée d'avoir trente ans dans sa tête et dans sa chair, mais désespérée d'en avoir cinquante dans ses artères et dans son job.

J'ai rendez-vous. Avec moi-même. Et pour m'aider, j'ai un psy. Comme les autres, il prescrit des traitements. Mais ce ne sont ni des antidépresseurs, ni des anxiolytiques, ni des somnifères, ni des tisanes, ni des séjours en clinique, ni des stages de méditation.

Mon psy à moi ne prescrit que des oeuvres d'art. Et me demande de les contempler dans les musées en me posant une seule question : Comment ce que je vois peut-il me donner de la force ? »

L'héroïne de ce roman, inspirée par le vécu de l'auteure, cumule les rôles et les défis, entre travail, enfants, deuils, années qui passent, déménagement et amours compliquées. Avec un seul objectif : rester vivante, toujours. Ce livre plein d'humour et sans complexe nous aide à avancer (car ce n'est pas comme si on avait le choix, n'est-ce pas ?) en explorant le pouvoir réparateur des oeuvres d'art

Malax

Que raconte Malax ? Eh bien, ce n’est peut-être pas le plus important à savoir dans ce petit livre. Pour faire court, l’inspecteur Jean enquête sur une mort suspecte.

 - Tu ne regardes pas le film ? s'étonne Juliette.
 - Je n'aime pas le sang.
 - Ce n'est pas handicapant pour un inspecteur ?
 - Je connais un jardinier sujet au rhume des foins, un boulanger allergique à la farine et un ingénieur affligé de dyscalculie. Le pont n'est tombé, le pain est croustillant et le jardin en fleurs.
 - Je n'ai dit que tu faisais mal ton travail. Seulement que tu dois parfois souffrir.
 - Pas tellement. Les gens sont de plus en plus propres. Ils préfèrent une mort aux médicaments plutôt qu'aux armes. Peut-être parce que les médicaments sont remboursés par l'assurance.
Malax de Marie-Jeanne Urech

Mais savoir ça ne permet guère de comprendre ce qui vous arrive en lisant cette histoire surréaliste et absurde.

 - Pensez-vous qu'il se soit suicidé en apprenant son licenciement ? lui demande le supérieur.
 - On ne sait pas encore s'il a été licencié. Dans l'affirmative, pourquoi aurait-il souri avant de mourir ?
 – Parfois, c'est un tel soulagement de quitter le monde du travail, lâche le supérieur en frottant nerveusement sa médaille.
 - On aurait trouvé des traces de cyanure dans sa bouche ou tout au moins une odeur de médicaments, objecte l'inspecteur Jean.
 - Vous oubliez le trou dans le bras. Il s'est peut-être administré une substance dans les toilettes du Bâtiment des Forces Générales.
 - Souhaitez-vous que je passe les toilettes au peigne fin ?

Bienvenue dans un monde où rien n’est à sa place, comme un rêve sous acide après avoir lu 1984 à la sauce Brazil de Terry Gilliam. Tout semble normal mais rien ne l’est. Tout semble fonctionner mais rien ne marche. Tout le monde semble sensé mais rien n’est logique… Une balade sous surveillance, hallucinée et hilarante, dans une nonsense City

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sourire aux lèvres, un homme s'écroule sur la chaussée, mort. Dans ses poches, un billet de dix francs, une clé, un stylo, un roman de gare, un dé à coudre, mais pas d'identité. Le temps presse. Bientôt, il faudra retirer le corps du frigo pour y placer la dinde de Noël de la Brigade. L'inspecteur Jean ne négligera aucune piste pour offrir une sépulture à celui que la science nommera Pierre comme ces squelettes préhistoriques que l'on rend humain d'un simple prénom.
Une enquête urbaine, labyrinthique, hasardeuse et qui de façon improbable aboutit. Un univers noir, sombre, enté de rares couleurs chaudes, une narration froide qui rapidement gagnent notre sympathie, nous retiennent. Des personnages lointains, insolites, hésitants, affairés à des affaires absurdes et auxquels on s'attache

Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune

Oui, navrants ! Nous sommes navrants !

Art de vivre
Le hygge
L'hyperconnexion
Le culino-champêtre
La mompreneuse
Bien-être
#happy
La pleine conscience
La sylvothérapie
La détox
Mode
La fashtivisme
La mode ethnique
La mode digitale
Le greenwashing
Déco
Le style poorgeois
Le minimalisme/maximalisme
Airspace
Le rangement
Radicalité
Le survivalisme
Le hikikomori
Le métavers
Tendances : plaidoyer pour ne plus en suivre aucune de Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau

A vouloir être « nous-même » tout en cherchant à ressembler à … (à qui d’ailleurs ?). A nous regarder le nombril pour y trouver notre richesse intérieure. A acheter notre aura pour mieux étaler notre humilité…

Florilège d'objets connectés navrants
Hydratesparke, une bouteille d'eau intelligente qui « brille pour vous assurer que vous n'oublierez plus jamais de boire de l'eau ». Pour seulement 63 euros.
Kerastase Hair Coach, la brosse à cheveux intelligente et suréquipée (d'un gyroscope, d'un accéléromètre et d'un micro) qui vous dit comment vous brosser les cheveux.
Slide, le petit boîtier à 300 euros qui permet d'ouvrir ses rideaux avec son smartphone.

Un livre qui m’a souvent fait penser à l’excellent Développement (im)personnel de Julia de Funès. Démontage en règle de tous ces manuels, tous ces gourous, toutes ces tendances qui nous promettent le bonheur en nous vendant leurs techniques et merdouilles éphémères et standardisées (tout en salopant, exploitant, détruisant et exterminant en toute hypocrisie). L’industrialisation de nos tristesses ou comment tirer profit des misères humaines.

La réponse est dans un article du site américain The Verge, « Welcome to Airspace », de Kyle Chayka. Ou quand la décoration résulte d'algorithmes. Dans son texte, l'auteur se demande dans quelle mesure la Silicon Valley contribue à rpandre la même esthétique stérile à travers le monde. Tout à coup, on est saisi et l'on se rend compte en effet que les espaces se ressemblent de plus en plus malgré des propriétaires qui claironnent à tous vents décorer leurs intérieurs en fonction de leur personnalité, pour obtenir quelque chose qui leur ressemble vraiment, quoi... Mehdi se précipite sur tous ses magazines préférés, de Milk à Kinfolk et The Socialite Family, là où justement il se souvient avoir aimé ceci, moins cela, annoté et plié des pages pour y revenir

Un essai salutaire et hilarant d’une triste société consternante d’individualisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le monde va mal. Ceux qui l'habitent, pas ouf. « L'environnement », comme un écran psychiatrique sur lequel nous autres humains projetons nos névroses, déversons nos poubelles, crachons notre détresse, se détériore dans des proportions jamais atteintes et
qui menacent jusqu'à la survie de l'espèce.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quel est le point commun entre une architecte qui cherche son salut dans les plaids molletonnés, une jeune active qui tente de reprendre pied en enlaçant des arbres, une grande bourgeoise autoproclamée styliste qui fait bénir ses « créations » par un chaman, un trentenaire qui ingurgite des jus verts dans l'espoir de purifier son corps, accessoirement son âme, et une femme au foyer qui range compulsivement pour ne pas s'effondrer sous sa charge mentale ? Tous sont victimes des tendances.

Omniprésentes et insidieuses, sur nos écrans et dans nos magazines, suivies ou subies, elles se présentent comme des solutions miracles à tous nos maux. Un burn out ? La pleine conscience ! Un couple en crise ? Le minimalisme ! De l'éco-anxiété ? Le greenwashing ! Les tendances sont surtout des symptômes, ceux d'une époque où la religion consumériste fait marcher sur la tête, scier la branche sur laquelle on est assis, et chercher désespérément un sens qui se dérobe de plus en plus.

Dans ce faux guide de développement personnel, Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau démontrent sans jugement et avec beaucoup d'humour qu'il est essentiel d'arrêter de se soumettre à ces injonctions absurdes qui, en prétendant nous tendre les clés du bonheur, font de nos vies des simulacres. Et affirment qu'alors tout ira mieux !

La folle de Maigret

Maigret fait aussi des erreurs ! Et là, une petite vieille – la folle – va en faire les frais.

Il y avait des moments où sa dureté presque masculine n'était pas tellement antipathique et pouvait passer pour de la franchise. Elle n'était pas belle. Elle n'avait jamais été jolie. L'âge l'épaississait. 
Pourquoi ne revendiquerait-elle pas le même droit que les hommes qui, dans son cas et dans sa position, s'offrent des aventures? Elle ne se cachait pas. Elle recevait chez elle ses amants d'une nuit ou d'une semaine. 
La concierge les voyait entrer et sortir. Les autres locataires devaient être au courant.
La folle de Maigret de Georges Simenon

Dans cet opus qui compte parmi les dernier (mais aussi dans bien d’autres) il est intéressant de voir l’importance du « qu’en dira-t-on » et de son traitement par Simenon. Maigret qui n’ose pas embrasser sa femme sur un banc, mais qui – flegmatique – souligne les injustices faites aux femmes qui sont jugées bien plus sévèrement que les hommes ainsi que nombre de petites hypocrisies.

 - Oui, avoua-t-il. Et j'avais envie, au moins une fois dans ma vie, de m'asseoir sur un banc. 
Il ajouta vivement:
 - Surtout avec toi. - 
Tu n'as pas beaucoup de mémoire.
 - Cela nous est arrivé ?
 - Pendant nos fiançailles, sur un banc de la place des Vosges. C'est même là que tu m'as embrassée pour la première fois.
 - Tu as raison. Je manque de mémoire. Je t'embrasserais volontiers, mais il y a vraiment trop de gens autour de nous.
 - Et ce n'est plus tout à fait de notre âge, n'est-ce pas ?
 Ils ne rentrèrent pas dîner. Ils allèrent manger dans un restaurant qu'ils aimaient et où ils allaient de temps en temps, place des Victoires.

Simenon féministe ?

Maigret 100/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'agent Picot se tenait en faction du côté gauche du portail, quai des Orfèvres, tandis que son camarade Latuile se tenait du côté droit. Il était environ dix heures du matin. On était en mai ; le soleil était vibrant et Paris avait des couleurs pastel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La police n'en finirait pas, si elle devait tout prendre au sérieux. Par exemple, les craintes de cette vieille dame, à l'évidence un peu dérangée, qui prétend être suivie et ajoute que des objets bougent chez elle...
Pourtant, Léontine de Caramé est bel et bien retrouvée assassinée dans son appartement. Maigret doit-il soupçonner Angèle, qui ne fréquentait guère sa vieille tante que dans l'espoir de toucher l'héritage ? Y a-t-il un lien entre cette affaire et le subit départ pour Toulon du Grand Marcel, barman bien connu de la police et amant d'Angèle ? Il n'y avait pas d'argent chez Léontine lorsqu'elle a été tuée.
Mais les tiroirs des vieilles dames renferment parfois des secrets autrement surprenants...